Présidence
La commission poursuit l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255).
Elle examine les crédits de la mission Cohésion des territoires et l'article 74, rattaché (MM. François Jolivet et M. Mohamed Laqhila, rapporteurs spéciaux).
Les crédits du budget du logement et de l'hébergement d'urgence sont en diminution, sans que cela soit en aucun cas le signe d'un désengagement de la puissance publique. C'est, au contraire, le choix de l'efficacité et de la lisibilité dans un domaine qui est une préoccupation majeure de nos concitoyens, un secteur essentiel de notre économie, mais aussi, reconnaissons-le, un synonyme d'échec depuis plusieurs années – un échec coûteux budgétairement, mais surtout sur le plan symbolique. Il a pu nourrir la défiance des Français à l'encontre de la puissance publique, qui leur promettait de construire des logements, sans qu'ils les voient jamais. En un mot : en matière de logement, il n'y a pas de corrélation entre crédits budgétaires et crédit politique.
La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », récemment adoptée, est une étape importante de la transformation de notre politique du logement, tant pour les propriétaires privés que pour les bailleurs sociaux. Les parlementaires de tous les rangs s'attacheront, j'en suis sûr, à contrôler la publication des futurs décrets d'application.
Mon intervention, qui présentera cinq observations sur le budget du logement et de l'hébergement d'urgence, ne sera évidemment pas exhaustive.
Premièrement, il est nécessaire de remettre en perspective la tendance de la construction de logements ; car les faits, comme votre rapporteur, sont têtus. La production de logements neufs a atteint un niveau exceptionnel en 2016, et surtout en 2017. Ce niveau est en léger repli en 2018 – une tendance qui se confirmerait l'an prochain. Ce tassement n'est évidemment pas sans lien avec les élections municipales prévues en 2020, qui se traduiront sans doute comme à chaque fois par un ralentissement des mises en chantier. Si les acteurs de la construction sont très satisfaits des dispositions de la loi « ELAN » tendant à limiter les recours contentieux, ils ont, lorsque je les ai reçus, appelé mon attention sur le développement des sursis à statuer dans certaines communes, du fait de la transformation des plans locaux d'urbanisme en plans locaux d'urbanisme intercommunaux et de la mise en oeuvre des schémas de cohérence territoriale.
Deuxièmement, s'agissant de notre engagement en faveur de l'hébergement d'urgence, le dispositif « Logement d'abord », actuellement en phase d'amorçage, revêt un caractère indéniablement novateur. Je suis très favorable à ce changement d'approche systémique, qui doit permettre de limiter le recours aux nuitées hôtelières. Pour autant, les auditions conduites dans le cadre de ce rapport ont fait apparaître la nécessité pour tous les acteurs – services de l'État, associations, bailleurs – de clarifier les règles entre eux. Malheureusement, le risque d'une embolie du dispositif d'hébergement, notamment en Île-de-France, n'est toujours pas derrière nous. Je souhaite que les personnes relevant des dispositifs d'hébergement d'urgence soient plus équitablement réparties sur notre territoire. Mon département, l'Indre, souvent présenté comme l'un des départements de la « diagonale du vide », s'est engagé à reloger des familles migrantes et c'est une réussite. C'est, à mon sens, la preuve que les départements ruraux prennent leur part dans la prise en charge des familles qui arrivent sur le territoire français.
Par ailleurs, une partie des crédits du programme 177 a été transférée, pour près de 120 millions d'euros, au programme 303. Il appartiendra donc au seul ministère de l'intérieur de piloter le budget des centres d'hébergement d'urgence pour migrants (CHUM). Cette clarification entre celui qui engage la dépense et celui qui la paie va dans le bon sens. Toutefois, les associations, qui gèrent souvent les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et les CHUM, devront s'habituer à avoir deux interlocuteurs. Il faudra une coordination interministérielle puissante pour que le système fonctionne.
Troisièmement, s'agissant de la réforme du calcul des trois allocations de logement – l'allocation de logement à caractère social (ALS), l'allocation de logement à caractère familial (ALF) et l'aide personnalisée au logement (APL) –, je ne vous cache pas, mes chers collègues, que, si j'en crois mon passé professionnel, elle était attendue depuis vingt-cinq ans ! Ce budget transforme l'essai, et c'est tant mieux. La contemporanéité du calcul des ressources des aides au logement représente une mesure tout à la fois de justice et d'économie – 900 millions d'euros sont attendus. Dès 2019, l'éligibilité des demandeurs des aides au logement sera calculée non plus à partir de leurs ressources de l'année n-2, mais de celles des douze derniers mois, grâce à une base de données alimentée par les services du prélèvement à la source. Je tiens à saluer le professionnalisme des équipes de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui sont en première ligne pour assurer la bonne marche de la transformation. Cette réforme demandera de l'agilité – les APL seront recalculées chaque trimestre –, de la fluidité – des échanges de données entre la CNAF et les services de la direction générale des finances publiques seront essentiels pour déterminer les ressources des ayants droit – et surtout de la publicité, par le biais d'une communication adaptée à tous les usagers et aux bailleurs.
Quatrièmement, en ce qui concerne la trajectoire de réduction du loyer de solidarité (RLS), qui ne concerne que les bailleurs HLM et les bénéficiaires des APL, et qui pose d'ailleurs des questions de ciblage, il me semble important, comme le propose Mme Stéphanie Do, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de demander un rapport sur sa mise en oeuvre dans le parc social et de déposer, en séance, un amendement visant à adapter son calcul aux seuls ayants droit des APL, afin de sécuriser financièrement les bailleurs dans un contexte de recomposition de leur cartographie. Il faudra également prévoir impérativement un plan de secours à destination des organismes d'HLM, dont personne ne voudrait.
Cinquièmement enfin, les dépenses fiscales rattachées au budget du logement s'élèvent pour 2019 à près de 15 milliards d'euros. Le projet annuel de performances ne recense pas moins de quarante-huit dispositifs. C'est un train fantôme, et un train fantôme qui bégaie : si beaucoup de dépenses fiscales sont évaluées au centime près, elles le sont au même centime depuis cinq ans, ce qui signifie qu'elles ne sont pas évaluées. Les crédits budgétaires ne sont que la partie émergée de l'iceberg, d'autant que les dépenses fiscales ne sont souvent ni bornées, ni ciblées. Cela n'est pas raisonnable. Tous les rapports d'expertise publique nous le disent, qu'il s'agisse des chambres régionales des comptes, de l'Inspection générale des finances ou de notre excellent rapporteur général, selon qui il s'agit d'une « guerre entre des dépenses dont on ne sait plus pourquoi elles existent ». Notre collègue Véronique Louwagie a d'ailleurs souhaité passer au crible, avec la Cour des comptes, ces dépenses fiscales liées au logement. Aussi instructif que sera le rapport, il nous appartiendra surtout d'avoir le courage de prendre des décisions.
En définitive, le budget du logement et de l'hébergement d'urgence permet de poursuivre la transformation des politiques publiques, de réorganiser les acteurs, de clarifier les règles, de créer des incitations plus cohérentes, de recomposer le secteur HLM et surtout d'essayer de répondre à la demande d'hébergement dans notre territoire.
La partie Politique des territoires, dont je suis le rapporteur spécial, ne porte que sur 5 % des crédits de l'ensemble de la mission Cohésion des territoires. Mon rapport rassemble trois programmes : le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, le programme 162 Interventions territoriales de l'État et le programme 147 Politique de la ville. L'année 2019 sera caractérisée par une hausse générale des crédits versés à la politique des territoires, avec une augmentation de 40 % en autorisations d'engagement et de 10 % en crédits de paiement.
En premier lieu, le programme 112, qui ne porte que sur une partie limitée de la politique publique globale d'aménagement du territoire, fera face à un changement de gouvernance majeur avec la création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), au cours du premier semestre 2019. Si les crédits de ce programme sont en hausse, j'aimerais attirer votre attention sur la progressive extinction du dispositif de la prime d'aménagement du territoire (PAT), une aide directe versée aux entreprises sous condition de création d'emplois. La PAT fait l'objet d'une évaluation annuelle et d'un suivi précis des crédits engagés, ce qui répond aux exigences de la démarche générale d'évaluation des politiques publiques que nous avons entreprise. Ces évaluations mettent en évidence son efficacité et le faible coût par emploi créé pour nos finances publiques. Ainsi, j'ai déposé un amendement qui vise à rétablir le niveau des engagements de crédits alloués à la PAT à hauteur de celui prévu par la loi de finances initiale pour 2018. Ce statu quo serait très loin d'être suffisant, mais il apparaît nécessaire à toute discussion préalable sur l'avenir de la PAT.
En deuxième lieu, j'aimerais m'attarder sur le plan chlordécone, dont les crédits sont inscrits au programme 162. Ce plan regroupe l'action préventive et d'accompagnement de l'État à l'égard de la population antillaise, très largement contaminée par ce pesticide utilisé dans les bananeraies jusqu'en 1993. L'action de l'État est nécessaire, mais elle est aujourd'hui trop limitée. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement pour augmenter le niveau des crédits dédiés à ce plan à hauteur de 1 million d'euros, dès 2019, ce qui s'inscrit, de façon certes anticipée, dans la ligne proposée par le Président de la République. Cette hausse des crédits permettrait de faire réaliser plus rapidement une cartographie fine de la pollution de l'ensemble des sols, de renforcer les contrôles alimentaires dans les circuits informels ou encore de préparer la prise en charge éventuelle d'un test de dépistage généralisé de l'exposition au chlordécone pour l'ensemble de la population.
Pour conclure, j'aimerais souligner l'importance de l'augmentation des crédits versés à la politique de la ville, conformément aux engagements pris par le Gouvernement en juillet dernier. Cette hausse de 85 millions d'euros permettra de renforcer l'action publique dans les territoires les plus fragiles, qui est nécessaire à la réduction des inégalités sociales et territoriales. L'engagement du Gouvernement en faveur des quartiers prioritaires se traduit également par la sécurisation de son financement de la politique de rénovation urbaine. En effet, il a inscrit, dès le projet de loi de finances (PLF) pour 2019, l'ensemble des autorisations d'engagement prévues pour le quinquennat, soit 200 millions d'euros. Il traduit également, dans l'article 74, les engagements pris par les bailleurs sociaux pour financer cette politique, à hauteur de 2 milliards d'euros supplémentaires.
Le budget du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales baissera de plus de 1 milliard d'euros, dont 900 millions d'euros du fait de la réforme des APL, alors même que le logement représente un problème pour bon nombre de nos compatriotes – les sans-abri, les plus de 3 millions de mal-logés, ceux qui espèrent accéder un jour à la propriété, ceux qui repoussent l'arrivée d'un enfant à cause d'un logement inadapté. Il y a un an, pour votre premier budget, vous avez quasiment supprimé l'APL-accession, à croire que vous ne voulez pas réellement d'une mobilité dans le parcours résidentiel. Vous avez divisé par deux la quotité finançable du prêt à taux zéro (PTZ) sur 95 % du territoire, à croire que vous ne voulez plus d'une France de propriétaires. En conséquence, nous assistons à une chute terrible des réservations de logements, que vous allez conforter en augmentant, en 2019, le coût de l'assurance emprunteur.
Il y a un an, vous avez également restreint le dispositif dit « Pinel », en le réservant aux zones très tendues. Suite à cela, rien que dans ma région, plus aucun dépôt de permis de construire d'immeuble collectif en zone B2 ! Monsieur le rapporteur spécial, comment réussirons-nous à densifier et à assurer une mixité sociale, si nous n'avons plus d'investisseurs privés ? Dans le cas d'une vente en l'état futur d'achèvement, plus de la moitié de ceux qui achètent tout de suite, pour financer et lancer l'opération, sont des investisseurs, les accédants mettant plus de temps à franchir le pas pour devenir propriétaires.
Il y a un an, vous avez aussi bouleversé l'économie du logement social. L'autofinancement des bailleurs sociaux a été considérablement réduit, impactant les organismes, sans prendre en compte le taux de ménages « APL-isés », qui est plus fort dans les territoires détendus. Monsieur le rapporteur spécial, j'espère que vous pourrez nous rassurer sur ce sujet d'ici à la séance publique. Suite à ce bouleversement, les opérations de réhabilitation et de construction de logements aidés ont été réduites de 30 %. Le bâtiment en subit les conséquences. Devons-nous nous attendre, en 2020, à des effets dramatiques dans certains territoires, dans la mesure où cette politique en défaveur de la construction les touche de plein fouet ? Les réservations de logements, qui laissent augurer l'activité de demain, sont en berne. Pourtant, vous connaissez l'adage : quand le bâtiment va, tout va... Les économies budgétaires à coups de rabot se traduisent par des diminutions de l'activité et, partant, des recettes fiscales afférentes, comme nous pourrons le voir dans l'étude que vient de demander Véronique Louwagie. Nous avons fait des propositions par voie d'amendements, qui n'ont pas été jugés recevables.
Si le programme 147 relatif à la politique de la ville pourrait nous satisfaire, il en va tout autrement du soutien que le budget apporte aux petites villes, notamment aux centres-bourgs de moins de 10 000 habitants, pourtant animateurs et pourvoyeurs de services d'une ruralité plus profonde. Le mandat précédent avait vu naître les appels à manifestation d'intérêt pour ces petits bourgs. Même si le dispositif, qui ne concernait qu'un très faible nombre de dossiers et était dépourvu d'enveloppe dédiée, avait ses insuffisances, il avait au moins le mérite de soutenir les politiques de services et de développement économique au service du petit commerce et de la ruralité. Par la suite, des contrats de ruralité, dotés d'un périmètre d'action plus large, ont été établis. Ils visaient à renforcer la cohésion territoriale et reprenaient les enjeux de services et environnementaux liés aux centres-bourgs. Aujourd'hui, plus rien pour soutenir ces territoires ! Les contrats de ruralité sont en voie d'extinction. Que dire du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, qui subit le même sort ? Pourtant, ces programmes avaient le mérite de mettre autour de la table les chambres consulaires, les commerçants, les collectivités et l'État, pour agir en faveur de l'animation et du maintien du petit commerce.
Vous plombez aussi, dans le programme 112, de 14 % le budget de l'action relative à l'attractivité économique et à la compétitivité des territoires. Vous êtes les fossoyeurs des petits bourgs et des territoires qu'ils animent. Vous continuez à concentrer les populations et poursuivez le mouvement de métropolisation, qui traîne son cortège de problèmes : insécurité, tensions sur le logement ou encore sur le transport. Comprendrez-vous un jour qu'en soutenant le développement de cette ruralité qui a ses atouts, vous trouverez peut-être des solutions aux problèmes de notre société ? Comprendrez-vous enfin que la ruralité peut être une chance pour la France ?
S'agissant du volet logement, les faits sont têtus : tous les voyants sont au rouge, puisque les chiffres de production baissent, les agréments de logements sociaux baissent, les mises en chantier baissent et les dépôts de permis de construire baissent. Cela est si vrai que les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics ont, pas plus tard qu'hier, lancé un signal d'alarme, annonçant un débauchage massif, dans la profession, à l'horizon de 2020-2021, s'il n'y avait pas d'inversion de la politique de production de logements. Il ne peut pas en être autrement, puisque vous avez, par le biais de vos mesures financières, asséché les financements et les fonds propres des bailleurs sociaux et, partant, placé toute la chaîne de production de logements dans une zone de turbulences.
Les acteurs doivent être entendus. Vous ne pouvez pas continuer à mener des politiques dans un domaine comme celui du logement, en rencontrant l'opposition de tous les acteurs, du Mouvement des entreprises de France aux entreprises du bâtiment, en passant par les bailleurs sociaux et l'ensemble des acteurs de la solidarité. Les chiffres doivent nous alerter, alors que nous venons franchir le seuil historique – jamais atteint depuis 1945 – de plus de 2 millions de ménages inscrits sur le fichier des demandeurs de logement et que les prix ne cessent d'augmenter.
Enfin, vous êtes en plein contresens historique. La Commission européenne, à la suite des décisions prises par l'Allemagne et le Royaume-Uni, a invité l'ensemble des pays à prendre en compte la crise du logement et à relancer massivement l'investissement public, pour répondre à cette crise qui frappe durement tous les pays européens, et la France plus que d'autres. À l'inverse des autres pays européens, qui tirent des conclusions dans le sens d'un réinvestissement public, vous choisissez le désengagement public. Confier les clefs de la politique du logement au secteur privé a toujours conduit à des catastrophes et à des récessions. Ce budget est un contresens historique. Écoutez les acteurs et changez de pied !
Mes collègues ont déjà émis plusieurs réserves sur ce budget. On finance des pôles de compétitivité, à hauteur de plusieurs millions d'euros, et de grands plans d'urbanisme, pour suivre une logique de métropolisation qui met les territoires en concurrence, au lieu d'oeuvrer à leur cohésion. C'est une erreur. L'attractivité d'un territoire passe, d'abord, par une offre de logements abordable, accessible pour tous, par un parc HLM suffisant, en bon état et accessible, soit tout l'inverse de ce que l'on nous propose. La mission Cohésion des territoires a pour objectif de contribuer au développement durable des territoires dans une perspective de développement solidaire et équilibré. Or ce budget relève d'une logique anti-pauvres et libérale, en contradiction avec l'objectif initial de cohésion.
Je ne reviendrai pas sur la baisse massive des aides au logement, qui a déjà été rappelée. En revanche, je tiens à revenir sur ce fameux « choc de l'offre », par lequel on cherche à faciliter l'investissement privé, en précarisant encore plus les locataires et en abandonnant le logement social. Concernant la qualité des logements, on ne peut qu'être inquiets avec la simplification des réglementations et la réduction des délais. Qui plus est, l'accessibilité des logements neufs aux personnes en situation de handicap passera de 100 % à 20 %, envoyant un signal alarmant.
Les dotations du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) baissent de 41 millions d'euros, dans l'action Construction locative et amélioration du parc. Le FNAP a déjà été victime d'une baisse de 150 millions d'euros en 2018. Il ne bénéficie plus de dotations directes de l'État, mais de financements par le biais de fonds annexes. Les bailleurs financent la construction, et non plus l'État, ce qui contribue à faire baisser, de manière continue, la production de HLM, laquelle passerait sous la barre des 100 000 logements à partir de 2020 et se situerait à une moyenne de 63 000 logements entre 2027 et 2055, soit bien loin de l'objectif des 150 000 HLM à construire chaque année.
Pour conclure, la chancelière allemande, Angela Merkel, vient d'annoncer un plan massif de 5,7 milliards d'euros pour le logement abordable. Au Royaume-Uni, Theresa May a mis sur la table 2 milliards de livres par an. Cela me fait bien mal de comparer et de voir que même Angela Merkel et Theresa May font mieux que nous en ce qui concerne le logement social abordable.
L'année dernière, à la même époque, nous étions nombreux à vous alerter sur les conséquences qu'aurait votre budget sur la production de logements, du fait de la quasi-suppression des APL-accession, de la réduction du PTZ dans le neuf et dans l'ancien, notamment dans les territoires ruraux, et du recentrage de l'investissement locatif. Les chiffres étant têtus, nous constatons cette année une baisse des mises en chantier et des permis de construire. Les bons chiffres de 2016 et de 2017 ne sont pas liés au hasard, monsieur le rapporteur spécial, mais à notre plan de relance. Quand on voit que plusieurs pays voisins, notamment l'Allemagne, que vous prenez souvent pour modèle, créent des plans de relance, on ne peut que constater le paradoxe français. Le ralentissement que nous observons n'est pas lié à la période municipale, puisque ses effets sont habituellement perçus après les élections.
S'agissant des recours abusifs, nous sommes bien d'accord avec vous ; mais encore faudrait-il ne pas toucher à la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU », et avoir les moyens de lutter contre les égoïsmes locaux, afin de favoriser la mixité sociale, ce que ne fait pas la loi « ELAN ».
Avec la RLS, vous avez, de façon inévitable, mis les bailleurs sociaux en incapacité de produire. Le dernier trimestre affiche en effet une baisse de 17 % de la construction. Vous avez aussi amputé leur capacité de rénovation. Les dernières études démontrent que le parc social héberge de plus en plus de personnes en situation de grande pauvreté. Ces mesures sur les APL sont particulièrement injustes.
Quant à la réforme des modalités du calcul des APL, la mesure, préconisée dans un rapport de François Pupponi, n'avait pas pu être appliquée, notamment pour des raisons de logiciel informatique. Je suis ravie de voir que le problème est désormais résolu.
L'année dernière, vous aviez évoqué la possibilité de moderniser le zonage. Qu'en est-il ? Cela conditionne beaucoup la production dans les territoires, notamment en ce qui concerne l'investissement locatif ou le PTZ. M. le rapporteur général nous avait fait l'an dernier des promesses dont je ne trouve pas trace cette année.
Il faut saluer l'augmentation importante des crédits du programme 147 en faveur de la politique de la ville. Le problème, toutefois, est que ces budgets servent à cofinancer des politiques : comment faire s'il n'y a personne en face ? Les associations et les collectivités locales qui se verront offrir de nouveaux postes d'adultes-relais ou des financements pour la politique éducative n'auront pas les moyens d'accompagner la générosité de l'État. Il fallait tenir les deux bouts : augmenter les moyens des collectivités et des associations et proposer du cofinancement. Rendez-vous dans un an pour voir combien de ces budgets auront été dépensés !
Monsieur Bazin, un crédit de 17 millions d'euros, destiné à l'APL-accession, est inscrit dans la loi de finances. Il concerne d'abord l'outre-mer, pour un montant compris entre 2 et 3 millions, et 14 millions sont destinés à l'APL-accession pour les acquéreurs occupant un logement HLM en zone C, et nous réfléchissons à la création d'une APL-rénovation.
S'agissant du dispositif « Pinel » en zone B2, il a été démontré que les investisseurs privés fuyaient la zone, dans la mesure où ces secteurs ne sont plus défiscalisants. C'est donc de l'argent qui sort des territoires. Nous sommes en train d'étudier de quelle façon nous pourrions tirer les conséquences de la loi « ELAN », afin de cibler les réhabilitations, de façon à éviter l'étalement urbain. Cela ne saurait assurément vous satisfaire complètement, dans la mesure où vous visez la construction de logements neufs.
Dire que la réforme n'a pas tenu compte de la proportion de ménages bénéficiaires de l'APL est faux. La cotisation à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) de 4,19 % tient précisément compte des locataires bénéficiant de l'APL. Aujourd'hui, il y a une solidarité entre les bailleurs qui logent des locataires sans APL et ceux dont les locataires touchent beaucoup d'APL. La baisse progressive des recettes de loyers – 780 millions d'euros en 2018, puis 873 millions en 2019, pour atteindre 1,5 milliard d'euros en 2020 – est soumise à une clause de revoyure...
..conclue entre l'État et les organismes de logement social (OLS). Je ne suis pas certain que le modèle économique des organismes d'HLM soit capable de supporter une baisse de 1,5 milliard d'euros. Pour autant, ils seront capables de supporter les 780 plus 873 millions d'euros – opinion n'engageant que votre rapporteur.
Monsieur Bricout, je ne peux qu'approuver vos propos sur la métropolisation. Notre territoire fait face aujourd'hui à son quatrième exode rural : ce sont les habitants des petites préfectures et des petites sous-préfectures qui gagnent les métropoles. Mais je renverrai à celles et à ceux qui ont voté la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », la paternité d'une telle sanctuarisation. J'ai toutefois bon espoir. En effet, beaucoup de personnes, notamment parmi les moins de trente ans, déçues par les métropoles, souhaitent les quitter, même lorsqu'ils y ont un travail. L'arrivée dans les territoires du très haut débit, qui rapproche tout ce qui est loin, offrirait un avenir aux métiers de services. Reste à savoir combien de temps durerait la transition entre cette phase de paupérisation de nos territoires, de disparition de zones bâties, et l'arrivée de nouveaux habitants.
Monsieur Peu, je pourrais entendre que la baisse des mises en chantier soit la conséquence de la loi de finances pour 2018, mais c'est faux ! Les permis de construire correspondant à ce qui a été agréé en 2018, vous le savez très bien, ne seront peut-être même pas obtenus en 2019. On ne peut donc pas accuser la loi de finances pour 2018 des retards de mise en chantier. Votre hypothèse se vérifierait peut-être plus pour ce qui est des baisses d'équivalents de permis de construire ; mais les promoteurs et les bailleurs des OLS nous ont dit qu'ils avaient beaucoup de difficultés à obtenir les permis.
Le niveau d'agrément en Île-de-France en 2018 pourrait être proche, d'après la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), de celui de 2017 – même s'il est imprudent de compter les oeufs de la poule avant qu'elle ne les ait pondus... En revanche, j'aurais été d'accord avec vous, mon cher collègue, si vous m'aviez parlé des retards pris par les mises en chantier des opérations de réhabilitation, dans la mesure où certains bailleurs ont favorisé les opérations de construction par rapport à celles de réhabilitation. Sur la production de logements, je serai beaucoup moins sévère que vous. Nous ne pourrons analyser les effets de nos décisions qu'à partir de 2021, puisque, entre un agrément obtenu en 2018, une production et une mise en service de logements, il se passe, en moyenne, en Île-de-France, entre trois et quatre ans.
Monsieur Prud'homme, je vous remercie beaucoup d'avoir cité l'exemple de l'Allemagne, qui fixe des loyers maximaux pour les investisseurs et qui ne propose pas d'aides à la personne. Vous me voyez heureux que la Chancelière ait pu engager 5 milliards d'euros, quand chez nous la politique du logement en représente 35 milliards, soit sept fois plus... Les deux systèmes ne sont pas comparables, mais nous pouvons nous demander si nos 35 milliards d'euros nous permettent d'offrir un habitat de qualité, adapté aux ressources de chacun. Je doute que nous puissions répondre favorablement à cette question, si j'en crois le chiffre de 2 millions de mal-logés cités par mon collègue Stéphane Peu.
Madame Pinel, je regrette comme vous que le Gouvernement ne nous ait pas livré, au 1er septembre, son rapport sur l'analyse des zonages, que nous avons pourtant réclamé. Sur l'assèchement supposé des ressources de l'autofinancement des bailleurs HLM, la hausse de la contribution à la CGLLS avait été mal comprise par les acteurs, si je me souviens bien d'un courrier signé par l'ensemble des bailleurs. Concernant le PTZ, nous sommes en train de travailler à sa prorogation de deux ans dans les zones B2 et C. Quant au rétablissement de l'APL-accession sur tout le territoire, vous connaissez mon opinion, qui n'est pas celle de la majorité. Pour autant, il faudrait peut-être en examiner les conséquences à l'aune de plusieurs années. Défaire une politique qui vient de se construire n'est jamais très simple. Nous travaillons par ailleurs à une APL-réhabilitation, qui permettrait de financer les travaux dans les logements achetés.
À M. Bricout qui m'a interrogé sur la ruralité, j'indique que les contrats de plan État-régions (CPER) sont dotés de 113 millions d'euros et qu'il existe une action « Coeur de ville ». Le Gouvernement s'est mobilisé en faveur des quartiers. Cette mobilisation nationale, souhaitée par le Président de la République, est dotée de plus de 85 millions d'euros de crédits supplémentaires en 2019. Entre les contrats de ville, elle porte aussi sur des crédits versés directement comme le programme éducatif de réussite, qui est augmenté de 12 millions d'euros. Pour sa part, le dispositif « Adultes relais » est doté de 20 millions d'euros et de plus de 1 000 postes supplémentaires ; de plus, 49 millions d'euros seront versés en 2019 au titre des contrats de ville afin de renforcer les actions territorialisées en faveur des quartiers prioritaires.
Ces mesures vont dans le bon sens, et à M. Pupponi qui évoque les difficultés que connaissent les collectivités locales, je donne rendez-vous en 2019 pour constater les résultats.
J'ai dû mal m'exprimer. La situation du mal-logement dans notre pays est connue, le rapport de la Fondation Abbé-Pierre n'est d'ailleurs contesté par personne : en France, 12 millions de personnes souffrent aujourd'hui du mal-logement.
Ce que j'évoquais, c'est le seuil historique de 2 millions de ménages inscrits pour une demande de logement social dans notre pays, niveau inédit alors même que la production de logements baisse. On le constate avec la chute du nombre d'agréments consentis, qui entraîne mécaniquement celle du nombre des permis de construire, puis celle des mises en chantier ; c'est une chaîne que nous connaissons tous ici.
Je souhaiterais faire part de mon inquiétude au sujet de la convergence tarifaire et de la fixation des tarifs plafonds pour les CHRS. Cette mesure prévue par la loi de finances pour 2018 a fait l'objet d'un arrêté, pris au mois de mai de la même année, fixant les tarifs plafonds ainsi que les règles de convergence ; sa mise en oeuvre doit s'étaler jusqu'en 2021. Elle permettra d'améliorer la convergence tarifaire des établissements, déjà à l'oeuvre depuis quelques années.
Les crédits prévus pour 2019 sont en baisse, et si la rationalisation de l'utilisation des deniers publics est certes une bonne chose, la protection des plus vulnérables est au coeur de mon engagement. Les tarifs des CHRS sont parfois très variables, ce qui peut légitimement nous interroger, mais les associations s'inquiètent d'une harmonisation à la baisse au regard de la qualité de la prise en charge.
Pour ma part, je m'interroge : ne risquons-nous pas d'assister à une course au moins-disant ? Car la rationalisation ne peut être réalisée au détriment d'un accompagnement social de qualité, d'une vraie prise en charge des besoins et des spécificités des personnes. Cette individualisation de la prise en charge est particulièrement nécessaire alors que le public des CHRS présente une vulnérabilité extrême.
M. le rapporteur spécial a indiqué que nous n'avions pas obtenu le rapport que le Gouvernement nous avait promis l'année dernière lorsque nous avons eu un débat sur le dispositif « Pinel », et que le rapporteur général avait évoqué un état des lieux complexe pour ce qui concernait les zonages et parfois leur superposition.
Serait-il possible, monsieur le président, d'écrire au ministre afin de lui réclamer cet état des lieux ? En effet, nous discutons fréquemment de dispositifs touchant au logement sans pour autant disposer de cet état des lieux ; de ce fait nous nous trouvons en difficulté.
Dans le rapport d'information sur l'application des mesures fiscales, j'ai relevé un manque cruel de statistiques de la part de la DHUP. On me dit que les choses vont s'améliorer, mais, pour l'heure, la carence est absolue. Les outils statistiques qui n'ont pas été créés doivent impérativement l'être : en effet, comment pratiquer des politiques publiques en l'absence de données ?
Je souhaite demander à M. Jolivet s'il peut apporter des précisions au sujet de l'enveloppe supplémentaire consacrée à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
Par ailleurs, il a évoqué le risque de voir certains parcs de logements totalement abandonnés. Une réflexion sur ce sujet est-elle en cours ? Des solutions sont-elles envisagées ?
La question de Stella Dupont constituera pour moi l'occasion d'évoquer l'amendement de Mme Vignon qui viendra en discussion tout à l'heure.
Le Gouvernement a effectivement décidé de rassembler les tarifications par familles homogènes : victimes de violences conjugales, mineurs isolés, majeurs isolés sans logement, personnes sorties de centres psychothérapiques, etc.
Il est vrai que le ministère et la direction du budget ont décidé de réduire de 13,4 millions d'euros le financement des associations. Nous ne disposons évidemment pas, à ce stade, de retours sur expérience, mais les associations gestionnaires nous ont demandé si ces dotations étaient diminuées parce qu'elles faisaient mal leur travail.
Il faut considérer cette diminution de budget en prenant de la hauteur, sans limiter notre réflexion au point de vue des seuls destinataires, à savoir les associations. L'essentiel des crédits du programme 177 va à l'hébergement en hôtel, ce qui, en région parisienne, représente 80 euros par nuitée pour une durée moyenne de dix-huit mois ! Cela signifie que tout le dispositif « Logement d'abord », qui va de l'accueil d'urgence au logement, a certes sa logique interne, mais que des économies peuvent probablement être réalisées afin de redéployer ses ressources vers les associations.
Je tiens à souligner que le programme 177 est le réceptacle budgétaire de tout ce qui ne va pas dans notre pays, et que certains ministères qui devraient concourir ne le font pas. Les résidents des CHRS sont, pour 30 % à 40 % d'après les associations, des personnes qui ont des problèmes psychiatriques ; or il n'existe pas de suivi psychiatrique ambulatoire dans notre pays. C'est donc sur le prix de journée que l'association doit financer le recrutement d'un éducateur « psy » pour assurer le suivi psychiatrique des personnes hébergées en CHRS, et peut être demain dans des pensions de famille – et cela avant qu'elles puissent à un logement puisqu'elles le font par étapes, à la différence de familles expulsées qui en retrouvent un, ou de familles migrantes qui pourraient être directement logées puisqu'elles n'ont pas connu la rue si ce n'est la transhumance qu'elles ont vécue avant d'arriver chez nous.
Aujourd'hui, les agences régionales de santé (ARS) sont absentes, et il me paraît anormal que les associations aient à inclure dans le prix de journée le suivi psychologique des personnes qui résident dans ces ensembles. Les ministères chargés de la solidarité et de la santé, notamment par le truchement des ARS, devraient prendre en compte la situation pathologique des personnes hébergées dans les CHRS. Ces administrations s'intéressent au taux de sortie des centres prenant en charge les troubles psychologiques, mais, ensuite, la « patate chaude » est passée aux associations et au budget du programme 177, ce qui me paraît très anormal.
À Mme Louwagie, je confirme que les dépenses fiscales de la politique du logement ne sont pas évaluées. Pour reprendre les propos du rapporteur général, je pense que cette évaluation n'est faite par personne et qu'aucun ministère ne s'en considère comme responsable. Ces dépenses fiscales représentent plus de 15 milliards d'euros dans notre budget ; il est inadmissible que les statistiques relatives à leur utilisation ne soient pas établies.
Le budget de l'ANRU est passé de 5 à 10 milliards d'euros, grâce à une participation d'Action Logement, à une participation de l'État de 1 milliard d'euros et à 2 milliards d'euros prélevés par la CGLLS, c'est-à-dire par les organismes d'HLM, qui les reversent. L'accord du 11 juillet dernier était inespéré, mais le relèvement des seuils d'exonération de la participation des employeurs à l'effort de construction, ou « 1 % logement », que prévoit le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, dit « PACTE », a privé Action Logement de ressources. En compensation, une surtaxe sur les polices d'assurance dommage-ouvrage a été créée ; nous verrons bien si cela tient debout. Désormais, la capacité d'engagement s'élève à 10 milliards d'euros, et à cette heure 80 dossiers, concernant principalement la région parisienne, ont été instruits pour un montant de près de 2 milliards d'euros ; cet argent est bien consacré au logement social.
Enfin, l'expression « logements abandonnés » n'est pas appropriée. Le problème que j'évoquais est celui de certains bailleurs dont personne ne voudra, et qui ne pourront pas survivre tout seuls. Il appartient à l'État – et j'en ai saisi le Gouvernement – de trouver des dispositifs afin que leurs locataires bénéficient d'une gestion régulière de leur immeuble et d'une bonne qualité de service.
La commission en vient à l'examen des amendements.
Article 39 et état B
La commission examine l'amendement II-CF853 de Mme Corinne Vignon.
Cet amendement vise à stabiliser le niveau de crédits des CHRS par rapport à 2018. En effet, le PLF 2019 prévoit une baisse du niveau de crédits de 13,4 millions d'euros ; or les diminutions de crédits sont devenues insupportables.
J'ai passé trois jours en immersion dans les CHRS de Toulouse, au sein desquels un travail remarquable est accompli malgré les difficultés rencontrées. Cependant, les gestionnaires sont très inquiets, car leur enveloppe budgétaire va baisser de 57 millions d'euros en quatre ans. Les missions des CHRS sont avant tout constituées par l'accueil, particulièrement de personnes en situation d'urgence, l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active ou l'insertion sociale et professionnelle des personnes et familles en difficulté ou en détresse.
Les CHRS accueillent des personnes et des familles qui connaissent de graves difficultés économiques, familiales, de logement, de santé et d'insertion, afin de les aider à recouvrer une autonomie personnelle et sociale.
Si nous continuons à baisser leurs ressources, les CHRS pourront-ils continuer à remplir leur mission d'accompagnement ? Ils redoutent de ne plus être en mesure de recevoir les personnes qu'ils accueillent, et qui sont sans ressources. Ils craignent par ailleurs que les personnels ne puissent plus apporter un accompagnement important aux personnes les plus fragilisées.
J'avais déposé un autre amendement, déclaré irrecevable, qui tendait à inciter le Gouvernement à rattacher les CHRS au ministère des solidarités et de la santé. En effet, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont avant tout des établissements à caractère social.
J'ai tout à l'heure répondu à la question de notre collègue Stella Dupont : je considère que le service est rendu au sein des CHRS. Le secteur associatif de l'hébergement est en cours de restructuration, de très grandes associations parisiennes s'adossent à de très grands bailleurs afin de disposer dans leur portefeuille l'ensemble des services.
Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, et vous invite à saisir le ministère de la cohésion des territoires afin qu'il diligente une mission sur ce sujet et que nous puissions ainsi disposer d'une évaluation. En outre, je ne suis pas certain qu'il soit souhaitable que le ministère des solidarités réponde de l'hébergement et du logement, car il s'agit d'un parcours dont la fin est l'autonomie ; et souvent, au ministère des solidarités, on est en dehors de l'autonomie.
En revanche, vous l'avez souligné : des personnes souffrant de troubles psychiques ne bénéficient pas de services répondant à leurs difficultés, ce qui est du ressort des ARS. Il faudrait sans doute impliquer une partie du personnel du ministère des solidarités afin que ces personnes soient soignées.
L'amendement est retiré.
La commission étudie les amendements identiques II-CF273 de M. Jean-Louis Bricout et II-CF599 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement vise à rétablir l'APL-accession à partir du 1er janvier 2019. On se demande d'ailleurs pourquoi cette aide a été supprimée l'an dernier en dehors du logement ancien en zones tendues. Cette suppression a été jugée néfaste par nombre de spécialistes, qui pointent, tout comme notre rapporteur spécial, la contradiction avec les enjeux de la mixité sociale et le besoin de reconstitution des fonds propres des bailleurs sociaux. Bref, c'est un vrai coup dur porté à l'accession sociale à la propriété.
Par ailleurs, quel est l'intérêt pour les finances publiques, alors que le montant moyen des APL-accession est de 155 euros et celui des APL de 260 euros ? L'APL-accession constitue à l'évidence une économie pour les finances publiques, sans compter les pertes en fiscalité indirecte liée aux ventes immobilières.
Le constat est sans appel : de mai à juillet 2018, le nombre des logements autorisés et commencés a baissé respectivement de 14,9 % et de 5,2 % par rapport à la même période des années 2016 et 2017.
Cet amendement, qui ne coûte que 50 millions d'euros, permet de revenir au format antérieur à la loi de finances pour 2018 ; nous souhaitons que le Gouvernement lève le gage afin de ne pas pénaliser le programme 135.
Mon amendement tend également à rétablir l'APL-accession dans le neuf ou l'ancien sur l'ensemble du territoire national, ce qui représenterait un coût réduit pour un effet de levier réel. Vous dites songer à la rétablir uniquement, outre-mer mis à part, dans l'ancien et en zone C, mettant en avant les objectifs de la loi « ELAN » – ce qui est toutefois incohérent avec les objectifs budgétaires que vous vous donnez.
Il me semble nécessaire d'augmenter le nombre de logements vendus par les bailleurs sociaux, afin qu'ils disposent d'apports pour financer leur investissement. Or la plupart de ces logements se situent en zones A et B, et il serait préférable de permettre aux locataires qui le peuvent de devenir propriétaires de leur logement, y compris dans ces zones.
Vous exprimez votre préférence pour l'APL-réhabilitation plutôt que pour l'APL-accession. Cela signifierait que les logements vendus par les bailleurs nécessiteraient des travaux ; or les travaux d'amélioration énergétique sont plus pertinents lorsqu'ils sont réalisés à l'échelle du bâtiment collectif, le dispositif individualisé risquant d'être inefficace.
Enfin, pour développer la mobilité et le parcours résidentiel, il serait intéressant de permettre aux locataires actuels de devenir propriétaires aussi dans le neuf. C'est pourquoi notre amendement propose de rétablir l'APL-accession dans le neuf et dans l'ancien sur l'ensemble du territoire national, ce qui permettra de réaliser l'ambition de la loi « ELAN ».
Je vous remercie, mes chers collègues, d'avoir l'amabilité de me citer, car vous avez fort bien exposé ma position sur la loi de finances pour 2018 !
À M. Bazin, je veux dire que nous réfléchissons à une APL-rénovation qui permettrait à des propriétaires bailleurs de rénover leurs logements, et à des propriétaires occupants – mais non pas à de nouveaux propriétaires – de faire un emprunt et de bénéficier de ce qui était l'APL-accession-rénovation.
Je comprends l'intention de M. Bricout, et y suis favorable sur le fond, mais nous voulons stabiliser le système et n'avons pas d'argument suffisant pour décider de rétablir l'ancien dispositif. Paradoxalement, les plans de charge des entreprises du bâtiment en secteur rural n'ont jamais été aussi élevés qu'actuellement ; cela ne concerne toutefois pas le neuf.
Il est vrai que le nombre de maisons construites en milieu rural diminue, mais nous luttons aussi contre l'étalement urbain, souvent rencontré dans les métropoles, pas dans les zones rurales.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut mon avis sera défavorable. Je rappelle en effet que 17 millions d'euros sont inscrits en loi de finances, et il me semble que vous ne les avez pas vus...
Nous soutenons ces amendements qui nous paraissent importants.
Je tiens à faire part de l'inquiétude qui me saisit lorsque j'entends les explications du rapporteur spécial. Si j'ai bien compris, l'APL-rénovation serait réservée aux propriétaires occupants à l'exclusion des primo-accédants, contrairement à ce qui prévalait jusqu'en 2018.
Je veux redire combien la quasi-suppression de l'APL-accession, doublée de la réduction du PTZ dans le neuf et dans l'ancien, a des conséquences dramatiques pour les maisons individuelles, les petits collectifs et les territoires ruraux. En termes de croissance et d'emploi, vous prenez des mesures qui ne vont pas dans le sens de ce que les territoires et les Français attendent.
Vous prenez les choses à l'envers alors que la situation n'est pas bonne ! Vous serez obligés de rectifier le tir l'année prochaine car il y aura un effondrement massif de la construction et de la rénovation.
Je maintiens mon amendement, très important dans notre stratégie pour la mobilité, que l'APL-rénovation telle que vous l'imaginez ne favorise pas.
L'an dernier, monsieur le rapporteur général, lors de la discussion du projet de loi de finances, nous avons eu des échanges très tendus sur ces sujets ; votre pirouette pour vous en sortir a consisté à dire que nous travaillerions sur le zonage afin de compenser la réduction des dispositifs. Mais, aujourd'hui, rien n'est fait, alors que vous nous aviez fait croire qu'il serait possible de revenir à l'APL-accession. Je pense notamment à la position du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés qui avait été très actif sur ce sujet ; je pensais qu'avec plus de ministres au Gouvernement, dont la ministre chargée de la cohésion des territoires, il aurait au moins obtenu cela !
La commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements II-CF817 de Mme Sabine Rubin et II-CF815 de M. Éric Coquerel.
Je commencerai par défendre le premier amendement, qui vous coûtera le moins cher. Il propose en effet de transférer 12 euros de l'action 7 du programme 135, qui vise notamment à financer les grandes opérations d'urbanisme bien souvent inutiles vers les aides aux logements.
La somme de 12 euros n'est évidemment pas suffisante pour répondre à la demande sociale d'accès à des logements à des prix abordables. Cela correspond à ce que le président Macron a pris, par personne, aux plus pauvres bénéficiant des aides au logement, pour le donner aux plus riches. Ainsi, en 2019, les bénéficiaires auront perdu, en moyenne et en termes réels, 11,70 euros d'APL. Cette somme est à comparer aux 253 800 euros offerts à chacun des 5 000 Français les plus riches. Décidément, le président Macron est un véritable Robin des bois à l'envers...
À cela s'ajoute le calcul contemporanéisé des ressources de ce PLF 2019, qui réduit globalement de 900 millions d'euros l'enveloppe dédiée aux APL. C'est donc près de 1 milliard supplémentaire qui sera retiré aux 6,5 millions de foyers touchant cette allocation.
Puisque ce transfert de crédits de 12 euros paraît insupportable à beaucoup de personnes ici présentes, l'amendement II-CF817 propose de transférer 31 millions d'euros de l'action 7 du programme 135.
Ces 31 millions d'euros ne permettront pas de revenir sur la purge commencée sur le logement social en 2018, complétée par la loi « ELAN » et qui se poursuit cette année. En effet, une baisse de 800 millions d'euros des APL des locataires d'HLM, répercutée sur les organismes d'HLM, a été décidée en loi de finances pour 2018. Cette ponction est maintenue dans le PLF 2019 et passera même à 1,5 milliard d'euros en 2020. Une telle austérité budgétaire met en péril le modèle économique historique des organismes d'HLM et les constructions de nouveaux logements – qui, dans ce scénario, baisseront de 38 % d'ici à vingt ans.
Chacun aura compris que l'amendement II-CF815 constituait plus un effet de manches qu'un amendement portant sur le fond ; notre collègue me pardonnera ce jugement, mais j'émettrai un avis défavorable.
Quant à l'amendement II-CF817, il tend à ajouter 31 millions d'euros au programme Aide à l'accès au logement au détriment du programme Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat. Je rappelle que cela concerne les opérations d'intérêt national des collectivités territoriales et privera les maîtres d'ouvrage de la possibilité de réaliser des travaux au profit du logement social.
Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Je souhaite revenir sur l'amendement II-CF273, qui concerne l'accession à la propriété. J'ai vu plus de votes favorables que de votes défavorables. Vous avez peut-être considéré que les commissaires membres du groupe La République en Marche étaient défavorables, alors qu'ils me semblent habités par un sérieux doute puisque le rapporteur lui-même est presque favorable, mais n'ose pas le dire.
Il me semble nécessaire de revoter.
La commission est saisie de l'amendement II-CF749 de M. Matthieu Orphelin.
Le présent amendement vise à renforcer les aides du programme « Habiter mieux » destinées aux familles monoparentales, qui comptent parmi les ménages les plus vulnérables face aux situations de précarité énergétique.
Les plafonds des aides de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) sont plus avantageux pour les couples et les familles monoparentales. Je propose de remédier à cette situation pour les aides de l'ANAH et proposerai la même chose pour le CITE à l'occasion de l'examen de l'article rattaché.
Cet amendement est intéressant, mais son suivi dans le temps serait complexe. Il faudrait en outre mieux définir la notion de famille, car celle-ci peut être constituée d'une personne seule, et « monoparentale » signifie qu'il y a au moins un enfant, à charge ou non.
Je souhaiterais que vous retiriez votre amendement, afin de demander en séance la position du Gouvernement, ou que vous le réécriviez de façon à mieux appréhender la réelle question des familles monoparentales obligées de faire des travaux dans leur logement alors qu'elles n'ont qu'une seule source de revenu.
L'amendement est retiré.
La commission se penche sur l'amendement II-CF747 de M. Matthieu Orphelin.
L'amendement vise à intégrer dans les aides du programme « Habiter mieux » une couverture de 100 % des coûts de la visite par un opérateur ANAH et de la réalisation d'un audit énergétique. La gratuité de l'audit pour les ménages en précarité énergétique est l'un des engagements de campagne d'Emmanuel Macron.
L'idée est intéressante, mais je ne suis pas certain que l'ANAH soit en mesure de faire face à ces demandes de diagnostic. Je vous invite à cadrer cette disposition avec la structure animant cette politique publique. Avis défavorable.
Cet amendement, comme les autres amendements défendus par Matthieu Orphelin, implique de réaliser des économies sur le programme Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, une politique qui rencontre déjà bien des difficultés. De surcroît, l'on conteste les statistiques sur les productions de logement. La majorité doit nous rassurer sur l'avenir de l'action 4 Instruments de pilotage et d'étude !
Les gages peuvent évoluer, monsieur Bazin. Vous le savez bien, puisque vous-même gagez vos amendements !
Je prends cette remarque avec humour, car chacun sait que les parlementaires ne peuvent pas procéder autrement lorsqu'ils veulent déposer ce type d'amendement.
Je retire l'amendement, toujours dans la perspective d'y travailler avec le Gouvernement. Je rappelle les chiffres : les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment dépassent de 22 % les engagements de la stratégie nationale bas-carbone, et des millions de Français sont en situation de précarité énergétique. Nous devons accélérer dans le domaine de la rénovation énergétique ; des décisions historiques doivent être prises, soit dans le cadre de ce PLF, soit dans la programmation pluriannuelle de l'énergie.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement II-CF748 de M. Matthieu Orphelin.
On sait que les ménages modestes, souvent, n'ont pas les moyens d'avancer la somme correspondant au CITE. Cet amendement prévoit qu'à titre expérimental, et dans cinq départements, l'ANAH fasse une avance. En échange, la personne bénéficiaire s'engagerait sur l'honneur à ne pas solliciter ultérieurement le crédit d'impôt, et pourrait être contrôlée à ce titre.
L'idée que les ménages modestes n'aient pas à faire l'avance est excellente, mais je doute que l'appareil d'État puisse la mettre en oeuvre, dans la mesure où il lui sera difficile de contrôler que les bénéficiaires ne demanderont pas ultérieurement le bénéfice du CITE. L'une des raisons pour lesquelles les dépenses fiscales ne sont pas contrôlées, c'est que la direction du budget ne donne pas les informations à la DHUP, laquelle reste aveugle.
Par ailleurs, cet amendement attribue une nouvelle mission à l'ANAH. Je vous invite à vous en entretenir avec sa directrice générale, Valérie Mancret-Taylor, car il semble que les effectifs de l'Agence ne permettraient pas d'absorber cette charge de travail supplémentaire.
Je retire l'amendement, en espérant que nos collègues, le rapporteur spécial, le Gouvernement et l'ANAH trouveront la motivation pour y travailler d'ici la séance. Il faut avoir à l'esprit qu'il y a entre cinq et dix fois moins de rénovations énergétiques performantes que ce qui serait nécessaire pour atteindre nos objectifs. J'ai conscience des difficultés budgétaires de l'ANAH, mais il faut aussi faire face aux réalités !
Je défie quiconque ici de trouver aujourd'hui le nombre de logements qui ont été réhabilités en France. Ce serait une prouesse ! La DHUP ne donne pas cette information, pas plus que la direction générale du logement, de l'aménagement et de la nature (DGALN). Personne n'est capable de dire combien de logements ont été réhabilités. C'est l'objet de la résolution, au moins pour le secteur HLM, approuvée par le Parlement en juin.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement II-CF820 de M. Éric Coquerel.
D'après le rapport sur le handicap réalisé en 2011 à l'échelle mondiale par l'Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale, le taux de prévalence du handicap dans la population mondiale, en hausse constante depuis la première évaluation en 1970, est de 15 %. La rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits des personnes en situation de handicap a dressé en octobre 2017 un constat accablant de la prise en charge des personnes en situation de handicap en France et recommandé à l'État de faire davantage d'efforts sur ce plan.
Or, dans la loi « ELAN », le Gouvernement s'attaque à l'accessibilité des logements. Alors que la loi imposait que 100 % des logements d'habitation collectifs soient construits en respectant les normes d'accessibilité aux personnes handicapées, l'article 18 conduira à ramener à 20 % la part des logements accessibles. En divisant par cinq le taux de logements accessibles dans les immeubles d'habitation collectifs, le Gouvernement crée les conditions d'un stock de logements accessibles nettement insuffisant pour satisfaire les besoins actuels et futurs de la population. De fait, la loi durcit l'accès des personnes handicapées au logement, ce qui constitue une régression insupportable de leurs droits.
Pour alimenter l'action 4 du programme 135 Réglementation, politique technique et qualité de la construction, nous proposons de puiser dans l'action 1 du programme 112, Attractivité économique et compétitivité des territoires, 3,8 millions d'euros finançant le pacte État-métropoles et 2,6 millions d'euros destinés aux pôles de compétitivité. Pour l'attractivité des territoires, il vaut mieux favoriser l'accessibilité, qui améliore la qualité de vie, que de financer des pôles de compétitivité et un modèle de métropolisation qui met les territoires en concurrence.
Le financement des pôles de compétitivité est partenarial et ne peut être supprimé de façon unilatérale. En outre, il est impossible de supprimer les crédits finançant le pacte État-métropoles, puisqu'ils correspondent au reste à payer des engagements qui ont été pris en 2017 sur le programme 112. Avis défavorable.
Je ne peux pas laisser dire par le rapporteur spécial que l'on ne peut pas obtenir les chiffres de la réhabilitation en France. Nous les connaissons, nous les avions. Ce n'est pas compliqué de les obtenir auprès de l'ANRU, de l'ANAH, des directions départementales des territoires, qui donnent les autorisations, ou encore des gros bailleurs. Que la DHUP fasse de la rétention et ne transmette pas les informations aux parlementaires, c'est un autre débat. Je peux vous dire qu'ils ont ces chiffres.
S'agissant du parc HLM, les opérations de réhabilitation font l'objet d'agréments, qui valent un engagement dans le budget de l'État. Il faut savoir qu'aujourd'hui, les agréments ne sont jamais soldés. Lorsque vous demandez à l'État combien de logements ont été réhabilités, et où, quand vous l'interrogez pour savoir où en est tel dossier, agréé en 2012, il ne peut pas répondre.
Il faut savoir que le calcul se fait via l'éco-prêt de la Caisse des dépôts et consignations – c'est ce qui m'a été indiqué par le directeur de l'habitat, et que la DGALN a confirmé.
Sur le parc privé, les seules informations que l'État détient proviennent de l'ANAH. En revanche, comme le CITE est partiel, nous ne disposons pas de chiffres globaux sur la rénovation énergétique des logements. C'est la direction des services fiscaux qui produit aujourd'hui cette information.
Je propose de formuler une demande précise à l'administration. La résolution de notre Assemblée peut suffire.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement II-CF878 de M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial.
Cet amendement vise à augmenter de 5 millions d'euros les autorisations d'engagement allouées en 2019 à la PAT afin de maintenir le niveau des engagements inscrits en loi de finances pour 2018.
La PAT est une aide directe à l'investissement des entreprises, sous condition de création d'emplois. C'est donc une politique facilement évaluable, et évaluée chaque année, qui contribue à la création d'un nombre d'emplois significatif, pour un montant moyen par emploi pérennisé très faible, de l'ordre de 4 600 euros en 2017.
La dotation allouée à la PAT connaît une forte baisse depuis quelques années, puisqu'elle est passée de 35 millions d'euros en AE en 2014 à 9,7 millions d'euros dans le PLF 2019, soit une diminution annuelle de 3,5 millions d'euros sur la période. La baisse constante des crédits pose la question du positionnement stratégique de cette aide et de l'opportunité de maintenir ces subventions directes aux entreprises.
Je préférerais que le niveau des crédits soit porté à 35 millions d'euros, conformément à l'évaluation réalisée par un cabinet de conseil, afin de rendre la politique pleinement efficace, mais je m'interroge sur la nécessité de maintenir le dispositif sous sa forme actuelle. Si le montant des crédits reste aussi faible et poursuit sa trajectoire baissière, il serait tout aussi pertinent de le supprimer purement et simplement.
Comme preuve de bonne volonté gouvernementale sur l'avenir de la PAT, le statu quo devrait être maintenu, avec une dotation stabilisée à 14,5 millions d'euros en AE. L'an dernier, le Gouvernement a fait un geste pour diminuer moins que prévu l'enveloppe et augmenter de 5 millions d'euros les AE.
Cette action est gagée par une diminution à due concurrence des crédits de l'action 1 du programme 147, mais je souhaite que le gage soit levé en séance publique par le Gouvernement afin de ne pas réduire l'augmentation significative et primordiale des crédits alloués à la politique de la ville.
Vous devriez vous demander pourquoi ce dispositif n'est pas suffisamment mobilisé. Le niveau élevé d'investissement imposé – 3 millions d'euros minimum – explique pourquoi nous n'utilisons pas la PAT dans nos territoires.
Tout en comprenant la logique de cet amendement, nous ne pouvons y souscrire. La PAT, qui permet de financer des projets d'investissement, fonctionne en parallèle avec l'aide à la réindustrialisation et les prêts du Fonds de développement économique et social, dont les budgets ont augmenté. Les entreprises peuvent également bénéficier de prêts bonifiés.
Pour ce qui est de la création d'emplois, nous préférons privilégier le dispositif des emplois francs, qui favorise l'emploi dans les quartiers ou les territoires fragiles.
Si la PAT, dont l'objet est de soutenir le développement économique dans les territoires en difficulté, fonctionne mal, c'est en raison des critères cumulatifs demandés aux entreprises. Le nombre d'emplois à créer est très élevé, tout comme le niveau d'investissement exigé ; le zonage, comme pour toutes les aides à finalité régionale, est singulier.
Les entreprises qui le sollicitent apprécient particulièrement ce dispositif, mais il gagnerait à être simplifié et à ce que les critères soient révisés, même si cela implique des notifications auprès de la Commission européenne. La PAT est complétée par d'autres dispositifs, avec lesquels elle n'entre pas en contradiction. Les emplois francs concernent uniquement les quartiers en politique de la ville, alors que la PAT s'applique, et elle est la seule, aux territoires ruraux.
Cette subvention directe aux entreprises, dans des territoires en difficulté, n'a rien à voir avec le dispositif des emplois francs. Ses critères sont certes restrictifs, mais elle ne coûte pas grand-chose : 4 600 euros par emploi pérennisé. C'est un dispositif aisément évaluable.
Les crédits ne sont pas suffisants aujourd'hui pour répondre à toutes les demandes. Si l'on veut sauver les emplois dans les territoires en grande difficulté, il faut, plutôt que de proposer des prêts bonifiés, augmenter cette subvention qui est efficace et dont le retour sur investissement est élevé.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement II-CF821 de Mme Sabine Rubin.
On ne compte plus les articles de la presse quotidienne, régionale et nationale, faisant état de fermetures de bureaux de poste et relayant le désarroi des habitants abandonnés. Le même phénomène est à l'oeuvre avec les hôpitaux. Cette tendance est plus préjudiciable encore dans les quartiers prioritaires de politique de la ville, où se concentrent les populations les plus fragiles, mais l'outre-mer et les zones rurales ne sont pas en reste.
D'après l'indicateur 2.2 Réduction du temps d'accès des usagers à une maison de services au public de la mission, 75 % de la population des communes de moins de 30 000 habitants se trouvaient en 2018 à moins de vingt minutes d'une maison de services au public (MSAP). Cela demeure insuffisant, d'autant qu'en zone rurale, un temps de trajet excédant 20 minutes signifie que les services se trouvent dans une autre commune et que les milliers d'habitants dépourvus de moyens de transport n'y ont pas accès. Cela est intolérable.
Par cet amendement, nous proposons de transférer 31 millions d'euros de l'action 7 du programme 135, qui vise notamment à financer de grandes opérations d'urbanisme bien souvent inutiles, vers l'accès aux services publics, par le biais de l'action 2 du programme 112, Développement solidaire et équilibré des territoires.
Le Gouvernement s'est investi dans le développement des MSAP, indispensables à la réduction des inégalités territoriales en matière d'accès aux soins. Ce dispositif bénéficie de 15,7 millions d'euros, en hausse de 5 millions d'euros par rapport à 2018. La hausse que vous proposez, six fois supérieure, n'apparaît pas pertinente puisqu'elle n'est pas adaptée à la capacité de développement de ce dispositif par les différents partenaires.
Par ailleurs, une réflexion globale sur les MSAP est menée afin de déterminer leurs nouvelles missions et leurs modalités de fonctionnement. Du résultat de ces travaux dépendra l'ampleur de l'augmentation des crédits alloués aux MSAP. Je vous suggère de retirer cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement II-CF841 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Cet amendement vise à abonder le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, au détriment du programme 135 – les règles relatives au dépôt des amendements en seconde partie des projets de loi de finances interdisant d'augmenter les crédits d'une mission. Il s'agit donc d'un amendement d'appel, qui fait écho à un amendement similaire au PLF 2018.
Il s'agit de réformer la politique budgétaire de l'État relative au comité de massif de Corse. Depuis la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, la compétence d'animation et de coordination du comité de massif a été transférée à la Collectivité territoriale de Corse. À ce jour, le comité de massif de Corse ne reçoit qu'une contribution symbolique de l'État de 150 000 euros, au titre de la contribution de l'État au schéma d'aménagement, de développement et de protection de la montagne.
Il est vrai que, de 2002 à 2016, les majorités territoriales n'ont pas réalisé de schéma d'aménagement et de développement de la montagne. La nouvelle majorité territoriale a voté le premier schéma en février 2017, ce qui signifie que le transfert de 150 000 euros ne correspond à rien. Certes, l'État contribue au CPER et aux missions liées au développement de la montagne, mais à hauteur de 4,8 millions d'euros sur cinq ans, quand le Jura est doté, pour une superficie équivalente, de 13,5 millions d'euros.
Puisqu'il y a désormais un pilote dans l'avion, nous souhaiterions que le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire « montagne » soit une dotation transférée, à hauteur de celle dont bénéficie le Jura, en suppression des contributions au CPER. À défaut d'une légitime remise à niveau, nous souhaiterions un transfert de crédits, tout du moins un avis de sagesse sur cet amendement. Cela permettrait d'ouvrir le débat et de mettre en accord la loi de 2002 et la réalité de la politique de la montagne, centrale à l'échelle de la Corse, et essentielle pour une économie productive.
Par cet amendement d'appel, vous souhaitez que le pilotage des crédits versés dans le cadre du CPER à la Corse au titre de l'action sur les massifs montagneux, 4,8 millions d'euros, soit transféré au comité de massif.
Je suis sensible à ce manque de marge de manoeuvre du comité de massif dans la gestion des crédits qui lui sont alloués. Je m'inquiète également du niveau de ces crédits, bien inférieur à celui des crédits versés dans le cadre des contrats interrégionaux aux autres massifs du territoire français – cela a déjà été dit l'année dernière.
Seul le Gouvernement pourra vous apporter une réponse sur l'opportunité et la faisabilité de ce transfert, ainsi que sur le vecteur approprié qui permettra de porter ces crédits au même niveau que ceux versés pour les autres massifs français. Ce vecteur devra prendre en compte le fait qu'il s'agit d'une compétence transférée à la collectivité de Corse depuis 2002. Je vous propose de retirer cet amendement et de le redéposer en séance publique afin que le Gouvernement nous apporte son éclairage.
Je vous remercie pour votre prise de position, monsieur le rapporteur spécial, mais je maintiens l'amendement et le déposerai à nouveau afin que le débat ait lieu en séance publique.
En tant que président de la commission permanente du Conseil national de la montagne (CNM), je confirme que la Corse a été un peu, même beaucoup, absente des débats sur la montagne, pendant fort longtemps. J'ai fait en sorte que la Corse soit présente dans la composition de la nouvelle commission permanente. Il conviendra que nous ayons ce débat au sein du CNM, car il est indispensable que les politiques ne soient pas différenciées d'un massif à l'autre.
Ce n'est pas le cas en Corse, puisque la compétence a été transférée à la collectivité territoriale de Corse. Celle-ci ne s'étant pas réunie en formation de comité de massif, les politiques nationales en faveur du massif corse ont été quasi inexistantes – il faut dire les choses comme elles sont.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements II-CF819 de Mme Sabine Rubin, II-CF274 de M. Jean-Louis Bricout et II-CF877 de M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial.
Le chlordécone est un scandale d'État, au sujet duquel La France insoumise demande la constitution d'une commission d'enquête parlementaire. La prise en charge par la collectivité publique des conséquences de l'usage, pendant plus de vingt ans, dans les bananeraies des Antilles françaises, du chlordécone – un insecticide particulièrement toxique – est un enjeu écologique fondamental.
Au-delà des écosystèmes, la quasi-totalité des Antillais sont contaminés – 95 % des 800 000 habitants de la Guadeloupe et 92 % de ceux de la Martinique –, comme le révèle une étude menée pour la première fois à grande échelle par Santé publique France. Ce perturbateur endocrinien très puissant altère semble-t-il la fertilité et entrave le développement neurologique des nourrissons. Au vu de la persistance du chlordécone dans les écosystèmes et du degré de contamination des populations locales, des mesures concrètes et urgentes de dépollution et de protection doivent être prises. Près de trente ans après l'interdiction de cette molécule, les Antillais ont droit à la reconnaissance par l'État et la société des préjudices subis et de leur statut de victime.
Pour ce faire, nous proposons de prélever, dans l'action 8 du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire, 3,8 millions d'euros sur le pacte État-métropoles et 2,6 millions d'euros sur les pôles de compétitivité. Pour renforcer l'attractivité des territoires, mieux vaut soutenir les plans environnementaux, qui améliorent la qualité de vie et l'activité économique dans les territoires, conformément aux ambitions écologiques du Gouvernement, que de financer des pôles de compétitivité et un modèle de métropolisation qui met les territoires en concurrence.
L'exposition des Martiniquais et des Guadeloupéens au chlordécone constitue un problème sanitaire majeur. Dans son rapport de décembre 2017, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a souligné l'urgence d'éradiquer le risque d'une contamination par les circuits d'approvisionnement non contrôlés – autoproduction, dons, commerce en bord de route – et des limites maximales de résidus de chlordécone dans les denrées alimentaires d'origine animale sont désormais en vigueur.
Il faut donner à l'administration les moyens d'élargir ses contrôles à ces circuits informels. C'est l'objet de cet amendement, qui prévoit de la doter de 2 millions d'euros supplémentaires pour en finir avec ce scandale sanitaire.
Cet amendement vise à augmenter de 1 million d'euros les crédits versés au troisième plan « Chlordécone », inscrits à l'action 8 du programme 162 Interventions territoriales de l'État, ce qui porterait la dotation globale à 3 millions d'euros pour 2019.
Le troisième plan « Chlordécone », portant sur la période 2014‑2020, est doté de crédits interministériels dédiés à des actions de réduction de l'exposition de la population antillaise au chlordécone : analyses des sols, communication et information de la population, surveillance et contrôle des denrées, recherches scientifiques et accompagnement des professionnels dont les activités ont été touchées par cette pollution.
Cette politique publique est indispensable, mais les crédits qui lui sont alloués ont diminué de 30 % sur la période 2014‑2019 et ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux induits par la pollution au chlordécone dans les Antilles.
Face à l'urgence de la situation sanitaire, cet amendement traduit de façon anticipée l'engagement présidentiel de septembre 2018 d'augmenter les crédits de 1 million d'euros à horizon 2020. Ces ressources supplémentaires viendront utilement renforcer les actions d'analyse des sols, permettront de réaliser une cartographie fine de la pollution des sols et d'augmenter les contrôles sanitaires, notamment sur les circuits informels. Elles pourraient aussi permettre d'analyser la capacité de l'État à prendre en charge un test de dépistage automatique de l'exposition de la population à ce pesticide.
Enfin, cet amendement est gagé sur l'action 1 du programme 147. Une levée du gage par le Gouvernement en séance est souhaitée, afin de ne pas réduire l'augmentation significative et primordiale des crédits alloués à la politique de la ville.
Je demande à mes collègues de bien vouloir retirer leurs amendements au profit du mien. À défaut, mon avis sera défavorable.
La commission rejette successivement les amendements II-CF819 et II-CF274.
Elle adopte l'amendement II-CF877.
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements II-CF655, II-CF658, II-CF667, II-CF661, II-CF656, II-II-CF660, II-CF664, II-CF663, II-CF662, II-CF659, II-CF657 et CF665 de M. François Pupponi.
Ces amendements visent à traduire, dans le budget, l'application des mesures proposées par le rapport Borloo.
La somme des mesures proposées par ces amendements s'élève à 1,396 milliard d'euros. Je note tout l'intérêt que vous portez au rapport Borloo, mais vous n'êtes pas sans savoir qu'il n'a pas été retenu par le Gouvernement... Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle examine l'amendement II-CF271 de M. Jean-Louis Bricout.
Cet amendement fait suite à l'engagement du Président de la République, pris en 2017, d'augmenter de 1 milliard d'euros le financement du nouveau programme national de renouvellement urbain, en prévoyant de maintenir une trajectoire de 100 millions d'euros annuels pendant dix ans.
Seuls 15 millions d'euros de crédits étaient prévus en loi de finances pour 2018. Le Gouvernement a fait droit à nos arguments puisque 185 millions d'euros d'AE sont inscrits cette année : les 85 millions d'euros manquants de 2018 et les 100 millions annuels de 2019. Toutefois, les CP sont très insuffisants puisqu'ouverts seulement à hauteur de 25 millions d'euros. Cet amendement propose de fixer le montant des CP à hauteur des 100 millions d'euros annuels nécessaires au bon fonctionnement du programme.
Quelques éclaircissements s'imposent. L'engagement de l'État de financer la politique de rénovation urbaine à hauteur de 1 milliard d'euros porte sur la période 2018-2031. Le Gouvernement en apportera 200 millions d'euros sur le quinquennat, jusqu'en 2022, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
Dans le PLF 2019, des autorisations d'engagement, à hauteur de 185 millions d'euros, sont venues s'ajouter aux 15 millions inscrits en loi de finances initiale pour 2018, ce qui fait 200 millions. L'ensemble des autorisations annoncées pour le quinquennat seront inscrites dès 2019.
Pour ce qui est des crédits de paiement, l'État s'est engagé à apporter 200 millions d'euros sur la durée du quinquennat, selon le schéma de répartition suivant : 15 millions en 2018, 25 millions en 2019, 35 millions en 2020, 50 millions en 2021 et 75 millions en 2022. L'inscription des crédits de paiement prévue en 2018 et 2019 a été respectée, et rien ne conduit à penser que les prévisions pour les prochaines années ne le seront pas.
Il ne semble donc pas nécessaire d'augmenter les décaissements de crédits engagés, d'autant que les crédits prévus correspondent à la prévision des dépenses de l'ANRU pour 2019. En effet, malgré l'accélération de la signature des conventions ces derniers mois, la mise en oeuvre des opérations prend du temps, et les 200 millions de crédits de paiement ne seront pas utilisés dès 2019 – d'où la montée en puissance de ce financement.
Je vous propose donc, monsieur Bricout, de retirer votre amendement.
Je le maintiens, parce que je pense que c'est précisément maintenant qu'il conviendrait d'accélérer.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte les crédits de la mission Cohésion des territoires, modifiés.
Article 74 : Augmentation de la contribution de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)
La commission adopte l'article 74 sans modification.
Après l'article 74
La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF669, II-CF670 et II-CF671 de M. François Pupponi.
Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement et la majorité actuelle n'ont pas voulu, à l'occasion de la réforme des APL, prendre la mesure de justice sociale que nous proposons.
Aujourd'hui, à peu près 30 % des allocataires reçoivent une APL et un forfait charges d'un montant supérieur ou égal à leur loyer. Ainsi, certains Français ne paient pas de loyer alors que d'autres, à situation sociale équivalente et à situation de logement équivalente, en paient. C'est tout à fait anormal. Pourquoi quelqu'un qui réside dans une ville X, avec un revenu Y, paierait-il un loyer alors que celui qui vit avec le même revenu dans la ville d'à côté n'en paierait pas ? C'est socialement incompréhensible.
Ces trois amendements visent à faire en sorte que tous les allocataires des APL paient au moins une partie de leur loyer. Cela introduirait un peu de justice sociale et ferait faire quelques milliards d'économies au passage.
Mon cher collègue, ces amendements, qui avaient déjà été présentés l'année dernière, avaient reçu un avis défavorable.
Vous proposez de laisser un minimum à la charge des allocataires – 10 %, 15 % ou 20 % du loyer, selon les amendements. Nous avons pris une option différente : ces personnes, dont le loyer est intégralement payé ainsi qu'une partie de leurs charges, ont de très faibles ressources, et nous ne souhaitons pas majorer leur participation.
Je veux appuyer ces amendements qui me semblent intéressants, même s'ils ont déjà été déposés et rejetés – ce qui n'est d'ailleurs pas un argument en soi. Sur le fond, ils posent une bonne question. Nombre de bailleurs profitent de ceux qui n'autofinancent rien grâce à l'APL, et cela peut favoriser les marchands de sommeil. Par ailleurs, je pense qu'il est important de responsabiliser les gens.
J'avais déjà proposé, sous la précédente législature, de réformer les APL, en particulier les APL étudiantes, où l'on relève de véritables injustices sociales. J'avais notamment suggéré que les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents ne touchent pas l'APL si ces derniers sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune.
Mais, dans le cas présent, expliquez-moi la logique d'un système dans lequel, à niveau de revenu équivalent, vous payez un loyer ou vous n'en payez pas selon l'endroit où vous habitez. Où est la justice sociale ?
Rien ne le justifie !
L'idée est que tout le monde paie un minimum. Vous dites que ces personnes n'ont pas beaucoup de revenus. Mais il y a des villes où des gens qui n'ont pas beaucoup de revenus touchent l'APL, mais paient tout de même un loyer. Et pourquoi, dans la ville d'à côté, ces mêmes personnes n'en paieraient-elles pas ?
C'est peut-être difficile, politiquement, de dire que certaines personnes qui ne paient pas de loyer aujourd'hui devront en payer un demain. Mais votre réforme pénalise tout le monde, ceux qui paient un loyer comme ceux qui n'en paient pas. Pour ma part, je propose de ne pénaliser que ceux qui, actuellement, ne paient pas de loyer. Cela me paraît plus juste.
Je comprends très bien votre point de vue. Mais suivant que l'on vit dans un endroit ou dans un autre, la situation peut varier, notamment sur le plan fiscal. Donc, le système n'est pas choquant en soi. En revanche, on prendrait un risque à pénaliser des gens qui sont déjà en bas de l'échelle. Ce serait extrêmement imprudent voire explosif !
Monsieur Bazin, nous parlons ici de l'APL que perçoivent directement les bailleurs HLM – qui, je l'espère, ne sont pas des marchands de sommeil. Nous ne parlons pas de l'ALS ni de l'ALF. Je vous renvoie à l'article L. 351-3 du code de la construction et de l'habitation.
Monsieur Pupponi, nous avons déjà eu cette conversation l'année passée, et nous sommes parvenus au même constat : des personnes dont la situation économique est la même peuvent occuper des logements dont le niveau de loyer est différent. Cela pose la question de l'uniformisation des loyers HLM sur un même territoire. Or la situation peut varier selon les villes, selon la date de construction de l'immeuble, selon les calculs de solvabilité HLM – puisque l'aide est calculée à partir des ressources et du montant du loyer. Il est donc difficile d'annoncer à quelqu'un qu'il va payer, alors qu'il ne payait pas auparavant.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur spécial, elle rejette l'amendement II-CF672 de M. François Pupponi.
Article additionnel après l'article 74 : Rapport du Gouvernement au Parlement évaluant l'impact du dispositif de la réduction de loyer de solidarité
La commission examine ensuite l'amendement II-CF827 de Mme Stéphanie Do.
Cet amendement vise à procéder à une évaluation objective et chiffrée du dispositif de RLS dans le secteur HLM, créé par la loi de finances pour 2018. En 2018 et 2019, ce dispositif générera une baisse de 4,19 % des recettes des OLS et permettra une économie d'environ 800 millions d'euros pour le budget de l'État. Il est prévu que le montant du dispositif passe à 1,5 milliard d'euros en 2020, soit une baisse de près de 8 % des recettes locatives pour les OLS.
Après une dizaine d'auditions menées en tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, il me paraît essentiel, eu égard aux montants en jeu et aux possibles conséquences sur l'activité de construction et de réhabilitation de logements sociaux, qu'une évaluation de l'impact de ce dispositif sur l'autofinancement et les capacités d'investissement des bailleurs sociaux soit menée en 2019, afin de s'assurer de la pertinence et de la faisabilité d'un doublement de la RLS par le PLF pour 2020.
Je ne suis pas un fanatique des rapports. Pour autant, je pense que la représentation nationale a besoin d'avoir des informations sur les conséquences de ces orientations de la loi de finances pour 2018 et d'en mesurer l'impact. Une clause de revoyure figure dans l'accord HLM qui lie l'État aux OLS. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis favorable sur cet amendement.
Nous allons aussi soutenir cet amendement. On voit bien l'impact des mesures qui sont programmées sur les trois années. La troisième année, notamment, sera insupportable pour les bailleurs.
Je suis évidemment favorable à cet amendement qui permettra de revoir la RLS, et plus encore peut-être. Mais je m'interroge : si j'ai bien entendu le ministre Denormandie au congrès du secteur HLM à Marseille, on fera jouer la clause de revoyure avec les organismes HLM avant le débat budgétaire de l'an prochain, c'est-à-dire dans le premier semestre 2019. Est-ce bien cela ?
La commission adopte l'amendement.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 17 heures
Présents. – M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Philippe Chassaing, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Nadia Hai, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, M. François Pupponi, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. – M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian, M. Philippe Vigier
Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Félix Acquaviva, M. Thibault Bazin, Mme Stéphanie Do, M. Matthieu Orphelin, M. Stéphane Peu, M. Loïc Prud'homme, Mme Corinne Vignon
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