Intervention de Monique Limon

Séance en hémicycle du mardi 30 octobre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Conseil et contrôle de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonique Limon, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteures spéciales, chers collègues, « il faut réapprendre à voir large et loin : ceux qui se laissent écraser par la tyrannie du court terme sont condamnés à toujours réagir au lieu d'agir, à toujours saupoudrer au lieu de choisir, bref à toujours subir ». Je reprends ici les mots de M. Juppé et M. Rocard, qui furent à l'origine, au coeur de la crise de 2008, du premier programme d'investissements d'avenir dont nous étudions actuellement la troisième version, le PIA 3.

J'interviens ici, au nom de la commission des affaires économiques, comme rapporteure pour avis de la mission relative aux investissements d'avenir, et plus particulièrement sur les programmes 422 et 423 qui concernent la valorisation de la recherche et la modernisation des entreprises.

Tout d'abord, en termes strictement budgétaires, il faut retenir que le rythme de décaissement des crédits du programme d'investissements d'avenir suit la trajectoire pluriannuelle prévue depuis l'année dernière. En 2019, un peu plus de 1 milliard d'euros devrait donc être payé aux opérateurs comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, ou Bpifrance, conformément à la feuille de route établie par le SGPI. Même si nous ne maîtrisons pas le calendrier réel de décaissement des crédits par les opérateurs, je rappelle que les crédits de paiement du PIA 3 sont désormais votés annuellement, ce qui permet un contrôle parlementaire bienvenu.

Comme il est d'usage, j'ai souhaité conférer une approche thématique à mon rapport, choisissant les actions agricoles et environnementales du PIA. Nous faisons face à ce que je considère comme un défi de société fondamental : la transition de notre pays vers un modèle d'agriculture et d'alimentation durables. Ce choix d'évaluation du PIA répond à une double motivation de ma part.

Tout d'abord, l'existence d'une demande sociale dynamique et construite autour d'enjeux forts : le moindre recours aux produits phytosanitaires, l'amélioration du bien-être animal, l'amélioration de la qualité de l'alimentation, la transition vers un modèle agricole plus soutenable écologiquement mais toutefois performant. L'innovation est souvent la clé de ces transitions.

Ensuite, il était primordial à mes yeux de montrer qu'à la parole succédaient des actes, après l'adoption par le Parlement, le 2 octobre dernier, du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi EGALIM ». Il convient de veiller à ce que les ambitions qu'elle affiche soient complétées par les leviers financiers à même de garantir son succès. C'est à ce niveau qu'intervient le PIA.

En effet, même si les approches sont hétérogènes et souvent complexes, les réalisations du PIA en matière de développement durable sont toutefois tangibles. Et ce processus continue de suivre son cours. Prenons un exemple auquel seront sensibles ceux qui ont suivi les débats sur le projet de loi EGALIM : le PIA soutient la R& D d'une entreprise française, TRONICO, afin de développer une technique non intrusive de détection du sexe des poussins in ovo – dans l'oeuf – , afin d'éviter le broyage de nombreux poussins ou de canetons après la naissance.

En outre, le PIA valorise nos territoires. Je me félicite, à ce titre, du lancement des « Territoires d'innovation-Grande ambition » par la Caisse des dépôts et consignations, action qui mobilisera 450 millions d'euros dans le cadre du PIA 3. L'appropriation du PIA par les acteurs locaux va donc dans le bon sens et doit être encouragée. Bien d'autres exemples pourraient être cités, mais l'important est de retenir que le PIA donne la chance de mûrir et de concrétiser les solutions écologiques de demain, que ce soit par une intervention directe, en prêts ou en subventions, ou par un meilleur financement des entreprises, grâce aux interventions du PIA en fonds propres.

Néanmoins, le tableau n'est pas entièrement satisfaisant. Il faut bien admettre que le critère d'éco-conditionnalité qui devait présider à la sélection des projets n'est pas pris en compte à sa juste valeur. La mission d'évaluation et de contrôle sur le PIA et la transition énergétique, créée en 2016 par l'Assemblée, avait fait état de seulement 17 % de crédits affectés effectivement au développement durable. Il semble donc opportun de lancer une réflexion sur les objectifs officiels de 60 % de projets soutenant la transition écologique.

Le bilan en matière d'agro-écologie demeure en particulier assez mitigé, si bien que certains acteurs ont pu nous parler d'un « trou dans la raquette » du PIA. Pour y remédier, repenser en partie ses outils semble nécessaire. De fait, les critères très exigeants de sélectivité des projets sur le plan économique ou financier peuvent constituer une barrière au fléchage du PIA vers les sujets phytosanitaires ou vers le recours au biocontrôle. Le cas du marché des alternatives au chlordécone, dont les ravages aux Antilles ont été reconnus par le Président de la République, illustre bien mon propos. Ce marché de niche offre trop peu de débouchés en termes de géographie et de produits, ce qui semble l'exclure de la logique de co-investissement en consortium, qui est le standard du PIA. Aussi la quête de l'excellence économique ne doit-elle pas être un obstacle au financement de projets d'intérêt général répondant clairement à une demande sociale ou à des enjeux de santé publique.

Ces dernières remarques me conduisent à conclure par des propositions concrètes pour accroître l'efficacité du PIA dans les secteurs environnementaux et agricoles. La première proposition consiste à profiter du mouvement de rapprochement des instituts de transition énergétique et des instituts de recherche technologique afin de créer un organisme innovant concentré sur le secteur agricole et agroalimentaire. La deuxième vise à rendre la clause d'éco-conditionnalité plus ferme dans les appels à projets du PIA afin d'assurer son effectivité dans la sélection, tout en la concentrant sur les projets pour lesquels elle est pertinente. Enfin, troisième proposition, il s'agit de profiter de l'évaluation des dix ans du PIA pour examiner l'opportunité d'intégrer un critère de « valeur ajoutée sociale » au choix des projets, sans dénaturer pour autant leur contenu en innovation.

Espérant que mes dernières propositions trouveront un écho favorable parmi vous puisque leur application doit donner un nouveau souffle au PIA, je vous remercie, chers collègues, pour votre attention.

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