Intervention de Élise Fajgeles

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlise Fajgeles :

Le départ de nos collègues du groupe Les Républicains et leur refus de débattre de cette proposition de résolution est loin d'être anecdotique. Il a, au contraire, une réelle signification politique car en votant cette résolution, mes chers collègues, il s'agit, dans le respect des institutions européennes et de notre Constitution, d'exprimer la position de l'Assemblée nationale sur ce qui pourrait, sur ce qui devrait, faire consensus entre nous, le respect des valeurs fondatrices de l'Union européenne, affirmées par l'article 2 du traité sur l'Union, qui sont la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit, le respect des droits de l'homme.

« Se fixant de grandes ambitions, l'Europe pourrait faire entendre sa voix et défendre des valeurs fortes : la paix, la défense des droits de l'homme, davantage de solidarité entre les riches et les pauvres. L'Europe, c'est le grand dessein du XXIe siècle ». Ces phrases de Simone Veil me font penser à ce qui a conduit nos prédécesseurs à vouloir cette Europe, à la construire : l'idée de pardonner sans jamais oublier, d'aller chercher ce qui nous rassemble, de construire pierre après pierre un édifice qui transcende nos particularismes sans renier nos identités, pour avoir compris qu'ensemble nous serions plus forts.

Oui, on peut, on doit même, pour aller de l'avant, entendre les doutes qui s'expriment sur l'Europe, sa remise en cause par ceux qui ne comprennent rien à ces règles absurdes, par ceux qui ne trouvent pas leur place dans cette Europe absconse. Il y a un an, à la Sorbonne et à Athènes, le Président de la République, affirmait que si l'on aime l'Europe, on doit l'améliorer pour la renforcer, pour la rapprocher de nos concitoyens et pour relancer, comme jadis ses fondateurs optimistes, un projet visionnaire. Il nous encourageait, pour ce faire, à favoriser l'émergence d'une Europe plus souveraine, plus unie et plus démocratique, car, je le cite : « L'essence du projet européen, c'est la démocratie. Je dis même que c'est sa force la plus grande, son aliment véritable. »

C'est pourquoi nous devons rappeler que nous partageons un socle commun de valeurs sur lequel nous devons être intransigeants et qui ont fait une Europe humaine, une Europe pacifique, une Europe caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la solidarité, l'égalité entre les hommes et les femmes, une Europe qui garantit le principe de légalité, la sécurité juridique, l'interdiction de l'arbitraire du pouvoir exécutif, l'indépendance de la justice, la séparation des pouvoirs et l'égalité devant la loi.

Dès lors, quand un pays bat en brèche ces principes, ces valeurs, il nous appartient de nous exprimer pour les préserver, pour dénoncer les dérives, pour affirmer que les atteintes à la liberté de la presse et à l'indépendance du pouvoir judiciaire et l'instrumentalisation de l'identité nationale n'ont pas de place dans ce projet commun. Pour ce faire, si les instruments dont nous disposons ne suffisent pas, il convient de compléter cet arsenal pour en garantir le respect et rappeler qu'adhérer à l'Union européenne, c'est adhérer pleinement à sa philosophie.

La notion d'État de droit mérite-t-elle d'être clarifiée ? Certainement. La proposition de résolution envisage donc de le faire à l'occasion d'une prochaine révision des traités. Les outils juridiques existants pour faire respecter l'État de droit au sein de l'Union européenne sont-ils insuffisants et pas assez contraignants ? Oui également. Aussi la proposition de résolution conditionne-t-elle l'accès aux fonds structurels au respect, vérifié, de l'État de droit – tout en garantissant la protection des populations – et la mise en place de nouveaux mécanismes pour assurer ce respect.

Au-delà, si nous voulons garantir le caractère démocratique de l'Europe, cette réflexion sur le respect de l'État de droit doit être alimentée par l'ensemble de la société et nous mettre en mesure d'alerter les institutions compétentes le cas échéant. Aussi la proposition de résolution prévoit-elle la création d'un comité qui traitera des questions relatives à l'État de droit et l'instauration d'autorités administratives dotées d'un pouvoir d'alerte.

L'Europe est pour certains d'entre nous une évidence parce que nous n'avons connu qu'elle et qu'elle signifie paix et progrès. Mais nous savons tous qu'elle est aujourd'hui fragilisée par des velléités de repli nationaliste. L'Europe est jeune, adolescente pourrions-nous dire, et c'est à nous, collectivement, de la guider pour qu'elle atteigne la maturité. Sans l'Europe, nous serions démunis, et l'histoire nous a prouvé tragiquement qu'elle est le meilleur garde-fous contre les dérives qui naissent parfois de l'esprit des hommes. Le groupe La République en marche soutient donc cette proposition de résolution sans ambiguïté et réaffirme que le projet européen est au coeur de son engagement.

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