Je constate qu'il y a au moins, dans cette assemblée, quelques sujets transpartisans, susceptibles de rassembler tout le monde, que le tourisme en fait partie et que c'est une bonne chose.
Le tourisme de masse est un sujet sur lequel nous devons nous pencher. Vous avez tous en tête les problèmes de Barcelone et de Venise, où les populations en arrivent à un certain degré d'exaspération. Si l'on n'y prend pas garde, notamment à Paris ou dans nos métropoles, cette question aux importantes dimensions environnementales et écologiques peut avoir une incidence très lourde.
Permettez-moi un petit exemple, pris dans les Alpes-Maritimes. J'y connais des ports de plaisance qui se battent pour accueillir les croisiéristes ! Il faut savoir que, lorsqu'on accueille un mastodonte comptant 4 000 ou 4 500 passagers à bord, il y a une incidence économique réelle pour l'économie locale, car il faut amener les croisiéristes en excursion. Ma ville, Antibes, a la capacité d'accueillir de gros bateaux de 4 000 à 4 500 passagers. Mais si 2 000 croisiéristes partent en excursion, cela représente 50 bus à terre… Nous avons donc dû limiter l'accueil des croisiéristes : cinquante bus qui circulent un 14 juillet ou un 15 août dans une ville comme Antibes, c'est ingérable ! On touche là du doigt les limites du développement du tourisme. Il peut être une bonne chose pour l'économie de notre pays, mais il faut le pratiquer de manière raisonnée, si l'on ne veut pas se retrouver devant ce type de difficultés.
Différents intervenants ont abordé la question d'Atout France. Les moyens d'Atout France reposaient en partie sur les fameuses recettes de visas, c'est-à-dire qu'Atout France était alimenté par les recettes additionnelles perçues grâce à la délivrance de visas aux étrangers qui viennent en France, et qui permettaient de financer des campagnes de promotion. Mais Atout France ne pouvait avoir de lisibilité, à moyen ou à long terme, sur son budget car, d'une année à l'autre, ces recettes étaient fluctuantes.
Aujourd'hui, Atout France bénéficie de recettes qui sont pérennes et lui donnent de la lisibilité. Mais sont-elles suffisantes ? À la suite des attentats de 2015, l'État a débloqué d'urgence 10 millions d'euros pour lancer une grande campagne de promotion. Or Atout France ne s'y est pas engagé d'une manière traditionnelle : l'agence a fait appel à de grands partenaires privés, de sorte qu'on a réussi, pour une fois, à mettre en place un partenariat public-privé positif, grâce auquel les 10 millions d'euros débloqués par l'État ont pu générer 9 millions d'euros de fonds privés. Au total, le coût de la campagne a avoisiné les 20 millions d'euros. Je pense qu'il faut s'inspirer de ce type de dispositif pour que l'argent investi par l'État via Atout France génère des partenariats permettant de démultiplier les crédits et les moyens.
J'en viens à la suppression de la ligne budgétaire consacrée aux garanties de BPIfrance, suppression qui me fait émettre un avis défavorable à l'adoption de cette mission. C'est en effet toute la filière touristique de notre pays – essentiellement des petites entreprises, souvent familiales, des hôtels, des cafés, des restaurants – qui a besoin de financements et de crédit pour innover et se développer. Si, aujourd'hui, le rôle de garantie que jouait BPIfrance auprès des banques n'existe plus, toute la filière de l'industrie touristique va se trouver en grande difficulté. C'est un point de faiblesse qui mérite une attention toute particulière.
La conclusion de mon rapport revient sur la nécessité de ne plus fonder notre économie touristique sur le seul accueil des touristes étrangers. L'Auvergnat n'a-t-il pas envie d'aller découvrir la Bretagne ? L'Alsacien ne veut-il pas venir sur la Côte d'Azur ? Le Savoyard n'a-t-il pas envie de découvrir l'Alsace ? Il y a là tout un effort à faire, qui n'est fait, pour l'instant, que de manière disparate selon les régions.
Nous devons certes garder notre objectif de 100 millions de touristes, mais aussi nous donner les moyens de chiffrer et de développer le tourisme des Français en France, d'autant que le tourisme a une incidence écologique et environnementale. L'empreinte écologique d'un Japonais, d'un Russe ou d'un Chinois n'est pas la même que celle du Savoyard qui va en Auvergne ou descend dans le Midi. Ces notions ne sont aujourd'hui peut-être pas suffisamment prises en compte.
Le traitement des distorsions de concurrence nécessite deux choses. D'abord, une formation plus approfondie serait bénéfique aux acteurs de l'industrie touristique et au tissu familial de ses petites entreprises. C'est l'une des préconisations de mon rapport : que les pouvoirs publics, via Atout France ou les comités régionaux du tourisme, développent des formations. Ensuite, un avis en ligne peut détruire une réputation d'un hôtel, d'un restaurant ou d'un bar, voire d'une destination, d'une commune ou d'un site touristique. On ne prend pas la mesure de la chose aujourd'hui ; c'est la jungle. Il faut malheureusement que nous encadrions ces pratiques-là.
Je terminerai par la question des zones blanches. Si l'on veut développer l'attractivité touristique du territoire et, en particulier, des niches touristiques comme l'oenotourisme ou le tourisme gastronomique, il faut résorber ces zones blanches qui sont aujourd'hui un obstacle majeur.