Le rapport spécial qu'Émilie Cariou et moi-même présentons concerne les programmes Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières et Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture ainsi que le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (CASDAR). Il porte également sur la pêche. En revanche, il ne porte pas sur le programme Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation, dont traitera Michel Lauzzana.
J'aborderai donc, en premier lieu, le montant et la ventilation des crédits sur lesquels le Parlement est appelé à se prononcer et, en second lieu, plusieurs points méritant une attention particulière.
Commençons par la programmation budgétaire pour 2019. Au titre de la mission – fonds de concours et attributions de produits compris –, le Gouvernement demande pour 2019 l'ouverture de 2,77 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,86 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). On constate une baisse de 16,6 % par rapport à 2018, mais cette baisse est essentiellement optique : elle s'explique par le recalibrage de la provision pour aléas, qui passe de 300 à 200 millions d'euros, en raison d'une baisse anticipée de la facture liée aux refus d'apurement notifiés par la Commission européenne et par l'allocation de moindres dépenses aux mesures agro-environnementales et climatiques – le Fonds européen agricole pour le développement rural arrivant en fin de programmation – ainsi qu'aux aides à l'agriculture biologique – l'exécutif continuant à favoriser la conversion plutôt que le maintien en culture biologique. Enfin le projet de loi de financement de la sécurité sociale devait prévoir la suppression du dispositif « travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi » agricoles (TO-DE), mais il sera finalement transformé.
À périmètre constant, donc, le budget est reconduit.
Pour le CASDAR, la demande d'autorisation s'élève à 136 millions d'euros en AE et en CP : le montant est repris à l'identique par rapport à 2018.
Ce budget appelle de notre part des commentaires positifs, mais aussi d'autres remarques plus vigilantes.
S'agissant des points que nous saluons, je citerai : l'annonce d'un retour à la normale du calendrier de versement des aides « PAC » par l'Agence de services et de paiement (ASP), même si nous resterons attentifs, car cette promesse a déjà été faite aux agriculteurs l'année passée, avant de ne pas être tenue en raison de difficultés informatiques et des nombreux critères très hétérogènes retenus par les régions ; l'augmentation de la redevance pour pollution diffuse et le doublement progressif des moyens du fonds de structuration « Avenir bio », qui passeront de 4 à 8 millions d'euros ; enfin, naturellement, la réforme de la fiscalité agricole, avec l'instauration de la déduction pour épargne de précaution et le recentrage de l'aide aux jeunes agriculteurs sur ceux dont les revenus sont les plus modestes.
Une dizaine de députés de toutes tendances ont été associés au groupe de travail qui a préparé cette révision de la fiscalité. Nous nous félicitons de son adoption en première lecture, mais je souhaite que d'autres amendements viennent améliorer, en nouvelle lecture, le sort des jeunes agriculteurs.
J'en viens à certains éléments qui suscitent notre interrogation et sur lesquels nous souhaiterions des réponses rapides et concrètes de la part du Gouvernement.
Certes, l'exonération de cotisations sociales patronales dans le cadre du dispositif TO-DE est reconduite sous d'autres modalités, mais qu'en est-il de l'avancement au 1er janvier 2019 de la réduction du coût du travail ? Cette mesure était présentée par le Premier ministre comme une compensation, certes partielle, de la fin pure du TO-DE. Or, le ministre de l'agriculture nous a fait savoir hier que cette suppression des charges jusqu'à 1,15 fois le SMIC permettrait une économie de 105 millions d'euros sur les 144 millions jusqu'à présent dévolus au TO-DE. Nous pensons qu'il ne faut pas renoncer à ce signal très attendu par un secteur fortement exposé à la concurrence internationale.
Alors que le volet agricole du grand plan d'investissement (GPI) repose moins sur des crédits dédiés que sur des outils tels que des garanties de prêt, on entend dire que le ministère envisage d'y affecter une part du reliquat de la provision pour aléas de 2018. Il y a au contraire urgence à la mobiliser pour aider les agriculteurs touchés par la sécheresse, dans plusieurs de nos régions, et par la peste porcine africaine, qui nous talonne puisqu'elle sévit aujourd'hui en Wallonie. L'Allemagne a débloqué 170 millions d'euros sur fonds fédéraux, complétés par les Länder, pour faciliter l'achat de fourrage. Les agriculteurs allemands se fournissent ainsi en France, réduisant les stocks et poussant les prix à la hausse.
Enfin, si la mise en place d'une option révocable pour le passage à l'impôt sur les sociétés correspond indéniablement à la levée d'un frein psychologique, ce mouvement ne sera pas synonyme de neutralité fiscale. Nous estimons donc crucial de tenir compte des autres taxations appliquées au moment du changement de régime et d'éviter les effets d'aubaine permis par l'alternance entre l'imposition à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu selon le montant des sommes en jeu.
Je ne voudrais pas terminer mon intervention sans parler de la pêche. Les pêcheurs ont trois préoccupations en ce moment : l'augmentation du prix du gazole ; la perspective du Brexit et la nécessité réaffirmée d'une négociation globale au niveau européen ; l'interdiction du rejet de poissons en mer à compter du 1er janvier prochain, enfin, qui se heurte à leur vive réticence car cette mesure est très difficile à mettre en oeuvre sur leurs bateaux et dans les ports, lesquels ne sont pas préparés à une telle évolution.