C'est un argument plutôt facile. La présidente de la Cour suprême n'était pas du côté des communistes : elle a soutenu Solidarność. Vous reprenez les arguments de l'ambassadeur qui dit que la Pologne n'a pas connu de purge, contrairement à la France sous la Révolution française et à la Libération, et que c'est aujourd'hui qu'il faut faire cette purge de magistrats qui auraient été des serviteurs d'un régime et d'une idéologie communistes. Cela ne correspond pas tout à fait à la réalité. L'actuelle présidente de la Cour suprême a été nommée pour six ans, jusqu'en 2020, en vertu d'un article de la Constitution – et en Pologne, il n'y a pas de majorité pour modifier la Constitution, contrairement à la Hongrie – , et voilà qu'en application d'une simple loi on lui demande, début juillet, de quitter ses fonctions. Trouvez-vous cela normal, et digne d'un État de droit ?
Ensuite, au sein de cette Cour suprême, équivalent de notre Cour de cassation, on a créé deux chambres. L'une est composée de personnes qui ne sont pas toutes des magistrats et qui vont examiner les actions disciplinaires contre les magistrats. L'autre est chargée d'examiner les « plaintes extraordinaires » susceptibles d'être portées contre des décisions de justice ayant l'autorité de la chose jugée, et s'occupera également du contentieux des élections. Ne trouvez-vous donc pas essentiel que les questions disciplinaires et le contentieux électoral soient confiés à des magistrats indépendants ?
Mettre à la retraite anticipée une trentaine des quatre-vingts plus hauts magistrats du pays au motif qu'ils auraient peut-être été en poste dans la période antérieure au rétablissement de la liberté en Pologne, c'est user d'un prétexte fallacieux, qui permet à l'autorité politique de les remplacer dans des conditions critiquables et de créer un organe désigné par le parlement polonais, donc par la majorité en place.