Monsieur le président, chers collègues, nous allons désormais évoquer l'économie sociale et solidaire (ESS). C'est un sujet différent de l'énergie, encore qu'il existe dans le domaine de l'énergie des initiatives solidaires intéressantes. L'ESS poursuit son essor, elle représente aujourd'hui en France environ 6,5 % du produit intérieur brut (PIB) et 10,5 % de la population salariée du secteur privé en France. Des gisements considérables en termes de croissance et d'emploi demeurent. Il s'agit d'un pan entier de notre économie, dont le périmètre et le régime juridique ont pu être consolidés dans le cadre de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. La France n'est pas seule à soutenir l'ESS, cette dernière est très développée dans les pays du nord de l'Europe, dans les pays du sud également, en Italie notamment, mais aussi en Amérique latine, au Japon, et aux États-Unis.
Avant d'en venir au fond, je voudrais faire une remarque préliminaire concernant la maquette budgétaire en matière d'ESS. Les crédits consacrés à l'ESS figurent au sein du programme 159, intitulé « Expertise, information géographique et météorologie », trois thématiques très éloignées de l'ESS. Cette dernière relève du ministère de la transition écologique et solidaire, ce qui peut se justifier politiquement, puisque l'ESS est un modèle économique extrêmement favorable au concept même de développement durable. Toutefois, la maquette actuelle ne participe pas à la lisibilité de cette politique, et j'ai déposé un amendement pour qu'un programme spécifique soit désormais consacré à l'ESS au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Les crédits de l'action n° 14 « Économie sociale et solidaire », augmentent d'environ 28,5 % en autorisations d'engagement, et de 38,4 % en crédits de paiement. Ce sont près de 20 millions d'euros qui sont alloués à cette politique publique. Il faut prendre avec précaution le budget de l'ESS puisque d'autres programmes participent également au financement de ce secteur.
Cette augmentation significative est principalement destinée au financement du pacte de croissance de l'ESS. Ce dernier constitue la deuxième étape de l'installation et de la consolidation de l'ESS dans le paysage économique français, après la loi du 31 juillet 2014 précitée, qui en a défini le périmètre, les modalités juridiques, et les objectifs essentiels. Ce pacte devrait notamment permettre la poursuite de l'initiative French Impact, dont les premiers jalons ont été posés en 2018. 22 projets ont déjà été retenus, particulièrement porteurs en matière d'innovation sociale. En 2019, dans le cadre des crédits supplémentaires prévus, les dispositifs de soutien aux projets socialement innovants vont prendre une ampleur nouvelle et seront particulièrement utiles aux étapes d'amorçage et de développement des projets sélectionnés. L'initiative French Impact devrait permettre de consacrer 1 milliard d'euros sur cinq ans pour le développement de l'ESS.
Au travers de cet océan de bonne nouvelle, une évolution m'inquiète toutefois, la diminution des crédits accordés aux dispositifs locaux d'accompagnement (DLA). Ces dispositifs accompagnent sur les territoires les acteurs de l'ESS et particulièrement les associations. C'est pour cette raison que je défendrai tout à l'heure un amendement visant à rétablir le niveau des crédits consacrés aux DLA au niveau du montant voté dans le cadre du PLF pour 2017.
Quelques mots sur la seconde partie de mon rapport relative à la question de la transformation du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) en allégement de charges. C'est une décision majeure pour l'ESS, qui prendra effet dès le 1er janvier 2019. Le CITS représentait un avantage de 500 millions d'euros dans les budgets précédents. La bascule du CITS en allégement de charges pour l'ESS va permettre un peu plus d'1 milliard d'euros d'économie de charges pour les entreprises de l'ESS, dont je vous rappelle que 80 % d'entre elles sont composées d'associations employeurs. C'est donc autant de centres sociaux, de centres culturels, de centre de loisirs qui vont pouvoir être soutenus dans leurs activités. Cette disposition sera renforcée à partir du 1er octobre 2019, avec la mise en place d'allégements de charges supplémentaires applicables entre 1 et 1,6 salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Le dispositif « zéro charge » au niveau du SMIC bénéficiera particulièrement au secteur associatif, où la part des rémunérations à ce niveau est plus importante qu'ailleurs. Ce devrait être, au total, 1,4 milliard d'euros qui bénéficieront aux entreprises de l'ESS.
Quelques mots sur la question de l'emploi. Le constat général que j'avais déjà pu dresser l'année dernière est toujours d'actualité. 700 000 départs à la retraite sont attendus dans l'ESS d'ici 2025. C'est une vague considérable, qui correspond à la masse d'emplois générés par le développement du milieu associatif dans les années 1970 et 1980. Ce ne sera pas forcément des remplacements poste pour poste mais cela représente un gisement considérable pour le renouvellement de l'emploi dans ce secteur. L'attractivité du secteur correspond à l'engouement des jeunes pour l'ESS, qui cherchent de façon croissante à allier le sens de leur travail avec leur rémunération, ce qui est éminemment louable. Ceci étant, nous disposons de trop peu d'éléments statistiques, et je tiens à souligner dans mon rapport la nécessité de renforcement des outils de communication entre l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), le Conseil national des chambres régionales de l'ESS (CNRESS) et les chambres régionales de l'ESS (CRESS), pour que l'on puisse disposer d'outils d'analyse pertinents.
Un mot, enfin, sur les contrats aidés. La réforme des contrats aidés bouleverse le mouvement associatif : 459 000 emplois aidés avant, 130 000 aujourd'hui. Les nouveaux « parcours emploi compétences » restent trop peu mobilisés par les associations, d'une part parce que ce dispositif donne lieu à une prise en charge par les pouvoirs publics globalement plus faible que par le passé, et, d'autre part, parce que les conditions d'octroi sont plus disparates avec une prise en charge pouvant varier entre 30 % et 60 % selon la décision du préfet de région. Je crois qu'il y aurait tout intérêt à rendre davantage homogènes ces conditions d'octroi.
Je ne suis pas sûr que les nouveaux allégements de charges compensent entièrement les effets de la réforme des contrats aidés sur l'ESS. Il me semble que les contrats aidés concernaient plutôt les petits employeurs, alors que les allégements de charge concernent les employeurs de taille plus conséquente. Cela fera partie des éléments à vérifier en 2019. Dès aujourd'hui, il faut, d'une part, mieux vendre la réforme des contrats aidés, et, d'autre part, soutenir mieux les entreprises d'insertion dans la lignée des propositions faites par M. Jean-Marc Borello, qui préconise un pacte pour le développement de ce secteur. Il s'agit d'une voie à emprunter pour assurer le retour à l'emploi d'un grand nombre de nos concitoyens.
Le pacte de croissance pour l'ESS devrait être annoncé en fin d'année, ce sera un élément structurant de la politique du Gouvernement en la matière. Je considère comme particulièrement positive la création d'un secrétariat d'État à la jeunesse et à la vie associative, dont nous pouvons espérer qu'il sera initiateur de projets attendus.