Examen pour avis, ouvert à la presse, des crédits de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2019 (M. Didier Quentin, rapporteur pour avis).
La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
Nous allons d'abord examiner les crédits de la mission « Défense », dont notre rapporteur pour avis est Didier Quentin, puis ceux de la mission « Économie » relative au commerce extérieur et à la diplomatie économique, sur le rapport de Buon Tan.
Les crédits de la mission « Défense » affichent une hausse de 1,7 milliard d'euros, dans la lignée de ce que prévoit la loi de programmation militaire (LPM), que nous avons examinée en mars dernier. Laëtitia Saint-Paul était alors notre rapporteure pour avis.
Lors de nos premiers échanges de vues, il y a une quinzaine de jours, nous avons notamment évoqué les enjeux maritimes, qui préoccupent beaucoup notre rapporteur pour avis et notre commission dans son ensemble – nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cadre de la mission d'information menée par Jean-Luc Mélenchon et Joachim Son-Forget. Nous avons aussi échangé sur les enjeux de l'industrie européenne d'armement et de la dissuasion nucléaire, ce dernier sujet étant d'autant plus d'actualité que les États-Unis ont décidé de sortir unilatéralement du traité conclu en 1987 avec l'Union soviétique de l'époque, ce qui n'est pas sans incidence pour la Russie – nous en avons parlé ce matin avec nos amis finlandais – et sur les relations entre les États-Unis et la Chine. Ce n'est donc pas une bonne nouvelle, et notre rapporteur reviendra peut-être sur ce point. Vous vous souvenez que nous avons également abordé la question de l'autonomie et du réveil stratégique de l'Europe.
Avant de céder la parole à Didier Quentin, je voudrais souligner que nous avons un rapporteur qui est très au fait des questions militaires, c'est peu de le dire, et qui est aussi un ancien diplomate – il a donc les deux compétences nécessaires pour cet avis.
Merci beaucoup, madame la présidente. Je ne voudrais pas que ce soit le compliment qui tue. Vous me présentez comme un adepte de Clausewitz, pour qui la diplomatie et la guerre étaient étroitement liées… (Sourires.)
Je vous remercie de la confiance que vous me faites, et je tiens à saluer le concours brillant et précieux que m'a apporté l'administratrice de la commission qui m'a assisté dans cette mission. Je vais essayer de répondre à des questions abordées lors de notre échange de vues d'il y a une quinzaine de jours : je ne reviendrai donc pas sur tous les sujets traités dans mon avis budgétaire, qui est assez complet. J'interviendrai par ailleurs dans l'hémicycle le vendredi 2 novembre, c'est-à-dire le jour des morts.
Nous sommes donc réunis, de nouveau, pour examiner les crédits du budget de la défense pour 2019. En préambule, on peut observer que cette mission est celle qui connaîtra l'évolution la plus dynamique l'an prochain, puisque ses crédits augmenteront de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2018. Quand on sait que l'augmentation globale des dépenses pilotables de l'État devrait être d'environ 2 milliards d'euros en 2019, il faut reconnaître que notre pays fait un effort de défense assez substantiel.
Vous connaissez le contexte de cette augmentation du budget de la défense : le sous-investissement accumulé au cours des deux dernières décennies, l'ambition d'un modèle d'armée complet qui était devenu de plus en plus théorique avec la multiplication des « trous capacitaires », l'ambition d'une certaine excellence française, avec une armée aguerrie par les engagements sur le terrain, mais aussi une excellence de plus en plus menacée en matière technologique, industrielle et militaire par le sous-investissement et la montée en puissance de nos concurrents, et enfin le sursaut de la LPM 2019-2025, que beaucoup d'entre nous auraient voulu mieux lissé dans le temps.
Ce sursaut est, en fait, contraint par les dépenses consacrées au renouvellement de la dissuasion nucléaire, « l'assurance vie » de la France, comme le disait un ancien Président de la République : nous devons commencer les études sur le futur sous-marin nucléaire lanceur d'engins, sur l'évolution du missile balistique M51 et sur le missile aéroporté de 4e génération. Par ailleurs, nous avons pu entendre hier des communications intéressantes sur l'étude confiée par la ministre de la défense à propos de l'éventuelle construction d'un second porte-avions.
Nous dépenserons 5 milliards d'euros par an, en moyenne, pour notre dissuasion nucléaire jusqu'en 2023, et nous atteindrons vraisemblablement un montant de 6 milliards d'euros en 2025, même s'il est compliqué d'avoir des informations précises sur ce poste budgétaire, pour des raisons de « secret défense » bien compréhensibles. Dès 2019, l'augmentation du budget de la dissuasion nucléaire représentera 1,8 milliard d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement. C'est considérable, mais indispensable.
Cela laisse aussi une marge pour financer d'autres chantiers prioritaires, comme le renouvellement des équipements : des drones, des frégates, des bâtiments pour la surveillance maritime, des ravitailleurs ou encore le programme Scorpion pour l'armée de terre font partie des grandes opérations qui seront financées prioritairement par le budget de la défense. L'autre priorité est l'entretien programmé des matériels, qui permet de régénérer les équipements fortement sollicités en raison de leur nombre parfois trop limité.
Il s'agit donc bien de « réparer » – c'est le terme qui a été employé par le chef d'état-major de l'armée de terre – et de moderniser notre armée, et non d'en augmenter le format. Les 450 créations de postes prévues dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2019 sont destinées à répondre à des lacunes bien ciblées, notamment dans la cyberdéfense et le renseignement.
Cette « réparation » de notre armée est une oeuvre de longue haleine : les matériels commandés ne seront livrés qu'en 2030. Globalement, l'effort que nous financerons l'année prochaine ne permettra d'arriver au modèle d'armée souhaité qu'en 2030, à condition de continuer à investir sans relâche jusque-là !
Je pense que la France doit impérativement avoir une telle vision, sur le temps long, du modèle d'armée dont elle a besoin pour répondre aux menaces auxquelles elle doit faire face. Je développe ainsi dans mon rapport les menaces existant dans le cyberespace et l'espace exo-atmosphérique, pour lesquelles nous sommes encore assez mal armés.
Face à ces enjeux, nous devons avoir une stratégie de long terme, à l'image de la Chine, qui investit massivement dans un modèle d'armée dont l'horizon est fixé à 2049… Pourtant, la Chine relève encore de notre aide au développement – cela nous a été rappelé ce matin.
J'estime que notre stratégie de long terme est encore faible, et même trop faible en ce qui concerne notre espace maritime. Je ne reviens pas sur ce que j'ai eu l'occasion de dire il y a quinze jours, notamment à propos de Djibouti, et que je développe dans mon rapport. Nos collègues Jean-Luc Mélenchon et Joachim Son-Forget nous présenteront bientôt un rapport sur cette question, comme la présidente vient de le rappeler.
Je pense, pour ma part, que nous n'aurons pas la capacité de faire face avec les moyens planifiés dans le cadre de la LPM si, dans dix ou vingt ans, de nouvelles puissances militaires viennent contester nos droits dans notre zone économique exclusive (ZEE). Nous avons l'air d'estimer que c'est un enjeu secondaire dans un contexte de contrainte budgétaire. C'est pourtant aujourd'hui qu'il faut songer à cette question, car il s'agit d'investissements sur le temps long – je passe ainsi de Clausewitz à Braudel. (Sourires.)
Pour finir, je voudrais revenir sur les enjeux européens et « otaniens » que vous avez été nombreux à soulever lors de notre récent échange de vues. Certains d'entre vous pensent que nous pourrions nous passer de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), perçue comme une survivance de la Guerre froide, un alignement sur les États-Unis et un gaspillage de nos moyens.
Il est certain que l'OTAN est une organisation lourde, dont les États-Unis représentent 72 % du potentiel militaire, et qui a toujours tendance à vouloir grossir encore, tentation contre laquelle la France lutte en permanence. Dans l'état actuel des choses, l'OTAN est néanmoins le creuset de l'interopérabilité de nos armées. Ce sont des standards, des procédures, des exercices en commun, et c'est aussi la capacité de défense collective de l'Europe. Si nous quittions l'OTAN, nous n'aurions pas de solution de remplacement, car l'Europe n'est pas prête à prendre le relais. De plus, nous perdrions notre communication avec tous nos partenaires européens du Nord et de l'Est, qui sont viscéralement attachés à l'OTAN et à l'alliance avec les États-Unis.
Ce qui nous pose le plus de problème avec l'OTAN est l'impact de l'industrie de défense américaine sur notre base industrielle. Cette situation est préoccupante dans l'industrie d'armement terrestre, comme dans le domaine aéronautique, avec le F35. Mais nous n'allons pas résoudre ce problème en quittant l'OTAN ! Nous ne pouvons faire face qu'en renforçant notre propre base industrielle de défense. Chacun sait que les commandes publiques n'y suffiront pas. Nous devons donc coopérer avec les partenaires avec lesquels nous avons une proximité stratégique, une capacité d'investissement similaire, et, dans l'idéal, des savoir-faire et des emprises commerciales complémentaires.
C'est à ce titre que j'ai évoqué, lors de nos précédents échanges, notre partenariat d'armement avec l'Allemagne, qui est devenue notre partenaire privilégié à cause du Brexit. Certes, nous gardons avec le Royaume-Uni des coopérations qui se poursuivent et qui fonctionnent bien, notamment dans le domaine des missiles. Mais le Brexit a tendance à absorber l'énergie et les finances de notre partenaire britannique, qui n'est plus forcément très disponible pour mener des projets ambitieux avec nous. Nous venons ainsi de renoncer à un projet commun de démonstrateur de drones de combat dans le cadre du Future Combat Air System (FCAS) : il a été remplacé par des études sur des « briques technologiques » qui sont nettement plus modestes. En outre, l'industrie de défense britannique est complètement imbriquée avec celle des États-Unis, et le Royaume-Uni a fait le choix – structurant et coûteux – du F35.
Nous nous retrouvons donc dans un face-à-face avec l'Allemagne, qui est un partenaire compliqué car elle n'a pas la même culture stratégique que nous. Pour la France, le but d'un programme d'armement est avant tout opérationnel, alors qu'il est surtout industriel pour l'Allemagne. Lorsque l'on n'a pas les mêmes buts, cela conduit à ajouter aux programmes des spécifications qui entraînent des surcoûts et des retards, lesquels réduisent, in fine, le bénéfice de la coopération.
Par ailleurs, les programmes d'armement menés en coopération ont pour but essentiel de produire une série plus importante afin de réduire les coûts unitaires et d'être plus compétitif à l'export. Or l'Allemagne a des règles si strictes que nos industriels pourraient se trouver empêchés d'exporter des armements produits en coopération avec elle – je ne fais pas spécialement allusion aux récentes déclarations de la chancelière d'Allemagne, qui ont suscité des questions adressées au Président de la République… Une telle situation serait catastrophique pour nos industriels, et c'est actuellement un enjeu central pour l'avenir du rapprochement entre le français Nexter et l'allemand KMW, qui a été engagé en 2015.
Dans ces conditions, nous n'avons pas d'option simple pour développer la coopération d'armement en Europe : un grand défi nous est lancé.
Je reconnais que ces considérations nous ont un peu éloignés du budget de la défense, stricto sensu, mais elles font écho, je crois, à des sujets qui sont au coeur des préoccupations de la commission des affaires étrangères.
En ce qui concerne le budget des armées en 2019, mon inclination personnelle serait de vous inviter à voter pour, en considérant qu'il s'agit des moyens que nos militaires réclament depuis bien longtemps ; mais – et c'est donc un « oui mais » – par souci de cohérence avec mon abstention et celle de mon groupe sur la LPM, je m'abstiendrai pour le moment, en raison de l'incertitude qui pèse encore sur la durabilité des moyens qui sont dégagés. J'applique donc la formule qui nous a été rappelée ce matin par Christophe Naegelen : « dans le doute, abstiens-toi ! ».
Merci beaucoup. Vous vous souvenez que le « oui mais » était plus giscardien que chiraquien… (Sourires.)
Je voudrais commencer par saluer l'immense travail qui a été réalisé par notre collègue Quentin, ainsi que la très grande qualité de son rapport et de ses interventions dans le domaine de la défense en général. Il a travaillé sur la première année d'application et les premières traductions de la LPM, que nous avons examinée en commission au printemps dernier. Nous en mesurons chaque semaine l'importance au sein de la commission des affaires étrangères. La France apparaît comme la première des puissances à exhorter à la stabilité, au multilatéralisme et à la sauvegarde d'un ordre mondial apaisé.
De manière globale, l'augmentation du budget de la mission « Défense » suit la trajectoire établie par la LPM, et le Gouvernement respecte l'objectif fixé par le Président de la République qui est de consacrer 2 % du produit intérieur brut (PIB) à notre défense à l'horizon 2025. Je veux plus particulièrement souligner ce qui est désigné sous l'expression « Ambition 2030 » : il s'agit de redonner à notre armée sa capacité matérielle d'action. C'est une façon de la « réparer », comme vous l'avez noté. Il faut la réparer car, à bien des égards, nous ne pouvions plus prétendre être une puissance sans remédier à ce que l'on appelle les ruptures temporaires de capacité, qui handicapent fortement nos forces armées dans leur mission. À titre personnel, je suis satisfaite de voir les crédits d'entretien programmé du matériel augmenter de 8 % : je pense en particulier à l'Atelier industriel de l'aéronautique de Clermont-Ferrand.
Réparer consiste notamment à investir dans de nouveaux bâtiments et de nouveaux véhicules. Mais réparer, c'est aussi agir sur les conditions de vie de nos militaires, ce qui fait de la LPM une loi « à hauteur d'homme ». Nous ne pouvons que nous féliciter de l'augmentation des crédits en faveur de nos militaires et de leurs familles.
Vous avez attiré l'attention sur la présence militaire française en mer, qui est un enjeu majeur de sécurité. Il faut relever que la LPM 2019-2025 et ce budget pour 2019 ont choisi de remédier aux années d'abandon qui ont malheureusement conduit au lent déclin de ce secteur essentiel pour notre sécurité. Il faudrait très probablement faire plus, mais il faut souligner que les efforts étaient nécessaires dans tous les secteurs.
Vous avez conclu votre présentation en insistant sur l'impérieuse nécessité de penser notre défense dans le cadre d'une vision européenne. Nous ne pouvons être qu'en accord avec vous. C'est bien ce chemin que suivent le Président de la République et le Gouvernement.
Il y a une cohérence globale dans notre action : les investissements dans le matériel et leur entretien, pour les hommes et leurs conditions de vie, dans la présence en mer et dans la dissuasion garantissent notre puissance et nos positions diplomatiques. Le groupe La République en Marche est en accord avec la trajectoire et l'ambition de la LPM. Nous nous prononcerons en faveur des crédits budgétaires pour 2019 de la mission « Défense » qui en sont la première traduction.
Je m'associe à ce qui vient d'être dit sur le grand intérêt de ce rapport, qui bénéficie des analyses et de l'expertise avisée de Didier Quentin.
Ce premier budget de la nouvelle loi de programmation militaire respecte la trajectoire qui était initialement fixée : les crédits augmenteront de 1,8 milliard d'euros par rapport à la précédente loi de finances initiale, ce que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés salue. Nous ne pouvons pas ignorer la violence du monde et le contexte international qui font peser sur notre pays et sur l'Europe de lourdes menaces, lesquelles nous imposent de revoir nos objectifs stratégiques. La France a pris toute sa place pour combattre ces menaces. L'engagement de nos forces armées et leur professionnalisme sont reconnus partout dans le monde. Elles font face à des difficultés extrêmes sur les différents théâtres d'opérations où elles sont projetées. C'est pourquoi il est impératif que nous procédions à la modernisation de nos moyens et de nos matériels militaires.
Il est également essentiel que nous avancions, d'une manière décidée, vers une Europe de la défense. On voit déjà les lignes bouger, par exemple avec l'investissement accru de l'Europe dans les programmes de recherche duale, à la fois civile et militaire, et avec le soutien qui est apporté à des opérations de maintien de la paix, mais cela reste encore trop embryonnaire. Mon groupe rappelle avec force que la France ne peut pas supporter seule le poids des interventions militaires, même si nos troupes s'y engagent avec vaillance. L'Europe et les pays européens doivent manifester un soutien plus appuyé aux opérations que nous menons en leur nom et pour leur sécurité.
La hausse des crédits budgétaires doit aussi permettre d'améliorer nos services de renseignement et de renouveler les matériels nucléaires.
Notre rapporteur a souligné que les relations militaires avec nos voisins européens ne sont pas toujours évidentes : il a rappelé en particulier combien nos objectifs et ceux de l'Allemagne sont divergents. Or nous avons absolument besoin d'avancer en menant une véritable politique de coopération. Celle-ci est essentielle pour assurer à la France et à l'Europe les capacités de projection que la Chine est, entre autres, en train d'acquérir. Nous ne pouvons pas nous laisser distancer. C'est pourquoi mon groupe se félicite de voir que la trajectoire budgétaire ambitieuse qui a été fixée sera, peut-être, respectée pour la première fois.
Je voudrais maintenant vous interroger sur notre intervention au Sahel. Comme on pouvait le craindre, la bande sahélo-saharienne (BSS) ne semble pas se stabiliser, bien au contraire. Le Burkina Faso est agité par des attentats terroristes à répétition. Le Tchad et le Niger font face, eux aussi, à des menaces importantes, et je ne parle pas du Mali… Notre rapporteur peut-il nous éclairer sur la capacité de la France à faire face à une éventuelle intervention supplémentaire dans cette région ?
Je voudrais saluer le rapport de notre collègue Quentin, qui est dans la droite ligne de celui qu'il a présenté la dernière fois. On sent vraiment le travail d'un spécialiste et d'un passionné du sujet.
J'ai voté pour la LPM car je pense qu'on a besoin de rendre ses lettres de noblesse, si je puis dire, à notre armée et surtout de lui redonner les moyens nécessaires. Quand on voit que certains de nos militaires n'ont même pas de pantalon ignifugé en opération, il y a de quoi se désoler.
On doit aussi se projeter en avant. Il est ainsi beaucoup question de l'Europe : nous en avons besoin, en plus de l'OTAN, qui reste sous le joug des Américains. Il est parfois compliqué de discuter avec eux compte tenu de la personnalité, qui peut être un peu multiple, de leur dirigeant. Il est absolument nécessaire que les pays européens ou, en tout cas, un cercle restreint d'entre eux, mettent en place une politique de défense commune.
Cela doit aussi nous conduire à discuter d'une politique d'armement européenne. On voit, en effet, la non-cohérence de certains pays dans ce domaine : comme je l'ai déjà rappelé devant notre commission, la Bulgarie achète des MiG russes, la Pologne des F16 américains et les Belges, maintenant, des F35, alors qu'il y a des industries européennes, et en particulier françaises, qui vendent des avions. Je pense qu'il faudrait avoir une certaine cohérence, à un moment donné. Veut-on vraiment travailler ensemble ? Si c'est le cas, il faut se concentrer sur une politique d'armement européenne.
Notre rapporteur a repris l'expression : « dans le doute, abstiens-toi ». Sur les théâtres d'opérations, face au danger, les militaires ont une autre formule que mon frère m'a souvent citée : « dans le doute, vide ton chargeur » – c'est une autre façon de voir les choses, qui vaut dans certaines circonstances. (Sourires.) Le groupe UDI, Agir et Indépendants votera bien entendu les crédits de la mission « Défense ».
Merci à Didier Quentin pour la qualité de son travail.
Pouvez-vous, monsieur le rapporteur, nous apporter un éclairage complémentaire sur les enjeux de la cybersécurité et de la cyberdéfense que vous évoquez dans votre rapport ? Vous insistez notamment sur les attaques quasi quotidiennes, et de plus en plus dangereuses, dont nous faisons l'objet. De même que certains pays se sont engagés depuis de nombreuses années sur la voie du désarmement dans le domaine nucléaire, ne serait-il pas nécessaire d'ouvrir des discussions internationales en vue d'un cyber désarmement, avant que des attaques ne détruisent des infrastructures vitales ?
Je voudrais préciser d'emblée que les députés communistes ne voteront pas ces crédits. Il y aura peut-être des votes différents au sein du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), mais sa composante communiste ne votera pas ce budget.
Il y a, en effet, la question de l'arme atomique. Alors que des forces se lèvent pour dire qu'il faut interdire les bombardements des populations civiles, à juste titre, car elles n'ont pas à payer le prix des guerres, on continue à vouloir disposer de la bombe atomique. Ce sera pour bombarder qui ? Si on signe des traités stipulant qu'il ne faut pas bombarder des populations civiles, à quoi va-t-il servir de dépenser 14,5 millions d'euros par jour pour moderniser et adapter la bombe atomique aux enjeux du XXIe siècle ? Il faut une cohérence entre les positions que l'on prend et notre action.
J'en viens au volet relatif au soutien à nos militaires : il faut évidemment leur fournir du matériel, mais on doit aussi redonner du sens à notre armée. Les communistes ont toujours considéré qu'elle devait servir à défendre le pays, et qu'il fallait procurer à nos militaires les moyens de le faire. Mais de la défense du pays on est passé à celle des intérêts français, puis à celle de nos valeurs, avec l'idée de les imposer au monde entier. On s'autorise, à ce titre, à faire des interventions ici et là, ce qui pose une question philosophique sur le rôle de notre armée.
Le Président de la République s'est un peu couché en acceptant le diktat de l'OTAN sur les 2 % du PIB qui devraient être consacrés aux dépenses militaires. Ce n'est pas une idée du Président de la République, mais une exigence de l'OTAN qu'il a reprise et que nous ne partageons pas. Nous pensons que la question de l'OTAN se pose aujourd'hui et qu'il n'est pas normal de ne pas ouvrir ce débat dans notre Assemblée. Face à l'attitude des Américains, faut-il que l'OTAN continue à exister ? Ne doit-on pas poser cette question, notamment au sein de notre commission ? Que peut-on construire avec l'Union européenne (UE) et dans d'autres cadres, comme celui de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), alors que les États-Unis abandonnent l'OTAN ? C'est un sujet dont on pourrait se saisir, sans forcément en rester au seul aspect militaire.
Nous demeurons très attentifs à l'industrie française, y compris dans le domaine de l'armement. Christophe Naegelen a dit qu'il faudrait acheter européen : nous y sommes plutôt favorables, mais l'Europe a adopté un principe de concurrence libre et non faussée. On aurait pu prévoir une exception, comme on l'a fait pour la culture, en vue de favoriser notre indépendance et notre autonomie au plan européen.
En ce qui concerne les drones, nous aimerions savoir si certains crédits de ce budget vont être consacrés à des recherches sur les robots tueurs. C'est un vrai sujet dans le domaine de l'armement : il y a une évolution qui ne nous convient pas du tout, car on voit bien les dérives liées à l'intelligence artificielle. Cela rejoint la question qui a été posée sur le numérique et la cybercriminalité : imaginez des robots tueurs qui feraient l'objet d'une cyberattaque et dont d'autres acteurs prendraient ainsi le contrôle. Cela peut ressembler à un scénario de science-fiction, mais il est en réalité tout à fait crédible. Je pense que nous ne travaillons pas suffisamment sur ces sujets et que le peuple n'est pas assez associé à toutes ces questions d'avenir, à travers ses représentants.
Vous voyez que nous nous posons beaucoup de questions philosophiques et stratégiques. Nous ne voterons pas ce budget, même si nous apprécions l'effort réalisé pour l'équipement de notre armée – il nous semble même que l'effort devrait être un peu plus important. Nous n'acceptons pas, en revanche, tout ce qui concerne la bombe atomique.
Je voudrais abonder dans votre sens à propos de la concurrence. Elle est aujourd'hui mondiale : c'est une évidence qu'il faut construire des géants européens et une industrie européenne, en particulier dans les domaines stratégiques, où la concurrence ne devrait pas constituer une fin en soi. Il faudrait que les questions stratégiques et industrielles passent en premier. Je le pense depuis longtemps.
Je donne maintenant la parole à Christophe Lejeune, qui est membre de la commission de la défense.
Je voudrais rappeler quelques points au sujet de la dissuasion nucléaire.
La France est tout de même le bon élève parmi les pays qui détiennent la bombe atomique : nous sommes les seuls à avoir supprimé, en 1996, une composante de la dissuasion – la composante terrestre. Nous sommes également les seuls à avoir restreint le nombre d'ogives, selon la notion de « stricte suffisance » : c'est un autre élément important.
Dans le cadre de la LPM, le poids de la dissuasion au sein de l'enveloppe globale qui est consacrée à la défense reste à hauteur de 12 % : les montants augmentent, mais pas le pourcentage global. Il s'agit de préparer l'avenir, car la dissuasion se joue sur le temps long. On prépare ainsi les années 2035 à 2060, voire 2070, ce qui n'est pas rien.
Il faut également avoir à l'esprit la dualité qui existe : sans les capacités que nous devons aux exercices « Poker », qui sont réalisés dans le cadre de la dissuasion nucléaire, nous n'aurions pas pu intervenir en Syrie au mois d'avril. Nous sommes le seul pays européen capable de monter en parfaite autonomie ce genre d'exercices dont on a vu les implications.
Enfin, je voudrais revenir sur la question de la diplomatie militaire, qui n'est pas un oxymore. En cette « année du centenaire », permettez-moi de rappeler le rôle essentiel qu'a joué l'escadrille La Fayette vis-à-vis des Américains pendant la Première Guerre mondiale, et celui de l'escadrille Normandie-Niémen auprès de l'Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est aussi cet héritage qui permet à nos armées de parler avec celles de la Russie et des États-Unis quand il le faut.
Je voudrais remercier tous nos collègues pour leurs interventions très argumentées.
Valérie Thomas a repris le terme de « réparation », mais aussi celui d'ambition. Il est vrai que les crédits du titre 5 ont servi de variable d'ajustement pendant quelques décennies. Il y a un sursaut, un rebond, que l'honnêteté intellectuelle impose de saluer – mon interrogation porte néanmoins sur la durée. Vous avez eu raison de considérer tous les crédits et de rappeler qu'il s'agit d'une LPM « à hauteur d'homme », comme l'a notamment dit le général Bosser lorsque nous nous sommes rendus à Satory.
Le chef d'état-major de l'armée de terre a insisté sur l'alliance entre la jeunesse et la maturité qui caractérise nos forces armées, y compris en ce qui concerne les équipements. Ces derniers ont longtemps été complètement dépassés, et on se souvient aussi des incidents qui ont eu lieu avec le Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (LOUVOIS). Nous avons compris que tout cela fait désormais partie du passé et que, sans vouloir pécher par un optimisme aveugle, il y a un bon moral dans nos forces armées, après des années de déconstruction, si je puis dire. Je crois que nous sommes tous d'accord pour saluer l'effort accompli.
Le général Bosser nous a dit qu'il y a quatre facteurs de succès : il faut donner des signes tangibles de la remontée en puissance – et il a d'ailleurs cité, à titre d'exemple, les tenues de sport ; on doit bien employer les ressources attribuées, chaque euro dépensé devant être utile, principe avec lequel on ne peut qu'être d'accord ; il est nécessaire de consolider une nouvelle gouvernance militaro-industrielle, ce qui est évidemment un point assez sensible ; enfin, il importe de travailler sur nos relations internationales militaires afin d'essayer d'arriver à une autonomie stratégique européenne.
Je salue l'allusion de Christophe Lejeune à la diplomatie militaire, qui n'est pas un oxymore, en effet. Nous aurons l'occasion de commémorer dans quelques jours les événements de la Grande Guerre, comme on dit – bien que la Seconde Guerre mondiale ait fait encore plus de morts. Nous savons tous ce que Pershing a déclaré au cimetière de Picpus : « La Fayette, nous voilà ! ». Nous avons des relations à cultiver avec les Américains, mais aussi avec les Russes, même s'il y a parfois des problèmes. Nous n'oublions pas le Normandie-Niémen, ni d'autres exemples.
Monsieur Joncour, vous avez appelé notre attention sur le G5 Sahel. Sa force conjointe a mis en place ses postes de commandements en prenant sous ses ordres sept bataillons et a réalisé cinq opérations. La communauté internationale s'est mobilisée et a fait des promesses de dons s'élevant à plus de 400 millions d'euros. Ces sommes n'ont pour l'heure pas été versées et il importe que nos partenaires concrétisent les engagements qu'ils ont pris en février 2018. La capacité opérationnelle initiale de la force conjointe a été validée en novembre 2017 et elle est commandée depuis le 30 août 2018 par le général mauritanien Hanena Ould Sidi, qui a relevé à ce poste un général malien. Toute la difficulté est de commander une force coalisée – Eisenhower disait à ce sujet : « depuis que j'ai eu à commander une force coalisée, j'ai moins de respect pour Napoléon ».
Lors de notre mission au Mali, nous avons pu, avec la présidente et d'autres membres de la commission, constater tous les problèmes qui se posaient. La situation au Mali est extrêmement préoccupante, particulièrement dans la région de Mopti. L'élection présidentielle a pu avoir lieu malgré les menaces terroristes qui pesaient sur son bon déroulement mais l'évolution de ce pays est encore un grand point d'interrogation.
Le Burkina-Faso et le Niger ont été confrontés à une recrudescence d'attaques terroristes sur leurs frontières maliennes, dont plusieurs ont été revendiquées par la branche locale de Daesh, l'« État islamique dans le Grand Sahara ». Du fait de Boko Haram, des menaces continuent de peser sur le Nigeria et le Tchad, qui est aussi exposé au risque d'infiltrations de rebelles soudanais à l'est, et à l'instabilité centrafricaine à sa frontière sud.
La situation dans cette région reste, on le voit, un sujet de préoccupation. L'important est que la France ne soit pas seule.
Sur la politique de défense commune, monsieur Naegelen, je crois avoir déjà donné des explications. Il faut reconnaître que ce n'est pas une entreprise facile.
Quant à la cybersécurité, monsieur David, c'est un domaine qui a été négligé pendant longtemps. Certains pays lui consacrent des sommes considérables comme les États-Unis qui lui allouent pas moins de 19 milliards de dollars en 2017. La Chine et la Russie investissent massivement dans des moyens cyber, notamment offensifs, sans qu'il soit possible de mesurer concrètement cet effort. D'autres pays, qui sont des puissances militaires non négligeables, mènent des stratégies cyber affirmées : c'est le cas de l'Inde, du Japon, du Pakistan, de la Corée du Nord ou de l'Iran. Ne soyons pas en retard d'une guerre – j'ai toujours relu avec attention L'Étrange défaite de Marc Bloch.
M. Lecoq s'effraie de la perspective des robots tueurs. Cela peut sembler terrifiant, mais il ne faut pas se laisser dépasser. Nous savons que les technologies liées à l'humanité « augmentée » peuvent avoir des applications dans le domaine militaire.
Mais nous pourrions aussi encourager la signature d'un traité international pour l'interdiction des robots tueurs !
Effectivement, mais cela soulève la question du difficile contrôle.
Christophe Lejeune a judicieusement souligné que si les crédits destinés à la dissuasion nucléaire augmentaient en valeur absolue, ils restaient stables en pourcentage. Je ne reviens pas sur la prolifération, nous en avons déjà traité en évoquant l'accord sur le nucléaire iranien. Cette question pourrait connaître un nouveau développement avec l'affaire Kashoggi. Le président de la République a voulu rester maître des horloges en indiquant qu'il ne répondrait aux questions sur la suspension des ventes d'armes à l'Arabie saoudite que le moment venu, réaction que l'on oppose à la riposte très rapide de la Chancelière allemande. Ce qui est certain, c'est que les questions d'exportation d'armements ne manqueront pas de poser des problèmes pour la coopération franco-allemande.
Rappelons que le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (CFADS) a été créé dès 1988 afin de pérenniser les structures de la coopération de défense. Composé du Président de la République française, du chancelier allemand, des ministres des affaires étrangères et de la défense et des chefs d'état-major français et allemands, il est doté d'un secrétariat permanent. Seize ans plus tôt, en 1972, Michel Debré et Helmut Schmidt, alors ministres de la défense, avaient signé un accord fixant les règles d'exportation vers les pays tiers des matériels d'armement développés ou produits en coopération. Il prévoit qu'« aucun des deux gouvernements n'empêchera l'autre gouvernement d'exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d'armement issus de développement ou de production menés en coopération » et que « chacun des deux gouvernements s'engage à délivrer sans retard et selon les procédures prévues par les lois nationales les autorisations d'exportation nécessaires pour la fourniture de ces composants au pays exportateur ». Compte tenu des événements récents, nous aurons certainement l'occasion de reparler de l'accord de 1972.
Par ailleurs, le code de la défense prévoit que les licences peuvent être suspendues par le Premier ministre sur avis de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Les vendeurs d'armes remettent des rapports biannuels sur leurs exportations à cette commission de sorte qu'un contrôle soit exercé sur les exportateurs. Le ministère des armées fournit ensuite un rapport annuel au Parlement, gage de transparence, en prenant en compte les rapports de chaque exportateur. Il ne faut pas se cacher toutefois que le contrôle n'est peut-être pas aussi complet qu'on pourrait le souhaiter.
Nous nous souvenons à ce sujet qu'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le contrôle des exportations d'armes aux belligérants du conflit au Yémen a été déposée par des députés du groupe La République en Marche auprès de la commission des affaires étrangères.
Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de vous interrompre pour faire une clarification. Comme je ne cesse de le répéter depuis quatre mois, la création des commissions d'enquête est du ressort des groupes parlementaires. Les commissions permanentes sont compétentes pour la création de missions d'information.
Au mois de juillet, j'ai souhaité que notre commission auditionne la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, qui a évoqué devant nous les licences d'exportation d'armes, ainsi que Luc Mampaey qui nous a exposé les mécanismes de contrôle des exportations d'armement dans les principaux pays de l'Union européenne. À la suite de ces auditions, j'ai suggéré que notre commission pourrait mettre en place une mission d'information sur le contrôle des exportations d'armes. Elle sera créée sans doute la semaine prochaine – nous avons dû attendre que certaines autres missions d'information s'achèvent.
La France doit respecter les engagements internationaux pris auprès des Nations unies et de l'Union européenne et la CIEEMG, présidée par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, placée sous l'autorité du Premier ministre, s'assure qu'elle le fait. Le Parlement est par ailleurs informé des ventes d'armement grâce au rapport annuel, dont nous avons longuement parlé lors de la session extraordinaire de juillet. Dans certains parlements voisins, nous savons que des procédures assurent davantage de transparence et qu'il y a même parfois des délégations ad hoc. Toute cette procédure vaut la peine d'être revue. Le Parlement sera parfaitement dans son rôle d'évaluation et de contrôle en se penchant sur cette question.
Notre rapporteur a invoqué le secret défense à propos des dépenses consacrées à l'arme nucléaire. Dans notre rapport d'information sur l'arme nucléaire dans le monde, Michel Fanget et moi-même avions préconisé la création d'une délégation permanente à la dissuasion nucléaire sur le modèle de la délégation au renseignement. Elle permettrait aux représentants du peuple d'avoir accès à certaines informations jugées sensibles. La dissuasion nucléaire ne peut être le domaine exclusif de l'exécutif. Cela ne nous paraît digne d'une démocratie. Nous aimerions que le rapporteur reprenne cette recommandation dans son rapport.
Je me tourne vers vous, chers collègues, pour savoir quels points vous souhaiteriez que j'aborde durant les cinq minutes qui me seront imparties lors de l'examen des crédits de la mission « Défense » dans l'hémicycle. Comment apporter une valeur ajoutée par rapport aux nombreux rapporteurs de la commission de la défense ?
Dans mon avis, j'insiste beaucoup sur l'ambition maritime de la France et l'affaire de Djibouti, et j'apporterai des précisions sur la situation au Sahel.
Je me félicite que la force Barkhane intervienne désormais aussi au Burkina-Faso. Pendant des mois, nous nous sommes heurtés à des difficultés dans les relations bilatérales, du fait d'un déni des autorités militaires burkinabè, lié à de vieux réflexes anti-impérialistes. C'est un élément très important dans la cohérence de notre action au Sahel.
Ma suggestion porte sur le continuum entre défense et sécurité intérieure et sécurité et développement. L'action des opérateurs internationaux doit être relayée par les forces de sécurité intérieure pour permettre l'essor de projets de développement dans les zones stabilisées. C'est un point aveugle du dispositif puisqu'il n'est pratiquement pas financé par le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » ni par le ministère de la défense. Il me semble important que vous mettiez cet enjeu en avant dans votre intervention, monsieur le rapporteur.
La décision de Donald Trump de retirer les États-Unis du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire signé en 1987 avec ce qui était alors l'Union soviétique est lourde de conséquences, qu'il s'agisse des relations avec la Russie mais aussi avec la Chine.
Autre point d'importance : il faut poser la question de la prise en compte par le budget européen des opérations de défense menées par la France car ces opérations, nous ne les menons pas seulement au nom de la France mais aussi au nom de la sécurité de l'ensemble de l'Europe.
Je crains que nous ne soyons réduits à être une vox clamantis in deserto. Nous ne recevons pas beaucoup de soutien de la part de nos partenaires. Certains considèrent que nos opérations s'apparentent à du néo-colonialisme, qu'elles ne seraient qu'une manière pour la France de s'occuper de son pré carré africain. Cela ne doit toutefois pas nous empêcher d'insister, d'autant que la menace terroriste n'est pas limitée à la France. Il n'est que de penser au Danemark où l'ambassadeur de France François Zimeray a échappé de peu aux fusillades de 2015.
Article 39 et état B
La commission est saisie de l'amendement II-AE14 de M. Christian Hutin.
Cet amendement vise à augmenter significativement les ressources mises à la disposition de l'Agence de reconversion de la défense afin d'améliorer la captation des personnels quittant le ministère des armées en dehors de ceux qui sont soumis à une période probatoire ou qui sont touchés par la limite d'âge. Ils doivent être accompagnés afin de retrouver un emploi stable. Rappelons que de nombreux militaires signent des contrats de cinq ans. Cette augmentation permettrait notamment de développer le pôle « communication métier et marketing opérationnel » et de favoriser les rencontres avec les entreprises.
J'ai cru comprendre que la commission de la défense avait rejeté un amendement identique ce matin. Nos forces armées sont attentives à cette dimension, même si elles cherchent le plus possible à fidéliser leurs personnels. Nous connaissons au sein même de notre commission un cas de reconversion précoce puisque l'une de nos collègues est ancienne capitaine d'active.
La reconversion est une priorité du ministère des armées qu'il a intégrée au plan Famille. Des moyens importants lui sont consacrés, notamment au centre de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte. Ils ne me semblent pas insuffisants, notamment pour financer les actions que vous avez décrites dans l'exposé sommaire de votre amendement. Précisons que les rencontres avec les entreprises sont surtout menées avec les unités qui constituent les meilleures recommandations qui soient pour les militaires en reconversion. Avis défavorable au nom du groupe La République en Marche.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements II-AE19, II-AE20 et II-AE21 de M. Christian Hutin.
Ces amendements visent à augmenter la dotation destinée aux carburants opérationnels, qui connaît une baisse de 4,1 millions d'euros par rapport à l'année précédente pour s'établir à 39,5 millions d'euros.
Plusieurs facteurs sont susceptibles d'entraîner une augmentation substantielle des dépenses de carburant de nos forces armées, notamment la hausse de 5 % de la taxation du carburant et la hausse du prix du baril de pétrole, qui devrait augmenter d'environ 9,3 % en 2019.
J'ai une question : le carburant acheté par nos armées est-il soumis à la même taxation que le carburant acheté par les particuliers ?
Je crois savoir que les armées disposent de mécanismes de couverture pour se prémunir contre les évolutions du cours du pétrole. Il me semble important de vérifier que les conséquences de la hausse de la taxation du pétrole pour la défense sont bien anticipées par le Gouvernement.
C'est pourquoi je vous invite, monsieur David, à redéposer ces amendements en séance afin d'obtenir des garanties à ce sujet.
La question avait déjà été posée lors de l'examen de la loi de programmation militaire (LPM). Toutes les hypothèses de surcoût ont été prises en compte en amont et comme il y aura cette année moins d'opérations de terrain, nous n'avons pas d'inquiétudes à avoir. Avis défavorable.
N'oublions pas que la dotation subit une diminution de 4,1 millions d'euros et que le carburant sera soumis à une hausse de la taxation.
Ces hypothèses ont déjà été intégrées dans la construction du projet de loi de finances. Les besoins en carburant seront moindres cette année, comme je l'ai dit.
La commission rejette successivement les amendements.
Après l'article 72
La commission est saisie de l'amendement II-AE15 de M. Christian Hutin.
Par cet amendement, nous proposons un rapport d'information qui montre en quoi le projet de loi de finances inscrit dans les faits la coopération européenne et en quoi ces partenariats participent à la stratégie française d'autonomie dans le contexte de montée des risques internationaux.
Il permettrait d'apporter des précisions. S'agissant du secteur de l'industrie, l'indicateur 1.3 fixe un objectif de 30 % du total des opérations de coopération prévues par la LPM mais ne les détaille pas. S'agissant du secteur de la recherche, le développement de la coopération européenne dans le domaine des études en amont reste problématique. Le PLF ne dispose pas d'indicateur à ce sujet.
Le rapport aurait aussi pour but d'évaluer l'impact du Brexit sur la coopération en matière de défense avec le Royaume-Uni.
Cet amendement rejoint une préoccupation dont nous avons déjà débattu et sur laquelle j'ai insisté dans mon rapport. La LPM – et c'est sans doute l'une de ses faiblesses – mise beaucoup sur les coopérations européennes or rien n'est moins évident que ces partenariats, soumis à des contraintes politiques, industrielles et opérationnelles très fortes.
Votre idée de demander au Gouvernement de dresser un bilan global de ces coopérations me semble intéressante. Je donnerai donc un avis favorable à votre amendement.
Les commissions parlementaires peuvent se saisir de certains sujets. Joachim Pueyo, membre de la commission des affaires européennes, a ainsi produit un rapport sur l'articulation entre la défense européenne et l'OTAN. Notre groupe est donc défavorable à l'amendement.
Notre commission ne pourrait-elle demander qu'une mission d'information soit créée, madame la présidente ?
Nous pourrions effectivement traiter de cette question, par exemple dans le cadre d'une mission flash. Nous reviendrons vers vous pour débattre de la forme que cela peut prendre.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement II-AE17 de M. Christian Hutin.
Cet amendement tend à évaluer la politique d'équipement de la France et vise à établir des comparaisons de coûts avec nos alliés européens et les membres de l'OTAN. Il semblerait que des marges de manoeuvre existent. La question est de savoir si les contrats d'équipements initiaux ne sont pas surévalués par rapport au prix des matériels de même gamme acquis par nos alliés.
Je comprends le but de cet amendement qui est de faire le point sur le niveau des équipements et sur ce qu'on appelle les « trous capacitaires ». Néanmoins, j'estime que son périmètre est un peu large. Une comparaison des dépenses d'équipement des pays de l'Union européenne et des membres de l'OTAN serait sans doute difficile à établir et un peu indigeste. Ce rapport risquerait surtout de se heurter au secret défense. Aucune armée au monde, à commencer par l'armée française, ne donnerait un éventail précis de ses capacités et a fortiori de ses trous capacitaires.
On ne saurait parler de gabegie. Comme l'a expliqué à de nombreuses reprises la ministre des armées, des marges de manoeuvre ont pu être trouvées en mobilisant la trésorerie de certaines agences internationales et en décalant dans le temps les engagements.
Nous sommes d'accord pour dire que les hausses de crédits en faveur de la défense doivent s'accompagner d'une gestion irréprochable. Eu égard aux divers chantiers de modernisation du ministère, nous avons pleinement confiance dans le fait qu'« un euro dépensé sera un euro utile ».
Notre groupe ne votera pas cet amendement.
Les fournisseurs détiennent souvent une exclusivité pour la fourniture de certains matériels. Les prix ne sont ni contrôlés ni contrôlables en l'absence de concurrence. C'est la même chose pour les camions de pompiers. Il me paraît donc nécessaire de contrôler les budgets d'acquisition.
Dans la plupart des cas, il y a peu de concurrence mais nous faisons travailler notre industrie locale.
Je comprends bien l'esprit de cet amendement mais je me demande si le sujet ne relève pas avant tout de la commission des finances. Il me semble que François Cornut-Gentille, le rapporteur de la commission des finances sur ces questions, a interrogé la ministre sur les appels d'offre. C'est même ce qui a justifié son abstention : d'après la conversation que j'ai eue avec lui, il estime qu'il n'a pas obtenu des réponses aussi complètes que souhaitées.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement II-AE18 de M. Christian Hutin.
Cet amendement consiste à demander un rapport ayant pour objet de proposer des améliorations quant à la coordination logistique entre l'emploi des personnels et l'utilisation des matériels, compte tenu des contraintes existantes au sein de l'armée de l'air.
Pour ce faire, il établirait les causalités entre les indisponibilités des matériels liées au maintien en condition opérationnelle, d'une part, et le taux d'occupation des personnels liée à l'augmentation du nombre de missions réalisées, d'autre part.
Ce rapport établirait les raisons de la diminution des heures de vol en indiquant notamment si les responsabilités proviennent d'une carence en personnel, en matériel ou d'une coordination sub-optimale des tensions affectant ces deux agrégats. Il a pour objectif de proposer des améliorations quant à la gestion des tensions inhérentes affectant le fonctionnement de nos forces armées.
Cet amendement pose une question très technique et précise qui, selon la ministre, pourrait être posée lors de l'examen des crédits plutôt que de donner lieu à un rapport. Le groupe La République en Marche ne votera pas pour cet amendement.
L'amendement de nos collègues évoque un problème réel : notre armée de l'air ne vole pas assez, pour des raisons de faible disponibilité des équipements et de manque d'effectifs.
Rappelons que la seule armée de l'air a subi 40 % des déflations d'effectifs supportées par les armées entre 2008 et 2015, ces tristes années. Or l'armée de l'air est grande par sa qualité mais petite par sa taille. Comme l'a dit notre collègue Valérie Thomas, il faudrait interroger la ministre, particulièrement dans la perspective de l'arrivée de nouveaux équipements qui requièrent sans doute des compétences spécifiques. Le premier avion A330 multi-rôles de ravitaillement et de transport (MRTT) « Phénix » est arrivé fin septembre sur la base aérienne d'Istres où il était attendu depuis très longtemps. On peut imaginer qu'il demande des compétences spécifiques qui ne sont peut-être pas encore tout à fait satisfaites.
La commission rejette l'amendement.
Après l'article 73
La commission examine l'amendement II-AE16 de M. Christian Hutin.
Cet amendement demande la remise d'un rapport sur les Cadets de la défense, afin d'envisager une éventuelle montée en puissance de ce dispositif porté par le ministère des armées. La remise d'un tel rapport paraît d'autant plus pertinente que le service national universel (SNU) doit être mis en place au cours des mois à venir. Il pourrait, entre autres choses, nous permettre de savoir dans quelle mesure il est possible de s'inspirer des cadets de la défense pour le SNU.
Vous proposez au Gouvernement de faire un rapport qui répondrait aux rapports rédigés par nos collègues Joachim Pueyo et Marianne Dubois en 2015. La surenchère de rapports n'est pas la meilleure option. Rappelons, à toutes fins utiles, que l'avenir des Cadets de la défense se lira au travers des modalités de mise en place du SNU.
Plutôt que de tirer des perspectives sur le dispositif des Cadets – qui est effectivement très efficace – pour les appliquer au SNU, il vaut mieux que l'on définisse les contours de ce dernier en amont. Nous pourrons voir ensuite quelles en seront les conséquences pour les Cadets.
Le groupe La République en Marche ne votera pas cet amendement.
L'amendement dépasse assez largement le champ de compétences de la commission des affaires étrangères. Il relève plutôt des compétences de la commission de la défense qui l'a examiné – et l'a rejeté, me semble-t-il – ce matin.
À titre personnel, je suis plutôt favorable au dispositif des Cadets de la défense, qui permet à des jeunes âgés de douze à dix-huit ans de découvrir le métier des armes. Il faudrait peut-être s'appuyer sur ce programme qui semble avoir fait ses preuves dans le cadre de la refonte du SNU, annoncée par le Président de la République. À titre personnel, je suis donc favorable à cet amendement, tout en reconnaissant la compétence réduite du rapporteur de la commission des affaires étrangères sur cette question.
J'indique au passage qu'à l'initiative de leur conseil départemental, certains départements comme le mien ont accordé des bourses à des jeunes pour leur permettre de passer le brevet d'initiation à l'aéronautique (BIA). Cela peut être un vivier pour notre armée de l'air.
Gabriel Attal, le nouveau secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en charge notamment du SNU, a répondu cet après-midi à une question dans l'hémicycle. Il va tenir compte de tous les dispositifs existants et s'inspirer de ceux qui fonctionnent afin de définir précisément les contours du SNU. Cet amendement ne présente donc pas d'intérêt.
La commission rejette l'amendement.
Nous tenons tous aux Cadets de la défense : il faut que tout le monde en soit bien conscient.
Avant de mettre aux voix les crédits de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2019, je demande au rapporteur son avis même s'il nous l'a déjà donné, par respect du formalisme.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ».
Examen pour avis, ouvert à la presse, des crédits de la mission « Économie – commerce extérieur et diplomatie économique » du projet de loi de finances pour 2019 (M. Buon Tan, rapporteur pour avis).
Nous en venons à l'examen pour avis des crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique, rattachés à la mission « Économie », dont le rapporteur est M. Buon Tan.
Pour mon plus grand bonheur, j'ai noté que nombre des recommandations faites par notre rapporteur l'an dernier ont été mises en oeuvre dans la réforme de l'accompagnement des exportateurs. C'est notamment le cas du guichet unique tant attendu. Je félicite le rapporteur d'avoir eu cette influence positive sur la politique menée.
Cependant, pour en avoir longuement parlé il y a une quinzaine de jours, nous savons que les lignes budgétaires et les responsabilités administratives concernant le commerce extérieur sont toujours très éclatées et dispersées. Pour ma part, je pense que cela nuit vraiment à la définition d'une véritable stratégie en matière de commerce extérieur. Et Dieu sait que nous avons besoin d'une telle stratégie !
Mes chers collègues, je reviens devant vous pour vous dresser, en quelque sorte, un état des lieux du commerce extérieur. Malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes : la balance commerciale s'est encore un peu dégradée et son déficit s'élève à 63 milliards d'euros en 2017. En outre, la situation ne devrait guère s'améliorer dans l'immédiat et le déficit devrait être du même montant l'année prochaine.
Dans mon précédent rapport, j'avais fait quelques préconisations. Comme l'a souligné madame la présidente, j'ai eu le plaisir de voir que certaines d'entre elles ont été retenues, qu'elles sont appliquées ou en cours d'application. Trois principaux axes avaient été définis : simplifier et faire connaître le dispositif d'accompagnement à l'exportation ; libérer nos outils de financement en les rendant plus flexibles et donc plus faciles d'accès pour les entreprises ; innover en construisant de nouvelles structures comme les « Maisons de la France » et les « Comptoirs de France ». Quelques mois plus tard, en février, le Premier ministre présentait à Roubaix la stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur. À cette occasion, il rappelait la volonté de la France de faire passer de 124 000 à 200 000, le nombre de ses entreprises exportatrices.
Quel bilan pouvons-nous dresser de l'année écoulée ? Nous pouvons déjà nous réjouir de la cohérence des mesures présentées qui ont été très bien accueillies par tous les acteurs. La mise en place du guichet unique d'accompagnement, l'un des points phares de la réforme, se passe bien tant en France qu'à l'étranger. Les appels d'offre pour les six postes prévus à l'étranger sont en cours de traitement. Pour se préparer à la guerre du commerce extérieur, la France doit amorcer une forte évolution culturelle, former et faire travailler ensemble tous ceux qui contribuent au soutien du commerce extérieur. Soyons lucides : beaucoup reste à faire. C'est l'objet du travail de fond que je mène depuis plusieurs mois.
Le rapport de cette année va plus loin. Il s'inspire des auditions des acteurs du commerce extérieur et aussi d'un déplacement que j'ai effectué en Italie pour établir une comparaison européenne. L'Allemagne peut sembler être le point de comparaison naturel mais, en fait, l'Italie est sans doute plus proche de nous par son tissu de TPE et PME et par ses secteurs d'activité phares, notamment l'agro-alimentaire et le luxe. C'est surtout un pays qui est parti de plus bas que nous. Sa balance commerciale était très déficitaire et elle est devenue bénéficiaire depuis 2012. Nous avons donc essayé de comprendre les raisons de ce succès et de voir si nous pouvions nous en inspirer pour améliorer notre accompagnement des entreprises à l'étranger.
Le rapport propose quatre axes d'amélioration.
En premier lieu, nous proposons d'améliorer les statistiques. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les statistiques à partir desquelles nous travaillons actuellement ne sont pas très fiables, notamment parce qu'elles ne prennent pas en compte l'essor du commerce en ligne. Il arriverait 100 millions de petits colis par an par le seul aéroport Charles de Gaulle. Quelle valeur représentent-ils ? On ne sait pas s'ils contiennent des produits à un euro, 10 euros, 100 euros, 1 000 euros. Quoi qu'il en soit, ils passent sous les radars. Ce type de commerce étant en forte progression, nous devons adapter nos statistiques pour qu'elles puissent en rendre compte.
En deuxième lieu, nous proposons de financer les réformes en cours. Je pense que les choix qui ont été faits vont modifier profondément le système d'accompagnement des entreprises à l'exportation et qu'ils vont dans la bonne direction. Cependant, je m'inquiète au sujet du financement des mesures prises et des outils créés. Le budget pour 2019 laisse apparaître de petits trous dans la raquette. Je pense notamment à l'outil de gestion de la relation client – customer relationship management (CRM). Nous avions parlé l'an dernier de cette base de données partagée par tous ceux qui accompagnent les entreprises : chambres de commerce et d'industrie (CCI), Business France et autres, y compris les intervenants privés conventionnés. En fait cet outil n'est pas financé. L'an dernier, j'avais déposé un amendement visant à obtenir 3,5 millions d'euros pour financer cette démarche CRM. Il avait été rejeté. Un an plus tard, le problème se repose. Le coût global de cet outil est d'environ 10 à 11 millions d'euros. Pour lancer la commande, il fallait 3 millions d'euros. Afin d'éviter que le projet ne prenne du retard, Business France a fourni ces 3 millions d'euros ; il reste à trouver 7 à 8 millions d'euros. Il nous faut également financer l'assurance prospection, un instrument très pratique pour les entreprises qui cherchent à faire un premier pas vers les marchés étrangers. Cette assurance prospection est actuellement sous-dotée. Au vu de la trajectoire actuelle, le système pourrait s'arrêter à la fin du mois de mars 2019, faute de crédits. Face aux mesures prises, il est important de mettre les moyens financiers adéquats, pour que l'on puisse mener à bien cette politique.
En troisième lieu, il faut réorganiser le pilotage du commerce extérieur. Il n'existe pas de budget dédié au commerce extérieur mais de nombreuses lignes de crédit différentes. En outre, la direction est bicéphale, une partie étant gérée par Bercy et l'autre par le Quai d'Orsay. À mon avis, il faut un ministre du commerce extérieur attitré, pour des raisons tant pratiques que d'affichage. Lors d'un déplacement à l'étranger, un ministre peut rencontrer son homologue, c'est-à-dire un ministre et non pas un simple conseiller, pour défendre nos dossiers. Un secrétaire d'État n'est parfois pas reconnu comme un ministre.
Enfin, il faudrait appréhender l'exercice comme une démarche collective. Les entreprises petites et moyennes n'ont pas la taille nécessaire pour se lancer sur les marchés étrangers, et elles n'ont pas l'habitude de se regrouper pour chasser en meute comme le font très bien les Allemands et les Italiens. Nous devons pousser nos entreprises à faire ce travail qui peut être abordé dès la formation dans les écoles. Il faut les persuader que, même si elles sont concurrentes en France, elles peuvent travailler ensemble à l'étranger. Nous avons de nombreux atouts et nous sommes sur la bonne voie même s'il reste beaucoup à faire. Nous devons être vigilants sur la mise en application des choix que nous avons faits.
Merci beaucoup, monsieur le rapporteur, pour ce travail que je trouve extrêmement approfondi et intéressant.
Tout d'abord, je tiens à féliciter notre rapporteur pour la qualité de son travail et pour ses propositions qui sont toutes très intéressantes et très positives, et dont certaines sont déjà en cours d'application.
J'aimerais revenir sur les instruments financiers d'aide à l'exportation et sur les assurances, notamment l'assurance prospection. Ces assurances sont gérées par Bpifrance pour le compte de l'État. Bpifrance prépare les dossiers et fait l'interface avec les entreprises, mais la décision finale d'octroi relève du ministre de l'économie et des finances. Quelle est la conséquence directe de ce système ? Les délais sont longs. Il peut s'écouler de quatre à six mois entre le dépôt de la demande et l'octroi des garanties. Autre caractéristique de ces assurances : depuis 2017, elles sont présentées de manière différenciée dans un compte de commerce intitulé « soutien financier au commerce extérieur ». L'assurance export est excédentaire et, en 2017, l'État a reçu un reversement de l'ordre de 325 millions d'euros. En revanche, l'assurance prospection a affiché un déficit de 18 millions d'euros en 2017 – il était de 111 millions d'euros en 2011. Cette assurance est vraiment en déclin et, si l'on ne fait rien, elle est amenée à disparaître car les montants offerts ne correspondent pas aux besoins des entreprises.
Dans mon rapport de mission d'information sur la diplomatie économique, j'avais fait des propositions qui allaient dans le même sens que celles du rapporteur. Si nous sommes plusieurs à penser la même chose, c'est qu'il y a certainement quelque chose à faire dans le domaine. J'avais notamment proposé de laisser la gestion directe de ces deux dispositifs à Bpifrance qui pourrait alors financer sans faire appel aux ministères concernés.
Comme vous, monsieur le rapporteur, je souhaite la mise en place d'un guichet unique qui sera plus proche des entreprises. La stratégie du Gouvernement et de la majorité est tournée vers les TPE et PME. Pour rappel, seulement 1 000 entreprises réalisent 70 % des exportations en volume. Dans ce contexte, nous soutenons votre proposition de financement d'outils numériques du type CRM et la plateforme des solutions.
Nous devons, en effet, aider nos entreprises à jouer plus collectif, à chasser en meute. Les primo-exportateurs peuvent utiliser les échanges pair à pair. Ils pourraient aussi utiliser des canaux d'exportation existants : ceux qui font de la tôlerie pourraient passer par les canaux de distribution d'entreprises qui font de l'usinage ou autres. En se raccrochant à ces canaux, ils pourraient exporter en réduisant les coûts et les risques.
Notre groupe défend aussi l'idée de mettre plus en avant le développement du commerce extérieur dans la politique publique. Vous avez parlé d'un ministre en charge du commerce extérieur. Toutes nos actions doivent être analysées et contrôlées sous le prisme de nos exportations.
Enfin, j'ai été très intéressé par votre réflexion sur les pratiques de nos voisins européens. Votre analyse du cas italien est vraiment en adéquation avec ce que nous pensons sur les TPE et PME et sur la nécessité de recentrer le réseau consulaire dans les trois domaines que sont la détection, la formation et l'accompagnement.
Le groupe La République en marche votera, bien entendu, pour les crédits de la mission.
Merci beaucoup, monsieur Masséglia. Vous avez effectivement conduit une très importante mission d'information sur la diplomatie économique avec notre collègue Pierre Cordier. Nous avons adopté votre rapport il y a un peu plus d'un mois, en y intégrant les contributions de certains groupes : La République en marche, le Mouvement démocrate et apparentés et La France insoumise. Ce vrai travail de fond va dans le même sens que l'avis de Buon Tan.
Au nom du groupe Les Républicains, je m'associe aux compliments adressés à notre rapporteur.
Je ne reviens pas sur les instruments financiers et les assurances puisque la question a déjà été posée. Mais j'aimerais savoir ce que pense notre rapporteur des personnels des ambassades, mais aussi des conseillers du commerce extérieur. Pensez-vous, monsieur le rapporteur, qu'ils ont une utilité, qu'ils remplissent leur mission ? Il faut bien reconnaître que le déficit de notre balance commerciale est structurel depuis quasiment quarante ans. On se souvient de Michel Jobert, confronté à un déficit considérable, qui voulait arrêter les ordinateurs japonais à Poitiers. C'est un problème lancinant.
On en revient toujours à la nécessité de chasser en meute et d'aider nos PME et TPE à développer leurs exportations. Dans ce domaine, certains semblent savoir bien mieux faire que nous, à commencer par l'Allemagne et l'Italie. S'agissant des produits alimentaires, j'ai fréquenté des foires et des salons internationaux en Extrême-Orient. Pour les vins et les eaux-de-vie, les exposants français ont chacun leur petit stand. Les Italiens ont un stand unique sous la bannière « Eataly ». Le jeu de mots peut sembler anecdotique, mais il est révélateur d'astuces plutôt porteuses.
Nous sommes évidemment favorables à l'idée d'un ministère du commerce extérieur. Je remarque qu'au cours de cette seule séance, nous avons créé au moins deux ou trois ministères. Ce matin, nous avions déjà fait de même. Tous les candidats proclament qu'ils veulent faire le XV de France qui gagne et on se retrouve avec trente ou quarante ministères. Il faut raison garder. À une époque, il y avait des directions régionales du commerce extérieur, dépendant de la direction des relations économiques extérieures (DREE) dans les préfectures. Que deviennent-elles ? Sont-elles encore actives à l'heure des grandes régions ?
Au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, je veux également saluer la qualité du travail qui est traduit dans ce rapport assorti de propositions concrètes qui requièrent tout notre intérêt.
Le déficit chronique de notre balance commerciale symbolise un mal français bien identifié : la lente mais certaine désindustrialisation du pays. Les gouvernements successifs ont entrepris de résorber ce déficit avec le succès relatif que l'on connaît. Nous devons tous en avoir conscience. Le rétablissement de nos comptes publics passe aussi par une résorption de notre déficit commercial. Notre groupe rappelle souvent et depuis longtemps cette préoccupation.
Nous tenons donc à saluer les efforts entrepris par le Gouvernement et rappelés par le rapporteur : un changement d'état d'esprit pour faire travailler ensemble les différents acteurs que sont la région, le réseau consulaire et Business France ; la mise en place du guichet unique qui est depuis longtemps attendu ; l'objectif affiché par le Gouvernement de porter à 200 000 le nombre d'entreprises exportatrices.
Notre groupe soutiendra cette action qui va dans la bonne direction.
Monsieur le rapporteur, nous regardons avec attention la mise en place du guichet unique et nous souhaiterions avoir des précisions sur ce sujet. Vous en avez déjà donné quelques-unes. Vous apportez des éléments de calendrier intéressants, en particulier s'agissant des conventions Team France Export. Avez-vous des éléments plus précis et plus concrets sur le rapprochement entre Business France et les régions ? Peut-on être certain que la contractualisation aura bien lieu d'ici à la fin de l'année ? Pouvez-vous nous rappeler quels effets bénéfiques en sont attendus ? Dans quel état d'esprit se trouvent les acteurs, ceux-là même qui seront en charge de faire réussir cette réforme ?
Notre groupe votera pour les crédits qui sont affectés à cette mission.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je m'associe aux félicitations adressées au rapporteur par mes collègues.
Je souhaiterais revenir sur votre constat concernant la baisse des moyens de Business France et de la Bpifrance, qui pourrait être compensée par des ressources propres. Ne croyez-vous pas que la facturation de certains services aboutira à la sélection des entreprises capables de payer, au détriment de petites et moyennes entreprises qui se retrouveraient exclues ? Cette facturation est-elle importante ou symbolique ?
Comme mes collègues, je tiens à féliciter notre rapporteur pour la qualité de son travail. J'aimerais aussi l'interroger sur les clubs d'exportateurs dans lesquels se regroupent des entreprises de nos territoires, notamment des PME, qui regardent vers les marchés extérieurs. Ces clubs d'exportateurs n'ont quasiment pas de moyens mais ils permettent aux entrepreneurs d'échanger sur leurs problèmes et leurs besoins, et parfois de décider d'aller ensemble s'attaquer à un marché donné. Qu'est-il prévu pour ces clubs qui font un excellent travail ?
Je félicite notre rapporteur pour avis pour son rapport de grande qualité.
Si les budgets consacrés à l'accompagnement du commerce extérieur sont en augmentation depuis une quinzaine d'années, les résultats obtenus par la France dans ce domaine ne cessent de se dégrader : il n'y a donc aucune corrélation entre les moyens mis en oeuvre jusqu'à présent et les effets qui en résultent. Sur la base de cette constatation, on peut considérer que l'objectif de porter à 200 000 le nombre d'entreprises exportatrices ne sera pas forcément atteint, en dépit du grand nombre de mesures structurelles d'ores et déjà engagées par le Gouvernement.
Poussant la réflexion un peu plus loin, j'estime qu'il est aujourd'hui permis de se demander s'il est bien nécessaire de maintenir un service public en matière d'accompagnement du commerce extérieur, compte tenu de la faiblesse des résultats affichés, du fait que les moyens de Bpifrance vont diminuer et que cet organisme public a commencé à facturer ses services. Dans un souci d'efficacité, ne devrait-on pas envisager de confier à un opérateur privé – au moins dans certains pays, à titre expérimental – les missions consistant à aider les entrepreneurs à développer leur activité ?
Pour compléter ma question précédente, je veux souligner que, dans certaines régions un peu reculées, les chambres de commerce peuvent jouer un rôle essentiel vis-à-vis des entreprises et des clubs d'exportateurs qu'elles peuvent former. Est-il envisageable d'accroître et de généraliser leur rôle en la matière ?
Je remercie M. Tan pour son rapport, mais aussi pour le document explicatif imprimé recto verso qu'il nous a fait distribuer – s'il s'agissait d'un flyer édité à l'intention de clients potentiels, nous serions d'ores et déjà conquis !
Ayant occupé durant vingt-cinq ans des postes de marketing au sein d'entreprises pour la plupart exportatrices, je sais que le monde de l'entreprise est très loin des politiques de commerce extérieur et que les entreprises exportatrices sont le plus souvent celles qui se sont vues ainsi dès leur création, en concevant des produits et des services, mais aussi une gestion de la chaîne logistique, adaptés aux clients qu'elles ciblent. Il arrive également que cette spécificité s'acquière à l'occasion d'une crise : cherchant à rebondir, une entreprise peut se rendre compte que son marché domestique ne suffit plus à dégager de la valeur ajoutée, et qu'elle doit donc envisager l'export. C'est le cas de la société lyonnaise Esker, spécialisée dans la dématérialisation des documents de gestion : c'est à l'occasion d'un rebond que cette entreprise a redéfini son identité et s'est résolue à aller chercher ses marchés dans le monde entier. À mon sens, le fait que les success stories de ce type ne doivent généralement rien aux politiques de commerce extérieur pouvant être mises en oeuvre par l'État doit nous amener à réfléchir.
Je remercie notre collègue Buon Tan pour son rapport.
Je rentre tout juste d'Italie, où j'ai eu l'occasion de vérifier que la situation de ce pays est bien différente de celle de la France. Les entreprises transalpines permettent en effet à notre voisin d'afficher un excédent commercial de 43 milliards d'euros – un chiffre qui atteint 84 milliards d'euros déduction faite de la facture énergétique.
Le tissu économique italien est essentiellement familial, ce qui favorise l'entraide entre entreprises et le parrainage à l'international. À l'inverse, l'entraide n'existe pas en France et les entreprises souhaitant être soutenues n'ont d'autre recours que de s'adresser à Bpifrance ou aux chambres consulaires. Elles ont alors affaire à des fonctionnaires, qui préfèrent souvent aider les grosses entreprises plutôt que les petites. Par ailleurs, quand une PME ou une TPE se présente à Bpifrance, elle peut obtenir quelques conseils, mais dès qu'il s'agit de rendre d'autres services, ceux-ci lui sont facturés, ce qui est rédhibitoire pour les petites structures qui cherchent de nouveaux marchés mais ne sont pas forcément disposées à payer pour cela dès le départ.
Estimez-vous, comme moi, qu'il conviendrait de favoriser l'entraide entre les entreprises françaises afin que cette pratique devienne une source de réussite, à l'instar de ce qui se fait en Italie ?
Je félicite à mon tour le rapporteur pour son rapport et pour son document explicatif, que je trouve remarquablement conçu. Par ailleurs, si ce n'est pas la première fois que nous abordons le thème du commerce extérieur, je dois dire que je trouve notre débat d'aujourd'hui particulièrement intéressant.
À mon sens, nous devons penser la politique du commerce extérieur en rupture avec ce qui se fait depuis des années. Je suis également convaincue que nous devons nous mobiliser fortement sur ce point car, si l'on prend en considération – à juste titre – la question du déficit budgétaire, celle du déficit du commerce extérieur n'occupe pas une place centrale dans nos politiques publiques, alors que cela devrait être le cas.
Je vous remercie pour vos encouragements et voudrais remercier à mon tour toutes les personnes qui m'ont aidé à rédiger le rapport et le document explicatif qui vous ont été remis. Nous avons eu à coeur de mettre à votre disposition une information digeste et compréhensible de tous – j'ai même souhaité qu'elle comporte un lexique des termes techniques – et je me félicite que cet objectif semble aujourd'hui atteint.
Je vais maintenant répondre aux questions qui m'ont été posées – en notant que les unes ont parfois répondu aux autres.
L'assurance export est un outil qui, depuis trente ans, dégage chaque année entre 200 millions et 1,5 milliard d'euros de bénéfice pour l'État. Globalement, le coût de l'assurance prospection, limité à quelques millions d'euros, se trouve donc largement couvert par l'assurance export. Malheureusement, étant donné les contraintes techniques liées au budget de l'État, il est impossible de flécher les recettes constituées par cet excédent, qui se trouvent donc captées par le budget général. Il faut savoir qu'un euro investi dans l'export rapporte entre 7 et 45 euros de facturation : comme vous le voyez, nous aurions tout intérêt à investir massivement dans ce domaine.
M. Quentin m'a interrogé au sujet de l'efficacité des réseaux des ambassades et des conseillers du commerce extérieur. Depuis quelques années, les ambassades ont pris à bras-le-corps la mission consistant à assurer la diplomatie économique – certains ambassadeurs y consacrent jusqu'à 40 % de leur temps –, dans le cadre de laquelle elles soutiennent les entreprises françaises, obtiennent des rendez-vous et influencent parfois les négociations.
Le réseau des conseillers du commerce extérieur, qui vient de célébrer son cent vingtième anniversaire, est lui aussi très actif – cela nous a été confirmé par le président de leur comité, M. Alain Bentéjac, que nous avons récemment auditionné. Je souligne que la France est la seule à disposer d'un tel réseau, constitué de conseillers très bien implantés et connaissant parfaitement les particularités, les contraintes et les pièges de la région où ils se trouvent. En outre, les conseils qu'ils dispensent sont gratuits et ils sont tout à fait disposés à être sollicités davantage qu'ils ne le sont actuellement. Il conviendrait donc de faire en sorte que ce réseau soit mieux connu par les entreprises.
Dans de nombreux pays, le fait de chasser en meute permet de disposer d'une meilleure visibilité et de moyens plus importants, c'est pourquoi, si cette pratique ne fait pas encore partie de la culture française, nos entreprises auraient tout intérêt à l'adopter. Dans le cadre des foires et salons, notamment, tous les exposants italiens se regroupent sous un pavillon unique constitué par une entreprise privée – très rentable, d'après les informations dont je dispose – quand les entreprises françaises se présentent, elles, en ordre dispersé. J'ai déjà eu l'occasion de proposer que nous en fassions de même en créant des Maisons de France à l'étranger, auxquelles les personnes intéressées par les produits, la technologie ou la culture de notre pays pourraient s'adresser comme à une sorte de guichet unique.
Les directions régionales du commerce extérieur ont été intégrées dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), qui sont à leur tour appelées à disparaître prochainement. À l'heure actuelle, au niveau régional, ce sont les chambres de commerce et d'industrie, qui connaissent très bien les entreprises locales, qui travaillent avec Business France et Bpifrance. Nous allons vers un guichet unique auquel les entreprises pourront s'adresser pour obtenir un diagnostic, d'éventuelles formations, des outils et des financements – en d'autres termes, pour être accompagnées dans leurs premières démarches. Pour les entreprises ayant déjà pratiqué l'export et souhaitant progresser dans ce domaine, l'accompagnement peut consister à les aider à embaucher des personnels en volontariat international en entreprise (VIE) ou à trouver des subventions pour financer un directeur export.
Dans ce processus, la création de cette base de données partagée qu'est le CRM va servir à ce que l'entreprise n'ait pas à constituer un nouveau dossier à chaque fois qu'elle rencontre un nouvel interlocuteur. Elle pourra également permettre d'assurer un suivi des informations dans le temps. Ainsi, une entreprise ayant connu une expérience fructueuse d'export au Japon pourra par exemple se voir proposer, l'année suivante, de tenter la même chose en Corée, un pays proche géographiquement et dont les habitudes culturelles et de consommation sont assez similaires. Aujourd'hui, il apparaît nécessaire de généraliser et de sanctuariser le CRM.
Bruno Joncour a évoqué la contractualisation. En la matière, la situation est assez encourageante, puisque cinq régions ont déjà signé avec l'État, et nous avons bon espoir que toutes l'aient fait avant la fin de l'année – Business France pense que c'est possible. En ce qui concerne les régions déjà engagées, je me félicite de constater que chacun joue parfaitement le jeu sur le terrain. Il y a donc tout lieu d'être optimiste pour la suite.
Pour ce qui est des bénéfices attendus, les économies d'échelle réalisées sont indéniables, notamment en matière d'occupation de bâtiments : aujourd'hui, Business France et les CCI sont souvent regroupés en un lieu unique, où ils travaillent ensemble. On assiste également à une déperdition beaucoup moindre, dans la mesure où les diagnostics, par exemple, peuvent se faire en la présence conjointe d'un représentant de Business France et d'un autre de Bpifrance, ce qui permet à l'entreprise concernée de se voir proposer une solution complète.
Outre le CRM, il va exister un outil informatique constitué d'une plateforme dédiée aux entreprises, ou chacune d'elles pourra trouver toutes les informations et accéder à tous les services susceptibles de lui être utiles – y compris les services privés. Une partie des services, notamment ceux destinés aux primo-exportateurs, n'intéressent pas les sociétés privées car elles ne sont pas rentables : c'est donc à l'État qu'il revient de les proposer. En revanche, une fois que l'entreprise a accompli ses premiers pas en matière d'exportation et qu'elle commence à prendre de l'ampleur, les accompagnateurs privés peuvent prendre le relais, car ils sont alors en mesure de facturer leurs services ; ceux qui jouent le jeu et signent des accords peuvent également bénéficier de ce réseau et ainsi récupérer des clients.
Le coût de facturation des services est une question essentielle. Aujourd'hui, les ressources de Business France proviennent déjà à plus de 50 % de la facturation. Une entreprise disposant de peu de moyens préfère souvent renoncer lorsqu'elle doit débourser une somme de l'ordre de 3 000 euros pour faire un salon. Cette raison a contribué à ce que, depuis 2014, il ait été observé une réduction de moitié du nombre d'entreprises ayant fait appel à l'assurance prospection – ce nombre est passé de 4 000 à 2 000 environ. Pour y remédier, nous faisons appels aux régions, qui disposent de budgets plus importants pour soutenir l'export, et travaillons à la mise au point d'un système de ticket modérateur : la région désireuse de mettre l'accent sur telle ou telle activité pourra régler une partie de la facture de Business France, dont seule une partie restera à la charge de l'entreprise concernée.
J'en viens aux clubs d'experts évoqués par Mme Michel – une idée très intéressante, et que nous avons l'intention de soutenir. J'ai auditionné l'an dernier le club Stratexio et cette année les représentants du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), qui s'est très bien organisé pour chasser en meute, puisqu'il a pour habitude d'associer ses sous-traitants – en descendant jusqu'à deux niveaux – à ses opérations de prospection, qui obtiennent de très bons résultats.
Si en France, 20 % de l'export est réalisé par les PME, cette proportion est de 54 % en Italie. Notre pays compte 124 000 entreprises exportatrices, quand l'Italie en affiche 226 000, soit près de deux fois plus : cela montre que nous disposons d'une belle marge de progression, et que nous devrions être en mesure d'atteindre l'objectif ambitieux de 200 000 entreprises exportatrices que nous nous sommes fixés.
L'Italie dispose effectivement d'un tissu industriel extrêmement solide, ce qui lui procure un réel avantage sur notre pays.
La commission examine l'amendement II-AE22 du rapporteur pour avis.
L'un des outils essentiels pour nous permettre de porter à 200 000 le nombre d'entreprises exportatrices est le CRM, dont je vous ai parlé tout à l'heure. Un appel d'offres a été lancé, d'où il ressort que sa mise en place va coûter entre 10 millions d'euros et 11 millions d'euros – ce qui correspond à l'ensemble des outils ainsi qu'aux licences jusqu'en 2022. L'amendement que j'avais déposé l'an dernier en vue d'assurer ce financement ayant été rejeté, nous sommes aujourd'hui confrontés à un risque important. Pour ne pas mettre en péril le projet, Business France a avancé 3 millions d'euros destinés à permettre de lancer l'appel d'offres et de passer commande, mais nous avons encore besoin de 7 ou 8 millions d'euros pour la livraison et l'implémentation du dispositif. Si nous ne parvenons pas à les obtenir, la machine va s'arrêter et tout le travail effectué jusqu'à présent va être perdu.
Cela dit, je vais retirer l'amendement, dont a m'a demandé de retravailler la rédaction, et le représenterai en séance publique, ainsi qu'un second amendement ayant pour objet d'obtenir un financement de 57 millions d'euros correspondant au coût de l'assurance prospection. En effet, à partir de mars 2019, il n'y aura plus de crédits prévus pour cela. L'assurance prospection fonctionne selon un mécanisme un peu particulier. Durant la période de garantie, qui dure généralement trois ans, l'entreprise effectue ses actions de prospection, et ses dépenses sont prises en charge par l'organisme d'assurance. C'est ensuite la période d'amortissement qui commence, durant laquelle l'entreprise rembourse les indemnités qui lui ont été versées. En 2016, nous avons divisé par deux le nombre d'entrants, ce qui signifie qu'il y aura deux fois moins d'entreprises effectuant des remboursements en 2019 – alors que, dans le même temps, nous allons devoir accompagner un plus grand nombre d'entreprises : c'est ce problème technique qui explique qu'il manque 57 millions d'euros pour boucler l'année 2019.
L'amendement est retiré.
Dans la mesure où la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) a transféré à Bpifrance, début 2017, l'activité de garantie publique à l'export qu'elle assumait jusqu'alors, il est permis de se demander pourquoi cette activité ne devrait pas faire partie de la gestion normale des actifs de Bpifrance et rester à la charge du budget de l'État.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission émet, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique sur la mission « Économie ».
La séance est levée à dix-neuf heures douze.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Frédéric Barbier, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M.Christophe Di Pompeo, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, Mme Anne Genetet, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferriere, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, Mme Monica Michel, M. Sébastien Nadot, M. Christophe Naegelen, M. Frédéric Petit, M. Didier Quentin, Mme Marielle de Sarnez, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas
Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Clémentine Autain, M. Bruno Bonnell, Mme Samantha Cazebonne, Mme Laurence Dumont, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Maurice Leroy, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Delphine O, M. Hugues Renson, M. Joachim Son-Forget, M. Sylvain Waserman
Assistait également à la réunion. - M. Christophe Lejeune