Intervention de Véronique Louwagie

Réunion du mercredi 31 octobre 2018 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie, rapporteure spéciale :

Madame Verdier-Jouclas, je précise, en ce qui concerne l'indemnisation des victimes de l'amiante, que la mission Santé abonde, à hauteur de 8 millions d'euros, le régime général. Le nombre de ces victimes a plutôt tendance à baisser, mais il demeure important – autour de 16 000 nouvelles demandes sont déposées par an. Or, aucune provision n'est prévue dans les comptes de l'État pour faire face à ces risques, pourtant avérés aujourd'hui.

En ce qui concerne l'AME, certes, le budget augmente de 53 millions d'euros par rapport à 2018. Mais je vous rappelle qu'en 2017, on a constaté une sous-budgétisation de l'ordre de 50 millions d'euros et qu'en septembre dernier cette sous-budgétisation s'élevait déjà à 22 millions, de sorte qu'à la fin de l'année elle atteindra probablement encore 50 millions, accroissant d'autant la dette de l'État vis-à-vis de l'assurance maladie. Ces 53 millions supplémentaires ne sont donc probablement pas suffisants. Comme l'ont indiqué Marie-Christine Dalloz et Philippe Vigier, l'AME ne peut pas être sous-budgétisée chaque année : la dette de l'État vis-à-vis de l'assurance maladie sera probablement de 100 millions d'euros à la fin de l'année, de 150 millions l'année prochaine et de 200 millions dans deux ans. Cela n'est pas acceptable !

Tous les coûts liés aux soins des personnes en situation irrégulière doivent être affichés, y compris les éléments qui ne figurent pas dans cette mission. Je pense notamment à la prise en charge, pendant douze mois, par le dispositif PUMA, des personnes dont la demande d'asile a été refusée ; ces personnes, qui sont en situation irrégulière, sont au nombre de 60 000. Encore une fois, l'ensemble des coûts de cette politique doivent être affichés de manière transparente.

Par ailleurs, les crédits de la mission Santé restant à peu près stables, l'augmentation – d'environ 40 % depuis 2013 – du programme dédié à l'AME se fait au détriment du programme consacré à la prévention. Cela n'est pas acceptable.

Monsieur Ruffin, madame Dalloz, le mot « scandale » a été prononcé à propos de la Dépakine. Il est vrai que l'Assemblée nationale doit être informée de ce qui se passe. En novembre 2016, elle a décidé la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de ce médicament. L'intention était très bonne mais, actuellement, les délais de traitement des dossiers sont extrêmement longs. Le comité d'experts indépendants a quatre mois pour étudier un dossier, puis intervient le comité d'indemnisation, qui détermine la responsabilité éventuelle des acteurs de santé ou de l'État et transcrit sa position sur la nature et la gravité des préjudices dans un délai de trois mois. En outre, le dossier que les victimes doivent remplir au préalable est très consistant. Pourtant, le fonds d'indemnisation a été créé pour éviter les procédures contentieuses et faciliter l'accès des victimes à une indemnisation. C'est donc un échec, car ces dernières ne peuvent pas remplir seules un dossier de 800 pages. Est-il besoin de rappeler, par ailleurs, qu'elles sont le plus souvent atteintes d'une maladie – celle pour laquelle elles ont dû prendre ce traitement – et qu'elles ont un enfant qui souffre de malformations majeures, de troubles mentaux ou du comportement ?

La procédure est si complexe que ces familles sont dissuadées de déposer un dossier. Ainsi, en septembre 2018, elles étaient seulement 296 à l'avoir fait alors que, dans un rapport d'août 2017, la Caisse nationale d'assurance maladie et l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et des produits de santé évaluent entre 2 150 et 4 100 le nombre des enfants ayant développé une malformation majeure et entre 16 600 et 30 400 le nombre de ceux qui sont atteints de troubles mentaux et du comportement. On estime ainsi le nombre des victimes potentielles entre 14 000 et 30 000 ! J'ajoute que, sur les 296 victimes ayant déposé une demande d'indemnisation, quinze d'entre elles seulement seraient entièrement examinées avant la fin de l'année. C'est dire combien ce processus n'est pas satisfaisant.

La ministre de la santé s'est exprimée sur le sujet durant la discussion du PLFSS, en indiquant que les différentes personnes susceptibles d'établir un dossier devaient être recensées. Mais, au-delà de ce recensement, il faut que la procédure soit à la portée de tous.

Enfin, je vous précise, monsieur Ruffin, que la dotation de l'ONIAM est de 79 millions d'euros, dont 77,7 millions pour les victimes de la Dépakine. Le calcul est rapide : si l'on multiplie le nombre des dossiers, compris entre 14 000 et 30 000, par le montant de l'indemnité accordée par la cour d'appel d'Orléans – soit 2 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 1 million d'euros pour l'assurance maladie –, on s'aperçoit vite que cette dotation n'est pas admissible. Ou alors il faut reconnaître que l'on ne veut pas aller vers une indemnisation importante des victimes de la Dépakine, ce qui ne serait pas acceptable.

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