Intervention de Éric Ciotti

Réunion du jeudi 25 octobre 2018 à 14h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur pour avis sur le programme Sécurité civile :

Monsieur le ministre, vous avez tout à l'heure souligné la dégradation persistante de la situation de l'asile dans notre pays, en citant notamment les chiffres de l'OFPRA. Étant moi-même membre du conseil d'administration de l'Office, je rappelle que nous comptabilisons, sur les neuf premiers mois de l'année, une augmentation des premières demandes d'asile de 22,1 % – un chiffre ramené à 18,5 % si nous intégrons les mineurs, arrivés en moins grand nombre. La situation est paradoxale car, bien que le Président de la République et vous-même ayez affirmé à mainte reprise que la situation de l'immigration et de l'asile en Europe s'était améliorée et que la crise migratoire était derrière nous, la crise migratoire n'a en réalité jamais été aussi forte dans notre pays. Je vois dans cette situation la conséquence directe des atermoiements, des faiblesses et du laxisme de la politique migratoire actuellement appliquée, dans la stricte continuité de celle mise en oeuvre en son temps par le gouvernement socialiste. Aujourd'hui, la situation continue à se dégrader, et je voudrais donc vous interroger, monsieur le ministre, sur des sujets qui me paraissent particulièrement préoccupants.

Pour ce qui est de la relation avec nos partenaires italiens – je dis bien nos partenaires –, 50 000 non-admissions ont été prononcées l'année dernière à la frontière franco-italienne dans mon département, les Alpes-Maritimes, et l'on retrouve aujourd'hui la même situation dans d'autres départements frontaliers, notamment les Hautes-Alpes. Les tensions que le président Macron a volontairement suscitées avec l'Italie sont très préoccupantes. En effet, si demain les Italiens décidaient de mettre fin à la coopération – certes liée au traité de Chambéry –, ce sont plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d'étrangers, qui se trouvent aujourd'hui en Italie, en situation régulière ou irrégulière, qui risqueraient d'arriver en France. Ne trouvez-vous pas que cette attitude, consistant à rejeter toute forme de coopération pour privilégier la diplomatie de l'insulte, est particulièrement dangereuse pour notre pays ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer pourquoi nous ne sommes pas capables d'appliquer la réglementation « Dublin », contrairement à certains de nos voisins européens, qui ne semblent pas rencontrer les mêmes difficultés que nous ? En effet, nous affichons actuellement des taux de transfert ridiculement et dangereusement faibles – 10,93 % en avril et 13 % en mai et en juin.

Au sujet de la mise en place de centres contrôlés et de plateformes de débarquement, je crois que l'attitude que nous avons eue concernant l'Aquarius et d'autres navires est révélatrice de nos ambiguïtés. En effet, si vous avez refusé l'arrivée de ces navires, vous avez accepté les passagers qu'ils transportaient, ce qui montre bien que, comme à votre habitude, vous préférez pratiquer une politique de communication plutôt qu'une politique pragmatique d'action visant à lutter contre l'immigration illégale dans notre pays. Les chiffres montrent que la plupart des dix premiers pays de demande ne correspondent pas à des zones de guerre, et que le principe de l'asile est aujourd'hui dévoyé, sans que l'on fasse rien pour y remédier.

Pour ce qui est des obligations de quitter le territoire français (OQTF), plus de 75 000 personnes se sont maintenues sur le territoire français en 2016, et les chiffres sont comparables en 2017. Ainsi, à l'heure actuelle, une personne entrée illégalement sur le territoire français ou ayant recouru à la procédure d'asile – en la dévoyant, devrais-je dire –, est quasi certaine de se maintenir. Le nombre de reconduites forcées est ridiculement faible, et l'immense majorité de ces reconduites se fait vers des pays de l'Union européenne plutôt que vers des pays situés hors de l'Union européenne, d'où provient l'essentiel de l'immigration. Parvenir à entrer en Europe, et si possible en France, garantit aujourd'hui un maintien à vie dans notre pays, ce qui traduit notre impuissance et me paraît totalement inacceptable.

Pour ma part, j'estime que ce budget n'exprime aucune volonté de lutter contre les dérives d'un droit d'asile qu'il faut certes préserver, mais qui se trouve aujourd'hui malheureusement dévoyé, et aucune réelle volonté de lutter contre l'immigration illégale.

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