Intervention de Valérie Rabault

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault, rapporteure spéciale :

La mission que nous abordons comporte les crédits de deux comptes d'affectation spéciale (CAS) et d'un compte de concours financiers, sur lesquels j'interviendrai successivement au cours des 5 minutes qui me sont imparties.

Nous avons eu un long débat l'an dernier sur le CAS Participations financières de l'État. Comme vous savez, chaque année nous sommes amenés à voter, à la fois en recettes et en dépenses prévisionnelles, des crédits au sujet desquels nous ne savons pas grand-chose. Ce n'est pas une pratique propre à cette majorité : il se trouve que l'État a, de longue date, pris l'habitude de ne pas donner d'informations aux marchés en amont sur les opérations qu'il peut être amené à effectuer sur ses participations. De ce fait, il ne fournit pas non plus d'informations à la représentation nationale, ce qui est tout même un peu gênant dans la mesure où nous sommes censés voter un niveau de recettes et un niveau de crédits.

Cela peut conduire à ce qu'un certain nombre de dérapages se produisent au fil de l'année, lorsque l'État décide de recapitaliser des entreprises dont il est actionnaire : les fonds correspondants sont alors prélevés sur le budget général de l'État, lorsque les opérations concernées n'ont pas été anticipées suffisamment tôt. Alors que nous votons généralement 5 milliards d'euros de recettes et 5 milliards d'euros de dépenses – c'est ce qui se produit chaque année, à de rares exceptions près – cette année, le Gouvernement a prévu de doubler ces montants en prévision des projets de privatisation prévus par le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) et concernant Aéroports de Paris et La Française des jeux.

Le produit de cession de ces entreprises a vocation à alimenter le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), dont le rendement annuel devrait être de 250 millions d'euros par an selon le Gouvernement. Mon groupe ayant déjà eu l'occasion de faire savoir qu'il était opposé à ces privatisations, vous ne serez pas étonnés d'apprendre que j'ai l'intention de déposer un amendement visant à la suppression des crédits correspondants ; par ailleurs, j'émettrai un avis défavorable sur le vote des crédits de ce compte d'affectation spéciale.

Pour que les choses soient bien claires en termes de comptabilité, je rappelle que la cession d'actifs résultant d'une privatisation n'a pas d'effet sur le déficit public : elle ne l'améliore ni ne l'aggrave, dans la mesure où les recettes qui en résultent sont des recettes au sens de la comptabilité budgétaire, mais des opérations financières s'inscrivant dans la comptabilité nationale.

L'an dernier, nous avons eu un long débat avec le ministre au sujet du FII. À notre sens, il était possible d'amender la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de façon que les dividendes perçus par l'Agence des participations de l'État (APE) puissent lui revenir plutôt que de tomber dans le budget général, afin d'avoir une vraie politique de gestion.

À ce titre, je souhaite remercier le Gouvernement. En effet, l'an dernier, nous avions adopté l'article 178 de la loi de finances initiale pour 2018, qui prévoyait que le Gouvernement remettrait au Parlement, avant le 30 juin 2018, un rapport d'information sur la politique de dividendes de l'État actionnaire et sur l'opportunité de faire évoluer l'Agence des participations de l'État (APE) pour qu'elle puisse recevoir ces dividendes. J'ai reçu ce rapport quasiment en temps voulu, ce qui est assez rare pour être souligné, et je vais vous le diffuser, car il me paraît très intéressant, en ce qu'il pose les bonnes questions – en lisant entre les lignes, j'ai l'impression qu'une évolution de l'APE pourrait être favorable à la politique de gestion, mais que le Gouvernement ne souhaite pas faire évoluer le statut de l'APE.

Sur la période 2006-2017, on peut évaluer à 77,2 milliards d'euros l'amélioration du solde budgétaire de l'État permise par les dividendes et les opérations du CAS Participations financières de l'État. C'est un point important. Néanmoins, je rejoins la Cour des comptes lorsqu'elle recommande, dans un récent rapport, de faire évoluer le statut de l'APE de façon que celle-ci puisse recevoir les dividendes des titres qu'elle détient, le Parlement fixant alors le niveau de la participation de l'Agence au budget général de l'État.

Dans le rapport qui nous a été remis, le Gouvernement voit des avantages à une telle évolution, dans la mesure où il ne serait pas nécessaire de procéder, le cas échéant, à des abondements via le budget général. En revanche, il estime qu'un « tel mécanisme aurait conduit – durant la période 2006-2017 – à un accroissement du besoin de financement de l'État, compte tenu de la moindre trésorerie apportée par les dividendes au budget général ».

J'en viens au CAS Participation de la France au désendettement de la Grèce. Selon les accords européens, la Banque de France, qui perçoit des intérêts versés par la Grèce, est censée lui en rétrocéder une partie. Toutefois, cette dernière n'ayant pas respecté l'ensemble de ses engagements, il a été décidé de suspendre le dispositif, de sorte que la France a bénéficié d'une trésorerie supplémentaire de 1 milliard d'euros. Lors de sa réunion du 22 juin dernier, l'Eurogroupe a décidé de réactiver le dispositif de rétrocession des intérêts. L'an dernier, M. Bruno Le Maire nous avait indiqué – je vous invite à consulter le compte rendu de la réunion de la commission élargie – qu'une fois ce dispositif réactivé, nous reverserions le trop-perçu correspondant aux années 2015, 2016 et 2017. Or, il semble exclu, à ce stade, de rétrocéder les intérêts perçus au titre des années 2015 et 2016. Nous interrogerons donc, en séance publique, le ministre de l'économie et des finances sur ce sujet.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) n'a pas encore notifié la chronique actualisée des décaissements pour 2018 et 2019, mais il est probable que leurs montants seront supérieurs à ceux qui sont envisagés dans la chronique initiale, puisqu'ils intégreront une fraction des intérêts relatifs à l'année 2017. Cependant, si l'on s'en tient à la chronique actuelle, la Banque de France doit encore reverser à la Grèce, d'ici à 2025, la somme de 338 millions d'euros.

Je suis désolée de devoir émettre un avis défavorable sur le vote des crédits de ce compte d'affectation spéciale, puisque ceux-ci ne sont pas conformes aux annonces que le ministre de l'économie et des finances nous avait faites l'an dernier en commission élargie. Je suppose qu'il nous donnera davantage de précisions en séance publique.

Enfin, le compte de concours financiers Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics gère les avances accordées par l'État à des entités publiques sous statuts divers. Pour 2019, il est prévu, pour l'ensemble du compte, des recettes de 11,4 milliards et des dépenses de 11,3 milliards, soit un solde positif de 72,5 millions. Autrement dit, le montant des remboursements d'avances devrait être légèrement supérieur au montant des avances consenties, ce qui améliore d'autant le solde budgétaire de l'État.

Ce compte a permis le financement, sous la forme de prêts, du budget annexe Contrôle et exploitation aériens (BACEA). Or, selon la Cour des comptes, cette pratique est contraire à la LOLF. Elle a, certes, cessé en 2015, mais le « stock de dettes » demeure important. Depuis 2015, la dette du BACEA à l'égard de ce compte diminue d'environ 100 millions par an, passant de 1,2 milliard à moins de 729 millions en 2019.

Le financement d'un budget annexe par un compte spécial est une pratique critiquable. Pour cette raison, et uniquement pour cette raison, j'émettrai un avis défavorable sur le vote des crédits de ce compte de concours financiers.

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