Sur le contexte, vous trouverez plus de détails dans l'état d'avancement des travaux que nous vous avons adressé, comme c'est l'usage, hier matin. La proposition de résolution dont la commission des Lois est saisie a fait l'objet d'un débat devant la commission des Affaires européennes, il y a deux semaines, à l'occasion de la présentation de notre rapport d'information. Ce sont les étapes normales de la procédure parlementaire pour ces textes particuliers que sont les résolutions européennes.
Je tiens à insister, en particulier pour la presse, sur le fait que les ambassadeurs de Pologne et de Hongrie ont été invités à s'exprimer devant la commission des Lois par sa présidente. Il était prévu que cette audition ait lieu mercredi dernier, c'est-à-dire avant le débat au fond par notre commission du texte de la résolution. Nous déplorons que l'un comme l'autre, après quelques jours de réflexion, ait décidé de décliner l'invitation et manqué l'occasion de s'exprimer publiquement.
Notre texte est organisé en plusieurs blocs. Les alinéas 1 à 9, soit les « visas » de la résolution, mentionnent les différents textes déclaratifs ou contraignants déjà édictés en matière de protection de l'État de droit. C'est plus important qu'il n'y paraît, car il s'agit d'énumérer les instruments de référence qui peuvent être ou qui ont été mobilisés. Nous vous proposerons par amendement d'élargir la liste à la Convention européenne des droits de l'homme et aux avis de la Commission de Venise, qui dépend du Conseil de l'Europe. Ce dernier n'est en effet pas resté inactif dans la protection de l'État de droit, même si, bien sûr, les sanctions ne sont pas extrêmement efficaces.
Les alinéas 20 à 28 rappellent les principales violations de l'État de droit, en Pologne, en Hongrie et en Roumanie, sans méconnaître au demeurant les divergences, les différences de situation entre ces trois États. Force est de reconnaître qu'il y a eu des risques ou des violations avérées dans trois domaines. Il s'agit d'abord du fonctionnement du contrôle de constitutionnalité, qui est essentiel ; la loi est librement votée par les parlements, mais elle doit obéir à des règles constitutionnelles qui doivent être préservées. Il s'agit ensuite de l'indépendance de la justice, un fondement de notre société démocratique : le juge national coopère à l'application du droit de l'Union européenne et peut d'ailleurs poser des questions préjudicielles devant la Cour ; il est donc très important pour l'ensemble des citoyens de l'Union de savoir quel est le degré d'indépendance de la justice dans les États membres. Il s'agit enfin de la prévention de la corruption et des conflits d'intérêts.
Toutes ces atteintes portées à l'application uniforme des principes fondamentaux de l'Union européenne répondent à la volonté de remettre en cause, selon nous de manière systémique et intentionnelle, l'État de droit, dans la plupart de ces États et, en tout cas, spécifiquement en Pologne et en Hongrie. Il nous a semblé plus opérant de ne pas donner de définition substantielle de l'État de droit, mais de laisser à la Cour de justice de l'Union européenne le soin de délimiter précisément la notion par sa jurisprudence. C'est l'objet de l'un de nos amendements.
Dans les alinéas 29 à 35, il vous est proposé que l'Assemblée nationale affirme son soutien aux procédures déjà engagées par les institutions européennes à l'encontre de la Pologne et à l'ouverture d'une procédure au titre de l'article 7, alinéa 1, pour risque clair de violation grave de l'État de droit à l'encontre de la Hongrie ; qu'elle prenne parti pour le maintien du mécanisme de coopération et de vérification en Roumanie, comme en Bulgarie. Sur ce bloc comme sur les précédents, nous vous proposerons des amendements rédactionnels.
Enfin, les alinéas 40 à 42 de la proposition de résolution préconisent la création de nouveaux mécanismes pour permettre une meilleure anticipation et plus de rapidité. Ils visent à assurer le respect effectif de l'État de droit par l'ensemble des États, et pas simplement par les États que nous visons. En particulier, nous proposons la mise en place d'un réseau d'alerte rassemblant des autorités administratives indépendantes nationales, mais également des personnalités qualifiées, afin de détecter d'une manière beaucoup plus précoce les violations ou risques de violation de l'État de droit. Nous y ajouterons, par un amendement final, deux alinéas qui vous invitent à demander à l'ensemble des parlements nationaux volontaires d'adopter une résolution de même nature que celle-ci. Nous sommes en effet persuadés que seul un soutien politique sans faille permettra aux institutions européennes d'aller au terme des procédures qu'elles ont engagées.