Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier notre collègue Stéphane Viry pour son avis sur un sujet qui devrait faire consensus, la réinsertion des personnes les plus éloignées de l'emploi, qui est une des missions de l'AFPA. Il devrait être possible de mieux former ces personnes pour les réinsérer plus rapidement.
Comment, madame la ministre, pouvez-vous présenter un budget de la mission « Travail et emploi » pour 2019 aussi insincère, alors que la croissance ralentit et que le nombre de demandeurs d'emploi continue à augmenter, 6,6 millions de personnes étant inscrites à Pôle emploi, dont 3,5 millions en catégorie A, c'est-à-dire sans aucune activité ? Dois-je rappeler que d'autres pays européens connaissent le plein-emploi : en Allemagne, le taux de chômage n'est que de 3,4 %, soit 1,5 million de demandeurs d'emploi, en Hongrie, il est de 3,7 %, de 3,9 % aux Pays-Bas et de 4,1 % au Royaume-Uni.
Votre budget est en retrait de 3 milliards d'euros par rapport à 2018, ce qui représente 19 %. Le temps qui m'est imparti est insuffisant pour aborder toutes les questions que pose ce budget : le sort des maisons de l'emploi, malgré un amendement déposé nuitamment qui devrait améliorer quelque peu leur situation, l'avenir des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, dont le budget est en baisse, ou le nombre de contrats aidés, qui se trouve en contradiction avec le plan pauvreté. Je m'attarderai sur trois points particuliers : France compétences, Pôle emploi et l'AFPA.
France compétences montre votre détermination à nationaliser la formation. Ainsi, alors qu'il n'est pas encore créé, le nombre d'ETP de l'établissement passe déjà de quarante-quatre à soixante-dix : la machine administrative et bureaucratique est en marche. Pourtant, madame la ministre, lors des débats, vous aviez répondu à mes inquiétudes en ces termes : « Monsieur Cherpion, pour répondre à [votre] question [… ], nous allons discuter avec les régions et les partenaires sociaux pour déterminer, avant de rédiger le décret prévu à l'alinéa 60, la composition du conseil d'administration et son mode de fonctionnement. Ce que je peux d'ores et déjà vous dire pour vous rassurer, c'est qu'il n'y régnera pas l'étatisme absolu que vous semblez craindre : l'État n'aura pas la majorité absolue au conseil d'administration, je m'y engage. ». Ainsi, d'après mes contacts avec les régions et les partenaires sociaux, ceux-ci n'ont pas été consultés avant la rédaction de ce décret. Vous avez ainsi failli à votre parole. « Insincérité », disais-je.
En effet, la composition de France compétences, selon le décret présenté ce jour au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, probablement rejeté comme l'a été celui concernant l'apprentissage, donne cinquante-cinq voix sur cent dix à l'État. Mais, madame la ministre, vous pouvez rejeter les décisions du conseil d'administration. C'est bien l'étatisme qui est en marche, et vive le quadripartisme ! Quant au rôle du conseil d'administration, le décret prévoit qu'« il peut être informé de certains emprunts. ». La transparence vous fait-elle peur ? Enfin, France compétences, qui n'existe pas à ce jour et qui n'a donc pas de conseil d'administration, a déjà décidé de verser 1,5 milliard d'euros pour se substituer au désengagement de l'État. Vous confirmez ainsi, sous une fausse caution de quadripartisme, que France compétences est un simple opérateur à la main du Gouvernement.
Le budget de Pôle emploi est en baisse de 85 millions d'euros, après une baisse de 50 millions en 2018, avec les résultats que nous connaissons et regrettons tous sur le chômage. Dans le même temps, vous donnez de nouvelles missions à Pôle emploi : accompagnement renforcé, élargissement des compétences en matière de sanctions, pénalités administratives, recouvrement des prestations, etc. Les erreurs de calcul de prestations ont représenté 1 million d'euros au premier semestre de cette année ; les trop-perçus ont atteint 1 milliard d'euros, en progression de 36 %, et les caisses de l'opérateur ont subi une perte de 400 millions d'euros. Ce n'est pas en réduisant les moyens humains et financiers de Pôle emploi et en augmentant les charges des conseillers – soixante-dix dossiers supplémentaires pour chacun d'entre eux avec le plan pauvreté – que la situation des demandeurs d'emploi s'améliorera. En passant d'un système assurantiel à un système de solidarité nationale, vous faites payer à tous, et notamment aux retraités, une partie des indemnités chômage des salariés et vous cassez définitivement le paritarisme de gestion pour le remplacer par un paritarisme qui n'est qu'un alibi et une caution. Ce désengagement de l'État est paradoxal, voire schizophrénique, et se résume en une phrase : « À moi le pouvoir et à vous la responsabilité des résultats ».
Permettez-moi, enfin, d'aborder la question de l'AFPA. Nous avions dénoncé la transformation de cette association en établissement public de l'État, qui n'allait rien changer à sa situation tant financière que sociale, et nous le regrettons pour les salariés. Vous imposez dorénavant un plan social à l'AFPA de près de 2 000 licenciements en deux ans, qui, non seulement ne résoudra pas le déséquilibre financier, mais alourdira la dette cumulée, déjà supérieure à 700 millions d'euros. Les chiffres insincères inscrits dans le bleu budgétaire sont contredits par les annonces faites au comité central d'entreprise et au conseil d'administration de l'AFPA. Je reviendrai sur le sujet, madame la ministre, lors de l'examen des amendements, puisque je vous proposerai de produire un rapport sur la situation financière et sociale de l'AFPA.