Je vous remercie, chers collègues, d'être venus si nombreux pour parler des retraites... Nous reviendrons sur le sujet au printemps.
Pour 2019, les crédits dédiés à la mission Régimes sociaux et de retraite, d'un montant de 6,28 milliards d'euros, évoluent à la baisse par rapport aux crédits votés en loi de finances l'année dernière : 6,33 milliards.
Mais ne vous méprenez pas. Non, les régimes spéciaux ne reviennent pas à l'équilibre. Cette tendance correspond en fait à une forte baisse des dépenses de pensions versées aux bénéficiaires des régimes fermés, l'ORTF et la Seita. Cette baisse est presque mécanique puisque ces régimes n'accueillent plus de nouveaux cotisants et ont vocation à s'éteindre. Elle correspond aussi au recul du montant versé à l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), j'y reviendrai.
Mais, en parallèle, les subventions d'équilibre versées aux régimes de la SNCF et de la RATP continuent d'augmenter fortement, de près de 50 millions d'euros par rapport à 2018. La baisse affichée sur la mission est donc trompeuse, car le déséquilibre de ces régimes s'aggrave.
Ces régimes spéciaux de retraite, vous le savez, peinent à s'autofinancer, car ils comptent un nombre de pensionnés plus élevé que le nombre de cotisants. Cette situation ne s'améliore pas, malgré les réformes paramétriques de ces dernières années.
Pour 2019, 47 millions d'euros supplémentaires sont demandés pour équilibrer ces régimes par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2018.
Le montant prévu en 2019 pour équilibrer la caisse gestionnaire du régime de la SNCF atteint 3,3 milliards, soit 20 millions d'euros de plus qu'en 2018. C'est une augmentation modérée par rapport à celle de 2018 – 30 millions – et à celle de 2017 – 38 millions –, mais qui montre que le déséquilibre du régime s'aggrave inexorablement. Sans compter que le nombre de cotisants devrait encore baisser suite à la réforme ferroviaire, avec une fermeture du statut prévue à compter du 1er janvier 2020.
Côté RATP, le montant prévu pour équilibrer la caisse atteint 736 millions d'euros, soit 27 millions d'euros de plus qu'en 2018. Là encore, l'augmentation est moindre que les prévisions de la direction du budget l'année dernière, qui l'estimaient à 742 millions d'euros en 2019. Néanmoins, comme pour le régime de la SNCF, le nombre des cotisants ne cesse de diminuer en raison de la réduction des embauches sous statut. Sans compter que le régime compte un « stock » de plus de 4 500 personnes qui, bien qu'elles aient atteint l'âge d'ouverture des droits et la durée d'assurance requise pour le taux plein, certaines depuis 2008, préfèrent rester en activité en espérant bénéficier d'une surcote. C'est autant de personnes qui pourraient faire rapidement croître les effectifs de pensionnés. Pour vous donner une petite anecdote, nous avons appris lors des auditions que la plus vieille demande de retraite à la RATP date de 1947, et la personne qui en bénéficie est toujours en vie...
Cette hausse est modérée par les mesures prises pour limiter la revalorisation des retraites en dessous de l'inflation, à 0,3 %. Comme les pensions servies dans le régime général et dans le régime de la fonction publique d'État, les pensions de la SNCF et de la RATP sont revalorisées en fonction de la hausse des prix. Or les retraites n'ont pas été revalorisées en 2018, et pour 2019, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévoit une revalorisation limitée à 0,3 %, alors que l'inflation est estimée à 1,5 %.
Si tel n'avait pas été le cas, les dépenses auraient été plus importantes encore : sur le périmètre de la mission, on estime à 110 millions d'euros les économies réalisées grâce à cette mesure en 2019.
En ce qui concerne le régime spécial de retraite des marins du commerce et de la pêche, géré par l'ENIM, les crédits sont en légère diminution de 8 millions d'euros sous l'effet de trois facteurs. Tout d'abord, le montant de la subvention pour charges de service public versée à cet opérateur est en baisse de près de 1 million d'euros, car l'ENIM fait un effort de maîtrise de ses dépenses de gestion de la branche vieillesse. Et 7 millions d'euros de moins sont versés pour les dépenses de prestations vieillesse. Le ratio démographique du régime s'améliore légèrement et surtout, l'État a fait le choix de ne pas prendre intégralement en charge les dépenses non couvertes par des cotisations, considérant que l'ENIM peut puiser dans sa trésorerie.
Enfin, sur la mission Régimes sociaux et de retraite, il faut signaler que le programme 195 prévoit 55 millions d'euros pour équilibrer le régime de retraite complémentaire (RCO) des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole. Ce régime est très déséquilibré puisque les recettes de cotisations ne couvrent que 57 % du total des charges. Il bénéficie donc, outre cette subvention, du produit de taxes affectées, dont la taxe farine, supprimée par l'article 9 du projet de loi de finances. Je tiens toutefois à vous rassurer, mes chers collègues : la disparition du produit de cette taxe est compensée par l'affectation au RCO d'une fraction plus importante du produit du droit de consommation sur les alcools, qui passe de 4,18 % à 6,87 %.
Quant aux dépenses de pensions retracées dans le compte d'affectation spéciale (CAS), elles sont en hausse elles aussi, pour tenir compte de la revalorisation prévue et de l'augmentation du nombre de pensionnés, sauf les pensions versées sur le programme 743, dont les bénéficiaires se raréfient d'année en année.
Pour financer ces dépenses de pensions, les recettes prévisionnelles restent supérieures aux dépenses.
Les recettes de la section I du CAS, qui financent les pensions des fonctionnaires civils et des militaires, continuent d'augmenter en 2019, bien qu'elles progressent moins vite qu'en moyenne entre 2013 et 2018.
Les recettes finançant les pensions des ouvriers d'État diminuent sous l'effet de la baisse des effectifs. En effet, depuis 2010, le nombre d'ouvriers d'État a été divisé par deux et il recule de 10 % chaque année.
Cependant, les recettes prévisionnelles du CAS restent supérieures aux dépenses : le solde prévisionnel du CAS en fin d'année 2019 reste excédentaire, à 1,5 milliard d'euros. C'est moins que l'année dernière – 2,5 milliards d'euros –, mais cela est loin d'être inquiétant compte tenu du montant du solde cumulé qui dépasse 8 milliards d'euros en 2019, permettant de respecter l'obligation d'équilibre fixée par la loi organique relative aux lois de finances.
En somme, mes chers collègues, ce budget est raisonnable. Il affiche des dépenses certes en hausse, mais maîtrisées, grâce notamment à la mesure de revalorisation à 0,3 % prévue par le PLFSS.
J'émettrai donc un avis favorable sur les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du CAS Pensions.
En tant que rapporteur spécial en charge du budget de l'État dédié aux régimes spéciaux de retraite, je suis par ailleurs avec attention les travaux relatifs à la réforme des retraites en cours. Vous le savez, les régimes spéciaux de retraite vivent leurs dernières heures. Une réforme systémique se prépare, sous l'égide du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye. Le projet de loi devrait nous être soumis entre le mois d'avril et le mois de juin 2019, pour une adoption avant l'été. Cette réforme aura, à terme, un effet sur les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite, puisque les régimes spéciaux de retraite ont vocation à disparaître au profit de ce nouveau régime universel. Cependant, à ce stade, il est difficile d'estimer l'impact sur ce budget.
Nous savons qu'il s'agira d'un système à points et non plus par annuités, mais toutes les hypothèses restent ouvertes, qu'il s'agisse de l'entrée en vigueur de la réforme, des modalités de la transition des régimes actuels vers le nouveau système universel et de sa gouvernance. C'est en tout cas un sujet que je suis avec attention.