Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du jeudi 8 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, l'an dernier, à la même époque et à la même tribune, dans le cadre de l'examen des crédits de la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales », j'indiquais au ministre siégeant au banc que l'État devait impérativement retrouver la confiance des élus.

Un an après, ce n'est pas gagné : j'en veux pour preuve le boycott par l'Association des maires de France, l'Association des régions de France et l'Assemblée des départements de France de la Conférence nationale des territoires.

Les articles relatifs à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » sont-ils, dans ces conditions, de nature à rassurer les élus ? Je n'en suis pas certaine.

Prenons la péréquation : faut-il baisser la trajectoire des fonds de péréquation votée ces dernières années ? La réponse, pour nous, est clairement non, tout simplement parce que les gouvernements précédents, comme l'actuel, n'ont pas eu le courage de s'atteler à une réforme globale des dotations, et notamment de la DGF. L'ayant toujours dit, je n'ai aucune peine à le répéter aujourd'hui.

Vous maintenez donc un système totalement inique – et qui plus est opaque – car il traite différemment des communes se trouvant dans la même situation. Tant que les rentes de certains seront préservées, nous aurons besoin de plus de péréquation.

Or les augmentations, pour la DSU comme pour la DSR, si elles sont réelles, sont, cela a été dit, limitées à 90 millions d'euros, alors qu'elles s'élevaient, je le rappelle, à 180 millions, c'est-à-dire le double, en 2017. Par ailleurs, le montant total du FPIC – Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – est gelé pour la quatrième année consécutive, ce qui conduit à une baisse du montant moyen par habitant pour cette dotation : il est en effet passé de 23,46 euros à 23,19 euros.

Je poursuis avec une autre dotation de péréquation, qui concerne cette fois-ci les EPCI : je veux parler bien sûr de la dotation d'intercommunalité, qui fait l'objet de l'article 79 et qui a déjà fait couler beaucoup de salive. J'ai eu l'occasion, en commission des finances, de citer quelques exemples éclairants : si, par exemple, les métropoles de Toulouse et de Nice seront gagnantes en fin de trajectoire, c'est-à-dire en 2023, de 61 % avec l'article 79, celles de Saint-Étienne, de Grenoble, de Rouen ou de Clermont-Ferrand ne gagneront rien. Cherchez l'erreur !

Mais les grandes perdantes sont surtout, avec cet article 79, les communautés d'agglomération, avec des baisses inimaginables entre 2018 et 2023, comme pour – ils ne m'en voudront pas de les citer – la communauté d'agglomération du Grand Auch ou celle de Tulle, pour ne citer que deux communautés chères à nos rapporteurs spéciaux.

En résumé, cela aboutit à une péréquation à l'envers. La sagesse, monsieur le ministre voudrait donc que vous repoussiez d'un an cette réforme de la dotation d'intercommunalité. Pourquoi ? Tout simplement parce que les coefficients d'intégration fiscale ne sont pas tout à fait stabilisés, et parce qu'il est annoncé une réforme de la fiscalité au premier trimestre 2019, voire, si j'en crois M. Darmanin, une réforme des dotations.

À défaut, si vous ne suivez pas la voie de la sagesse, j'espère que vous accepterez les amendements visant à donner plus à ceux qui ont moins, et non l'inverse.

Enfin, pour terminer, je veux revenir sur les dotations d'investissement. Il est faux de dire qu'elles seront stables en 2019. La DETR est stable, je le reconnais bien volontiers, mais ce n'est pas le cas pour la DSIL : j'y reviendrai plus longuement lors des amendements.

Par ailleurs, je tiens à souligner la réalité des crédits de paiement ouverts en 2019. Pour la DETR, sur les 807 millions d'euros de crédits de paiement ouverts, 677 millions sont des engagements non couverts au 31 décembre 2018. Pour la dotation politique de la ville, sur les 111 millions ouverts en crédits de paiement, 90 millions sont des engagements non couverts. Quant à la DSIL, elle connaît le même phénomène sur ses 503 millions ouverts.

Au total, sur 1,421 milliard d'euros, seuls 201 millions sont des crédits nouveaux, soit 14,15 %. Je suis par ailleurs en charge, avec Rémy Rebeyrotte, d'une mission sur les investissements publics, que nous sommes en train de conduire.

Si 2018 voit l'investissement repartir, et c'est une bonne chose, il est loin d'avoir retrouvé son niveau de 2014. Il y a de quoi nous inquiéter, tout de même, car les conséquences des reports d'investissement peuvent être lourdes, sans compter qu'à court terme elles pénalisent effectivement l'économie.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments principaux que je souhaitais exposer en préambule. Nous aurons l'occasion de reparler de tous ces sujets.

Je terminerai en émettant un voeu, monsieur le ministre : celui que les simulations relatives aux amendements du Gouvernement – et notamment aux deux amendements qui viennent de tomber, il y a une heure – et de la majorité, qui, eux, ont les moyens de produire des simulations, soient fournis à l'ensemble des députés avant le vote. Cela nous permettrait en effet de mesurer les conséquences de ce que nous votons et de vérifier que l'intérêt général préside bien à la rédaction de chaque amendement.

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