Intervention de Jean-François Eliaou

Réunion du jeudi 18 octobre 2018 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Eliaou, député, rapporteur :

Nous avons bien différencié les deux cibles distinctes que sont les gènes de susceptibilité et les gènes de responsabilité. Les généticiens auditionnés ont unanimement défendu l'approche suivante : « Accord pour les maladies monogéniques, pour les gènes directement causes de la pathologie, des gènes étiologiques pourrait-on dire ; refus pour les gènes de simple susceptibilité ».

Un gène de susceptibilité n'est associé à une pathologie que dans une approche probabiliste. Quand on passe de la probabilité, des grands nombres, au cas individuel, il ne s'agit plus d'un risque relatif, mais d'un risque absolu. Et le risque absolu de développer la maladie, en raison de la présence d'un gène de susceptibilité dans son génome, n'a rien à voir avec le risque relatif. La question pour l'individu est binaire : ayant le gène de susceptibilité, ai-je ou développerai-je la pathologie, oui ou non ?

Pour répondre à notre collègue à propos du diabète et d'autres maladies, prenons le cas de deux vrais jumeaux, totalement identiques sur le plan génétique, non seulement sur leur gène de susceptibilité mais sur l'ensemble du génome. L'un d'entre eux développe un diabète, par exemple un diabète de type 1. On se pose la question de savoir quelle est la probabilité ou le risque pour le second jumeau de développer cette pathologie. En fonction des études, la réponse est seulement de 30 % à 40 %. Le composant génétique du diabète n'est que de 30 % à 40 %, le reste tient à l'environnement. Le gène ou les gènes de susceptibilité resteront toujours des gènes de susceptibilité, ils ne vont pas, à cause des progrès de la médecine, passer du statut de gène de susceptibilité à un statut de gène de causalité. Pour des pathologies telles que le diabète, les maladies auto-immunes, éventuellement le cancer, l'important est l'interaction du composant génétique – qui ne compte que pour 30 %, et encore s'agit-il d'une maladie qui est fortement pénétrante –, avec l'environnement et les mécanismes de cette interaction.

Le gène ne fait pas tout, surtout dans les maladies complexes ou multifactorielles. Comptent aussi, par exemple, l'expression des gènes, l'interaction des gènes avec leur environnement, les mécanismes au niveau moléculaire.

En ce qui concerne BRAC 1, les études ont montré que, dans un contexte familial, il s'agit de gènes que l'on peut considérer comme oncogènes et que, dans ce contexte familial, la susceptibilité, le risque de développer cette pathologie est très grand. On ne demande pas pour autant à toutes les femmes concernées de subir des mastectomies. On leur demande seulement une surveillance. On renforce la surveillance pour BRAC 1 et BRAC 2. C'est tout et c'est bien. Mais cela pose la question de savoir pour quelles raisons on ne ferait pas la même chose dans la population générale. Si on le décide pour la population générale, il n'y a pas de raison de ne pas le faire prendre en charge par l'assurance maladie, ce qui signifie augmenter le nombre de médecins, augmenter le nombres de structures, etc. On répondra que les considérations d'argent n'ont pas à intervenir dans la santé. L'impact budgétaire doit pourtant être pris en considération, ne serait-ce que parce qu'à partir du moment où on ouvre une possibilité, il faut le faire correctement. Je précise que j'ai évoqué la notion d'agrégation familiale dans les cas de cancer du sein ou de l'ovaire, mais on ne procède dans ces cas, bien sûr, au « screening » que de la parentèle féminine.

Je voudrais à ce stade poser la question de savoir si on apporte en France une réponse « à la française » à ce sujet. Nous sommes des législateurs et chacun s'exprime comme il veut. Nous avons cependant un corpus bioéthique, spécifique à notre pays. Certains pensent que nous sommes en retard, d'autres que nous sommes en avance, d'autres encore que nous sommes un modèle, d'autres que nous sommes rétrogrades. Toujours est-il que nous avons un corpus bioéthique, considéré traditionnellement comme spécifique à notre pays. La question qu'il faut se poser, de façon générale, est de savoir si la loi doit « courir après » toutes les découvertes scientifiques, la concurrence internationale ou la mondialisation, ou bien si nous devons, en tant que législateur, définir des limites. Mais je ne donne pas de réponse.

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