Intervention de Laurent Ridel

Réunion du mercredi 17 octobre 2018 à 10h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Laurent Ridel, directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris :

Le défi de l'administration pénitentiaire, je l'ai dit, est de rendre le temps de prise en charge, à l'intérieur et à l'extérieur des centres pénitentiaires, le plus utile possible, sans ruptures. À l'intérieur des établissements, cela suppose de développer des activités qui aient un sens. Dans le passé, le législateur, en abordant la question pénitentiaire, a un peu trop insisté sur l'encellulement individuel. Bien entendu, le respect des personnes passe aussi par l'hébergement, mais être seul dans une cellule 24 heures sur 24 ne règle pas grand-chose ; il faut aussi que le temps de détention soit utile. Cela ne pose aucun problème à nos amis espagnols que les détenus soient deux par cellule, mais c'est qu'en Espagne on ne fait qu'y dormir : le reste du temps, les prisonniers suivent des activités visant à prévenir la récidive, et le travail peut en faire partie.

À ce sujet, je mets en garde contre la solution simpliste qui consisterait à appliquer dans les prisons le droit commun du travail. L'Italie l'a fait, et il n'y a plus un seul donneur d'ordres. Les entreprises doivent trouver un intérêt à faire travailler des détenus, et il faut garder à l'esprit que la plupart d'entre eux ont une employabilité très faible, ce qui renchérit en soi le coût du travail en détention. Il faut donc préférer une solution mesurée et équilibrée à une solution faussement magique.

Le module « Respect », qui comporte des obligations à assumer, rend les détenus acteurs de leur détention et doit être développé. On constate aussi que, là où il a été mis en oeuvre, les conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire sont grandement améliorées, car leur mission a un sens en termes qualitatifs.

Les conditions de détention des prisonniers radicalisés à Fresnes constituent une exception à la doctrine de l'administration pénitentiaire relative aux quartiers de prise en charge de la radicalisation, puisqu'ailleurs ces détenus sont isolés. L'architecture ancienne de la prison de Fresnes ne se prête pas à l'étanchéité, mais ces détenus sont placés en bout d'aile, les cellules ont été aménagées pour qu'ils aient le moins de contacts possible et ils sont toujours accompagnés lorsqu'ils sortent.

Le Président de la République est venu visiter cet établissement, où il est resté près de six heures. Il a constaté la vétusté des locaux, que le personnel s'emploie à rendre le plus propre possible. La décision de principe a été prise d'une restructuration lourde du centre pénitentiaire, mais le premier plan de rénovation des grandes maisons d'arrêt françaises date du gouvernement Jospin ; reste Fresnes. Un schéma de restructuration existe mais c'est une entreprise considérable en raison des normes qui doivent s'appliquer à un ensemble qui comprend, outre la maison d'arrêt proprement dite, 250 logements dont l'état est, à quelque chose près, le même que celui des cellules. Les projets immobiliers, en matière pénitentiaire, se font dans un temps long. Un créneau s'ouvre avec le programme immobilier contenu dans la loi de programmation et la réouverture de la prison de la Santé, qui permettra de délester un peu les locaux de Fresnes pour y faire des travaux en site occupé.

La radicalisation est un phénomène multifactoriel ; il y a autant de modalités de radicalisation que de personnes prises en charge. L'islam est-il devenu la forme moderne de la contestation ou s'est-il radicalisé ? Un peu les deux, sans doute. Selon les cas, on trouve à l'origine de la radicalisation des troubles psychiques, des questionnements identitaires, des questions existentielles ; parfois, on a à faire à des idéologues extrêmement dangereux. En se fondant sur la connaissance des personnes considérées, on détermine des modalités de leur prise en charge. À la sortie du quartier d'évaluation de la radicalisation, quatre solutions sont possibles en fonction du risque de dangerosité déterminé : le retour à la détention classique avec un suivi adapté ; le placement à l'isolement ; le placement dans les quartiers de prise en charge spécifique ; l'envoi dans un établissement de longue peine où l'on peut travailler globalement leur projet de peine et leur projet de sortie. J'ajoute que 80 personnes islamistes sont actuellement suivies par les SPIP de l'inter-région, et 220 probationnaires en milieu ouvert.

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