Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mardi 3 octobre 2017 à 15h00
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Ne vous laissez pas prendre au piège d'une sacro-sainte liberté d'entreprendre qui met en danger votre texte lui-même !

Celui-ci, de fait, ne s'attaque pas aux concessions antérieures, si bien que la date du 1er janvier 2040 est fictive. Vous le savez, une concession court déjà jusqu'en 2054, et soixante-trois concessions d'hydrocarbures et trente et un permis d'exploration sont en cours sur notre territoire. Vous connaissez les problèmes que ces permis peuvent poser ; vous savez que le droit de suite pèse comme une menace sur l'effectivité de votre projet de loi. Dès lors que le permis d'exploration donne lieu automatiquement à une concession d'exploitation, qu'en sera-t-il, par exemple, de la Guyane, où vous avez accordé, au moment même où nous allions aborder l'examen du texte, une prolongation de trois ans du permis d'exploration ? C'est une décision hypocrite, dont nous pouvons évaluer les effets avec vous : trois ans d'exploration supplémentaire, puis vingt-cinq ans d'exploitation renouvelables une fois ; il semble que cela puisse nous mener en 2045, voire en 2070, soit trente ans après la date butoir fixée par le présent projet de loi. Trente ans, monsieur le ministre d'État, c'est long !

Nous sommes d'accord avec l'association Greenpeace, à la pointe des luttes environnementales, lorsqu'elle considère que vous envoyez là « un signal désastreux » et que « le texte de loi fait passer les intérêts des industriels devant l'intérêt général ».

En commission, lorsque nous avons essayé de restreindre ou de supprimer le droit de suite, vous nous avez toujours répondu qu'il faut protéger la liberté d'entreprendre, même lorsqu'il s'agissait d'une simple évaluation des impacts environnementaux de l'exploitation. C'est dire si la liberté d'entreprendre vous sert d'argument d'autorité à usages multiples. Mais la planète n'a que faire de la liberté d'entreprendre, vous le savez, monsieur le ministre d'État : le bouleversement à venir ne pourra être atténué qu'à la condition de renoncer à sa défense systématique et aveugle.

Si vous n'invoquiez pas continuellement cette notion, c'est le Conseil constitutionnel qui le fera, pourriez-vous nous objecter. Mais il faut adapter la jurisprudence constitutionnelle à notre époque. Attaquer le droit de suite et risquer une saisine du Conseil constitutionnel – sans doute venue des bancs de la droite – , c'est permettre de donner tout son sens à l'article 1er de la Charte de l'environnement, qui donne à chacun « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Faisons en sorte que ce droit soit supérieur à la garantie absolue des droits de l'investisseur ! Osez donc, monsieur le ministre d'État, prenez le risque et donnez l'opportunité au Conseil constitutionnel de rendre une belle décision, ou bien changeons la Constitution !

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