Intervention de Bruno Questel

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 16h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Questel, rapporteur pour avis Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse :

Madame la garde des Sceaux, je souhaite avant toute chose souligner et saluer les efforts consentis en faveur de l'administration pénitentiaire et de la PJJ dans ce projet de budget 2019. Certes, ils ne permettront pas de résoudre tous les défis auxquels ces administrations sont confrontées, mais ils sont remarquables dans le contexte actuel de redressement des finances publiques engagé depuis l'an dernier.

S'agissant plus particulièrement de l'administration pénitentiaire, l'augmentation de 30 % des crédits d'investissement immobilier, la mobilisation de 56 millions d'euros pour la sécurité des établissements et la hausse de 4 % des dépenses de personnel démontrent un effort important de réhabilitation et de sécurisation du parc pénitentiaire et le soutien de notre pays à l'ensemble des agents qui travaillent dans cette administration, dans des conditions que tout le monde s'accorde à décrire comme difficiles.

Madame la ministre, ma première question porte sur le programme de construction de 7 000 places de prison. Pouvez-vous nous en présenter plus précisément les contours, les échéances et les financements mobilisés ? Comment ce plan tient-il compte de la nécessité de différencier la détention en fonction de la situation du condamné et de ses objectifs de réinsertion ?

Les moyens budgétaires octroyés à l'administration pénitentiaire sont à analyser à la lumière des orientations nouvelles qui seront données à la politique d'exécution et d'aménagement des peines par le projet de loi de réforme de la justice adopté par le Sénat hier, qui viendra devant nous prochainement. Et ce, afin que les peines prononcées dans notre pays soient exécutées et utiles à la personne condamnée ainsi qu'à la société dans son ensemble, et qu'elles n'aient pas, comme c'est parfois le cas aujourd'hui – et certains considèrent que ça l'est trop souvent – un effet désocialisant et contreproductif à l'égard de l'objectif de prévention de la récidive.

Au-delà de ces orientations, il nous faut réfléchir ensemble aux moyens de repenser l'incarcération afin de mieux responsabiliser les personnes incarcérées au cours de leur détention et de faire de leur passage en prison sinon un moment utile, au moins un moment qui permette une prise de conscience sur les questions de citoyenneté qui les concernent principalement. Tel est l'objet de ma deuxième question. Ne vous paraît-il pas possible de tenir davantage compte de ce que l'on pourrait qualifier de mérites et d'inconduites des personnes détenues dans leur parcours d'exécution de leur peine au travers d'une forme de « contractualisation » – même si le mot n'est sans doute pas heureux – entre les personnes incarcérées et l'administration ? Il s'agirait, comme cela se passe au Canada, d'une sorte de donnant-donnant quant au déroulement de la peine, aux objectifs de sortie et de réinsertion.

Par ailleurs, la PJJ, très affectée par les effets de la révision générale des politiques publiques, poursuit une forme de rétablissement. Les structures dans lesquelles elle accueille les mineurs qui lui sont confiés vont être renforcées grâce à une diversification des instruments juridiques de prise en charge et la création des 20 CEF que vous avez évoqués, principalement destinés à renforcer l'offre alternative à l'incarcération de mineurs. C'est sur ces structures que portera ma troisième question. La création de ces CEF a-t-elle été précédée d'une réflexion sur leur fonctionnement, tirant ainsi les conséquences des dysfonctionnements observés par le passé, notamment en termes de solidité des équipes d'éducateurs et de management ?

J'en viens, pour terminer, aux problématiques de pratique des cultes et de respect du principe de laïcité dans les établissements de l'administration pénitentiaire et de la PJJ, auxquelles j'ai souhaité consacrer l'essentiel de mon avis cette année. Les auditions que j'ai conduites sur ce sujet ont révélé un cadre juridique désormais bien établi à la suite d'utiles clarifications opérées par chaque administration à partir de 2014 mais qui n'est pas sans poser quelques difficultés dans la pratique. Des moyens importants ont certes été mobilisés au cours des dernières années pour renforcer la présence et la formation des aumôniers, ainsi que la connaissance de toutes les problématiques liées à la laïcité et à la pratique des cultes par le personnel pénitentiaire. C'est tout particulièrement la religion musulmane, historiquement sous-représentée parmi les aumôniers, qui a bénéficié de ces moyens, notamment à la suite des plans de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. L'organisation des cultes en détention n'en continue pas moins de soulever de vraies difficultés, qui seront l'objet de mes deux dernières questions.

En premier lieu, d'importantes disparités existent entre les aumôneries pénitentiaires d'une part, et celles hospitalières ou militaires d'autre part – dans leur financement, dans leur mode d'agrément et dans leurs modalités d'intervention. Les règles actuelles ne semblent pas totalement tenir compte de la situation particulière de certains aumôniers qui ne disposent pas, au sein de leur culte, d'un statut, d'une rémunération et d'une couverture sociale, par exemple. Elle serait la cause d'un déficit d'attractivité et de difficultés de recrutement croissantes, notamment pour l'aumônerie musulmane qui doit faire face à une demande de plus en plus importante en détention. Enfin, l'agrément non limité dans le temps ne permettrait pas, selon des personnes entendues, de procéder à un examen régulier des situations. Est-il envisagé de modifier ces règles, en s'inspirant par exemple du modèle de l'aumônerie militaire, qui intervient dans un secteur aussi sensible et qui paraît donner satisfaction ?

Enfin, la question des cultes et de la laïcité se pose aussi dans les structures de la PJJ, selon des modalités il est vrai différentes. Madame la garde des Sceaux, comment le jeune âge des publics pris en charge dans ces structures conduit-il la PJJ à traiter ces questions ?

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