Après une année 2018 qui fut celle de la co-construction de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers prioritaires, l'année 2019 sera celle de sa traduction financière et de sa mise en oeuvre. Entre le 14 novembre 2017, date du discours du Président de la République à Tourcoing, et le 18 juillet 2018, date de la présentation de la feuille de route du Gouvernement pour la politique de la ville, un cycle inédit de concertation a permis à tous les acteurs locaux, politiques, associatifs et économiques, de proposer de nouvelles solutions afin de faire durablement reculer les inégalités territoriales et les concentrations urbaines de pauvreté en France. J'ai eu le privilège, avec d'autres parlementaires, d'y participer.
Les idées de terrain formulées à l'occasion de ces échanges et compilées dans le rapport de M. Jean-Louis Borloo, ont ensuite alimenté le travail interministériel de définition de la feuille de route du Gouvernement. Contrairement aux échos qui l'ont parfois accompagnée, la feuille de route du Gouvernement pour la politique de la ville annoncée le 18 juillet dernier est d'une ampleur inédite : quarante décisions engageant l'ensemble des ministères ont été prises pour un montant de 2,5 à 3 milliards d'euros de financements supplémentaires en faveur des habitants des quartiers prioritaires. Ces décisions couvrent tous les aspects de la vie de ces quartiers et se déclinent en trois grands objectifs : garantir les mêmes droits aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), favoriser l'émancipation et « faire République ».
Le projet de loi de finances pour 2019 est la traduction financière de ces engagements. Le budget du programme 147, qui comporte les crédits spécifiques de la politique de la ville, connaît une forte hausse de 85 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de près de 20 % d'une année sur l'autre. En 2019, le budget de la politique de la ville bénéficiera d'une enveloppe globale de 513 millions d'euros. Un tel niveau de crédits de paiement n'avait jamais été atteint depuis 2012. Je me félicite de cet engagement accru de l'État dans la politique de réduction des inégalités territoriales, tant la situation de certains quartiers est préoccupante.
Ces 85 millions d'euros supplémentaires correspondent intégralement à des dépenses d'intervention, c'est-à-dire à des subventions versées aux associations de proximité, aux collectivités territoriales et aux entreprises qui agissent directement dans les quartiers. Conformément à la feuille de route du 18 juillet 2018, le PLF pour 2019 prévoit la création de mille postes supplémentaires d'adultes-relais et le doublement du nombre de postes de coordonnateurs associatifs financés par l'intermédiaire du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP). S'y ajoute la création d'une nouvelle dotation de 15 millions d'euros pour les associations nationales les plus structurantes afin qu'elles soutiennent et mettent en oeuvre des actions de proximité.
L'ensemble de ces moyens supplémentaires permettra de soutenir l'emploi associatif, dans un contexte de réduction importante du volume des contrats aidés, renommés « parcours emploi compétences » en 2018. Certes, les volumes et les moyens ne sont pas strictement équivalents, mais à des contrats aidés précaires et non ciblés succèdent des dispositifs durables et spécifiquement fléchés en direction des territoires de la politique de la ville.
La hausse des crédits du programme 147 en 2019 permettra en outre de concrétiser d'autres engagements formulés dans la feuille de route du 18 juillet 2018, comme le renforcement de l'encadrement en maternelle dans une soixantaine de grands quartiers sans mixité sociale et la mise en place de « cités éducatives » prenant modèle sur une expérimentation menée à Grigny dans le cadre du programme de réussite éducative. Enfin, l'engagement pris en loi de finances initiale pour 2018 de doubler le budget du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), pour le porter de 5 à 10 milliards d'euros sur la période 2014-2031, est tenu.
Conformément au « pacte de Dijon » conclu avec les collectivités territoriales, l'État continue par ailleurs d'accroître la territorialisation des politiques de droit commun qui relèvent principalement de sa compétence, à savoir la sécurité et l'éducation. Le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les écoles des réseaux d'éducation prioritaire (REP), entamé en 2017, se poursuit en 2018. Tous les acteurs que j'ai auditionnés se félicitent du succès de cette mesure et soulignent son importance pour les habitants des QPV. S'agissant de la sécurité, les années 2018 et 2019 seront celles de la mise en place de la police de sécurité du quotidien. Dans soixante quartiers qui recoupent largement la géographie prioritaire de la politique de la ville, 1 300 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes seront créés d'ici à 2020. Je me réjouis de ce ciblage particulier tant le traitement de la question de la sécurité dans les QPV est un prérequis indispensable au succès de toutes les autres politiques publiques.
Cette année, j'ai abordé dans mon rapport trois points en particulier : le suivi de l'expérimentation relative aux emplois francs, l'émancipation par le sport dans les quartiers et, enfin, le renforcement de la présence des services publics.
Lors des débats sur le PLF pour 2018, un amendement a permis de concrétiser une des promesses de la majorité : la mise en place d'un dispositif expérimental d'emplois « francs » visant à encourager l'embauche des habitants des QPV qui sont confrontés à des discriminations et à des freins spécifiques dans l'accès à l'emploi. Depuis le 1er avril 2018, une expérimentation a donc été lancée sur sept territoires, regroupant 25 % des demandeurs d'emploi résidant en QPV. Pôle Emploi est le principal opérateur chargé de mettre en oeuvre cette expérimentation et a développé plusieurs campagnes de communication au niveau local. D'après Pôle Emploi, au 1er septembre 2018, soit cinq mois après le démarrage de l'expérimentation, 2 092 demandes d'aides « emplois francs » lui ont été transmises et 1 617 ont été directement attribuées. Certes, ces chiffres sont inférieurs aux prévisions alors que l'objectif fixé pour 2018 est de 5 000 emplois francs mais, depuis début juillet, le rythme s'accélère : de 100 à 150 aides sont attribuées chaque semaine et Pôle Emploi attend un décollage fort du dispositif dans les deux mois qui viennent. En outre, les premiers retours qualitatifs sont encourageants : 80 % des emplois francs sont des contrats à durée indéterminée (CDI) et 90 % des employeurs sont des entreprises. En tout état de cause, j'estime qu'il est bien trop tôt pour juger du succès ou de l'efficacité de ce dispositif qui vient à peine de démarrer sur sept territoires seulement. Je considère toutefois que le dispositif doit encore gagner en publicité et que Pôle Emploi doit davantage se tourner vers les réseaux informels locaux d'entreprises qu'animent notamment les collectivités territoriales et les chambres consulaires. Les débuts de l'expérimentation ont montré que les territoires les plus dynamiques en création d'emplois francs sont ceux où le dispositif s'inscrit dans un environnement très structuré, comme à Angers ou à Lille.
Deuxième point : l'émancipation par le sport. Le sport constitue un élément essentiel de la vie sociale des quartiers de la politique de la ville. Le goût pour la pratique sportive y est élevé et les éducateurs des clubs et associations sportives locales y réalisent un travail exceptionnel. Pourtant, malgré cette demande, les QPV sont marqués par un sous-équipement chronique en infrastructures. En 2017, 428 QPV, soit 28,5 % du nombre total de ces quartiers, ne disposaient d'aucun d'équipement sportif. Par ailleurs, deux fois moins de licences sportives sont attribuées en QPV en proportion de la population de ces territoires et ce constat est encore plus prononcé pour les femmes. Face à cette situation, le Gouvernement s'est engagé, dans le cadre de la feuille de route du 18 juillet 2018, à développer des équipements sportifs dans les cinquante QPV les plus carencés. Sur les 18 millions d'euros que la future Agence nationale du sport consacrera au développement des équipements sportifs, la moitié, soit 9 millions d'euros, sera consacrée aux projets de création d'équipements sportifs dans ces cinquante quartiers. Je salue cette décision et espère que la création de l'Agence nationale du sport sera l'occasion de recentrer durablement l'action de cet opérateur sur les territoires les plus fragiles.
Pour développer, diversifier et féminiser la pratique sportive dans les QPV, j'estime qu'une implication accrue de toutes les fédérations sportives est également nécessaire. Certaines fédérations ont d'ores et déjà développé des actions spécifiques, comme la Fédération française de cyclisme qui a développé un concept de parc BMX en milieu urbain dont elle soutient la création dans les QPV. Sur ce modèle, je considère qu'il conviendrait d'imposer à toutes les fédérations sportives agréées, qui sont chargées d'une mission de service public, d'insérer dans les conventions d'objectifs et de performance qu'elles signent avec l'État un volet d'action spécifique en faveur du développement de la pratique sportive dans les QPV.
En outre, le sport dans les QPV est le plus souvent une école de vie et un tremplin vers l'emploi. Des associations et des clubs sportifs locaux, comme l'association « Sport dans la ville » que j'ai auditionnée, utilisent le sport pour créer des liens avec les jeunes afin d'éviter le décrochage scolaire et les accompagner vers l'emploi grâce au soutien de réseaux d'entreprises partenaires. Or, ces associations et clubs locaux sont aujourd'hui particulièrement touchés par la diminution du volume des contrats aidés de droit commun. Je soutiens donc la proposition de l'agence pour l'éducation par le sport de créer un métier de « coach d'insertion par le sport », qui bénéficierait d'une certification par l'État et d'un financement par le plan d'investissement dans les compétences.