Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 17 octobre 2018 à 10h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion débute à 10 heures 50.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

À l'issue d'une visite, en trois groupes thématiques (orientation, traitement des troubles psychiatriques, détention), du centre pénitentiaire de Fresnes, la Commission procède, sur place, à un échange de vues sur les thématiques de la surpopulation pénale, l'exécution et l'aménagement des peines, le dispositif des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS).

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Je vous remercie, chers collègues, d'être présents aujourd'hui au centre pénitentiaire de Fresnes, où notre Commission se réunit pour la première fois « hors les murs » de l'Assemblée nationale. C'est le signal, donné à l'administration pénitentiaire et à ses agents, à la justice et aux détenus, que la représentation nationale est soucieuse des sujets qui les concernent, ce pourquoi nous avons voulu venir nous rendre compte sur place de la situation et écouter ceux qui la vivent.

Notre visite prolonge les travaux engagés par la commission des Lois il y a presque un an : le 6 novembre 2017, chaque commissaire s'était rendu dans les établissements pénitentiaires de sa circonscription. Un large échange de vues a suivi, qui m'a conduite à organiser des auditions puis des groupes de travail sur la détention, dirigés par trois vice-présidents de la Commission. MM. Philippe Gosselin et Stéphane Mazars sont à mes côtés ; Mme Laurence Vichnievsky déplore d'être empêchée. Vous pouvez compter sur nous : nous poursuivrons ces travaux.

Je remercie les personnes qui sont à nos côtés et qui ont accepté de débattre avec nous : M. Laurent Ridel, directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris ; M. Philippe Obligis, directeur du centre pénitentiaire de Fresnes ; Mme Marie Deyts, directrice du service pénitentiaire d'insertion et de probation du Val-de-Marne ; M. Ludovic Fossey, premier vice-président du tribunal de grande instance de Créteil, chargé de l'application des peines ; Mme Myriam Delivert, vice-présidente chargée de l'application des peines ; M. Alain Saffar, procureur adjoint près le tribunal de grande instance de Créteil ; M. Jérôme Piques, vice-procureur chargé du service de l'exécution des peines près le tribunal de grande instance de Créteil ; Mme Véronique Sousset, directrice de cabinet du directeur de l'administration pénitentiaire.

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Je me félicite de cette première séance « hors les murs » de notre Commission. Elle est certes symbolique, car nul ne peut prétendre embrasser en quelques heures les multiples sujets à traiter. Il n'empêche : toutes les sensibilités politiques représentées à la commission des Lois ont la volonté affirmée de travailler en bonne intelligence dans l'intérêt collectif. La question pénitentiaire est une question de société et la punition qu'est l'emprisonnement doit permettre, dans l'intérêt des détenus et de la société, la réinsertion et la prévention de la récidive. Le centre pénitentiaire de Fresnes traite aussi de la question, majeure, de l'évaluation de la radicalisation, selon une méthodologie qui pourrait être éventuellement reprise et complétée ailleurs. Nos approches et nos conceptions politiques peuvent différer, mais nous avons le devoir d'essayer de les faire converger pour traiter de ces questions dans l'intérêt commun.

C'est donc une initiative bienvenue que de nous inviter à nous réunir dans cet établissement ancien qui, à rebours de certaines idées reçues, est bien tenu, en dépit d'un taux d'occupation de 204 %. Je remercie direction et personnel de nous accueillir. Nous, députés, ne devons pas rester enfermés dans une tour d'ivoire mais aller davantage sur le terrain pour favoriser une approche plus concrète ; nous avons commencé de le faire et nous continuerons.

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Nos travaux sur la détention ont donc débuté par la visite des lieux de détention situés dans nos circonscriptions ; en ce qui me concernait, il s'agissait de la petite maison d'arrêt de Rodez – c'est un saut de venir au centre pénitentiaire de Fresnes ! Entre-temps, nous avons visité d'autres centres de détention, dont celui de Mayotte. C'est une initiative salutaire que d'aller en ces lieux méconnus, parfois décriés, et où le personnel fait, hors la lumière des projecteurs, un travail remarquable auprès de publics compliqués, sans une juste reconnaissance de la population. Il est important que nous nous en fassions les médiateurs à l'extérieur.

Nous avons à nouveau constaté ce matin que la prise en charge des soins psychiatriques en milieu carcéral est un problème difficile ; elle est faite ici avec des méthodes innovantes. Que vont faire, se demandera-t-on peut-être, des parlementaires dans les lieux de détention ? J'ai participé à la rédaction du rapport relatif à la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques. L'une de nos préconisations était que l'on impose des soins psychiatriques aux détenus dont l'état le commande ; actuellement, cela ne se peut, alors que c'est possible en milieu libre. L'équipe soignante que nous avons rencontrée aujourd'hui nous a dit la nécessité de modifier les dispositions législatives en ce sens. Nous espérons nourrir le projet de loi à venir des réflexions provoquées par cette visite.

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Laurent Ridel, directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris

Je vous remercie d'avoir décidé cette visite. L'administration pénitentiaire a pour objectif la prévention de la récidive, de façon à concilier réinsertion et sécurité. C'est le coeur de notre action et, en milieu ouvert comme en milieu fermé, nous cherchons à faire que le temps passé en détention soit utile à cet objectif.

Je tiens aussi à évoquer devant vous la question de la dignité des détenus. La prison est devenue un lieu de droits, ce qu'elle n'était pas lorsque j'ai commencé ma carrière. Le respect de ces droits consacrés par la loi pénitentiaire et par le Conseil de l'Europe est protégé par le juge administratif mais il est encore imparfait, comme en d'autres lieux de la République, et nous pouvons progresser.

À cet égard, il faut tordre le cou à l'idée fausse selon laquelle ce que l'on fait pour les détenus l'est au détriment du personnel ou contre lui. Trente-cinq années d'expérience me permettent de vous dire que non seulement il n'en est pas ainsi, mais que des conditions de vie dignes pour les prisonniers ont des répercussions favorables pour le personnel. J'en donnerai deux exemples. Le premier est celui des unités de vie familiale ; les organisations syndicales, qui, initialement, s'y opposaient, y sont à présent tout à fait favorables car cela contribue à la réinsertion mais aussi à l'amélioration du climat en détention. Le deuxième exemple concerne les douches : on constate qu'au sortir de l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), l'un des critères des demandes d'affectation est la présence de douche en cellule, car cela évite des tensions avec les détenus. On le voit, l'intérêt des prisonniers rejoint celui du personnel. Il faut une vision globale des problèmes qui se posent au personnel, auquel je rends hommage ; il travaille, à Fresnes, dans des conditions épouvantablement compliquées, vous l'avez constaté.

Je me dois aussi d'insister sur l'indispensable lien entre politique pénitentiaire et politique pénale ; or, nous subissons beaucoup et ne décidons guère. L'approche retenue dans la loi pénitentiaire, parce qu'elle lie les deux, est la bonne.

Le pragmatisme impose une vision mesurée des choses et l'adaptation de la réponse pénale aux différents publics. Une part de répression est nécessaire mais une réponse pénitentiaire uniquement carcérale serait erronée, en termes d'utilité sociale comme sur le plan budgétaire. Une place en milieu fermé coûte quelque 300 000 euros, montant auxquels s'ajoutent 100 euros au minimum par journée de détention. Il faut réserver la réponse carcérale aux cas les plus lourds et en adapter les modalités en fonction des détenus.

Á ce sujet, l'évaluation des détenus suppose aussi une approche pragmatique, non idéologique, permettant d'insérer la personne détenue dans un parcours d'exécution de peine. Les individus peuvent évoluer, en bien ou en mal, et il faut en tenir compte.

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Marie Deyts, directrice du service pénitentiaire d'insertion et de probation du Val-de-Marne

Le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) du Val-de-Marne suit 3 500 personnes en milieu ouvert avec des aménagements de peine. Ce service compte 145 personnes, dont 80 conseillers de probation. Ils interviennent pour moitié à Fresnes et pour moitié au siège, à Créteil.

Pour préciser les considérations budgétaires rappelées par M. Laurent Ridel, j'indique que le coût d'une journée de détention est estimé entre 100 et 110 euros, qu'il est de 5 euros en milieu ouvert et de quelque 12 euros pour un condamné sous surveillance électronique. L'écart de coût annuel entre une surveillance électronique et une détention à Fresnes est donc de 35 000 euros. Si l'on allouait au SPIP ces 35 000 euros annuels par personne accompagnée au cours de l'exécution de sa peine, pour travailler dans tous les champs de la prévention de la récidive – évaluation, accès aux droits, hébergement, insertion professionnelle – qui sont les mêmes en milieu ouvert et en milieu fermé, nous obtiendrions de meilleurs résultats dans la réalisation de notre objectif : la sortie de la délinquance.

Nous avons mis au point, dans le Val-de-Marne, des dispositifs d'accompagnement destinés à construire l'aménagement de la peine. Est notamment mis en oeuvre à Villejuif, dans la partie « quartier de placement extérieur », un programme doté de moyens importants, dont M. Ludovic Fossey a été l'un des créateurs. Il permet chaque année à soixante-dix personnes qui, parce qu'elles n'ont ni possibilité d'hébergement, ni projet de sortie mais des addictions et un parcours de délinquance fourni, auraient eu peu de chances d'obtenir un aménagement de peine, d'y parvenir grâce à un accompagnement intensif associant dix-sept partenaires – et cet aménagement dure jusqu'au terme de la peine, ce qui est un progrès. Ce type de structure est intéressant.

Plus généralement, je suis favorable à l'idée que, lorsque la peine prononcée est inférieure à un an d'emprisonnement, son exécution se fasse majoritairement en milieu ouvert. Vous avez constaté ce que sont les conditions de détention et les moyens dont dispose l'administration pénitentiaire pour accompagner les détenus. L'efficacité de l'action sera bien meilleure si les condamnés sont accompagnés en milieu ouvert plutôt qu'en milieu fermé.

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Ludovic Fossey, premier vice-président du tribunal de grande instance de Créteil, chargé de l'application des peines

Dans le Val-de-Marne, 400 personnes environ sont placées sous surveillance électronique hors les murs, 150 environ sont en semi-liberté et 25 en placement extérieur, et nous manquons de places dans les structures d'accueil associatives, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale.

Je suis très attaché à la notion de « prison utile » : une prison dans laquelle le condamné devient acteur de sa peine. C'est très difficile en cas de surpopulation, comme à Fresnes où le détenu doit demander toute chose, sans jamais avoir aucune autonomie. Le centre de détention de Mauzac, où l'on privilégie la détention en régime ouvert, est le contre-exemple de celui de Fresnes. Tout l'intérêt est de responsabiliser les individus, de les conduire à faire des choix. C'est ainsi que la prison peut leur être utile ; elle ne saurait l'être quand même pour prendre une douche il faut demander une autorisation. Il est difficile d'être responsable de soi-même dans de telles conditions.

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Alain Saffar, procureur adjoint près le tribunal de grande instance de Créteil

Le parquet de Créteil est hautement sensibilisé à la situation du centre pénitentiaire de Fresnes et au fait que le quartier des hommes est occupé à 200 %. Un tableau hebdomadaire indiquant le taux de surpopulation est diffusé aux magistrats pour que chacun soit conscient, au moment de requérir une peine et de définir ses modalités d'application, que la situation est extrêmement tendue dans cet établissement. Nous essayons aussi d'ouvrir au maximum l'éventail des réponses pénales à la délinquance, dont le niveau est très élevé dans le Val-de-Marne, et de diversifier autant que possible les solutions offertes aux magistrats. J'ajoute que le parquet de Créteil n'est à l'origine que de la moitié des écrous, l'autre moitié étant ordonnée par les juridictions de l'Île-de-France, Paris notamment ; nous espérons que la réouverture de la prison de la Santé permettra de décongestionner l'établissement de Fresnes.

Même quand la juridiction a opté pour une peine d'emprisonnement, nous essayons de mettre au point l'aménagement de la peine préalablement à l'incarcération en saisissant le juge d'application des peines pour qu'il étudie avec le condamné les modalités selon lesquelles la peine s'exécutera. La proportion d'aménagements de peine est très élevée lorsque le condamné se présente devant le juge d'application des peines mais il arrive que les condamnés ne se présentent pas, soit qu'ils ne le souhaitent pas, soit que, assez souvent compte tenu des délais d'exécution, ils aient changé d'adresse et que la convocation ne les atteigne pas. Il arrive aussi que le juge rejette l'aménagement ; même en ce cas, si la personne considérée est interpellée ultérieurement, on s'efforce de le renvoyer une seconde fois devant le juge d'application des peines. Nous essayons autant que possible de pousser aux aménagements de peine, mais la grande masse de détenus incarcérés à Fresnes est cause de blocages et de ralentissements qui ne permettent pas que tous les détenus bénéficient de ces dispositifs.

D'autre part, la loi de 2014 relatives à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a permis la liberté sous contrainte pénale, mécanisme d'application encore timide que le projet de loi de réforme de la justice propose d'élargir. J'espère qu'il en ira ainsi et que la possibilité d'aménagement en fin de peine sera amplifiée.

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Je salue l'initiative de Mme la présidente. Nous regrettons de ne pas avoir le temps d'aller plus souvent sur le terrain ; il est positif de visiter le centre pénitentiaire de Fresnes et j'invite mes collègues à revenir en petit comité.

J'ai entendu ce matin dire bien des choses que nous sommes beaucoup à tenir pour des évidences : on incarcère trop ; les détenus n'ont pas assez d'activités ; on n'est pas suffisamment axé sur la prévention de la récidive. Permettez-moi d'observer que l'on ne peut pas dire que la détention coûte trop cher et que l'exécution des peines en milieu ouvert donne des résultats probants pour un coût moindre, et décider pour conclure que l'essentiel de l'augmentation prévue dans le projet de loi de la justice pour 2019, qui n'a jamais été aussi élevée selon la majorité, sera consacrée à l'incarcération, alors que les mêmes moyens devraient être alloués à des alternatives à cette peine. Je suis favorable à la création d'une peine autonome qui ne peut se résumer au bracelet électronique. De même, on affirme vouloir rendre la prison utile mais le projet de budget réduit de 31 % les subventions aux associations sportives et culturelles en détention, ce qui est contradictoire. Les constats que nous faisons ensemble ne doivent pas se traduire par des arbitrages inverses de ceux qui devraient être faits.

Pour les placements à l'extérieur, les places manquent et le tissu associatif ne parvient plus à sécuriser ces ressources. Certes, ce budget augmente dans le projet de loi de finances pour 2019 mais il demeurera néanmoins inférieur de 15 % à ce qu'il était dans le projet de loi de finances pour 2017. Si l'on veut faire une priorité des peines alternatives à l'incarcération, les structures associatives qui ont monté des projets doivent savoir qu'il y aura un financement à la clef. Et que dire de la « galère » dans laquelle se trouvent les associations qui s'occupent des aménagements de peine, et qui doivent en passer par une multitude d'interlocuteurs différents ! Il est du devoir du législateur de proposer des améliorations. Enfin, si l'on veut véritablement axer l'action sur la prévention de la récidive pour limiter la délinquance, on ne peut se satisfaire qu'il y ait 20 000 personnes en détention provisoire en France. Est-il nécessaire, messieurs les magistrats, qu'elles soient aussi nombreuses ? Je n'en suis pas sûr.

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Je remercie à mon tour Mme la présidente pour cette initiative. Un chemin a été parcouru depuis quelques années, et si la population attend toujours un peu plus de sécurité, elle considère désormais que la mission première de la détention est de permettre la réinsertion. Le groupe d'étude sur les prisons et les conditions carcérales de l'Assemblée nationale, que je co-préside, a souligné que conditions de travail des surveillants et les conditions de détention vont de pair, et les effets de la surpopulation carcérale le démontrent. Le sujet est donc de moins en moins clivant, dans le monde politique comme dans le monde judiciaire : nous voulons tous aller vers davantage de réinsertion. Je me dois néanmoins de faire observer à notre collègue Bernalicis que vouloir améliorer le taux de réinsertion ne rend pas moins nécessaire la rénovation des établissements, au risque sinon d'une décrépitude aggravée ; qu'il veuille bien visiter la prison de Varces pour s'en convaincre. La création de postes dans les SPIP et de postes de surveillants passe également par le budget de l'administration pénitentiaire, mais nous n'avons malheureusement pas la baguette magique qui nous permettrait de trouver, en un an ou en dix ans, une place aux 14 000 détenus surnuméraires incarcérés en France. Les condamnés à de courtes peines ne doivent plus être emprisonnés ; c'est ce que proposera le projet de loi portant réforme de la justice. Mais, pour qu'il n'y ait plus dans les prisons françaises de détenus surnuméraires installés dans des conditions qui, pour dire les choses en termes choisis, frôlent l'indignité, nous avons aussi la responsabilité de donner à l'administration pénitentiaire les moyens de les loger dignement.

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Je remercie les personnalités qui nous reçus pour leur accueil et leurs explications. M. Ugo Bernalicis, les questions budgétaires sont très importantes, mais ce ne sont pas les seules. On ne saurait dire que les choses n'évoluent pas : au cours de notre visite du centre d'évaluation de la radicalisation, avant cette réunion, nous n'avons entendu parler que de prévention de la récidive, avec des méthodes qui se renouvellent sans cesse et une adaptation continue aux publics visés. Je félicite les membres de l'administration pénitentiaire pour ce travail essentiel, qui prend l'humain en compte dans l'évaluation des parcours personnels. L'avenir est dans le projet de loi qui favorise l'aménagement des courtes peines. Il y a donc un lien entre le travail fait ici et le chantier législatif : l'objectif est bien la punition et la prévention de la récidive, non le « tout carcéral ».

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J'ai été frappée, au cours de notre visite, ce matin, par l'impressionnant professionnalisme des équipes, qui se livrent à un travail de fourmi pour évaluer les détenus en longues peines. Vous avez indiqué, monsieur Saffar, que les chiffes de la surpopulation carcérale étaient régulièrement communiqués aux magistrats ; comment cela influence-t-il leurs décisions ? En creux, s'il y avait davantage de places disponibles en détention, leurs décisions en seraient-elles aussi influencées ? D'autre part, il nous a été dit ce matin que l'évaluation de la radicalisation dure six semaines à l'arrivée des détenus, mais l'évaluation de la radicalisation en fin de peine a été peu évoquée ; qu'en est-il ?

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Alain Saffar, procureur adjoint près le tribunal de grande instance de Créteil

Je confirme que les chiffres de la population carcérale sont pris en compte par le magistrat du parquet pour orienter sa réquisition, sachant que, au terme du processus judiciaire, ce n'est pas lui qui décidera de la sanction prononcée. Mais nous devons répondre à un niveau de délinquance très élevé et, dans certaines situations, en dépit de la prise en compte de la surpopulation carcérale, il nous apparaît que la peine de détention est la réponse appropriée à l'acte commis et au parcours antérieur de son auteur. Une infraction isolée risque beaucoup moins d'aboutir à une incarcération en la forme ordinaire que si elle est le fait d'un individu dont le casier judiciaire est long de plusieurs pages, voire dizaines de pages. Nous voulons offrir aux magistrats une variété de réponses pénales et aussi la possibilité de développer la procédure de comparution sur convocation par procès-verbal avec contrôle judiciaire, ce qui a pour double avantage de hausser le niveau de réponse et de raccourcir le délai de jugement. Là encore, si le contrôle judiciaire a été respecté et si aucune nouvelle infraction n'a été commise, on peut orienter la réponse pénale vers d'autres voies que l'incarcération en la forme ordinaire.

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Jérôme Piques, vice-procureur chargé du service de l'exécution des peines près le tribunal de grande instance de Créteil

J'ai entendu prononcer les termes « tout carcéral ». La réalité n'est pas celle-là ; les magistrats ne travaillent pas dans cette optique. Certes, la population pénale a augmenté, mais les tribunaux correctionnels et les cours d'assises ne sont pas des machines à incarcérer : tous les jours, la plupart des peines prononcées sont des travaux d'intérêt général (TIG), des sursis et des mises à l'épreuve. La surpopulation carcérale correspond malheureusement à une forte délinquance, souvent perpétrée par les mêmes individus. La lecture des casiers judiciaires de ceux qui sont détenus dans ces murs vous montrerait qu'ils ont déjà fait l'objet de cinq, dix, voire quinze condamnations. On n'incarcère pas à Fresnes des primo-délinquants : ceux qui sont ici sont des multi-multi-récidivistes. Je vous invite instamment à assister aux audiences de comparution immédiate, qui sont les plus grandes pourvoyeuses d'incarcérations immédiates : vous constaterez à la fois la gravité des faits jugés et l'ampleur du passif judiciaire des personnes incarcérées.

Il a été dit d'autre part que les magistrats ordonneraient de trop nombreuses détentions provisoires. Mais ces décisions ne sont pas prises par plaisir ou par idéologie ! Les magistrats qui ordonnent cette mesure le font en respectant le code de procédure pénale, et parce qu'ils craignent des pressions, des concertations... Tout cela est codifié. La décision prise l'est sur la base d'un texte et parce qu'elle répond à un impératif : oui, en cas d'interpellation en flagrant délit de commission d'un acte grave, si une information judiciaire est ouverte parce que la complexité de l'affaire le demande, on placera le justiciable en détention provisoire parce que cela répond aux critères fixés par la loi. Enfin, pour les affaires les plus graves, il est très compliqué de faire comprendre à l'opinion publique et aux victimes qu'un individu ayant commis un délit ou un crime est remis en liberté 48 heures après la commission de cet acte, dans l'attente de son procès.

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Laurent Ridel, directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris

Le cancer du surencombrement des prisons, phénomène compliqué, appelle plusieurs thérapeutiques : constructions et rénovations de places de détention mais aussi une autre philosophie pénale conçue pour redonner de la visibilité au dispositif pénal. Pour les peines encore dites alternatives à l'emprisonnement, il faut des réponses concrètes. La loi pénitentiaire dispose que l'emprisonnement est le recours ultime pour le magistrat et que, dès lors qu'il y a recours sans l'assortir du sursis, il doit immédiatement envisager l'aménagement de peine ; ce n'est pas cohérent, mais c'est ainsi. Le fait est que pour un certain nombre de personnes, passer quelques mois à la prison de Fresnes ne règle rien et illustre a contrario le fait qu'il faut donner aux administrations compétentes les moyens et la visibilité permettant d'organiser l'exécution des peines en milieu ouvert avec des aménagements de peine. J'ai vraiment du mal à comprendre que quelques dizaines de places soient vacantes dans les quartiers de semi-liberté de Versailles et Bois-d'Arcy alors que le ressort compte plus de 9 000 condamnés.

Des solutions de bon sens existent, qui supposent la mobilisation de la justice et d'autres acteurs. M. le préfet du Val-de-Marne, très impliqué dans ces questions, considère que les TIG donnent un sens à la peine. Comme il l'a fait lorsqu'il était en fonctions à la Martinique, il a développé des postes de TIG dans sa résidence, à la préfecture, il a convoqué les chefs des services de l'État – dont on constate qu'ils sont très peu pourvoyeurs de postes de TIG – et les maires. Le résultat de tout cela a été que le nombre de postes de TIG, qui stagne dans l'inter-région, a augmenté de 10 % en un an dans le département. C'est dire qu'indépendamment des réformes législatives, le volontarisme a des effets tangibles.

Les détenus radicalisés étant pour l'instant encore prévenus, leurs sorties sont encore en nombre marginal. Quand ils sont condamnés, ils exécutent leur peine seuls en cellule et un accompagnement professionnel adapté leur permet de travailler sur la sortie de cette idéologie mortifère. Les individus radicalisés ont des profils extrêmement variés – certains présentent des troubles psychiatriques, d'autres des problèmes d'insertion dans la société, d'autres sont des prosélytes – et des réponses adaptées à chacun sont nécessaires. Toute sortie est actuellement préparée au quartier d'évaluation de la radicalisation, et en prison ordinaire par une évaluation. La difficulté tient aux sorties brutales – lorsqu'un détenu sort, par exemple, un vendredi à 15 heures, qu'il bénéficie d'une libération sèche ou d'un suivi par le SPIP. Dans le second cas, la transmission à ce service des informations le concernant est immédiate ; il est alors convoqué la semaine suivant sa sortie et, lorsque le détenu est fiché pour terrorisme, les services de renseignement sont immédiatement alertés. La solution idéale consisterait en des dispositifs d'aménagement de peine très fortement contrôlés pour éviter des sorties de détention brutales. Mais, même si la contrainte imposée est très serrée, il y a une très forte réticence à instituer des aménagements de peine pour ces détenus en particulier ; cela peut se comprendre, car si jamais une récidive a lieu, elle sera très difficile à expliquer – alors même que la probabilité d'une récidive est plus grande si la sortie est sèche.

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Marie Deyts, directrice du service pénitentiaire d'insertion et de probation du Val-de-Marne

La surpopulation pénale à Fresnes a un impact sur les possibilités d'aménagement des peines. L'écart est tel entre le nombre de condamnés et celui des places en débat contradictoire que nous ne parvenons pas à tenir les délais fixés par la loi : il faut attendre six, dix et jusqu'à dix-huit mois un passage en débat contradictoire – c'est-à-dire pour qu'une demande soit simplement examinée. Il en résulte cette aberration que les demandes des condamnés dont la peine d'emprisonnement est inférieure à deux ans ne sont pas examinées ; ceux qui ont le plus de chance de bénéficier d'un aménagement de peine sont les condamnés aux peines les plus longues. Nous n'avons pas trouvé de solution pour surmonter cette difficulté.

Je souligne d'autre part que le dispositif défini dans le quartier d'évaluation de la radicalisation n'a aucune utilité si l'on ne fait rien ensuite. L'évaluation consiste à cerner les besoins d'intervention et le risque de récidive et à fixer ce que doit être la prise en charge. L'objectif est d'évaluer le risque de passage à l'acte violent et de définir le lieu d'exécution de la peine et le contenu de la prise en charge le plus adapté par des programmes ciblés, proposés aux détenus pour favoriser la sortie de la délinquance et de l'engagement religieux violent. Les établissements pénitentiaires et les SPIP ont créé des programmes en milieu ouvert qui fonctionnent avec le même personnel et sont fondés sur une prise en charge pluridisciplinaire ; dans le Val-de-Marne, 50 personnes condamnées pour des faits de terrorisme ou suivies pour radicalisation bénéficient d'un accompagnement en milieu ouvert.

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Alain Saffar, procureur adjoint près le tribunal de grande instance de Créteil

Mme Deyts a souligné que l'écart entre le nombre de détenus à Fresnes et le nombre de places proposées en débat contradictoire allonge démesurément l'attente avant une comparution. En revanche, on sait que la mesure de libération sous contrainte a pour avantage qu'elle peut intervenir systématiquement aux deux tiers de la peine, permettant que tous les condamnés voient leur situation examinée à ce moment. Mais je profite de la présence de la commission des Lois pour lui faire part de la difficulté technique à laquelle nous nous heurtons. Parce que, conformément à l'article 720 du code de procédure pénale, les deux tiers de la peine doivent avoir été exécutés pour que le juge d'application des peines examine la demande, il ne reste souvent, quand il le fait, que quelques semaines, et parfois quelques jours, avant que la peine arrive à son terme, ce qui réduit considérablement l'intérêt de la mesure. Aussi avons-nous sollicité la révision du texte, pour permettre au juge de prendre une décision de principe avant cette échéance ; la décision s'appliquerait quand les deux tiers de la peine ont été exécutés et le juge pourrait la rapporter si des incidents sont survenus entretemps.

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Nous examinerons ce point particulier. C'est aussi à cela que sert de venir sur le terrain.

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Il nous a été dit, au cours de la visite du quartier d'évaluation de la radicalisation, que près de cinquante terroristes islamistes sont incarcérés. Où en est la déradicalisation ? Selon certains spécialistes, la radicalisation serait un processus identitaire comme l'a été autrefois l'adhésion à la lutte armée dans d'autres idéologies. Qu'en penser ?

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La lutte contre la récidive est l'une des manières de réduire la surpopulation carcérale en fermant le robinet, mais ce n'est pas la seule. Les détentions provisoires sont généralement nécessaires, nous a-t-il été dit, pour des raisons de sécurité. Néanmoins, elles ne le sont peut-être pas toutes également sur l'ensemble du territoire : ainsi, à la prison de Brest, 25 % des personnes incarcérées le sont pour des délits routiers. Ce sont certes des multirécidivistes, mais est-ce la bonne solution ?

Il serait bon de s'interroger sur la dynamique de la peine : alors que toute la durée de l'incarcération devrait préparer la réinsertion du détenu, j'ai le sentiment que l'horloge se déclenche parfois tardivement et que l'on ne s'interroge sur ce point que quelques mois avant la sortie de l'établissement. Or, la vie en prison me semble être l'un des éléments permettant la réinsertion. Á la maison d'arrêt de Brest, j'ai été frappé par l'effet de l'application du module « Respect » : les détenus étaient dans un état d'esprit que je n'ai jamais vu dans d'autres centres pénitentiaires, avec un comportement remarquable, et capables de se projeter dans l'avenir. Ne faut-il pas développer ce module, et pour cela construire les nouveaux établissements dans cette optique ? Ainsi, à la prison de Brest, on a créé une petite cuisine pour les détenus, aménagée avec des bouts de ficelle parce qu'elle n'était pas initialement prévue dans les lieux ; le jour de mon passage, un des prisonniers faisait un gâteau pour ses codétenus. Je suis persuadé que ces initiatives simples participent à la création de lien social et à la réinsertion par la suite.

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Je remercie notre présidente et les organisateurs de notre visite. J'ai constaté le très grand professionnalisme à l'oeuvre – un travail méconnu, ce qui est peut-être l'une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons progresser aussi vite que nous le voudrions sur ces questions très sensibles. Nous prenons le bon chemin, dans la continuité de précédentes lois, mais le problème majeur tient aux moyens d'accompagnement : s'ils sont insuffisants, nous ne parviendrons pas à relever le défi qui se pose à nous. Un changement d'état d'esprit s'impose : il ne faut plus parler d'aménagement de peines mais de peines de probation, et dire à nos concitoyens qu'à côté des peines d'enfermement il y a d'autres peines, majoritairement prononcées, dont personne ne sait qu'elles existent. Ce courage est nécessaire, et cette transparence permettra d'en venir à prononcer des peines qui ne seront pas nécessairement des sursis à emprisonnement – ce qui nous obligera sans doute à doter les services chargés de l'exécution de ces peines des moyens dont ils ont besoin. Comme pour l'enfermement on prévoit des prisons – pas suffisamment, j'en conviens –, nous devons, pour les peines de probation, doubler l'effectif des SPIP. Cela n'apportera, à long terme, que des avantages à la société.

D'autre part, le dossier de personnalité ne devrait-il pas être constitué dès l'enquête préliminaire, pour diriger le condamné vers une peine de probation et non, nécessairement vers l'enfermement ? Sur le fond, la notion même d'aménagement de peine pose un problème : pourquoi ne pas prononcer d'emblée une peine à exécuter en milieu ouvert, sans que flotte le spectre de l'incarcération ?

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Je remercie nos hôtes pour leur accueil et je me réjouis d'avoir découvert ici des expertises et des activités spécialisées. Il y a une grande disparité dans les décisions d'aménagement de peine selon les juridictions ; que cela résulte d'un choix, du nombre de places disponibles ou des difficultés personnelles des condamnés – l'absence de ressources familiales, d'emploi, de logement –, cette question devra être retravaillée dans le texte à venir. Des écarts apparaissent aussi selon les lieux pour l'accès au travail en prison et en milieu ouvert, que ce travail soit proposé par des entrepreneurs ou par les services publics, en peine aménagée ou en suivi de détention. Enfin, quel rôle jouent les assistantes sociales dans le processus menant à la sortie ?

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Il a été question du sens de la peine. Il y a une raison à ce qu'un individu soit privé de libertés, mais il apparaît que le système ne fonctionne pas puisque les détenus ont en leur possession des téléphones portables qu'ils n'ont théoriquement pas la liberté d'avoir. Dans ces conditions, une réflexion s'impose pour déterminer si l'on entend ou non les priver de ce moyen de communication et s'il faut inventer un système uniforme et réellement applicable pour ne pas porter atteinte à la crédibilité des institutions judiciaires et pénitentiaires. En bref, faut-il l'interdire à tous ou à certains, et comment ? Il a été fait état devant nous ce matin de 1 500 passages en commission de discipline à ce sujet, et de la saisie de 1 700 téléphones portables – dont on considère qu'ils ne représentent que 30 % de ceux qui sont en circulation dans l'établissement. Cette situation est invraisemblable.

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Qu'en est-il de la réfection de la prison de Fresnes ? Á la suite des mouvements du personnel de l'administration pénitentiaire, en janvier dernier, des engagements avaient été pris à leur égard, notamment l'augmentation du montant de la prime de pénibilité et le renouvellement de certains équipements ; ont-ils été honorés ?

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Nous avons constaté que les détenus radicalisés ne sont pas séparés des autres détenus, et nous les avons entendu crier, ce qui indique qu'ils peuvent communiquer les uns avec les autres, et aussi avec des prisonniers qui ne sont peut-être pas incarcérés pour des faits de terrorisme ou soupçonnés de radicalisation. Je sais que c'est une difficulté pour le personnel pénitentiaire de ne pouvoir isoler ces prisonniers radicalisés qui, parfois, mettent leur peine à profit pour faire du prosélytisme.

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Laurent Ridel, directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris

Le défi de l'administration pénitentiaire, je l'ai dit, est de rendre le temps de prise en charge, à l'intérieur et à l'extérieur des centres pénitentiaires, le plus utile possible, sans ruptures. À l'intérieur des établissements, cela suppose de développer des activités qui aient un sens. Dans le passé, le législateur, en abordant la question pénitentiaire, a un peu trop insisté sur l'encellulement individuel. Bien entendu, le respect des personnes passe aussi par l'hébergement, mais être seul dans une cellule 24 heures sur 24 ne règle pas grand-chose ; il faut aussi que le temps de détention soit utile. Cela ne pose aucun problème à nos amis espagnols que les détenus soient deux par cellule, mais c'est qu'en Espagne on ne fait qu'y dormir : le reste du temps, les prisonniers suivent des activités visant à prévenir la récidive, et le travail peut en faire partie.

À ce sujet, je mets en garde contre la solution simpliste qui consisterait à appliquer dans les prisons le droit commun du travail. L'Italie l'a fait, et il n'y a plus un seul donneur d'ordres. Les entreprises doivent trouver un intérêt à faire travailler des détenus, et il faut garder à l'esprit que la plupart d'entre eux ont une employabilité très faible, ce qui renchérit en soi le coût du travail en détention. Il faut donc préférer une solution mesurée et équilibrée à une solution faussement magique.

Le module « Respect », qui comporte des obligations à assumer, rend les détenus acteurs de leur détention et doit être développé. On constate aussi que, là où il a été mis en oeuvre, les conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire sont grandement améliorées, car leur mission a un sens en termes qualitatifs.

Les conditions de détention des prisonniers radicalisés à Fresnes constituent une exception à la doctrine de l'administration pénitentiaire relative aux quartiers de prise en charge de la radicalisation, puisqu'ailleurs ces détenus sont isolés. L'architecture ancienne de la prison de Fresnes ne se prête pas à l'étanchéité, mais ces détenus sont placés en bout d'aile, les cellules ont été aménagées pour qu'ils aient le moins de contacts possible et ils sont toujours accompagnés lorsqu'ils sortent.

Le Président de la République est venu visiter cet établissement, où il est resté près de six heures. Il a constaté la vétusté des locaux, que le personnel s'emploie à rendre le plus propre possible. La décision de principe a été prise d'une restructuration lourde du centre pénitentiaire, mais le premier plan de rénovation des grandes maisons d'arrêt françaises date du gouvernement Jospin ; reste Fresnes. Un schéma de restructuration existe mais c'est une entreprise considérable en raison des normes qui doivent s'appliquer à un ensemble qui comprend, outre la maison d'arrêt proprement dite, 250 logements dont l'état est, à quelque chose près, le même que celui des cellules. Les projets immobiliers, en matière pénitentiaire, se font dans un temps long. Un créneau s'ouvre avec le programme immobilier contenu dans la loi de programmation et la réouverture de la prison de la Santé, qui permettra de délester un peu les locaux de Fresnes pour y faire des travaux en site occupé.

La radicalisation est un phénomène multifactoriel ; il y a autant de modalités de radicalisation que de personnes prises en charge. L'islam est-il devenu la forme moderne de la contestation ou s'est-il radicalisé ? Un peu les deux, sans doute. Selon les cas, on trouve à l'origine de la radicalisation des troubles psychiques, des questionnements identitaires, des questions existentielles ; parfois, on a à faire à des idéologues extrêmement dangereux. En se fondant sur la connaissance des personnes considérées, on détermine des modalités de leur prise en charge. À la sortie du quartier d'évaluation de la radicalisation, quatre solutions sont possibles en fonction du risque de dangerosité déterminé : le retour à la détention classique avec un suivi adapté ; le placement à l'isolement ; le placement dans les quartiers de prise en charge spécifique ; l'envoi dans un établissement de longue peine où l'on peut travailler globalement leur projet de peine et leur projet de sortie. J'ajoute que 80 personnes islamistes sont actuellement suivies par les SPIP de l'inter-région, et 220 probationnaires en milieu ouvert.

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Ludovic Fossey, premier vice-président du tribunal de grande instance de Créteil, chargé de l'application des peines

Le code pénal et le code de procédure pénale déterminent le choix de la peine, et quand une peine d'emprisonnement est décidée, elle doit s'exécuter. Mais les juges sont sensibles au contexte dans lequel ils prononcent les peines. En novembre, une visite sera organisée à Fresnes pour les juges qui viennent d'arriver au tribunal de Créteil, afin qu'ils prennent conscience des questions qui se posent. D'autre part, on essaye de prononcer des aménagements de peine ab initio, dès l'écrou.

On a évoqué les moyens de la justice et de l'administration pénitentiaire, mais je tiens aussi à parler des moyens de tous nos partenaires, puisque, pour obtenir des résultats en milieu ouvert, il faut non seulement mobiliser un SPIP mais aussi des institutions qui manquent elles aussi cruellement de ressources. C'est si vrai pour les centres médico-psychologiques, par exemple, qu'une personne qui a fait l'objet d'une injonction de soins doit parfois attendre plus de six mois pour obtenir un premier rendez-vous avec un psychiatre ! Il y a donc un fort risque de récidive, et si celle-ci a lieu, la probabilité est grande qu'une peine d'emprisonnement soit prononcée. Pour le reste, nous espérons que la réouverture de la prison de la Santé diminuera la charge qui pèse sur Fresnes.

Les condamnés en semi-liberté qui sortent tous les jours pour aller travailler ou suivre une formation sont privés de téléphone portable et d'ordinateur, ce qui est parfois une aberration – et s'ils en ont un, ils seront sanctionnés. Autant cela peut se comprendre en détention pour des raisons de sécurité, autant cela n'a aucun sens dans leur cas. Une évolution législative est nécessaire à ce sujet.

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Laurent Ridel, directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris

Je pense également qu'il faut lever l'interdiction de détention d'un téléphone portable dans les centres de semi-liberté mais qu'il est nécessaire de les interdire en établissement. Une évolution notable aura lieu dans quelques mois avec l'installation de zones tests pour un système de brouillage intelligent, à Osny et à la Santé. En compensation, des téléphones fixes seront installés dans les cellules. Cela fera baisser le coût des communications facturées aux détenus et leur permettra de converser au-delà de 18 heures avec leurs conjoints et leurs enfants, ce qui renforcera le maintien des liens familiaux et contribuera à prévenir les suicides.

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Véronique Sousset, directrice de cabinet du directeur de l'administration pénitentiaire

Conformément au relevé de conclusions de l'accord signé en janvier dernier, des avancées ont eu lieu, qu'il s'agisse, sur le plan financier, de la prime de fidélisation ou de la majoration de l'indemnité pour charge pénitentiaire et des primes de nuit ou, concernant les équipements, des dotations en gilets pare-balles et en tenues d'intervention, ce qui contribue à répondre aux demandes légitimes des organisations professionnelles.

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Alain Saffar, procureur adjoint près le tribunal de grande instance de Créteil

Pour déterminer la juste peine, les cours d'assises prennent le temps de juger les faits mais aussi la personnalité de l'accusé, parce qu'une enquête de personnalité a eu lieu. En correctionnelle, on se concentre beaucoup sur les faits ; on aborde nécessairement la personnalité, mais souvent sous le seul prisme du casier judiciaire. Il arrive heureusement que l'on dispose aussi, en comparution immédiate, des conclusions des enquêtes de l'Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale, mais hors ces cas, les seuls éléments de personnalité portés à notre connaissance sont ceux que l'accusé veut bien livrer, ou son avocat – et il n'a pas toujours d'avocat.

L'un des éléments pris en considération par les juges d'application des peines est l'évolution de la personnalité de l'intéressé – selon qu'au fil du temps sa violence est allée crescendo ou que la trajectoire est inverse. Dans le second cas, il peut plus facilement accorder un aménagement de peine.

Sur la probation, il y aurait beaucoup à dire. La contrainte pénale a eu peu de succès – même à Créteil, où l'on s'est efforcé de la mettre en oeuvre, on oscille entre dix et vingt cas par an, ce qui est faible au regard du nombre de condamnations. Cela a été dû à une multiplicité de facteurs, dont le fait que les magistrats ne perçoivent pas toujours bien la différence entre cette mesure et le sursis avec mise à l'épreuve ; le projet de loi à venir mettra fin à cette confusion. À cela s'ajoutait un sentiment de déperdition, puisque l'on renvoie à plus tard et à d'autres le soin de définir le contenu de la peine – une situation malcommode tant pour le juge que pour le condamné, qui ne savait à quoi il avait été condamné.

Enfin, même si une peine de probation « autonome » était instituée, elle serait nécessairement adossée à une peine d'emprisonnement possible ; sinon, c'est dire que lorsque des gens n'exécuteront pas les obligations mises à leur charge, il ne se passera rien. Les conseillers de probation travaillent à faire adhérer le condamné à sa peine pour qu'elle soit au moins acceptée et pas uniquement subie. C'est un travail de très longue haleine.

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Je remercie tous ceux qui ont contribué à l'organisation de cette visite et de la réunion de notre Commission hors les murs : les services de l'Assemblée nationale et de l'administration pénitentiaire, les juges et les procureurs, les services de probation.

La réunion s'achève à 12 heures 35.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Élise Fajgeles, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marie-France Lorho, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, Mme Hélène Zannier

Excusés. - M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Laetitia Avia, Mme Huguette Bello, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, M. David Habib, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Philippe Latombe, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, Mme Maina Sage, Mme Alice Thourot, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann