Le problème de cohérence dont vous avez parlé et la contradiction insoluble de votre texte se trouvent dans l'accord de libre-échange conclu entre l'Europe et le Canada, entré en vigueur, pour l'essentiel, le 21 septembre dernier. Nous aurons en temps voulu un débat sur l'adoption de ce traité – je sais que nombre de parlementaires de la majorité ont émis des réserves à cet égard. Je veux pointer les contradictions entre cet accord, dans toutes ses dimensions, et le présent texte, car je sais que celles et ceux qui sont convaincus du caractère juste de ce dernier pourront s'« insoumettre », le moment venu, à la loi d'airain du libre-échange.
Faire voter un tel texte tout en continuant à encourager la croissance du commerce international – donc, fatalement, à favoriser l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre qui lui sont liées – est une contradiction inquiétante. Elle est inquiétante car elle démontre soit une minoration des problèmes qu'entraîne et entraînera le changement climatique, soit une hypocrisie que l'on pourrait résumer par la formule : « Après nous le déluge ! »
Le refus, lors de l'examen en commission, d'intégrer notre amendement relatif à la baisse de 90 % de la consommation française d'hydrocarbures d'ici à 2040 relève d'un parti pris dogmatique. Cet amendement était l'une des conditions nécessaires pour donner sens au texte. La France va en effet importer massivement du pétrole extrait du sable bitumineux, lequel est 49 % plus émetteur que le pétrole conventionnel.
En commission, vous ne cessiez d'évoquer, monsieur le ministre d'État, les risques de contentieux auxquels exposerait une affirmation forte de la fin de l'exploitation au 1er janvier 2040. Or des contentieux, nous risquons d'en subir bien plus avec le CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou accord économique et commercial global. Imaginez en effet qu'un tribunal d'arbitrage, institué en vertu de cet accord de libre-échange, reçoive une plainte d'une entreprise transnationale, par exemple Total, visant à attaquer la légitimité de la décision de mettre fin à l'exploitation des hydrocarbures à l'horizon 2040. Que cette compagnie transnationale l'emporte, et l'État sera condamné à lui verser une indemnité importante pour entrave à la liberté de l'investisseur.
La liberté des investisseurs contre nos conditions de vie et de survie : voici le genre d'absurdité que permet le CETA. Si vous demeurez sceptiques sur cette question, demandez aux Égyptiens, attaqués en justice par Veolia en 2012 car ils avaient eu le seul tort de s'être battus pour porter leur salaire minimum de 41 à 72 euros par mois.