Les crédits du budget du logement et de l'hébergement d'urgence sont en diminution, sans que cela soit en aucun cas le signe d'un désengagement de la puissance publique. C'est, au contraire, le choix de l'efficacité et de la lisibilité dans un domaine qui est une préoccupation majeure de nos concitoyens, un secteur essentiel de notre économie, mais aussi, reconnaissons-le, un synonyme d'échec depuis plusieurs années – un échec coûteux budgétairement, mais surtout sur le plan symbolique. Il a pu nourrir la défiance des Français à l'encontre de la puissance publique, qui leur promettait de construire des logements, sans qu'ils les voient jamais. En un mot : en matière de logement, il n'y a pas de corrélation entre crédits budgétaires et crédit politique.
La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », récemment adoptée, est une étape importante de la transformation de notre politique du logement, tant pour les propriétaires privés que pour les bailleurs sociaux. Les parlementaires de tous les rangs s'attacheront, j'en suis sûr, à contrôler la publication des futurs décrets d'application.
Mon intervention, qui présentera cinq observations sur le budget du logement et de l'hébergement d'urgence, ne sera évidemment pas exhaustive.
Premièrement, il est nécessaire de remettre en perspective la tendance de la construction de logements ; car les faits, comme votre rapporteur, sont têtus. La production de logements neufs a atteint un niveau exceptionnel en 2016, et surtout en 2017. Ce niveau est en léger repli en 2018 – une tendance qui se confirmerait l'an prochain. Ce tassement n'est évidemment pas sans lien avec les élections municipales prévues en 2020, qui se traduiront sans doute comme à chaque fois par un ralentissement des mises en chantier. Si les acteurs de la construction sont très satisfaits des dispositions de la loi « ELAN » tendant à limiter les recours contentieux, ils ont, lorsque je les ai reçus, appelé mon attention sur le développement des sursis à statuer dans certaines communes, du fait de la transformation des plans locaux d'urbanisme en plans locaux d'urbanisme intercommunaux et de la mise en oeuvre des schémas de cohérence territoriale.
Deuxièmement, s'agissant de notre engagement en faveur de l'hébergement d'urgence, le dispositif « Logement d'abord », actuellement en phase d'amorçage, revêt un caractère indéniablement novateur. Je suis très favorable à ce changement d'approche systémique, qui doit permettre de limiter le recours aux nuitées hôtelières. Pour autant, les auditions conduites dans le cadre de ce rapport ont fait apparaître la nécessité pour tous les acteurs – services de l'État, associations, bailleurs – de clarifier les règles entre eux. Malheureusement, le risque d'une embolie du dispositif d'hébergement, notamment en Île-de-France, n'est toujours pas derrière nous. Je souhaite que les personnes relevant des dispositifs d'hébergement d'urgence soient plus équitablement réparties sur notre territoire. Mon département, l'Indre, souvent présenté comme l'un des départements de la « diagonale du vide », s'est engagé à reloger des familles migrantes et c'est une réussite. C'est, à mon sens, la preuve que les départements ruraux prennent leur part dans la prise en charge des familles qui arrivent sur le territoire français.
Par ailleurs, une partie des crédits du programme 177 a été transférée, pour près de 120 millions d'euros, au programme 303. Il appartiendra donc au seul ministère de l'intérieur de piloter le budget des centres d'hébergement d'urgence pour migrants (CHUM). Cette clarification entre celui qui engage la dépense et celui qui la paie va dans le bon sens. Toutefois, les associations, qui gèrent souvent les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et les CHUM, devront s'habituer à avoir deux interlocuteurs. Il faudra une coordination interministérielle puissante pour que le système fonctionne.
Troisièmement, s'agissant de la réforme du calcul des trois allocations de logement – l'allocation de logement à caractère social (ALS), l'allocation de logement à caractère familial (ALF) et l'aide personnalisée au logement (APL) –, je ne vous cache pas, mes chers collègues, que, si j'en crois mon passé professionnel, elle était attendue depuis vingt-cinq ans ! Ce budget transforme l'essai, et c'est tant mieux. La contemporanéité du calcul des ressources des aides au logement représente une mesure tout à la fois de justice et d'économie – 900 millions d'euros sont attendus. Dès 2019, l'éligibilité des demandeurs des aides au logement sera calculée non plus à partir de leurs ressources de l'année n-2, mais de celles des douze derniers mois, grâce à une base de données alimentée par les services du prélèvement à la source. Je tiens à saluer le professionnalisme des équipes de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui sont en première ligne pour assurer la bonne marche de la transformation. Cette réforme demandera de l'agilité – les APL seront recalculées chaque trimestre –, de la fluidité – des échanges de données entre la CNAF et les services de la direction générale des finances publiques seront essentiels pour déterminer les ressources des ayants droit – et surtout de la publicité, par le biais d'une communication adaptée à tous les usagers et aux bailleurs.
Quatrièmement, en ce qui concerne la trajectoire de réduction du loyer de solidarité (RLS), qui ne concerne que les bailleurs HLM et les bénéficiaires des APL, et qui pose d'ailleurs des questions de ciblage, il me semble important, comme le propose Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de demander un rapport sur sa mise en oeuvre dans le parc social et de déposer, en séance, un amendement visant à adapter son calcul aux seuls ayants droit des APL, afin de sécuriser financièrement les bailleurs dans un contexte de recomposition de leur cartographie. Il faudra également prévoir impérativement un plan de secours à destination des organismes d'HLM, dont personne ne voudrait.
Cinquièmement enfin, les dépenses fiscales rattachées au budget du logement s'élèvent pour 2019 à près de 15 milliards d'euros. Le projet annuel de performances ne recense pas moins de quarante-huit dispositifs. C'est un train fantôme, et un train fantôme qui bégaie : si beaucoup de dépenses fiscales sont évaluées au centime près, elles le sont au même centime depuis cinq ans, ce qui signifie qu'elles ne sont pas évaluées. Les crédits budgétaires ne sont que la partie émergée de l'iceberg, d'autant que les dépenses fiscales ne sont souvent ni bornées, ni ciblées. Cela n'est pas raisonnable. Tous les rapports d'expertise publique nous le disent, qu'il s'agisse des chambres régionales des comptes, de l'Inspection générale des finances ou de notre excellent rapporteur général, selon qui il s'agit d'une « guerre entre des dépenses dont on ne sait plus pourquoi elles existent ». Notre collègue Véronique Louwagie a d'ailleurs souhaité passer au crible, avec la Cour des comptes, ces dépenses fiscales liées au logement. Aussi instructif que sera le rapport, il nous appartiendra surtout d'avoir le courage de prendre des décisions.
En définitive, le budget du logement et de l'hébergement d'urgence permet de poursuivre la transformation des politiques publiques, de réorganiser les acteurs, de clarifier les règles, de créer des incitations plus cohérentes, de recomposer le secteur HLM et surtout d'essayer de répondre à la demande d'hébergement dans notre territoire.