Mes chers collègues, je reviens devant vous pour vous dresser, en quelque sorte, un état des lieux du commerce extérieur. Malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes : la balance commerciale s'est encore un peu dégradée et son déficit s'élève à 63 milliards d'euros en 2017. En outre, la situation ne devrait guère s'améliorer dans l'immédiat et le déficit devrait être du même montant l'année prochaine.
Dans mon précédent rapport, j'avais fait quelques préconisations. Comme l'a souligné madame la présidente, j'ai eu le plaisir de voir que certaines d'entre elles ont été retenues, qu'elles sont appliquées ou en cours d'application. Trois principaux axes avaient été définis : simplifier et faire connaître le dispositif d'accompagnement à l'exportation ; libérer nos outils de financement en les rendant plus flexibles et donc plus faciles d'accès pour les entreprises ; innover en construisant de nouvelles structures comme les « Maisons de la France » et les « Comptoirs de France ». Quelques mois plus tard, en février, le Premier ministre présentait à Roubaix la stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur. À cette occasion, il rappelait la volonté de la France de faire passer de 124 000 à 200 000, le nombre de ses entreprises exportatrices.
Quel bilan pouvons-nous dresser de l'année écoulée ? Nous pouvons déjà nous réjouir de la cohérence des mesures présentées qui ont été très bien accueillies par tous les acteurs. La mise en place du guichet unique d'accompagnement, l'un des points phares de la réforme, se passe bien tant en France qu'à l'étranger. Les appels d'offre pour les six postes prévus à l'étranger sont en cours de traitement. Pour se préparer à la guerre du commerce extérieur, la France doit amorcer une forte évolution culturelle, former et faire travailler ensemble tous ceux qui contribuent au soutien du commerce extérieur. Soyons lucides : beaucoup reste à faire. C'est l'objet du travail de fond que je mène depuis plusieurs mois.
Le rapport de cette année va plus loin. Il s'inspire des auditions des acteurs du commerce extérieur et aussi d'un déplacement que j'ai effectué en Italie pour établir une comparaison européenne. L'Allemagne peut sembler être le point de comparaison naturel mais, en fait, l'Italie est sans doute plus proche de nous par son tissu de TPE et PME et par ses secteurs d'activité phares, notamment l'agro-alimentaire et le luxe. C'est surtout un pays qui est parti de plus bas que nous. Sa balance commerciale était très déficitaire et elle est devenue bénéficiaire depuis 2012. Nous avons donc essayé de comprendre les raisons de ce succès et de voir si nous pouvions nous en inspirer pour améliorer notre accompagnement des entreprises à l'étranger.
Le rapport propose quatre axes d'amélioration.
En premier lieu, nous proposons d'améliorer les statistiques. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les statistiques à partir desquelles nous travaillons actuellement ne sont pas très fiables, notamment parce qu'elles ne prennent pas en compte l'essor du commerce en ligne. Il arriverait 100 millions de petits colis par an par le seul aéroport Charles de Gaulle. Quelle valeur représentent-ils ? On ne sait pas s'ils contiennent des produits à un euro, 10 euros, 100 euros, 1 000 euros. Quoi qu'il en soit, ils passent sous les radars. Ce type de commerce étant en forte progression, nous devons adapter nos statistiques pour qu'elles puissent en rendre compte.
En deuxième lieu, nous proposons de financer les réformes en cours. Je pense que les choix qui ont été faits vont modifier profondément le système d'accompagnement des entreprises à l'exportation et qu'ils vont dans la bonne direction. Cependant, je m'inquiète au sujet du financement des mesures prises et des outils créés. Le budget pour 2019 laisse apparaître de petits trous dans la raquette. Je pense notamment à l'outil de gestion de la relation client – customer relationship management (CRM). Nous avions parlé l'an dernier de cette base de données partagée par tous ceux qui accompagnent les entreprises : chambres de commerce et d'industrie (CCI), Business France et autres, y compris les intervenants privés conventionnés. En fait cet outil n'est pas financé. L'an dernier, j'avais déposé un amendement visant à obtenir 3,5 millions d'euros pour financer cette démarche CRM. Il avait été rejeté. Un an plus tard, le problème se repose. Le coût global de cet outil est d'environ 10 à 11 millions d'euros. Pour lancer la commande, il fallait 3 millions d'euros. Afin d'éviter que le projet ne prenne du retard, Business France a fourni ces 3 millions d'euros ; il reste à trouver 7 à 8 millions d'euros. Il nous faut également financer l'assurance prospection, un instrument très pratique pour les entreprises qui cherchent à faire un premier pas vers les marchés étrangers. Cette assurance prospection est actuellement sous-dotée. Au vu de la trajectoire actuelle, le système pourrait s'arrêter à la fin du mois de mars 2019, faute de crédits. Face aux mesures prises, il est important de mettre les moyens financiers adéquats, pour que l'on puisse mener à bien cette politique.
En troisième lieu, il faut réorganiser le pilotage du commerce extérieur. Il n'existe pas de budget dédié au commerce extérieur mais de nombreuses lignes de crédit différentes. En outre, la direction est bicéphale, une partie étant gérée par Bercy et l'autre par le Quai d'Orsay. À mon avis, il faut un ministre du commerce extérieur attitré, pour des raisons tant pratiques que d'affichage. Lors d'un déplacement à l'étranger, un ministre peut rencontrer son homologue, c'est-à-dire un ministre et non pas un simple conseiller, pour défendre nos dossiers. Un secrétaire d'État n'est parfois pas reconnu comme un ministre.
Enfin, il faudrait appréhender l'exercice comme une démarche collective. Les entreprises petites et moyennes n'ont pas la taille nécessaire pour se lancer sur les marchés étrangers, et elles n'ont pas l'habitude de se regrouper pour chasser en meute comme le font très bien les Allemands et les Italiens. Nous devons pousser nos entreprises à faire ce travail qui peut être abordé dès la formation dans les écoles. Il faut les persuader que, même si elles sont concurrentes en France, elles peuvent travailler ensemble à l'étranger. Nous avons de nombreux atouts et nous sommes sur la bonne voie même s'il reste beaucoup à faire. Nous devons être vigilants sur la mise en application des choix que nous avons faits.