Vous mettez en cause le principe d'une conditionnalité des fonds. Sur ce sujet extrêmement délicat, nous avons beaucoup écouté les ONG, les associations, les élus également. Ils n'y sont pas très favorables, et les gouvernements non plus, bien sûr.
Cependant, il ne s'agit pas de conditionnalité, mais de versement des fonds. Ils seraient accordés à ces pays, mais leur versement effectif serait lié au respect de l'État de droit ; en cas de défaillance systémique, ils ne seraient pas versés. Ensuite, la Commission avait précisé que ne seraient pas concernés des fonds qui vont directement aux particuliers ou aux groupes – associations, ONG, chercheurs, étudiants du programme Erasmus…
Nous avons pleinement conscience que diminuer le versement des fonds, c'est appliquer une sorte de double peine à des pays qui ont besoin de réformer leurs infrastructures, leurs hôpitaux : la Roumanie surtout, mais aussi la Hongrie et la Pologne. Frapper au portefeuille est toutefois une arme efficace dont il ne faut pas se priver. L'Union européenne peut exercer une pression en disant à la Pologne qu'elle ne peut, d'un côté, obtenir 85 milliards d'euros du cadre financier pluriannuel annuel 2014-2020, – pour la Hongrie, c'est même 4 % du PIB –, et, d'un autre côté, ne pas respecter les principes fondamentaux. En Hongrie, 36 % des appels d'offres ne donnent lieu qu'à une seule offre, et des membres de la famille de M. Orbán ont été mis en cause pour des attributions de marchés. La menace est donc utile. Pour sa mise en oeuvre, il faut veiller très attentivement à ce qu'il n'y ait pas de double peine pour les citoyens. Les Polonais sont des Européens convaincus, les Hongrois aussi, il ne faudrait pas dresser les uns contre les autres. Pour autant, pourquoi ne pas soutenir l'initiative de la Commission et, le cas échéant, dans des cas très caractéristiques, suspendre le versement des fonds en le conditionnant à l'amélioration de la situation de l'État de droit dans le pays concerné ?