Chers collègues, je souhaitais vous rendre compte de la réunion des commissions des affaires européennes en format triangle de Weimar, qui s'est tenue à Varsovie les 21 et 22 octobre derniers. J'ai participé à cette réunion avec deux autres membres de notre commission, M. Vincent Bru et M. Pierre Henri Dumont.
Je rappelle à nos collègues que le triangle de Weimar a été créé en 1991 par les trois ministres des affaires étrangères français, allemand et polonais. L'adhésion polonaise à l'Union européenne en 2004 a fait évoluer le format vers une enceinte de concertation en amont des négociations européennes. La précédente réunion des commissions des affaires européennes dans ce format a eu lieu le 14 novembre 2012 à Paris, où s'étaient retrouvées les commissions de l'Assemblée, du Bundestag et de la Diète polonaise. La partie polonaise a décidé pour cette réunion de convier également les Sénats français et polonais. Les thèmes à l'ordre du jour portaient sur l'avenir de l'Europe, le cadre financier pluriannuel et la cybersécurité.
Sur le premier point, les discussions ont été animées, notamment en raison du thème de l'État de droit, dont notre commission s'est saisie. Les discussions ont été très franches, mais se sont déroulées dans un climat de respect mutuel. Le Bundestag allemand avait également abordé cette question en commission des affaires européennes. La majorité parlementaire polonaise a défendu les réformes qu'elle avait entreprises et n'a pas véritablement répondu sur le fond aux critiques formulées sur la réforme de l'appareil judiciaire, sur la réforme de la Cour constitutionnelle ou encore sur le pluralisme des médias. Elle ne s'est pas non plus prononcée sur la récente décision de la Cour de justice de l'Union européenne demandant la suspension de la réforme de la Cour suprême. J'ai pour ma part insisté sur la nécessité de maintenir le principe de confiance mutuelle entre les États membres, afin de préserver les acquis de l'espace judiciaire européen.
Sur le deuxième point, la partie polonaise a montré son attachement au maintien du budget de la PAC et des fonds de cohésion. Plusieurs parlementaires ont fait part de leur rancoeur vis-à-vis des anciens États membres en considérant que l'essentiel des fonds versés au titre de la cohésion bénéficiaient aux entreprises de l'ouest de l'Europe. Par ailleurs, les projets de ressources propres, notamment par la taxation carbone, ont fait l'objet d'une forte opposition de la partie polonaise. La partie allemande est apparue soucieuse de régler l'équation budgétaire du prochain cadre financier pluriannuel en trouvant des gisements d'économie permettant de financer les nouvelles priorités de l'Union tout en tenant compte du manque à gagner occasionné par le départ des Britanniques. Gunther Krichbaum, qui est mon homologue au Bundestag, a ainsi fait part de la nécessité de réduire les sommes consacrées à la PAC et aux fonds de cohésion, pour pouvoir financer la protection des frontières extérieures, la politique de défense commune et la politique d'innovation. J'ai pour ma part défendu la nécessité de trouver des ressources nouvelles pour compenser le départ du Royaume Uni. J'ai par ailleurs souhaité que l'on sorte du schéma du juste retour sur les contributions des États membres. Avec mes deux collègues membres de notre commission, nous avons plaidé pour que le budget européen soit à la hauteur des ambitions que nous nous donnons collectivement et nous avons défendu l'importance de la PAC et de la politique de cohésion.
Enfin, le troisième point portait sur la cybersécurité et il a été le plus consensuel. Bien entendu chaque partie insistait sur les menaces qui lui sont propres (la Russie, le terrorisme, les fake news…), mais la nécessité de développer une réponse européenne tant en termes d'organisation que de moyens a obtenu un soutien unanime des délégations.
En conclusion je dirai que cette réunion a été très positive. Ce format à trois partenaires permet de traiter de sujets de fond et de discuter librement. Malgré des divergences incontestables, ces discussions ont été utiles pour mieux se comprendre et c'est un format adapté permettant de réunir des États clés pour construire des majorités sur les grands dossiers qui nous attendent comme le cadre financier pluriannuel, la réforme de la PAC, ou l'Europe de la défense… Par rapport aux réunions de la COSAC, j'ai trouvé que nos discussions avaient été beaucoup plus approfondies et en lien avec les sujets de préoccupations de nos trois pays, alors que les débats à la COSAC sont souvent un peu éloignés des réalités concrètes. Le format restreint du triangle de Weimar facilite certainement la qualité des échanges. Nous avons donc décidé de poursuivre nos échanges en organisant des réunions chaque année et nous allons essayer de prévoir des rencontres décentralisées, alors que jusqu'à présent les réunions avaient lieu dans nos capitales respectives.