La prévision d'évolution de la demande d'asile en 2019 constitue un exercice compliqué en raison de la situation paradoxale à laquelle nous sommes actuellement confrontés. D'un côté, les entrées en Europe sont en très forte baisse, de l'autre, le nombre de demandeurs est en très forte augmentation en France, cette année comme l'année dernière. Le nombre d'entrées a diminué de moitié entre 2016 et 2017, et les hypothèses retenues pour l'élaboration du projet de loi de finances sont fondées sur une prévision de stabilité des flux de demandeurs d'asile – on table sur environ 110 000 premières demandes introduites à l'OFPRA – et une prévision de stabilité du nombre de demandeurs relevant de l'application de la procédure « Dublin » – après avoir prévu plus 10 % en 2018, on prévoit moins 10 % en 2019 et 2020, du fait de l'assèchement des entrées en Europe.
S'il est vrai que l'effet de rebond actuellement constaté complique un peu la prévision, nous pensons cependant que les objectifs retenus sont sérieux et raisonnables. Il s'agit à mon sens d'hypothèses plutôt prudentes, selon lesquelles la situation française continuerait à se singulariser en Europe, mais qui tiennent compte des effets de flux que nous sommes susceptibles de connaître, ainsi que de l'accélération du traitement des demandes et des effets attendus de la politique de lutte contre l'immigration irrégulière que j'ai évoquée dans mon propos liminaire.
Pour ce qui est de la possibilité pour l'OFII d'avoir recours à des contrats à durée indéterminée (CDI), nous devons tenir compte de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile, qui prévoit que l'office ne peut plus recruter de non-fonctionnaires en CDI : c'est ce qui explique qu'il ne recrute actuellement que sur contrat à durée déterminée (CDD) d'un an. La possibilité de recourir à des CDD de trois ans est à l'étude par la direction du budget, qui ne m'a pas encore fait part de sa position. En tout état de cause, nous sommes, comme vous, conscients des limites du système actuel, c'est pourquoi le Gouvernement pourrait être favorable à une initiative qui serait portée dans le cadre de nos discussions, visant à régler ce problème.
Je précise cependant que, si une telle proposition était présentée dans le cadre de la loi de finances, elle serait certainement considérée comme un cavalier budgétaire, et repoussée à ce titre ; le projet de loi sur la fonction publique qui sera présenté prochainement à l'Assemblée nous fournirait sans doute une meilleure occasion de traiter ce sujet.
Au sujet de la mise en place des pôles régionaux de traitement des dossiers « Dublin », une note du 30 juillet 2018 à l'intention des préfets de région, relative à la régionalisation de la procédure « Dublin », prévoit de généraliser le dispositif des pôles régionaux en dehors de l'Île-de-France, dans un souci de cohérence et d'efficacité dans la mise en oeuvre de la procédure « Dublin » sur l'ensemble du territoire métropolitain. Il existe actuellement onze pôles régionaux localisés et dotés de moyens, dont les compétences sont précisément définies, en articulation avec celles du guichet unique au stade de l'enregistrement de la demande d'asile, et celles des préfectures de département en cas d'interpellation d'un étranger en situation irrégulière relevant d'une procédure « Dublin ».
Après le Conseil européen, les discussions se poursuivent. Comme je l'ai dit précédemment, je souhaite un changement clair des règles, afin qu'il soit mis fin à certaines pratiques : à l'heure actuelle, des demandeurs passent d'un pays à l'autre pour représenter le même dossier, ce qui n'est pas l'esprit du dispositif mis en place. Je précise que la présidence autrichienne a évoqué la notion de solidarité obligatoire, ce qui ne signifie pas une relocalisation obligatoire, mais la solidarité avec les migrants recueillis en mer et la mise en place de centres contrôlés dans les pays de première entrée. Pour atteindre cet objectif, nous allons continuer à travailler avec ces pays. Au niveau européen, ce sont des orientations compatibles avec celles qui sont défendues par la France, et les discussions avancent – peut-être pas assez vite, mais elles avancent, ce qui est une bonne chose.
Enfin, vous m'avez interrogé sur les centres de rétention administrative (CRA), en particulier sur le programme d'extension des capacités de rétention. Sur ce point, je vous précise qu'en 2017, 1 543 places avaient été prévues mais que, du fait de la saturation constatée, les préfets ont fréquemment été confrontés à une impossibilité de procéder à des éloignements, faute de places disponibles. Comme je l'ai dit tout à l'heure, un plan d'investissement a été mis en place, avec pour objectif de disposer de 481 places supplémentaires d'ici la fin 2020 – ce qui représente une augmentation de 35 %. Nous avons par ailleurs prévu 46 millions d'euros en 2018 pour l'ouverture de deux nouveaux CRA, et 60 millions d'euros pour 2019, avec notamment la réhabilitation du CRA de Nîmes et l'extension des CRA de Lyon, de Coquelles et de Lille.