Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, chers collègues, dans le cadre de l'exercice budgétaire parlementaire, nous devons discuter à cette heure tardive d'un certain nombre de missions à caractère disparate mais qui demeurent essentielles en ce qu'elles témoignent du bon fonctionnement de nos institutions.
En premier lieu, nous constatons – cela a été dit avant moi – que les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » sont en augmentation, bien que celle-ci soit à nuancer, puisque en raison de leur forte concentration en dépenses de personnel, la mission est peu sujette à de significatives évolutions.
Néanmoins, force est d'admettre que le budget de la CNDA croît à hauteur de 36 millions d'euros, une hausse correspondant à la création des cinq chambres de jugement supplémentaires.
Ne nous y trompons pas cependant, ces moyens supplémentaires n'ont qu'une seule finalité : accentuer la politique du chiffre pour se mettre en conformité avec les objectifs gouvernementaux, notamment ceux qui ont été actés dans la loi sur l'asile et l'immigration visant à traiter en six mois le délai moyen de traitement des demandes d'asile. Notre groupe a combattu ce projet de loi et la logique comptable de l'asile qui le fondait, dénoncée à juste titre par les rapporteurs de la CNDA puisqu'elle fait primer la question des délais de jugement sur la qualité de l'instruction des demandes et des décisions rendues.
Aussi, si les comptes rendus annuels font la part belle aux volumes d'activité, avec une attention particulière au nombre de jugements et au délai de traitement des dossiers, ils masquent surtout les conditions de travail délétères des agents de la CNDA. Vous vous rappelez tous de la grève de ses agents : pendant 28 jours, de mi-février à mi-mars, ils n'ont eu de cesse de dénoncer des procédés d'organisation quasi-industriels, qui s'apparentent à une forme de « travail à la chaîne ».
Les conséquences sur la qualité du travail sont telles que plus de 85 % des cadres de la CNDA sont des contractuels, ce qui n'est pas sans soulever des problèmes compte tenu de la nature régalienne des fonctions occupées – peut-être cela a-t-il inspiré le Premier ministre qui, si l'on en croit les déclarations qu'il a faites voilà quelques jours, veut transformer l'ensemble des services publics de l'État. Pire, ces agents restent en poste généralement moins de deux ans. Ils partent en raison d'une surcharge d'activité et de l'impossibilité de traiter les dossiers avec humanité.
Telle est aujourd'hui la réalité à la CNDA. Or la réponse budgétaire, bien qu'améliorée, n'est à l'évidence pas encore à la hauteur des problèmes rencontrés par les agents de la Cour.
Le même constat vaut pour les tribunaux administratifs, dont la situation est très préoccupante. Ces juridictions contiennent le phénomène de montée en puissance des contentieux sociaux, mais pour combien de temps ? Le contentieux est en évolution croissante depuis quarante ans, tant du point de vue strictement quantitatif que qualitatif. Et les propositions contenues dans les projets gouvernementaux sur la réforme de la justice, que nous examinerons à partir du 20 novembre, ne sont pas de nature à nous rassurer sur ce point.
Par ailleurs, cela a été dit, nous observons la stagnation des moyens dédiés au programme « Protection des droits et des libertés ». Il en est ainsi pour le Défenseur des droits, dont le budget diminue légèrement, ce qui était déjà le cas en 2018 et ce qui soulève des questions, tant ses missions sont essentielles et saluées comme telles par l'ensemble des acteurs. Cette réduction de moyens demeure particulièrement incompréhensible alors que le Défenseur des droits occupe une place de plus en plus prépondérante dans le débat public – il suffit pour s'en convaincre de voir comment son travail est utilisé dans nos débats, dans nos rapports et dans nos réflexions.
Une telle expertise n'est pourtant pas encouragée par le budget que nous examinons aujourd'hui, alors même que des institutions de ce type ont vocation à être des contre-pouvoirs – je le dis alors que l'on nous annonce un remake de la réforme des institutions ; nous espérons que la copie sera substantiellement corrigée, sinon, le risque est grand d'aggraver encore la confusion des pouvoirs et d'amplifier leur concentration.
Enfin, la mission « Investissements d'avenir » ne nous semble pas à la hauteur des enjeux, spécifiquement en matière écologique. Certes, elle suit la trajectoire prévue lors de la dernière loi de finances, poursuivant les dépenses et intégrant le troisième programme d'investissements d'avenir dans le « Grand plan d'investissement ». Mais peut-on parler d'avenir lorsque l'on observe un énorme recul sur la rénovation thermique des bâtiments ? Peut-on parler d'avenir alors que le budget minore les nécessaires transformations de notre modèle énergétique, lesquelles réclament de s'écarter du prisme de l'orthodoxie budgétaire ? Nicolas Hulot a lui-même considéré que libéralisme, marché et écologie étaient incompatibles.
Pour toutes ces raisons, notre groupe, mesurant les avancées mais, aussi, le caractère opaque du contrôle exercé, s'abstiendra.