La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la mission « Travail et emploi », ainsi que du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (no 1302, tome III, annexe 43 ; no 1305, tome III).
La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre du travail, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le développement de l'activité et de l'emploi est au coeur des préoccupations du Gouvernement et de la majorité.
Depuis un an, les résultats sont encourageants, avec une baisse de 1,2 % du nombre de chômeurs inscrits en catégorie A et une augmentation du taux d'activité que l'on note à 72 %. Si les chiffres sont parfois capricieux, la tendance de fond est indéniable. Les embauches de plus d'un mois hors intérim atteignent un nouveau pic au troisième trimestre 2018 avec une hausse globale de 2,7 % et, pour les contrats à durée indéterminée, de 2,6 %.
Dans cette volonté de développement de l'emploi, les crédits de la mission « Travail et emploi » sont un des éléments de la stratégie mise en oeuvre par le Gouvernement et notre majorité, mais ils s'inscrivent dans une politique d'ensemble qui consiste à baisser le coût du travail, à développer un système de formation professionnelle plus innovant et plus efficace, et à permettre aux entreprises davantage de flexibilité dans leur gestion quotidienne.
Ce n'est que dans ce cadre d'ensemble que l'on peut appréhender les évolutions budgétaires sur la mission « Travail et emploi », redimensionnée pour tenir compte non seulement de l'évolution de la conjoncture économique, mais aussi des réformes déjà entreprises, notamment en matière de coût du travail. C'est ce qui explique la baisse apparente de 3 milliards d'euros des crédits de paiement de la mission entre la loi de finances initiale pour 2018 et le projet de loi de finances pour 2019, les autorisations d'engagement restant stables.
Concernant la baisse des crédits de paiement, plusieurs éléments sont à souligner.
En premier lieu, plus d'un tiers de la baisse – 1,1 milliard d'euros pour être précis – relève d'effets de périmètre : il s'agit de la fin de la compensation des exonérations de cotisations sociales pour les apprentis du fait de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – en baisse pérenne de cotisations, et du transfert à l'éducation nationale des contrats aidés pour l'accompagnement des élèves en situation de handicap, qui permettra de transformer environ 30 000 emplois aidés en emplois pérennes, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Une autre cause de la baisse de dotations est la diminution des prescriptions en matière de contrats aidés. Nous assumons pleinement cette politique de recentrage des aides vers le secteur non marchand, dans le prolongement des orientations retenues en 2018. Nous prévoyons par ailleurs le financement de 100 000 parcours emplois compétences – PEC – afin de continuer à aider les personnes sans qualification, les travailleurs handicapés et les personnes issues des quartiers prioritaires de la ville.
Quant à la baisse de 83 millions d'euros de la subvention accordée à Pôle emploi, elle est plus que largement compensée par l'évolution des ressources dynamiques versées par l'UNEDIC, si bien qu'en définitive, les recettes de Pôle emploi augmentent de 20 millions d'euros.
Citons enfin la fin de la reconduction de la prime à l'embauche pour les PME, qui, je le rappelle, avait été pensée comme un dispositif transitoire, appliqué un peu avant l'élection présidentielle, et qui n'avait pas vocation à être pérenne. Cela représentait une dépense d'un milliard d'euros, qui s'éteindra en 2019.
Notre volonté, vous l'aurez compris, est de mieux dépenser l'argent public en étant plus efficaces. Nous investissons donc dans les dispositifs d'accompagnement qui fonctionnent et qui ont prouvé et continuent de prouver leur efficacité.
Nous notons ainsi 50 millions d'euros pour financer 5 000 aides au poste supplémentaires dans le cadre de l'IAE – insertion d'activité économique – , soit au total 920 millions pour 134 000 aides au poste, afin d'atteindre avec le plan pauvreté 1,7 milliard d'euros et 230 000 aides au poste, ce qui est un investissement inédit dans ce secteur au service des plus précaires. Et, afin de tenir compte des spécificités territoriales, ces fonds ainsi que ceux destinés aux contrats aidés sont fusionnés dans un fonds d'inclusion dans l'emploi qui permettra une fongibilité des crédits de ces deux dispositifs.
S'agissant des emplois francs, destinés à aider les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPV – , la montée en puissance de cette expérimentation se poursuit avec 25 000 contrats de plus.
Dernier exemple, et non des moindres, le plan d'investissement dans les compétences – PIC – , dont je rappelle qu'il représente près de 15 milliards d'euros sur cinq ans, va permettre de déployer dès 2019 3 milliards d'euros sur la mission « Travail et emploi », avec 100 000 nouvelles entrées en garantie jeunes, des parcours de formation sur les secteurs en tension ou encore l'accompagnement des personnes éloignées de l'emploi dont 1,3 million de jeunes sans diplôme ni qualification.
De son côté, l'apprentissage bénéficie de la nouvelle aide unique, ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur certains apprentis, d'un montant de 902 millions d'euros.
Quant au dispositif de soutien à la reprise ou à la création d'une entreprise, dénommé ACCRE – aide à la création ou à la reprise d'une entreprise – et autrefois réservé aux chômeurs, il est élargi à l'ensemble des créateurs ou repreneurs d'entreprise.
Je termine en mentionnant la progression remarquable des crédits en faveur des travailleurs handicapés, destinée à réduire le taux de chômage des personnes en situation de handicap, deux fois plus élevé que celui de l'ensemble de la population active. Le Gouvernement a engagé une transformation profonde de cette politique, grâce à une simplification de l'obligation d'emploi et une refondation de la politique d'offre de service. Près de 400 millions d'euros viendront, dès 2019, accompagner cet engagement.
Le budget de la mission « Travail et emploi » étant un budget efficace, de progrès, qui permettra de dépenser mieux, je vous invite à le voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Stéphane Viry, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, mes chers collègues, je fais partie de ceux, sur nos bancs, qui considèrent qu'il est de la responsabilité de notre pays d'investir dans les politiques publiques de l'emploi pour permettre à chacun de nos concitoyens de s'émanciper par le travail. Même si la situation économique du pays était plus prospère et la croissance plus généreuse qu'aujourd'hui, cela ne suffirait pas pour permettre aux femmes et aux hommes durablement éloignés de l'emploi de retrouver le chemin du travail. La lutte contre l'exclusion exige des politiques d'insertion professionnelle fortes et ambitieuses.
Force est de constater cependant que les crédits consacrés à la politique de l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2019 ne sont pas à la hauteur de cet enjeu. Pour le deuxième exercice de la législature, le budget de la mission « Travail et emploi » est en effet marqué par une forte contraction des crédits de paiement, qui atteignent 12,4 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de moins qu'en 2018, à périmètre comparable.
La semaine dernière, en commission des affaires sociales, j'ai pourtant entendu, madame la ministre, votre intention, que je crois sincère, de mobiliser tous les outils d'insertion professionnelle pour répondre à l'ambition de proposer à chacun un accès soit à la formation, soit à l'emploi.
À ce titre, je tiens à souligner l'effort consenti en faveur des structures de l'insertion par l'activité économique, sur lesquelles j'avais appelé votre attention l'an dernier : elles bénéficieront en 2019 de 5 000 équivalents temps plein – ETP – supplémentaires. Je regrette cependant que cet effort reste en deçà des attentes du secteur de l'IAE, dont le potentiel de développement est encore vaste ; il reste également en deçà des préconisations du rapport de M. Borello de janvier 2018, qui recommandait d'augmenter de 20 % par an le nombre de postes dans ce secteur.
S'agissant de l'insertion professionnelle des jeunes, j'ai noté avec satisfaction la reconduction des crédits destinés à la garantie jeunes, aux écoles de la deuxième chance ou aux établissements pour l'insertion dans l'emploi – EPIDE. D'autres dispositifs, en revanche, subissent une contraction inexpliquée de leurs moyens.
Le sort réservé aux missions locales, notamment, est une réelle source d'inquiétude dans nos territoires : les missions locales sont en effet en première ligne pour la mobilisation de la garantie jeunes, or leurs moyens consacrés à l'accompagnement diminuent de 4 % dans ce projet de loi de finances. Une telle baisse de crédits est préoccupante car, en matière d'insertion professionnelle, notamment pour les jeunes, il n'est pas toujours possible de faire mieux avec moins.
La disparition dans le projet de loi de finances pour 2019 de la contribution de l'État au budget de fonctionnement des maisons de l'emploi est tout aussi regrettable, car la centaine de maisons réparties sur le territoire intervient dans des domaines qui ne sont pas toujours couverts par les services publics de l'emploi. Le désengagement financier de l'État mettra donc inexorablement en difficulté ces structures. Je crains que seules les collectivités territoriales les plus aisées ne soient en mesure de conserver les maisons de l'emploi sur leur territoire, et qu'on ne laisse de côté les demandeurs d'emploi des zones déjà fragilisées.
J'en viens aux parcours emploi compétences, thème retenu dans mon avis budgétaire. Les contrats aidés « nouvelle formule » ont été instaurés dans le secteur non marchand, en remplacement des contrats d'accompagnement dans l'emploi, par une circulaire du 11 janvier 2018.
L'objectif poursuivi par le Gouvernement était de réduire en volume les contrats aidés pour en faire des parcours plus qualitatifs. Partant du principe que personne n'est inemployable, les PEC visent en effet à accompagner les publics les plus éloignés de l'emploi grâce à des actions de formation et à un accompagnement personnalisés.
Pour garantir cet objectif, les exigences à l'égard des employeurs ont été renforcées. Sur le papier, nous ne pouvons que souscrire à l'ambition des PEC : le triptyque « accompagnement, emploi, formation » a déjà fait ses preuves, notamment dans le secteur de l'IAE. Mais en pratique, tels qu'ils ont été conçus et paramétrés, ces nouveaux contrats sont loin de remporter l'unanimité.
Madame la ministre, vous avez affirmé devant la commission des affaires sociales que la sous-consommation de PEC constatée en 2018 était liée au renforcement des exigences à l'égard des employeurs. Je pense qu'elle résulte surtout d'un mauvais calibrage de ces contrats aidés.
Parmi les difficultés le plus souvent évoquées au cours des auditions que j'ai conduites, j'en retiendrai deux.
La première tient à la diminution drastique du nombre de contrats aidés : seuls 100 000 parcours emploi compétences sont financés dans ce PLF, contre 170 000 l'an dernier, hors effets de périmètre. Pourtant, le nombre de places offertes dans les dispositifs alternatifs tels que l'IAE ou la garantie jeunes n'a quasiment pas augmenté, ce qui signifie que 70 000 bénéficiaires potentiels de PEC risquent de rester sur le carreau en 2019, faute de places disponibles.
La seconde difficulté réside dans le faible taux de prise en charge par l'État des PEC : alors que ce taux s'élevait en moyenne à 72 % en 2017, il est désormais de 50 %, voire beaucoup moins dans certaines régions, puisque les préfets sont désormais libres de définir un taux de prise en charge compris entre 35 % et 60 %.
Madame la ministre, en matière d'emploi, il est souvent tentant d'engager de grandes réformes faisant table rase du passé, comme vous l'avez proposé avec la refonte du dialogue social, de la formation professionnelle ou encore des emplois aidés. Mais parfois, il suffirait de consolider ou d'ajuster les dispositifs existants – je pense notamment au taux de prise en charge des parcours emploi compétences – pour inscrire les politiques de l'emploi dans la durée et offrir aux acteurs de terrain – associations, missions locales, maisons de l'emploi – la visibilité et la stabilité qui leur font tant défaut.
C'est pourquoi j'ai déposé plusieurs amendements visant à adapter les crédits de la mission, et j'espère sincèrement qu'ils recueilleront votre assentiment.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Boris Vallaud applaudit également.
Nous allons à présent entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous nous apprêtons à voter les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte spécial dédié à la modernisation de l'apprentissage.
Ce budget place au coeur des politiques de l'emploi la priorité donnée aux publics les plus éloignés du monde du travail. Il s'inscrit pleinement dans les transformations structurelles initiées par les ordonnances Travail et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a désormais été promulguée. Les changements forts voulus par le Gouvernement et adoptés par le Parlement pour permettre au plus grand nombre d'acquérir tout au long de la vie les compétences nécessaires à l'adaptation aux mutations économiques et sociales sont ainsi concrétisées.
Le projet de loi de finances témoigne en effet de l'attention spécifique portée aux publics et aux territoires le plus en difficulté, selon deux axes forts : la recherche d'une société plus inclusive pour les personnes en situation de handicap et la lutte contre les inégalités d'accès à l'emploi, qui participe à la lutte contre la pauvreté engagée par le Gouvernement.
Ainsi, les moyens affectés à l'accès et au retour à l'emploi se concentrent sur les publics les plus vulnérables : personnes en situation de handicap, demandeurs d'emploi de longue durée, jeunes sans qualification, mais également personnes résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville. Notre groupe salue cette attention particulière, nécessaire pour que chacun puisse être inséré dans notre société et s'y épanouisse. Nous sommes en effet convaincus que le travail reste un levier d'insertion déterminant et primordial.
Tout d'abord, les mesures prises en faveur de l'inclusion des personnes en situation de handicap sont nombreuses et visent d'une part à créer davantage d'emploi dans les entreprises adaptées, avec un objectif de 40 000 nouveaux postes à l'horizon 2022 et près de 400 millions de crédits inscrits dans le PLF pour 2019 – contre 371 en 2018 – , et d'autre part à réformer en profondeur les modalités d'accès à l'emploi pour les personnes handicapées en favorisant notamment les passerelles et l'accès au milieu ordinaire, qui reste notre objectif premier.
Nous poursuivons ainsi les efforts en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap, entamés lors du vote de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Les mesures en faveur des personnes éloignées de l'emploi sont également à la hauteur des engagements. Elles se fondent sur la conviction profonde que c'est par l'acquisition de compétences – dont la vertu émancipatrice est reconnue – , que l'accès à l'emploi durable peut être effectif. Cet objectif se concrétise par le renforcement des actions de formation financées par le PIC, l'expérience acquise dans les structures d'insertion par l'activité économique – 5 000 postes ouverts – , la montée en charge de la garantie jeunes, qui prévoit des périodes d'activité – l'objectif étant l'accompagnement de 100 000 nouveaux jeunes – , l'acquisition ou la réacquisition de compétences de base, grâce aux écoles de la deuxième chance ou aux EPIDE – ces derniers bénéficiant d'un maintien de leurs crédits, qui permettra la création d'un nouvel établissement en 2020 – , la poursuite de l'expérimentation des emplois francs – 25 000 contrats seront financés d'ici la fin de l'expérimentation – ou des « territoires zéro chômeur ». L'ensemble de ces dispositifs permettront l'accès à l'emploi des personnes qui en sont les plus éloignées.
Bien évidemment, le budget accompagne également la montée en puissance de l'apprentissage, avec l'objectif d'une hausse de 5 % des contrats signés en 2019. Nous nous réjouissons de cette évolution, actée dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que notre groupe avait soutenue et enrichie. En effet, l'apprentissage constitue pour de nombreux jeunes une voie d'accès à un emploi durable. On notera en particulier les moyens importants attribués au PIC, tant par les crédits budgétaires qu'à travers des fonds de concours alimentés par les contributions des entreprises. Ces moyens permettront non seulement de financer des formations supplémentaires et des parcours personnalisés d'accès à la qualification, mais aussi de développer une ingénierie de formation plus performante et plus agile pour répondre aux enjeux de repérage des publics et à leur accompagnement.
Sans modifier notablement le montant des aides dévolues à la baisse du coût du travail, le projet de loi acte leur évolution, avec la mise en place de l'aide unique en faveur de l'apprentissage. L'État continue par ailleurs à aider les TPE et les PME à faire face aux difficultés conjoncturelles, par la prise en charge du chômage partiel, les aides à l'embauche ou les aides à la création d'entreprise.
En commission, notre groupe vous avait demandé, madame la ministre, de faire le point sur l'investissement engagé au titre des crédits consacrés au dialogue social et à la démocratie sociale, qui ont été fortement revus à la baisse. Nous avons eu la satisfaction d'apprendre que depuis la publication des ordonnances, 364 accords ont été conclus dans les entreprises de moins de 20 salariés et que 96 observatoires, sur les 100 prévus, ont vu le jour.
Par ailleurs, l'ajustement des crédits d'intervention de 2019 est adapté aux remboursements des frais liés à l'activité des défenseurs syndicaux constatés en 2018…
… et les moyens conférés aux organisations syndicales et patronales financés par l'AGFPN – association de gestion du fonds paritaire national – sont en forte augmentation ; en effet le Fonds pour le financement du dialogue social est financé par une contribution obligatoire des entreprises de 0,016 % de la masse salariale.
Notre groupe salue ce budget ambitieux et porteur d'espoir pour l'emploi des personnes qui en sont aujourd'hui les plus éloignées. Nous voterons donc les crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que ceux du compte spécial destiné à financer le développement et la modernisation de l'apprentissage.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, REM et LT.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Madame la ministre, voilà dix-huit mois que vous êtes en charge de la politique de l'emploi et, en dépit de votre exhortation à « avoir confiance », on ne peut pas dire que vous nous ayez donné beaucoup de motifs d'espérer. Ce n'est pas les paupières lourdes mais, au contraire, les yeux bien ouverts que nous considérons la situation, à commencer par les chiffres de l'emploi, qui donnent le sentiment que vos réformes sont un peu vaines et que vous avez baissé la garde. Ce n'est pas parce que le Gouvernement n'en parle jamais que les Français n'y pensent pas toujours. Les chiffres du chômage ne sont pas bons : on relève 22 000 chômeurs en plus, toutes catégories confondues, depuis un an. Peut-être cela a-t-il à voir avec le gigantesque plan social provoqué par la suppression des 250 000 emplois aidés. Votre aveuglement idéologique vous a fait préférer de vrais chômeurs à ce que vous teniez à tort pour de « faux » emplois. Les emplois aidés manquent à l'éducation nationale, aux EHPAD – établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – et, plus cruellement encore, aux associations, qui ont perdu, par votre choix, 40 000 emplois et l'équivalent de 1 milliard d'euros de subventions.
Pour toute réponse à nos interpellations, vous nous avez enjoint d'espérer du nouveau parcours emploi compétences. Or, aujourd'hui, force est de constater que c'est un échec. À peine plus de la moitié des parcours ont été prescrits en 2018, et vous ne prévoyez que 100 000 contrats supplémentaires en 2019, alors qu'il y a un an, vous évoquiez le chiffre de 200 000. Cet échec était prévisible : le taux de prise en charge par l'État est trop faible, l'obligation de formation n'est pas financée et vous avez perdu la confiance de nombre d'employeurs, qui redoutent un nouveau revirement de votre part.
En réformant en toute hâte les contrats aidés, vous avez prétendu vouloir privilégier le qualitatif au quantitatif. Finalement, nous n'avons ni l'un, ni l'autre, et votre recentrage sur les publics prioritaires révèle en réalité votre aspiration à un État social minimal. Nous aurions dû soutenir avec la même ferveur les emplois francs qui, de la même manière, peinent à démarrer.
On aurait pu espérer que votre budget 2019 prenne en considération le rappel à l'ordre que vous infligent les faits, mais il n'en est rien. Après une baisse de 1,5 milliard d'euros en 2018, le budget alloué aux politiques de l'emploi en 2019 sera, à périmètre constant, en baisse de plus de 2 milliards d'euros. Cette réduction des budgets frappe d'abord durement les opérateurs de l'emploi en dépit de la priorité que vous prétendez donner à l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Pôle emploi, acteur majeur s'il en est, perdra ainsi, 800 postes en 2019, après la suppression de 600 postes et de 1 300 contrats aidés en 2018. Votre propre ministère rend 239 postes. Les missions locales verront, pour leur part, leur subvention baisser de plus de 8 millions d'euros, alors que le Gouvernement souhaite quintupler le nombre de garanties jeunes.
Qu'il me soit permis, à titre incident, de noter que le budget 2019 ne traduit pas l'ambition affichée, puisque vous prévoyez 100 000 entrées en garantie jeunes, comme en 2018. Comme notre rapporteur pour avis, dont je salue la qualité du travail, je regrette cette baisse de 4 % des crédits alors que les missions locales sont pourtant un acteur clé de l'accompagnement des jeunes sur le terrain. De la même façon, je regrette la relative indifférence du Gouvernement quant au sort réservé à AFPA – Agence pour la formation professionnelle des adultes – , qui perdra de nombreux agents et fermera un grand nombre de sites. Que deviendront ces salariés, madame la ministre ? Bénéficieront-ils des actions en faveur du reclassement des salariés, telles que le CSP – contrat de sécurisation professionnelle – ou l'activité partielle, dont les budgets seront en baisse en 2019 ? On peut en douter.
Cette réduction de budget, je l'ai évoqué, se matérialise par la suppression de 100 000 contrats aidés. Or le fait de réduire le nombre d'emplois en insertion conduit à diminuer le nombre de personnes en emploi tout court. Ce désengagement de l'État se manifeste aussi à l'égard de politiques que le Gouvernement prétend soutenir. Ainsi, des coupes budgétaires ont lieu çà et là, dont on peine parfois à comprendre le sens : baisse de l'aide à la négociation collective, diminution des moyens alloués au défenseur syndical, réduction, même, des moyens alloués au développement du CPF – compte personnel de formation. Il est vrai, puisque j'évoque la formation, que l'on peine à mesurer, dans votre budget, la réalité de l'effort promis dès lors qu'il n'y apparaît que 1 milliard d'euros de crédits. Si vous annoncez un fonds de concours des entreprises, c'est bien que vous financez par une ponction sur les crédits de formation des salariés la formation des demandeurs d'emploi, et qu'il ne s'agit pas de crédits supplémentaires.
Mes chers collègues, en 2018, nous avons dénoncé l'idée selon laquelle la conjoncture économique, à elle seule, permettrait de réintégrer dans l'emploi les 2,5 millions de personnes aujourd'hui exclues du marché du travail. Comme nous l'avions craint, les premiers à avoir été touchés par la crise seront les derniers à bénéficier de la reprise, et à quelle offre raisonnable de mini-jobs devront-ils consentir, à quel travail qui paie mal ? La taxation des contrats courts se fait attendre et la refonte de la « permittence » inquiète, car il y a les mots, souvent justes, et les actes, parfois faux…
… comme proclamer la volonté de faire du CDI la norme et, dans le même temps, créer des CDD de cinq, dix ou quinze ans dans la fonction publique, et d'en faire le coeur de sa rénovation. La réforme de l'assurance-chômage, dont vous attendez près de 4 milliards d'euros d'économie, comme l'instauration de l'allocation universelle d'activité conditionnée, poursuivent votre oeuvre de remise en cause du compromis de 1945 et empruntent la pente d'un workfare dur. Nous nous y opposerons.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et FI.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le budget de la mission « Travail et emploi » favorise-t-il suffisamment le retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées ? C'est en suivant ce fil rouge que le groupe UDI, Agir et indépendants, a analysé, madame la ministre, votre projet de budget. Force est de constater qu'il ne nous paraît pas à la hauteur de cet enjeu. Or accompagner les plus fragiles vers l'emploi, c'est l'essence même de ce budget, l'objectif qui devrait en justifier l'articulation et la logique. Je ne reviendrai pas sur la baisse significative des crédits de la mission, alors même que le Gouvernement affirme que l'emploi est sa priorité. Vous confirmez, avec les orientations budgétaires de cette mission, la baisse du nombre de contrats aidés. Or l'alternative aux contrats aidés, les parcours emploi compétences, ne monte pas suffisamment en charge. Ainsi que le souligne notre rapporteur pour avis dans son rapport, nombre d'employeurs sont réticents à s'engager dans ce dispositif. Pour l'heure, ces parcours ne permettent pas de répondre à la demande d'emploi des personnes qui étaient titulaires de contrats aidés ou qui auraient pu s'intégrer dans ce dispositif.
Il ne s'agit pas ici de dire que les contrats aidés sont la panacée : nous connaissons tous leurs limites. Mais là où il est le plus difficile de trouver un emploi, dans les territoires fragilisés que sont les quartiers de la politique de la ville et les territoires ruraux, là où l'activité économique est insuffisante, les contrats aidés constituaient une première étape. L'alternative à ces contrats est insuffisante et reste à développer. C'est dans cet esprit que nous encourageons l'accélération de deux expérimentations : les emplois francs et le dispositif concernant les chômeurs de longue durée. Les emplois francs, mis en oeuvre dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, démontrent l'efficacité d'une aide claire et simple aux entreprises, appuyée par l'implication des élus locaux. Ainsi, au sein de la métropole européenne de Lille, 1 000 embauches en emplois francs ont été rapidement effectuées.
L'expérimentation dite « territoires zéro chômeur de longue durée » connaît, elle aussi, un développement encourageant – on a pu voir un film sur ce sujet, il y a quelques jours, à l'Assemblée nationale. Or de nombreux territoires, au-delà des dix concernés par l'expérimentation en cours, sont candidats à ce dispositif. Une seconde vague d'expérimentation doit pouvoir être lancée sans attendre l'évaluation en 2020 du dispositif actuel, pour répondre à la forte demande d'emploi des personnes les plus fragilisées. C'est pourquoi nous proposerons un amendement amorçant une partie des fonds nécessaires à cette seconde expérimentation.
Il est en effet indispensable d'accélérer les expérimentations, de développer les innovations, pour dynamiser la politique de l'emploi. Dans le cas contraire, le sentiment d'inégalité de celles et ceux qui ne profiteront pas de la croissance en 2019, n'en serait que plus vif, avec un risque accru de tensions sociales, madame la ministre. Toutefois, pour accélérer la mise en oeuvre de ces innovations, il est aussi nécessaire de créer un climat de confiance entre les partenaires de l'emploi, en particulier au niveau local. Nous regrettons que ce budget soit le premier à ne plus financer les maisons de l'emploi – MDE. Ce choix pénalise, d'une part, les territoires les plus touchés par le chômage et la désindustrialisation et, d'autre part, les communes les moins riches, qui auront les plus grandes difficultés à subvenir seules aux besoins de financements des MDE. De plus, l'exemple des MDE augure mal de la manière dont est perçue l'expérimentation visant à associer davantage, dans les territoires volontaires, Pôle emploi et les missions locales. Pour notre groupe, il ne s'agit pas ici de rejeter d'emblée toute perspective d'expérimentation pour gagner en efficience. Mais, au moment où ce budget entérine la suppression de 800 postes chez Pôle emploi, les acteurs locaux ont l'impression que l'État opère surtout un transfert de charges vers les missions locales et les communes qui financent ces dernières.
Nous pensons donc, comme vous, qu'il faut donner une chance à l'expérimentation, mais en la fondant sur l'expertise des structures locales d'accompagnement vers l'emploi, sur leur autonomie et sur l'expérience des élus locaux qui en assurent la gouvernance.
Enfin, l'emploi des seniors reste marqué par un taux d'emploi insuffisant pour les 50-54 ans, ainsi que par des disparités régionales importantes, comme en témoigne, par exemple, la situation des Hauts-de-France. Sur ce sujet aussi, l'innovation et l'expérimentation sont sans aucun doute nécessaires.
Assurer une montée en charge plus rapide des dispositifs et des expérimentations, instaurer de la confiance entre les acteurs de l'emploi : tels sont les impératifs que notre groupe aurait apprécié voir davantage concrétisés dans ce budget. Une société juste et solidaire doit s'assurer de ne laisser personne au bord du chemin. Malheureusement, notre groupe ne pense pas que votre politique de l'emploi soit parvenue, pour l'heure, à la hauteur de cet enjeu. Nous le regrettons car, s'il y a un budget sur lequel nous pourrions être d'accord avec vous, c'est bien celui-là. Pour toutes les raisons que j'ai énoncées, nous nous y opposerons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. François Ruffin, pour le groupe La France insoumise.
Bonjour !
« Quand je me suis rendu à l'entrepôt de Lidl, il y avait déjà les pompiers. Le vigile est venu vers moi, en pleurs, et on n'a pas eu besoin de se parler, on s'est compris. Mon frère s'est pendu dans la chambre froide, avec des cadenas. » Il y a un an maintenant, jour pour jour, que j'ai rencontré Nicolas Sansonetti, frère de Yannick. J'accompagnais un copain de foot, David, ancien directeur du Lidl de Longueau, chez une avocate. C'est avec elle, avec eux, que nous avons imaginé une « loi Lidl », une loi sur les troubles psychiques liés au travail, ou, en plus commun, en moins médical, sur le burn-out ; une loi qui sanctionne, qui pénalise les employeurs qui font de l'usure mentale une stratégie managériale. Une loi, alors que ce mal paraît endémique – on relève des centaines de milliers de cas chaque année.
J'ai présenté mon rapport dans cet hémicycle en février dernier, et j'ai beaucoup regretté votre absence, madame la ministre. Pourquoi ? Parce que vous êtes engagée, personnellement, sur ce thème. Parce que, encore DRH de Danone, vous avez rendu un rapport au Premier ministre intitulé « Bien-être et efficacité au travail ». Parce que votre première proposition se lisait ainsi : « L'implication de la direction générale et de son conseil d'administration est indispensable. ». Parce que, du coup, j'avais une question : que faire si la direction ne s'implique pas ? Que faire si, au contraire, elle s'oppose à la moindre mesure ? Que faire si, comme chez Lidl, mais aussi à La Poste, à la Caisse d'épargne, chez Coriolis Télécom, mais aussi dans les hôpitaux, dans la police, dans des EHPAD, les entreprises fonctionnent comme un « broyeur silencieux » ? Lorsqu'elles préfèrent les profits à la vie ? Cette question, je vous la pose donc aujourd'hui, madame Pénicaud.
À l'époque, on m'avait apporté une réponse : « Le rapport Lecoq » ! C'était un festival dans cet hémicycle. J'avais l'impression d'assister à un concert de perroquets. Le ministre Christophe Castaner, qui siégeait sur votre banc, le chef d'orchestre donc, dévoilait la bonne nouvelle, je cite : « [Les ministres] ont décidé de lancer une réflexion globale sur la santé au travail. Cette mission, vous le savez, a été confiée à votre collègue Charlotte Lecocq ». Gabriel Attal lui emboîtait le pas : « notre collègue Charlotte Lecoq a été missionnée [… ] pour faire des propositions, non dans des années ni des mois, mais dans quelques semaines. » Caroline Janvier, députée du groupe de la République en Marche, avait puisé son inspiration à la même source : « La ministre du travail [… a] confié à notre collègue Charlotte Lecoq une mission de réflexion sur la santé au travail, dont les conclusions viendront éclairer le débat ». Guillaume Chiche brillait à son tour par son originalité : « notre collègue Charlotte Lecocq s'est vu confier [… ] une mission parlementaire sur la question de la santé au travail. » Et il se faisait plus précis sur le délai : « Elle rendra ses conclusions le 30 avril ». Les éléments de langage, tant qu'à faire, autant les partager, se les refiler, les recopier, les tartiner. Mais quelle publicité, tout de même ! Quel suspens ! Cela nous mettait en appétit. Le grand oeuvre allait bouleverser tous nos esprits. Je me sentais presque honteux, moi, avec ma petite proposition de loi, si étroite, si mesquine. Comment avais-je osé porter ce sujet, alors que « notre collègue Charlotte Lecoq » et le Gouvernement se chargeaient de tout pour nous ?
Je m'en voulais. Je me sentais comme un « sale démago ». Plein d'espérance, j'attendais donc le rapport Lecocq. Et nous l'avons attendu longtemps. Rien en avril, rien en mai, rien en juin, rien en juillet. À la fin de l'été, enfin, il paraissait. Mais avec quoi, dedans ? Le grand vide. En 174 pages, le « burn-out » n'est mentionné qu'une seule fois. Il fallait, préconisait notre collègue, « accompagner les entreprises », les « sensibiliser ». Mais surtout pas réglementer, et encore moins sanctionner. Dans la foulée, le Gouvernement a commandé une nouvelle « mission de réflexion ». Vous réfléchissez beaucoup. C'est beau. C'est noble. Pour supprimer l'impôt sur la fortune, pour plafonner les indemnités aux prud'hommes, pour en finir avec les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, là, vous avez pourtant nettement moins réfléchi. Vous avez tranché dans le vif. Direct. Très vite. Dès votre arrivée aux affaires.
On nous a annoncé, quand même, pour ce printemps un projet de loi sur la santé au travail. J'ai demandé un programme à l'Assemblée : ce document porte la mention « Confidentiel », mais je peux dire que je ne vois rien à l'agenda, si ce n'est la révision constitutionnelle, la programmation pluriannuelle de l'énergie, la bioéthique, les retraites, la réforme de la fiscalité locale, les mobilités ou l'audiovisuel public. Je ne vois pas la santé au travail, madame la ministre : pourriez-vous nous donner des précisions sur le calendrier ?
En attendant, en attendant toujours, qu'avons-nous concrètement, dès maintenant, dans votre budget ? Des suppressions de postes. Des suppressions de postes à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail et à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
En attendant, la vie continue pour David et Nicolas. Nicolas attend, attend, attend que l'instruction avance, après son dépôt de plainte pour homicide involontaire. Mon copain David, brisé par le boulot qu'il aimait, réclame une reconnaissance de sa maladie professionnelle. Et il attend, il attend, il attend.
Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier notre collègue Stéphane Viry pour son avis sur un sujet qui devrait faire consensus, la réinsertion des personnes les plus éloignées de l'emploi, qui est une des missions de l'AFPA. Il devrait être possible de mieux former ces personnes pour les réinsérer plus rapidement.
Comment, madame la ministre, pouvez-vous présenter un budget de la mission « Travail et emploi » pour 2019 aussi insincère, alors que la croissance ralentit et que le nombre de demandeurs d'emploi continue à augmenter, 6,6 millions de personnes étant inscrites à Pôle emploi, dont 3,5 millions en catégorie A, c'est-à-dire sans aucune activité ? Dois-je rappeler que d'autres pays européens connaissent le plein-emploi : en Allemagne, le taux de chômage n'est que de 3,4 %, soit 1,5 million de demandeurs d'emploi, en Hongrie, il est de 3,7 %, de 3,9 % aux Pays-Bas et de 4,1 % au Royaume-Uni.
Votre budget est en retrait de 3 milliards d'euros par rapport à 2018, ce qui représente 19 %. Le temps qui m'est imparti est insuffisant pour aborder toutes les questions que pose ce budget : le sort des maisons de l'emploi, malgré un amendement déposé nuitamment qui devrait améliorer quelque peu leur situation, l'avenir des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, dont le budget est en baisse, ou le nombre de contrats aidés, qui se trouve en contradiction avec le plan pauvreté. Je m'attarderai sur trois points particuliers : France compétences, Pôle emploi et l'AFPA.
France compétences montre votre détermination à nationaliser la formation. Ainsi, alors qu'il n'est pas encore créé, le nombre d'ETP de l'établissement passe déjà de quarante-quatre à soixante-dix : la machine administrative et bureaucratique est en marche. Pourtant, madame la ministre, lors des débats, vous aviez répondu à mes inquiétudes en ces termes : « Monsieur Cherpion, pour répondre à [votre] question [… ], nous allons discuter avec les régions et les partenaires sociaux pour déterminer, avant de rédiger le décret prévu à l'alinéa 60, la composition du conseil d'administration et son mode de fonctionnement. Ce que je peux d'ores et déjà vous dire pour vous rassurer, c'est qu'il n'y régnera pas l'étatisme absolu que vous semblez craindre : l'État n'aura pas la majorité absolue au conseil d'administration, je m'y engage. ». Ainsi, d'après mes contacts avec les régions et les partenaires sociaux, ceux-ci n'ont pas été consultés avant la rédaction de ce décret. Vous avez ainsi failli à votre parole. « Insincérité », disais-je.
En effet, la composition de France compétences, selon le décret présenté ce jour au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, probablement rejeté comme l'a été celui concernant l'apprentissage, donne cinquante-cinq voix sur cent dix à l'État. Mais, madame la ministre, vous pouvez rejeter les décisions du conseil d'administration. C'est bien l'étatisme qui est en marche, et vive le quadripartisme ! Quant au rôle du conseil d'administration, le décret prévoit qu'« il peut être informé de certains emprunts. ». La transparence vous fait-elle peur ? Enfin, France compétences, qui n'existe pas à ce jour et qui n'a donc pas de conseil d'administration, a déjà décidé de verser 1,5 milliard d'euros pour se substituer au désengagement de l'État. Vous confirmez ainsi, sous une fausse caution de quadripartisme, que France compétences est un simple opérateur à la main du Gouvernement.
Le budget de Pôle emploi est en baisse de 85 millions d'euros, après une baisse de 50 millions en 2018, avec les résultats que nous connaissons et regrettons tous sur le chômage. Dans le même temps, vous donnez de nouvelles missions à Pôle emploi : accompagnement renforcé, élargissement des compétences en matière de sanctions, pénalités administratives, recouvrement des prestations, etc. Les erreurs de calcul de prestations ont représenté 1 million d'euros au premier semestre de cette année ; les trop-perçus ont atteint 1 milliard d'euros, en progression de 36 %, et les caisses de l'opérateur ont subi une perte de 400 millions d'euros. Ce n'est pas en réduisant les moyens humains et financiers de Pôle emploi et en augmentant les charges des conseillers – soixante-dix dossiers supplémentaires pour chacun d'entre eux avec le plan pauvreté – que la situation des demandeurs d'emploi s'améliorera. En passant d'un système assurantiel à un système de solidarité nationale, vous faites payer à tous, et notamment aux retraités, une partie des indemnités chômage des salariés et vous cassez définitivement le paritarisme de gestion pour le remplacer par un paritarisme qui n'est qu'un alibi et une caution. Ce désengagement de l'État est paradoxal, voire schizophrénique, et se résume en une phrase : « À moi le pouvoir et à vous la responsabilité des résultats ».
Permettez-moi, enfin, d'aborder la question de l'AFPA. Nous avions dénoncé la transformation de cette association en établissement public de l'État, qui n'allait rien changer à sa situation tant financière que sociale, et nous le regrettons pour les salariés. Vous imposez dorénavant un plan social à l'AFPA de près de 2 000 licenciements en deux ans, qui, non seulement ne résoudra pas le déséquilibre financier, mais alourdira la dette cumulée, déjà supérieure à 700 millions d'euros. Les chiffres insincères inscrits dans le bleu budgétaire sont contredits par les annonces faites au comité central d'entreprise et au conseil d'administration de l'AFPA. Je reviendrai sur le sujet, madame la ministre, lors de l'examen des amendements, puisque je vous proposerai de produire un rapport sur la situation financière et sociale de l'AFPA.
MM. Alain Ramadier et Boris Vallaud applaudissent.
La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le groupe Libertés et territoires.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, si le Gouvernement ne cesse d'insister sur le fait qu'il jette toutes ses forces dans la bataille de l'emploi, le taux de chômage demeure dramatiquement élevé en France : 9,3 % de chômeurs, 1 million de travailleurs pauvres, 23 % des jeunes actifs âgés de moins de vingt-cinq ans au chômage – avec un taux qui s'envole à 45 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville – et 2 millions de jeunes sans diplôme. Cette situation grave, qui semble s'être durablement installée, ne peut satisfaire personne.
Derrière ces chiffres, n'oublions pas qu'il y a des visages, ceux de femmes et d'hommes dont la vie s'arrête lorsqu'ils perdent leur emploi, parce qu'ils ne peuvent plus payer leur crédit, que leur famille explose ou qu'ils désespèrent qu'une seconde chance leur soit donnée. Derrière ces chiffres, il y a l'exigence de cohésion sociale à laquelle notre groupe est viscéralement attaché.
Il était, par conséquent, absolument essentiel pour nous que la mission « Travail et emploi » traduise une forte mobilisation de l'ensemble des acteurs pour faire reculer le chômage, qui est la première des inégalités. Or force est de constater que ce n'est pas le cas. Je voudrais, au nom de mon groupe, vous faire partager une conviction simple : nous avons la certitude que les emplois de demain seront en grande partie créés dans nos territoires et par nos territoires. Car nos territoires sont riches d'ambitions, de courage et de savoir-faire, qu'ils soient industriels, agricoles ou artisanaux. Ils regorgent d'intelligences et de talents qui, malgré les obstacles, entreprennent, innovent et réussissent. En outre, ils jouent, par leur travail de proximité en faveur des chômeurs les plus en difficulté, leur connaissance des besoins économiques locaux et leur capacité à fédérer tous les acteurs d'un bassin d'emploi, un rôle incontournable en matière d'accès et de retour à l'emploi.
Or vos choix budgétaires vont à l'exact opposé de cette conviction que nous défendons. Tout d'abord, parce que les crédits de la mission baissent de 2 milliards d'euros, ce qui peut paraître paradoxal, puisque vous nous présentez la lutte contre le chômage comme votre priorité – je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur les contrats aidés. Ensuite, parce que ces choix traduisent une forme de défiance à l'égard des acteurs locaux. J'en veux pour preuve l'inquiétude sur l'avenir des maisons de l'emploi, que vous n'arrivez pas à dissiper, ma collègue Jeanine Dubié vous ayant interpellée sur ce sujet en commission. La mutualisation, via une expérimentation, qui pourrait être un premier pas vers une absorption par Pôle Emploi, est une faute : nous avons besoin de ces acteurs de terrain qui sont en prise directe avec les réalités locales et qui réalisent un travail indispensable pour le retour à l'emploi des jeunes.
Nous nous inquiétons également de la suppression de 1 000 à 1 500 ETP à l'AFPA, qui pourrait entraîner la fermeture de 38 des 206 sites existants, et ce dans des territoires ruraux qui sont déjà pénalisés par votre réforme sur la formation professionnelle, les centres de formation d'apprentis se trouvant en sous-effectif. Il s'agit d'une double peine pour ces territoires pour lesquels l'accès à l'apprentissage et à la formation professionnelle sera de plus en plus difficile.
Enfin, au fur et à mesure de l'examen de ce projet de loi de finances, nous voyons de nombreux dispositifs de proximité disparaître ou subir de profonds bouleversements. II en est ainsi des chambres de commerce et d'industrie, du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, et des contrats de ruralité, qui sont pourtant essentiels pour revitaliser les centres-villes et dynamiser l'activité économique des territoires ruraux.
Notre groupe voudrait toutefois saluer deux avancées : nous nous félicitons tout d'abord que 400 millions d'euros soient prévus en 2019 pour atteindre l'objectif d'accompagnement de l'insertion de 40 000 personnes supplémentaires en situation de handicap à l'horizon de 2022. Cet effort témoigne d'une volonté d'éliminer progressivement les barrières entravant l'accomplissement professionnel des personnes en situation de handicap, et nous vous soutiendrons dans cette voie chaque fois que vous l'emprunterez. Ensuite, l'attention portée à l'amélioration des conditions de travail, traduite dans le programme 111, ne peut que rejoindre nos préoccupations.
Pour autant, madame la ministre, ces avancées ne suffisent pas à faire oublier que vos choix ne sont pas à la hauteur des enjeux liés à l'emploi, qui est une priorité absolue pour les Français. Aussi, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission.
M. Boris Vallaud applaudit.
La parole est à Mme Fadila Khattabi, pour le groupe La République en marche.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le budget pour 2019 de l'emploi et de la formation professionnelle poursuit l'effort de transformation engagé depuis près d'un an et demi en termes d'emploi, de formation professionnelle et d'apprentissage. Je tiens à souligner qu'il s'agit là d'un budget responsable et ambitieux, qui illustre parfaitement les engagements pris par le Président de la République, engagements concrétisés par les différentes actions du Gouvernement en faveur de l'emploi durable.
Les chiffres actuels sont d'ailleurs encourageants, avec une baisse significative du chômage lors des douze derniers mois et une augmentation de 10 % du nombre d'embauches en CDI en un an, fait nouveau qui mérite d'être souligné.
Nous devons cependant poursuivre la lutte contre le chômage de masse, dont je rappelle qu'il met à mal la cohésion de notre société. Aussi le projet de budget met-il en musique la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel que nous avons votée l'été dernier. Celle-ci reflète une volonté politique forte et assumée visant à replacer les individus et les entreprises au centre du système, notamment grâce à la mise en place du compte personnel de formation en euros et au plan d'investissement dans les compétences, doté d'un budget de 15 milliards d'euros sur cinq ans.
Oui, nous, membres du groupe majoritaire, nous nous réjouissons des choix politiques et stratégiques dont procède le projet de budget ! Celui-ci – il faut le préciser – s'affirme en faveur des plus fragiles : les personnes peu ou pas qualifiées. Oui, l'investissement massif et jamais égalé dans les ressources humaines, dans l'emploi et surtout dans les compétences ainsi que dans l'insertion des personnes vulnérables illustre parfaitement notre politique sociale !
À nos collègues qui affirment, sur certains bancs, qu'il s'agit là de simples déclarations d'intention, je réponds qu'il s'agit bel et bien d'actions concrètes et courageuses. En effet, sur les 15 milliards prévus dans le cadre du PIC, dont l'objectif est la formation d'un million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et d'un million de jeunes décrocheurs au cours du quinquennat, 3 milliards sont fléchés dans le projet de budget pour 2019, ce dont on ne peut que se réjouir.
Dans le même cadre, grâce au dispositif « 100 % inclusion » – dont les premiers lauréats de l'appel à projets viennent d'être désignés – , 200 millions d'euros seront exclusivement dédiés, tout au long du quinquennat, au financement de projets consacrés aux publics les plus éloignés de l'emploi. En outre, en cohérence avec le plan pauvreté, le projet de budget pour 2019 permettra à 10 000 personnes supplémentaires de bénéficier de l'insertion par l'activité économique.
Par ailleurs, le projet de budget renforce l'emploi inclusif en permettant à 10 000 personnes en situation de handicap supplémentaires d'être embauchées dans des entreprises adaptées. S'agissant des contrats aidés, le projet de budget prévoit le financement de 100 000 nouveaux contrats, concentrés dans le secteur non-marchand, auxquels il faut ajouter les contrats prescrits dans le cadre de l'accompagnement des élèves en situation de handicap, dont le nombre s'élevait en 2018 à 45 000. Bien entendu, ils seront reconduits, et désormais financés par le ministère de l'éducation nationale.
Par ailleurs, les dispositifs donnant d'excellents résultats sont reconduits ou perfectionnés, notamment la garantie jeunes, qui sera généralisée au profit de 100 000 bénéficiaires, ainsi que les écoles de la deuxième chance, qui bénéficieront de 12 000 places conventionnées. En outre, le projet de budget soutient les expérimentations innovantes, notamment le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », qui bénéficiera de 22 millions d'euros de crédits, ainsi que les emplois francs.
Le projet de budget pour 2019 prend en compte les réalités socioéconomiques des territoires comme les besoins des entreprises, notamment grâce aux pactes pluriannuels qui seront signés avec les régions dans le cadre du PIC. Compte tenu de ces observations, ma conclusion est sans équivoque : le projet de budget est bien en cohérence avec la politique de l'emploi défendue par le Gouvernement !
Il se veut au service de réformes structurantes et pertinentes, au profit des territoires et des citoyens ! Il n'y a donc pas d'économies envisagées, mais bel et bien un déploiement ambitieux des moyens en faveur des publics les plus fragiles et les plus éloignés de l'emploi. C'est là toute la force de notre engagement ! C'est pourquoi le groupe La République en marche votera les crédits de la mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, après les coupes budgétaires opérées l'année dernière, le budget de la mission « Travail et emploi » que nous examinons aujourd'hui présente la plus forte baisse de crédits, en volume comme en pourcentage, de toutes les missions budgétaires. Hors effets de périmètre, il diminue de plus de 2 milliards d'euros en 2019. Cette baisse globale des moyens se répercute dans les divers programmes et nous amène à émettre une appréciation très négative sur ce projet de budget.
Premièrement, le projet de budget qui nous est présenté induit l'affaiblissement du service public de l'emploi. En 2019, la subvention de fonctionnement de Pôle Emploi est rabotée de 85 millions d'euros. Le chômage ne pourtant reflue pas. La charge de travail des conseillers Pôle Emploi est déjà importante : chacun d'eux doit suivre un portefeuille allant de 200 à 800 demandeurs d'emploi selon les modalités d'accompagnement et les territoires. Dans ces conditions, comment garantir un accompagnement de qualité ?
La dotation affectée aux missions locales au titre de l'accompagnement des jeunes, quant à elle, est réduite de 4 %. Si le président Macron a annoncé mardi qu'il a l'intention de rouvrir des services publics dans les quartiers populaires, ces chiffres démontrent au contraire l'affaiblissement du service public de l'emploi.
Deuxièmement, le projet de budget contribue à fragiliser les politiques d'accompagnement des publics et des associations. Il confirme la division par deux du nombre de contrats aidés, lesquels sont transformés en parcours emplois compétences. En 2019, 100 000 contrats sont budgétés. Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES – démontre que votre politique a entraîné une baisse de 41 % du nombre de contrats aidés entre mi-2017 et mi-2018.
Cette décision brutale, prise dès votre entrée en fonction, a contribué à ébranler de nombreuses structures du tissu associatif dans les domaines de l'éducation, de l'action sociale, du sport et de la culture.
Nous prenons note de la création de 25 000 emplois francs dans les quartiers prioritaires, de l'ouverture de 5 000 postes dans le secteur de l'insertion par l'activité économique et de la pérennisation des crédits alloués à la garantie jeunes. Ces mesures sont utiles mais demeurent très insuffisantes compte tenu de la situation de l'emploi – notamment des jeunes – dans notre pays. Faute de disposer des moyens nécessaires, vous recentrez les financements sur l'accompagnement d'un nombre toujours plus restreint de personnes, madame la ministre. Nous ne pouvons souscrire à un tel projet, qui consiste à redéployer un système d'assistanat.
Enfin, le projet de budget induit la compression des effectifs dédiés à la politique du travail et de la formation. Le ministère du travail et ses services déconcentrés perdront 239 postes en 2019, soit le même niveau de suppression que celui constaté l'année dernière.
Ce faisant, vous fragilisez l'inspection du travail et empêchez ses agents de s'acquitter convenablement de leurs missions de contrôle sur le terrain, alors même que les ordonnances travail ont complexifié les normes sociales. Par-delà l'administration, vous prévoyez la suppression de 1 485 postes, dont 800 au sein de Pôle Emploi, fragilisant un peu plus ce dispositif public.
Ces quelques observations – je pourrais en ajouter beaucoup d'autres – illustrent les raisons qui nous amèneront à nous opposer clairement à votre projet de budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le président, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les députés, c'est avec plaisir que je vous retrouve ici, dans le cadre de l'examen et du vote des crédits de la mission budgétaire « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2019.
Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions que vous avez posées, mais nous aurons l'occasion d'évoquer les sujets abordés lors de l'examen des amendements. J'aimerais au préalable expliciter le sens des priorités que j'ai inscrites dans le projet de budget. Lors de l'examen de celui-ci en commission, j'ai indiqué qu'il devait accompagner la transformation profonde des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle que j'ai engagée dès ma prise de fonctions, en sus des ordonnances pour le renforcement du dialogue social.
Je signale en passant à M. Ruffin que le sujet qu'il a évoqué fait partie du champ de la concertation qui s'ouvre avec les partenaires sociaux. Je respecte trop le dialogue social pour préempter le sujet avant que celle-ci ait eu lieu. Je confirme néanmoins que je présenterai bel et bien en 2019 un projet de loi relatif à la santé au travail.
S'agissant des réformes structurantes que nous avons entamées, nous avons d'emblée fait un choix clair : refuser tout traitement statistique du chômage et ne pas faire semblant, mais mener des réformes de fond permettant d'améliorer durablement la situation de l'emploi et de faire reculer le chômage de masse.
Depuis un an, nous avons dénombré 244 000 créations nettes d'emplois. Le taux de chômage est passé de 9,7 % à 9,1 %. Certes, c'est encore bien trop ; mais nous ne pouvons pas, en seulement un an, remédier à vingt ans de politiques de l'emploi n'ayant pas abouti à réduire le chômage de masse. Il faut donc poursuivre les réformes structurelles et les traduire dans le budget. C'est ainsi que nous réussirons dans les années à venir.
Après la publication des ordonnances sur le renforcement du dialogue social et l'adoption de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous nous sommes concentrés cette année sur le plan d'investissement dans les compétences.
D'ores et déjà, 1,5 milliard d'euros ont été engagés en 2018 en vue d'accompagner les jeunes et les demandeurs d'emploi de longue durée vers les métiers en tension, les savoir-être professionnels et les opportunités d'emploi auxquelles ils n'ont pas accès. En effet, les entreprises recherchent certaines compétences et les demandeurs d'emploi de longue durée ainsi que les jeunes n'accèdent pas au marché du travail faute de les avoir.
En 2018, nous avons initié une approche renouvelée de la politique d'inclusion dans l'emploi – par le biais des parcours emploi compétences, lesquels ont d'ores et déjà abouti à l'amélioration qualitative que nous espérions – , une approche responsable, aussi, car elle repose sur la formation et l'accompagnement et pas simplement sur des emplois temporaires qui renvoient leurs titulaires, au bout de quelques mois, à la précarité et au chômage.
Par ailleurs, j'ai signé le 12 juillet dernier un accord avec les entreprises adaptées, qui permettra à 40 000 personnes en situation de handicap supplémentaires d'accéder à ce tremplin vers l'emploi d'ici 2020.
Enfin, le projet de transformation de l'AFPA, annoncé il y a quelques semaines, permettra de la sauver de la mort lente qui la ronge depuis une quinzaine d'années délétère. Il nous semble nécessaire que l'Agence soit forte et recentrée sur des missions d'intérêt général.
Nous accompagnerons cette évolution.
S'agissant de l'année 2019, le budget de la mission « Travail et emploi », à périmètre comparable, est de 12 milliards d'euros, soit deux de moins qu'en 2018, ce qui n'est en rien un obstacle à la stratégie nationale de compétences et d'inclusion dans l'emploi que traduit ce budget. En effet, cette baisse s'explique, à hauteur de 1 milliard d'euros, par l'achèvement de l'extinction des dispositifs d'aide ponctuelle destinés aux TPE et aux PME, supprimés par le précédent gouvernement, ainsi que par le choix assumé de la réduction en volume des contrats aidés.
En somme, nous ajustons le budget pour 2019 à la taille de ce que les collectivités locales et les associations sont en mesure de faire, de façon qualitative. En effet, celles-ci ont démontré cette année qu'elles n'utilisaient pas la totalité des crédits alloués, faute de pouvoir proposer aux demandeurs d'emploi un accompagnement de qualité.
Le projet de budget poursuit un objectif affirmé : oeuvrer en priorité à la stratégie nationale de compétences et à l'inclusion dans l'emploi, en cohérence avec le plan de lutte contre la pauvreté présenté par le Président de la République le 13 septembre dernier.
C'est en allant en permanence sur le terrain, à la rencontre des acteurs de l'insertion par l'activité économique, de l'entreprise adaptée, du monde de l'inclusion et de l'apprentissage, que nous avons bâti le projet de budget, lequel prévoit la montée en puissance du plan d'investissement dans les compétences grâce à un nouvel engagement de 3 milliards d'euros, financé pour moitié par des crédits budgétaires et pour moitié par la contribution de France compétences prévue par la loi.
Les crédits seront investis dans quatre directions. S'agissant des parcours de formation inscrits dans le cadre des pactes régionaux pluriannuels d'investissement dans les compétences, nous sommes en discussion avec les régions, qui ont presque toutes confirmé leur accord et leur volonté de s'investir auprès de l'État sur ces sujets. Un budget de 1,5 milliard d'euros est provisionné à cet effet. Mentionnons également le renforcement du volet formation des politiques de l'emploi, notamment l'insertion par l'activité économique, qui bénéficiera de 60 millions d'euros supplémentaires consacrés à un volet formation qui lui manquait.
Le PIC permettra également de renforcer le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie – PACEA – dont la garantie jeunes constitue la version intensive. Celle-ci a bénéficié l'année dernière à environ 75 000 jeunes. Nous approchons progressivement de 100 000.
Il permettra également de renforcer les capacités d'accueil des écoles de la deuxième chance et des EPIDE, qui ont prouvé leur efficacité ; de consacrer 200 millions d'euros à l'appel à projets « 100 % inclusion » – les premiers projets, que nous avons labellisés il y a quelques jours, sont très prometteurs en matière d'innovation sociale ; et de financer la préparation à l'apprentissage, qui ouvrira massivement l'accès à l'apprentissage aux jeunes qui n'y ont pas accès.
Le budget alloué à la mission « Travail et emploi » pour 2019 procède d'un engagement important en faveur des publics qui en ont le plus besoin. Ainsi, 10 000 personnes supplémentaires auront accès à l'insertion par l'activité économique, grâce à une augmentation du budget de 50 millions d'euros à cet effet.
La réforme des entreprises adaptées atteindra son plein déploiement : 400 millions d'euros seront consacrés à cette ambition afin que 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées en 2019. Ces efforts seront complétés par la création de 100 000 parcours emplois compétences, en sus des 30 000 transférés au ministère de l'éducation nationale en vue de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.
L'expérimentation des emplois francs, lancée au mois d'avril dernier, a mis quelques mois à atteindre son plein régime, car les acteurs ont dû s'approprier le nouveau dispositif. Depuis quelques semaines, un régime de croisière très intensif est atteint. Nous comptons poursuivre cette expérimentation en vue d'évaluer la possibilité de sa généralisation pour 2020.
La réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage se traduit par une mesure de simplification : dès le 1er janvier 2019, nous mettons en place une aide unique pour certaines entreprises de moins de 250 salariés. Nous créons aussi un nouvel opérateur, France compétences : il ne s'agit pas d'un processus de centralisation, puisque cette institution regroupe trois instances nationales actuelles ; de plus, l'État n'aura pas la majorité des sièges. Pour piloter tout ce dispositif, nous aurons ainsi un vrai quadripatrisme. Nous simplifions également le paysage des exonérations, avec la bascule de certains allégements vers le droit commun, parfois plus favorable – je pense notamment aux allégements de charge pour l'apprentissage.
Enfin, 3,8 milliards d'euros, soit un tiers de mon budget, viendront soutenir l'emploi dans le secteur des services à la personne et la création d'entreprises.
De nouvelles pistes pour une meilleure efficacité du service public de l'emploi sont inscrites dans ce budget. Ainsi, à la demande des collectivités locales, et à leur demande seulement, le rapprochement entre les missions locales et Pôle Emploi pourra être expérimenté.
Dans le cadre d'Action publique 2022, nous agirons aussi pour faire travailler mieux et plus efficacement notre service public de l'emploi.
Enfin, je vous proposerai d'adopter plusieurs amendements ; je vous prie de m'excuser de ces dépôts tardifs. L'un porte sur 25 millions d'euros et vise à permettre à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées – AGEFIPH – d'accompagner l'évolution des entreprises adaptées. Le deuxième propose, pour 65 millions d'euros, une exonération pour les services à la personne, en cohérence avec le PLFSS. Enfin, nous vous proposons de porter le plafond d'emploi de France compétences à 70 ETP travaillés, contre 44 inscrits aujourd'hui.
Ce budget est cohérent et extrêmement ambitieux. Nous voulons intensifier l'effort d'inclusion des plus vulnérables, favoriser l'émancipation grâce au travail et par les compétences, et enfin stimuler la création d'emplois, notamment par la libération de l'apprentissage et un renforcement de l'effort de baisse du coût du travail. Le projet de loi de finances accompagne les réformes structurelles que nous menons. C'est pourquoi je vous invite à le voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Michèle de Vaucouleurs applaudit également.
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour une question du groupe Socialistes et apparentés.
Madame la ministre, au fil des missions budgétaires et de vos décisions, vous continuez d'accabler les territoires ruraux.
Vous accablez les hommes en supprimant les contrats aidés. Vous accablez les petites villes et leurs commerces en supprimant des dispositifs de soutien à leur développement : le FISAC, terminé ; l'appel à manifestation d'intérêt des centres-bourgs, terminé ; les contrats de ruralité, en extinction.
Et vous vous attaquez maintenant aux structures territoriales de développement de l'emploi et d'accompagnement des publics vers l'emploi : restructuration du réseau des chambres de commerce et d'industrie – CCI ; arrêt du financement des MDE ; fusion de Pôle emploi et des missions locales.
Je rappelle que ces dernières interviennent auprès des jeunes de seize à vingt-cinq ans. Elles sont chargées d'accueillir, d'informer, d'orienter et d'aider les jeunes dans leur démarche d'insertion professionnelle et sociale : chacun d'entre eux bénéficie d'un suivi à la fois personnel – point crucial – et professionnel, d'un accompagnement à long terme dans leur apprentissage des comportements adéquats au travail. C'est d'ailleurs là une revendication fréquente du monde de l'entreprise. Leur mission est distincte de celle assignée à Pôle emploi : plus de 30 % du public des missions locales n'est pas connu de Pôle emploi.
Ce dispositif de soutien a fait ses preuves. Alors que nous traversons une période d'incertitude économique et sociale, il est invraisemblable de vouloir fusionner des entités aux rôles si distincts. Si, face aux interpellations de l'Union nationale des missions locales et des élus de nos territoires, vous avez été obligée de revenir sur une partie de vos projets, des doutes subsistent sur ces souhaits de fusion.
Madame la ministre, pouvez-vous rassurer la jeunesse et les territoires en vous engageant à protéger les missions locales ?
Vous confiez également le financement des maisons de l'emploi aux collectivités. Vous sous-estimez, je crois, le rôle d'accompagnement joué par ces réseaux en termes d'ingénierie de projet et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, grâce à leurs relations très étroites tant avec les collectivités qu'avec les entreprises.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LT.
L'État est largement impliqué dans le financement des missions locales, puisqu'il participe à hauteur de 52 % à leur budget, et que cette participation est très dynamique. Les missions locales sont financées de plusieurs façons : à titre structurel ; au titre des missions d'accompagnement exercées pour la garantie jeunes – pour chaque jeune accompagné, la mission locale reçoit un financement ; au titre, enfin, du développement du parrainage.
Si l'on considère l'ensemble de ces enveloppes, le financement global des missions locales par mon ministère, tel qu'il est prévu pour 2019, est en très légère baisse puisqu'il diminue de 1,1 % : nous passons de 360 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2018 à 356 millions dans le projet de loi de finances pour 2019. En plein processus d'informatisation des tâches administratives, je peux vous dire qu'en réalité, les moyens des missions locales vont s'accroître !
Sourires sur les bancs du groupe SOC.
Par ailleurs, une réflexion est engagée sur l'évolution du financement des missions locales. C'est un sujet que j'évoque souvent avec les présidents des conseils régionaux ou départementaux, les maires, les présidents d'intercommunalités, qui président fréquemment les missions locales : beaucoup d'entre eux considèrent, comme l'État, que nous pouvons faire mieux, que nous pouvons mieux choisir nos objectifs et mieux cibler les moyens, que nous pouvons réussir à aller chercher plus de jeunes invisibles qui ne viennent pas aux missions locales, que nous pouvons mieux articuler l'action de celles-ci avec celle de Pôle emploi – pour le volet emploi, qui n'est pas seul, puisqu'il y a aussi une prise en considération globale des problèmes, avec des volets santé et logement.
Nous souhaitons qu'en 2019, les circuits financiers soient globalisés pour avoir une vraie discussion avec les collectivités territoriales, afin que les missions locales tiennent encore mieux leur rôle. Je ne dis pas qu'elles ne le remplissent pas ; mais nombre de jeunes ne sont pas aujourd'hui couverts par les missions locales, et cela montre que des approches différentes sont nécessaires, en particulier une approche budgétaire plus contractuelle, plus centrée sur les objectifs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour une question du groupe La France insoumise.
Madame la ministre, votre action se situe dans une continuité parfaite avec celle des gouvernements précédents. Depuis des années, le même raisonnement est répété en boucle : le problème du chômage serait à vous entendre d'abord celui des chômeurs. Cette affirmation est étendue aux salariés dont vous dénoncez régulièrement dans cet hémicycle, sur les plateaux télé et dans les colonnes des journaux le manque de flexibilité ; hier encore, le Président de la République expliquait d'ailleurs qu'il fallait être « plus exigeant » avec les chômeurs qui, à l'en croire, ne chercheraient pas vraiment du travail.
Les mêmes remèdes sont donc appliqués, avec les mauvais résultats que l'on connaît, mais sans qu'à aucun moment ces postulats de départ ne soient remis en cause. Ainsi réduit-on chaque année les droits des chômeurs pour « les inciter à retrouver un emploi ». On exonère les entreprises de cotisations sociales pour « faciliter la création d'emploi ». On diminue le nombre d'inspecteurs et de médecins du travail pour « alléger les contraintes qui freinent l'activité économique ».
Les missions budgétaires dont nous discutons ce matin illustrent ce que je dénonce. Le chômage stagne ? Vous supprimez 800 postes à Pôle emploi plutôt que d'élargir significativement le dispositif « territoires zéro chômeur ». Le burn-out et la souffrance au travail sont en augmentation ? Vous baissez de 63 % les crédits visant à améliorer la qualité de l'emploi en protégeant notamment la santé des salariés. Le travail illégal continue à prospérer ? Vous baissez les moyens alloués à l'inspection du travail chargée de le sanctionner. Tout cela est incompréhensible. Vous-même, j'en suis sûr, ne serez pas capable de nous l'expliquer. Mais peu importe, vous vous entêtez, et vous répétez que vous allez « libérer les énergies », « personnaliser les parcours », « moderniser le monde du travail » et « entrer enfin dans l'économie de demain ». La liste des expressions de cette novlangue que vous ressassez est longue, et comme on chante les aventures de la souris verte dans les maternelles, ou le Notre Père dans les églises, vous les reprenez en choeur.
Mais répéter n'est pas convaincre, alors voilà mes questions : pourquoi baisser le budget de l'inspection du travail ? Pourquoi développer si timidement l'expérimentation « territoires zéro chômeur » ? Pourquoi, enfin, ne pas se donner les moyens nécessaires à une amélioration ambitieuse de la santé au travail ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Monsieur Corbière, j'ai entendu une bonne nouvelle dans vos propos : selon vous, M. Vallaud devrait voter cette mission ; je l'encourage à le faire.
Sourires.
S'agissant de Pôle emploi, vous avez compris que les ressources globales de cet organisme sont en augmentation. Nous aurons donc les moyens de continuer les actions très innovantes menées sur le terrain. Les agences de Pôle emploi savent s'adapter au marché local du travail, pour agir de façon très ciblée. C'est important, car certains bassins d'emploi connaissent aujourd'hui ce que l'on appelle le plein-emploi, c'est-à-dire un taux de chômage autour de 5 % : leur problème est donc de trouver les compétences recherchées ; ailleurs, inversement, le taux de chômage est extrêmement élevé, et l'accompagnement des demandeurs d'emploi les plus en difficulté doit être plus important. Nous voulons donc personnaliser.
Le budget global de Pôle emploi dépasse 5 milliards d'euros en 2019, puisque la contribution UNEDIC augmente mécaniquement de plus de 100 millions d'euros : plus de personnes ayant trouvé un emploi, la masse salariale augmente.
Pôle emploi comme les missions locales peuvent aujourd'hui être plus efficaces, accroître leur productivité, grâce aux plateformes de support et à la numérisation. Les travaux administratifs sont importants dans ces agences, ces évolutions doivent permettre un accompagnement plus personnalisé des demandeurs d'emploi. Pour certains, une mise en relation avec de potentiels employeurs suffit : ils ont la qualification, la confiance et les réseaux, mais ils ont besoin de savoir quels sont les emplois disponibles. D'autres, plus en difficulté, ont besoin d'un accompagnement beaucoup plus important. C'est le sens de notre action.
Nous aurons l'occasion, lors de l'examen des amendements, d'évoquer les autres sujets que vous avez abordés.
La parole est à M. Xavier Paluszkiewicz, pour une question du groupe La République en marche.
J'associe à ma question ma collègue Valérie Petit, députée du Nord.
L'entreprise adaptée emploie au moins 80 % de travailleurs handicapés ; elle leur permet d'exercer une activité professionnelle dans des conditions qui conviennent à leurs capacités. Ces travailleurs handicapés ont le statut de salariés, et sont soumis aux mêmes règles que les autres.
La réforme des entreprises adaptées qui entre en vigueur le 1er janvier prochain opère des évolutions majeures ; l'objectif est de recruter 40 000 personnes supplémentaires à l'horizon 2022. Tout en confirmant la vocation économique et sociale de ces entreprises, elle fait évoluer leur modèle, dans une optique plus inclusive, avec une plus grande mixité, une plus grande diversité des publics accueillis. Elle permet aussi l'expérimentation de nouvelles formes d'accompagnement des personnes handicapées vers l'emploi, en facilitant les passerelles entre les entreprises adaptées et les autres. Elle doit enfin assurer un meilleur accès à ces emplois des personnes les plus éloignées du marché du travail, et notamment les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés – dont je rappelle au passage qu'elle a été augmentée.
Des questions subsistent tout de même chez les dirigeants d'entreprises adaptées, comme AlterEos à Tourcoing. Elles portent notamment sur l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés dans les entreprises ordinaires : il y a un changement des règles de calcul des équivalences d'emploi, ces unités bénéficiaires résultant de contrats de sous-traitance avec les entreprises adaptées ou les établissements et services d'aide par le travail, les ESAT – je pense notamment à des établissements situés dans ma circonscription, par exemple à Briey, à Pienne ou encore Villers-la-Montagne. Les travailleurs handicapés indépendants ne seront plus comptabilisés pour le calcul du taux d'emploi direct. Cependant, les dépenses engagées pourront être déduites du montant de la contribution AGEFIPH.
Madame la ministre, comment cela se passera-t-il ? Ces nouvelles règles ne risquent-elles pas de démobiliser des entreprises qui jugeraient préférable de payer leur complète contribution à l'AGEFIPH ? Quel intérêt auront-elles à travailler avec le secteur adapté et protégé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Merci, monsieur le député, d'appeler l'attention sur ce point très important. Il y a 500 000 personnes en situation de handicap inscrites à Pôle emploi : toutes, elles veulent travailler, elles peuvent apporter des choses aux entreprises, et elles veulent pouvoir le prouver. Cette population connaît un taux de chômage supérieur à 18 %, c'est-à-dire un taux deux fois plus élevé que la moyenne.
Avec Sophie Cluzel, nous avons, dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, prévu une transformation de la politique d'emploi des travailleurs handicapés qui va bien au-delà de la dimension budgétaire. L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés en est un élément essentiel ; notre logique est d'aller vers l'entreprise inclusive. Nous voulons notamment agrandir le périmètre des postes ouverts aux personnes en situation de handicap en révisant des listes qui remontent à 1987, qui ont aujourd'hui pour effet d'exclure des personnes de nombreux postes. Enfin, la comptabilisation par entreprise et non par établissement permettra d'ouvrir plus de 100 000 postes à des personnes en situation de handicap.
La transformation du système de calcul en cas de sous-traitance permet une grande simplification, qui était attendue du secteur, mais aussi de toutes les entreprises – que l'ancienne complexité finissait par décourager. Désormais, le décret prévoira qu'il est tenu compte pour le calcul de la déduction de tous les salaires des personnes employées par des structures de type ESAT ou entreprise adaptée. Ce sera plus simple et tout aussi efficace.
Sur le plan budgétaire, nous accompagnons cette évolution, notamment en soutenant les entreprises adaptées, qui sont un vrai tremplin vers l'emploi ordinaire. L'accord que j'ai signé le 12 juillet avec l'Union nationale des entreprises adaptées permettra, grâce aux augmentations budgétaires, de disposer plus de 5 000 ETP supplémentaires, soit 10 000 personnes de plus, dès 2019. Cette mesure est très attendue par le secteur. Ensemble, nous pouvons faire progresser l'entreprise inclusive.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Saïd Ahamada, pour le groupe La République en marche.
Je voudrais évoquer les emplois francs, une mesure promise par le Président de la République durant sa campagne, puis rendue applicable par Mme la ministre – ce dont je la remercie.
Les emplois francs, je le rappelle, sont expérimentés depuis avril 2018. Ils concernent 194 quartiers prioritaires de la politique de la ville répartis sur sept territoires. Les critères permettant d'en bénéficier sont assez simples : résider dans un QPV et être inscrit à Pôle emploi. Sous réserve de répondre à ces critères, on peut être recruté par toutes les entreprises de France. La signature d'un CDI conduit au versement d'une prime de 5 000 euros par an, et celle d'un CDD d'au moins six mois, d'une prime de 1 500 euros par an. Ces conditions sont particulièrement intéressantes pour les entreprises, que j'encourage à recourir à ce dispositif, si elles le peuvent.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre dans ma circonscription, les emplois francs ne sont pas des contrats aidés. Dès lors que les personnes concernées satisfont aux conditions requises, aucun label, aucune autorisation des services de l'État n'est nécessaire pour que l'aide soit accordée aux entreprises.
Il s'agit donc d'un formidable outil même si – je le précise en réponse à des remarques qui m'ont été faites – les emplois francs ne résoudront pas le chômage dans les quartiers prioritaires de la ville. L'intérêt de cette mesure est de lutter contre une seule discrimination, celle liée à l'adresse. Elle n'a pas pour objectif de mieux former ceux qui habitent ces territoires – c'est le rôle du PIC – ni de corriger les effets d'autres types de discriminations.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quels sont les premiers résultats de ce dispositif ? Envisagez-vous de communiquer auprès des entreprises qui, aujourd'hui, malheureusement, ne connaissent pas suffisamment son existence ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Avec les emplois francs, nous avons lancé un véritable plan de lutte contre les discriminations territoriales à l'embauche. En effet, à niveau d'expérience ou de diplôme égal, les habitants des quartiers prioritaires de politique de la ville ont deux à trois fois moins de chances que les autres d'être embauchés. C'est insupportable dans une République qui doit donner à tous les mêmes droits.
L'enjeu est d'aider ces personnes sans les assigner à résidence. Le dispositif est appliqué de façon expérimentale depuis le 1er avril dans près de 200 quartiers. D'ici à un an, nous en évaluerons les résultats pour décider de son éventuelle généralisation.
Je vous informe que 2 300 contrats ont d'ores et déjà été signés, une très forte accélération ayant été observée depuis quelques semaines. Du point de vue qualitatif, il est intéressant de noter que 80 % d'entre eux sont des CDI, dont un tiers bénéficient à des demandeurs d'emploi résidant en Seine-Saint-Denis et rejoignant une entreprise située hors du département. Par ailleurs, 33 % des bénéficiaires ont un niveau de qualification égal ou inférieur au certificat d'aptitude professionnelle. Cela étant, vous l'avez dit, monsieur le député, les emplois francs ne peuvent être le seul instrument contre les discriminations.
Maintenant que l'envol du dispositif se confirme, je suis confiante – dans un premier temps, les agences de Pôle emploi, y compris celles situées en dehors des QPV, avaient du mal à le promouvoir. Cette étape a été franchie : tout un réseau s'est développé, qui transmet l'information aux entreprises.
En parallèle, j'ai nommé Patrick Toulmet délégué interministériel au développement de l'apprentissage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C'est en effet une autre discrimination que subissent les habitants des QPV : ils ont moins accès à l'apprentissage.
Enfin, le plan d'investissement dans les compétences accorde une place très importante aux QPV. Parmi les premiers dossiers labellisés « 100 % inclusion », plus de la moitié concernent d'ailleurs ces quartiers.
Nous allons continuer dans cette voie. Un seul instrument ne permettra pas de réussir, mais en actionnant tous les leviers, nous pouvons progresser significativement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente.
J'appelle les crédits de la mission « Travail et emploi », inscrits à l'état B.
Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 1595 .
Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences budgétaires de la modification, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de l'exonération des cotisations patronales dont bénéficient les entreprises et les associations qui emploient des aides à domicile auprès de particuliers fragiles.
Le texte initial prévoyait une exonération totale de cotisations, y compris celles d'assurance chômage et de retraite complémentaire, pour les rémunérations jusqu'à 1,1 SMIC. L'exonération était ensuite dégressive jusqu'à 1,6 SMIC. Un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale a étendu le bénéfice de l'exonération totale aux rémunérations jusqu'à 1,2 SMIC. Ce nouveau barème représente un effort supplémentaire de 65 millions d'euros en faveur du secteur de l'aide à domicile auprès des publics fragiles. Il convient donc d'inscrire ces crédits supplémentaires dans le PLF.
L'amendement n'a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j'émets un avis favorable.
L'amendement no 1595 est adopté.
Le groupe Socialistes et apparentés a dénoncé avec force la brutalité de la baisse drastique du nombre de contrats aidés l'année dernière, baisse qui se poursuit cette année avec des conséquences dramatiques dans nos territoires, notamment dans les secteurs du sport, de l'animation et de la culture.
Le nouveau contrat que vous avez créé et dont vous assurez le service après-vente – le contrat unique d'insertion « parcours emploi compétences » – est un échec. En mai dernier, à peine 20 % avaient été signés et par la suite, la moitié ont été prescrits. Vous semblez prendre acte de cet échec puisque là où vous vous engagiez à créer 200 000 PEC en 2019, vous vous résignez finalement à n'en proposer que 100 000.
Les auditions du rapporteur ont permis de mettre en lumière les trois raisons de cet échec – je les ai déjà mentionnées. La première est l'obligation de formation non financée ; la deuxième, l'insuffisance du taux de prise en charge par l'État ; la troisième, d'ordre psychologique, tient à ce que les employeurs ont été douchés par vos décisions.
Le groupe Socialistes et apparentés propose, conformément aux engagements que vous aviez pris l'an dernier, la création de 100 000 contrats aidés supplémentaires en 2019, pour lesquels la prise en charge par l'État serait portée à 70 % du SMIC.
Pour ce faire, l'amendement prévoit d'abonder à hauteur de 582,45 millions d'euros en autorisations d'engagement et 242,3 millions d'euros en crédits de paiement l'action no02 du programme 102 – et compte tenu de l'article 40 de la Constitution, en réduisant d'autant les crédits d'un autre programme de la mission.
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l'amendement no 1427 rectifié .
Année après année, le Gouvernement réduit la voilure en matière de contrats aidés. Dans le PLF pour 2019, 100 000 parcours emploi compétences sont programmés, soit une baisse de 41 % par rapport à 2018. Pour justifier une telle diminution, le Gouvernement fait valoir que tous les crédits n'ont pas été consommés en 2018. Cet argument n'est pas convaincant : il dissimule très mal la volonté de diminuer drastiquement le volume de contrats aidés. La sous-consommation, à supposer qu'elle soit réelle, tient à la fongibilité des moyens désormais offerte aux préfets de région – ceux-ci ont choisi de consommer les crédits pour des contrats au titre de l'IAE plutôt que des contrats aidés.
Ensuite, le taux de prise en charge par l'État a baissé tandis que les exigences imposées aux employeurs ont été accrues. L'employeur est ainsi soumis à une obligation de moyens renforcée qui concerne notamment l'accompagnement du salarié qui cherche à s'insérer durablement. Cela ne va pas sans poser de difficultés.
Cet amendement a donc pour objet de corriger ces défauts afin de rendre le dispositif plus efficient.
La semaine dernière, les chiffres du chômage sont tombés : près de 22 000 demandeurs d'emploi supplémentaires toutes catégories confondues et 16 000 demandeurs d'emploi supplémentaires en contrat précaire sur le trimestre ; 3 100 entrées en formation de moins en 2018 par rapport à 2017.
Sur le front de l'emploi, les chiffres montrent que vous avez baissé la garde. En diminuant drastiquement et par idéologie le nombre de contrats aidés…
… vous avez fragilisé des secteurs entiers, notamment le monde associatif. Douze mille cinq cents employeurs associatifs ont disparu et 2 % des clubs sportifs vont mettre la clé sous la porte en 2018. Le gel des contrats aidés représente un manque à gagner de 1,3 milliard d'euros pour les associations. Dans les EHPAD, les contrats aidés étaient financés à 80 ou 90 % par l'État tandis que les nouveaux contrats PEC ne le sont plus qu'à 40 % ; les établissements doivent donc trouver des ressources internes pour les financer. Dans les centres sociaux, ce sont 313 activités au bénéfice de la petite enfance qui ont été déstabilisées et 344 activités en faveur de la jeunesse qui se sont arrêtées. La liste est longue et dans nos circonscriptions, pas un jour ne passe sans que des personnes ne viennent nous rapporter les effets terribles de vos décisions.
Vous me répondrez que vous avez supprimé des contrats qui ne fonctionnaient pas au profit d'un contrat d'un nouveau genre, le PEC, dont j'ai déjà souligné le faible succès qu'il connaît aujourd'hui.
Afin que le Gouvernement tienne les engagements pris l'année dernière par Mme la ministre, le groupe Socialistes et apparentés propose la création de 100 000 contrats aidés supplémentaires. Et nous surmontons comme nous pouvons les obligations créées par l'article 40 !
Cet amendement vise à créer 100 000 contrats aidés supplémentaires en 2019 pour un coût de 190 millions d'euros.
La première année d'exercice des responsabilités, on peut considérer qu'une décision aussi brutale et éloignée de la réalité des territoires, notamment des quartiers populaires dont je suis l'un des élus, est une erreur. Mais, la deuxième année, lorsqu'on persiste et qu'on reste sourd aux conséquences dramatiques, tant pour les associations que pour les bénéficiaires, de la suppression des contrats aidés, ce n'est plus une erreur, c'est une faute.
Avec cet amendement, nous vous invitons à ne pas commettre cette faute, à corriger votre erreur de l'an passé et à avoir plus de considération pour les contrats aidés qui constituaient une première marche vers l'emploi pour ceux qui en étaient éloignés. Pour avoir présidé un organisme HLM dans un quartier populaire de Seine-Saint-Denis, je peux vous assurer que les contrats aidés ont permis à de très nombreuses personnes de retrouver le chemin de la dignité, de l'emploi et de la formation. Je tiens à votre disposition de multiples exemples de personnes qui s'en sont sorties grâce à ces contrats.
Ne jetez pas l'opprobre sur ce dispositif. Revenez sur l'erreur que vous avez faite et ne commettez pas la faute de la répéter cette année.
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport au précédent qui avait la double ambition de relever le volume d'emplois aidés et de rehausser le taux de prise en charge par l'État afin d'inciter les employeurs à recourir à cet outil d'insertion.
Il prévoit de porter à 169 500 le nombre de PEC, soit le même volume qu'en 2018, sans relever le taux de prise en charge si le Gouvernement maintenait sa décision de ne pas aider davantage les employeurs.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 1481 .
Le PLF pour 2019 prévoit le financement de 100 000 nouvelles entrées en contrat aidé PEC contre 200 000 dans la loi de finances pour 2018.
Compte tenu du transfert de 30 500 PEC dans le programme 230 « Vie de l'élève » de la mission « Enseignement scolaire », sous la responsabilité du ministère de l'éducation nationale, la baisse du nombre de contrats s'établit en réalité à 69 500. Celle-ci semble justifiée au regard de la consommation observée en 2018. Toutefois, lors des derniers mois, le nombre d'entrées était d'environ 9 500 par mois. Sur la base de ces chiffres, pour une année, leur nombre atteindrait donc 114 000, soit légèrement au-dessus des 100 000 prévues.
L'amendement vise donc à ajuster le nombre d'emplois financés à la consommation constatée sur les huit derniers mois de l'année 2018, le faible nombre de PEC au cours des premiers mois s'expliquant par le caractère nouveau du dispositif. L'amendement augmente ainsi les crédits afin de pouvoir financer 114 000 embauches au lieu des 100 000 prévues.
Monsieur Vallaud, vous évoquez des auditions du rapporteur qui auraient mis en lumière les trois raisons de ce que vous qualifiez d'échec. Permettez-moi de vous dire que dans les auditions que j'ai menées, je n'ai pas entendu le même son de cloche, mais je comprends aisément que vous préfériez voir le verre à moitié vide plutôt qu'à moitié plein.
Nous assumons la politique de recentrage des contrats aidés vers le secteur non marchand qui s'inscrit dans le prolongement des orientations définies en 2018. Vous ne pouvez pas nier que les contrats aidés ont été une aubaine pour certains employeurs et qu'ils se sont au fil du temps éloignés de leur cible initiale, à savoir les chômeurs de longue durée. Je vous cite l'exemple du maire d'une commune de ma circonscription. À l'annonce de la réduction du nombre de contrats aidés, il m'a confié qu'à lui tout seul, il employait dix contrats aidés qu'il renouvelait en changeant à chaque fois de titulaire ; il m'a avoué qu'il avait profité de cette aubaine – on ne peut pas lui en vouloir d'avoir utilisé un outil qui était mis à sa disposition.
Sachez qu'aujourd'hui, ce maire a embauché dix personnes car la commune en avait largement les moyens. Finalement, il est très fier d'avoir créé dix emplois pérennes supplémentaires dans sa commune.
Le PLF pour 2019 prévoit le financement de 100 000 contrats PEC, pour un montant de 389 millions d'euros. D'ores et déjà, on constate un recentrage de ces contrats au profit des personnes sans qualification, des travailleurs handicapés et des personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Si le démarrage est lent, c'est précisément parce que ces nouveaux contrats demandent un changement d'approche, un accompagnement plus exigeant. Dans les PEC, la personne est replacée au centre du dispositif, ce qui n'était plus le cas dans les contrats aidés.
Je suis consciente, comme tous mes collègues de la majorité, des difficultés temporaires que la diminution du nombre de contrats aidés peut soulever pour certains secteurs d'activité, en particulier dans le secteur associatif ou dans ceux de la petite enfance et du sport.
Mais, monsieur Vallaud, si vous avez, comme moi, fait votre travail d'élu de terrain, je suis sûre que vous êtes intervenu auprès du préfet et de la DIRECCTE afin d'obtenir le renouvellement de contrats aidés pour certaines associations en attendant le 1er janvier 2019. À partir de cette date, les associations bénéficieront de l'allégement des cotisations patronales, consécutif à la transformation du CICE, ce qui représentera des moyens supplémentaires à hauteur de 1,4 milliard d'euros. Cela mérité d'être souligné. Si vous diffusez cette mesure dans votre territoire auprès des associations, comme je l'ai fait, vous verrez qu'elle est très bien accueillie. Plutôt que des contrats aidés, les associations pourront enfin embaucher en contrat à durée indéterminée.
Je prends le temps de développer un argumentaire qui vaudra pour toute cette série d'amendements. Je ne reprendrai plus la parole.
Monsieur Peu, si le chemin de la dignité passe pour vous par le contrat aidé, nous n'avons pas du tout la même définition de ce qu'est la dignité.
Monsieur Viry, je me permets de vous rappeler que votre candidat à l'élection présidentielle, M. Fillon, voulait purement et simplement supprimer tous les emplois aidés. Et vous, vous les défendez aujourd'hui. Je ne comprends pas bien.
Parmi les amendements soumis à une discussion commune, le seul qui a été examiné par la commission a été rejeté. Sur tous les autres, à titre personnel, j'émets un avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur Cherpion a utilisé le terme d'insincérité. Je rappelle – la mémoire, c'est important – que le gouvernement précédent avait programmé une baisse très importante du volume de contrats aidés mais que, dans les faits, il en a consommé un très grand nombre. Pourquoi nous sommes-nous retrouvés dans cette situation assez brutale – je le reconnais – pour les associations l'année dernière ? Sous l'effet conjugué d'une sous-programmation et d'une sur-consommation, ce qui nous a d'ailleurs obligés à ajouter 40 000 contrats aidés en catastrophe l'été dernier.
Quant à ceux, sur d'autres bancs, qui s'inquiètent aujourd'hui alors qu'ils proposaient lors de la campagne présidentielle la suppression pure et simple des contrats aidés, je leur dis qu'il faut avoir un peu de mémoire.
Sur le fond, nous avons voulu transformer les emplois aidés en PEC afin que ces contrats soient entièrement et uniquement au service des demandeurs d'emplois les plus éloignés de la qualification.
Cela fait vingt ou trente ans, en France, que nous savons que ce qui marche, ce qui est efficace, ce qui aide les gens à retrouver la dignité et le chemin vers l'emploi, c'est le triptyque situation de travail, formation et accompagnement. C'est ce que nous voulons faire avec les parcours emploi compétences.
Nous avons effectivement constaté une différence : nous avions programmé 200 000 parcours emploi compétences dans le budget pour 2018, mais la demande n'a été que de 100 000 – 130 000 auxquels il convient de retrancher les 30 000 contrats pour les auxiliaires de vie scolaire.
C'est pourquoi nous prévoyons d'en financer 100 000 dans le budget pour l'année prochaine : c'est ce que les collectivités et les associations sont capables d'absorber en menant un travail qualitatif véritablement au service du chômeur.
Cette politique a de premiers résultats : en 2018, l'acquisition de nouvelles compétences a augmenté de 9 % et le nombre de formations qualifiantes de 6 %. En outre, il y a un recentrage vers les publics plus vulnérables : parmi les contrats aidés, on trouvait parfois des diplômés à bac+4 ; en l'espèce, 42 % des bénéficiaires sont des demandeurs d'emploi de longue durée, 21 % sont titulaires du RSA et 13 % résident dans un quartier prioritaire de la politique de la ville.
Nous allons poursuivre ce travail qualitatif, qui sera complété, en matière de formation, par le plan d'investissement compétences.
Je rappelle aussi, c'est très important, que nous privilégions la montée en puissance des structures d'insertion par l'activité économique, notamment des entreprises adaptées, car ce mode d'insertion a des effets plus positifs sur l'emploi, au profit des mêmes publics.
Enfin, comme l'a rappelé la rapporteure spéciale, les associations bénéficieront de 1,4 milliard d'euros à partir du 1er janvier prochain, ce qui leur permettra d'embaucher de façon plus durable. Toutes ne l'ont pas encore intégré dans leur programmation.
Voilà ce qui est nécessaire pour aider les personnes en difficulté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Notre groupe soutient ces amendements.
Le taux de chômage est une statistique qui monte et qui descend. Hélas, lorsque le chômage se réduit, il ne diminue pas dans les quartiers en difficulté. Les chiffres nous l'ont démontré : lorsque la croissance revient, elle ne joue que dans les quartiers les plus aisés, dans les métropoles et les grandes villes ; malheureusement, les territoires ruraux et périurbains et les quartiers prioritaires de la politique de la ville n'en bénéficient pas. Dès lors, la fameuse fracture sociale, dont nous parlons depuis des années, s'accroît.
J'appelle votre attention, madame la ministre, sur le risque d'explosion de ces quartiers. Les emplois aidés ne sont pas la panacée, et un certain nombre de villes ont sûrement profité d'un effet d'aubaine, mais c'est un amortisseur des difficultés sociales des quartiers. Pensez au nombre d'associations qui ont employé des jeunes en difficulté dans ces quartiers, ce qui a parfois évité une explosion sociale. Aujourd'hui, nous sommes au bord de l'explosion sociale. C'est pourquoi je soutiens ces amendements.
Je précise que je donne la parole à un orateur par groupe.
La parole est à M. Boris Vallaud.
Vous avez évoqué un recentrage sur les publics prioritaires, en particulier les chômeurs de longue durée. Or combien y a-t-il de personnes au chômage depuis plus d'un an ? Deux millions et demi. Et vous nous parlez de 100 000 parcours emploi compétences ! Avez-vous le sentiment de remplir votre mission ?
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avez-vous vu ce qui se passe dans le secteur sportif ? Un nombre considérable de clubs sportifs vont disparaître en 2020. Et vous leur demandez de la compréhension et des applaudissements ?
Le problème, c'est la dualité : pour créer 1 % d'emplois supplémentaires, il suffit d'une croissance de 1 % dans certains territoires, mais il faut une croissance de 3 % dans d'autres. Comme cela a été dit, les territoires ne sont pas égaux face à la reprise. Et les publics, eux non plus, ne sont pas égaux face à la reprise : les premiers touchés par la crise sont les derniers concernés par la reprise. Telle est la réalité.
Nous vous demandons simplement d'adapter le nombre de parcours emploi compétences. Nous aussi, nous pensons que la formation est absolument nécessaire dans l'emploi, a fortiori dans l'emploi aidé. Nos propositions ne sont pas délirantes : 100 000 parcours emploi compétences supplémentaires. Cela correspond à l'objectif que vous vous étiez fixé à vous-mêmes l'année dernière. Pourquoi renoncez-vous à le satisfaire ? Vous considériez alors que c'était nécessaire. Voilà ce que nous voulions dire.
Si moins de contrats aidés sont signés, c'est que les collectivités et les services de l'État, notamment ceux de l'éducation nationale, ont transformé, vous le savez toutes et tous, des contrats aidés en contrats plus pérennes, notamment en contrats de droit public.
J'en viens au principe même du contrat aidé, qui devrait d'ailleurs plutôt être dénommé « contrat subventionné » si nous voulions nous conformer à la réalité. Qui s'agissait-il d'aider à l'origine ? Uniquement les personnes en situation de précarité, pour les ramener vers l'emploi. J'entends beaucoup dire que les associations sont en difficulté, mais, à aucun moment, les contrats aidés n'ont été destinés à les aider.
Au fil du temps, il y a eu une subversion du dispositif. Certes, les associations se retrouvent dans la difficulté, mais c'est parce que les contrats aidés sont devenus des subventions déguisées.
Soit ces associations remplissent une mission de service public et aident la population, auquel cas les collectivités et les services de l'État doivent les subventionner pour cela. Soit ce n'est pas le cas, et ils doivent cesser de le faire.
En ce qui concerne la dignité des personnes, excusez-moi de le dire, mais enchaîner des contrats aidés n'a jamais permis de sortir de la précarité.
J'ai grandi dans les quartiers nord de Marseille, j'y ai travaillé et dirigé des structures associatives. Or je recevais des appels du préfet, qui me demandait, par exemple, de trouver dix personnes parce qu'il avait dix contrats à pourvoir. Et c'était la même chose pour la plupart des associations. Donc, ne me dites pas que l'objectif était d'aider les personnes ! Cela n'a jamais été le cas !
Je ne dis pas que le dispositif n'a servi à rien, mais qu'il a été dévoyé, et c'est contre cela que nous voulons lutter. Nous le concentrons sur le secteur non marchand, car c'est celui qui permet, cela a été prouvé, de mieux insérer les personnes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Pour ma part, monsieur Ahamada, je n'ai pas vécu dans des quartiers populaires : j'y vis, dans ceux de Saint-Denis. J'y ai élevé mes enfants, j'y travaille, je fais partie d'associations et je peux vous donner des exemples totalement inverses à ceux que la rapporteure spéciale et vous-même venez de citer. Nous pouvons nous envoyer, les uns aux autres, des exemples à la figure, mais cela ne fera guère progresser le débat.
Dans le cas du maire évoqué par Mme la rapporteure spéciale, il y a, je suis désolé de le dire, un préfet fautif : comment un préfet a-t-il pu laisser un maire agir de la sorte, alors que cela n'était pas du tout permis par le cadre des contrats aidés ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, UDI-Agir et LR.
Chez moi, en Seine-Saint-Denis, il n'aurait jamais été possible de faire cela, car jamais le préfet qui était chargé de suivre les contrats aidés n'aurait autorisé un tel détournement de leur esprit. Il ne faut pas dire trop de bêtises.
Exclamations sur les bancs de la commission et sur quelques bancs du groupe LaREM.
S'il y a des erreurs et des abus, ce qui est sans doute réel, il faut créer le cadre pour les corriger.
Et comment pouvez-vous dire qu'il s'agit d'emplois subventionnés ? Dans le budget de cette année, c'est fromage et dessert : il y a le CICE et l'exonération des cotisations sociales pour 20 milliards d'euros ! Or il n'y a aucun emploi à la clé. Ce sont des cadeaux faits aux entreprises sans condition de création d'emploi, d'embauche ou de formation. C'est un chèque en blanc d'une somme considérable versé aux entreprises.
Ce sont des subventions qui se traduisent par zéro création d'emploi, alors que les contrats aidés permettaient, dans un certain nombre de cas, de ramener vers l'emploi et vers la dignité des personnes qui en étaient éloignées. Or vous les sacrifiez, de même que vous sacrifiez beaucoup de choses dans les quartiers populaires. Attention au retour de bâton ! Nous vous aurons prévenus.
Vous l'avez dit vous-même, madame la rapporteure spéciale : le dispositif des parcours emploi compétences a démarré lentement. Il y a eu une période d'adaptation aux nouvelles règles, à la nécessité de monter en qualité pour la formation proposée.
Notre groupe a salué les nouvelles orientations du Gouvernement, à savoir la baisse du nombre de contrats aidés et le recentrage sur d'autres dispositifs. Néanmoins, la sous-consommation des parcours emploi compétences ne concerne pas tout le territoire : dans les Yvelines, sur les 697 parcours emploi compétences dédiés à Pôle emploi, à Cap emploi et aux missions locales, 99,4 % ont été consommés.
Il faut prendre en considération la période d'adaptation qui a été nécessaire. Tel est le sens de mon amendement, qui est très raisonnable. Nous ne remettons pas en cause les nouvelles orientations, nous disons simplement : « Attention, le compte n'y est pas. » Il faudrait 14 000 parcours emploi compétences supplémentaires par rapport à la trajectoire actuelle. C'est donc un ajustement que nous demandons. Il me paraîtrait de bon sens de tenir compte des derniers chiffres en matière de consommation et d'adapter l'enveloppe en conséquence.
Je rejoins M. Peu en ce qui concerne les contrats aidés : on ne peut pas généraliser, madame la rapporteure spéciale. Il n'y a pas de dogme à ce sujet. Nous avons recueilli, les uns et les autres, des témoignages divers : parfois, le dispositif fonctionnait très bien ; parfois, la pratique relevait d'un effet d'aubaine ou d'une dérive.
Comme je l'ai constaté lors des nombreuses auditions que j'ai conduites, tant à Paris qu'en province, pour préparer mon avis budgétaire, tous les employeurs ayant recouru aux contrats aidés ont eu un double souci : d'une part, ils se sont inscrits, avec une profonde sincérité, dans une logique d'accompagnement et d'insertion de leurs salariés – ils n'ont pas mobilisé du personnel pour mobiliser du personnel – ; d'autre part, ils ont développé des services ou des prestations qu'ils n'auraient pas pu proposer autrement. Donc, les contrats aidés ont manifestement une valeur ajoutée dans notre société.
Madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, chers collègues de la majorité, je ressens encore une forme de défiance de votre part à l'égard de cet outil. Dans ces amendements, en tout cas dans le mien, on demande non pas davantage de parcours emploi compétences, mais le maintien du volume qui existait en 2018. Nous vous donnons acte que votre nouveau produit repose sur le triptyque de l'insertion par l'activité économique, qui fonctionne, nous le savons très bien. Ces amendements, notamment le mien, n'ont pas pour objet de nous emmener je ne sais où : ils vont dans votre direction. Vous avez reformaté les emplois aidés, et je vous en félicite, car vous avez probablement trouvé un format qui convient, mais poursuivez l'élan donné en 2018 en conservant le même volume de parcours emploi compétences.
Je relève une relative unanimité dans l'hémicycle sur la question des emplois aidés : les députés MODEM, UDI, LR, socialistes, communistes et France insoumise sont d'accord ; seul En marche reste en marge.
Le nombre d'emplois aidés est passé de 301 000 l'an dernier à 200 000 cette année, et vous en prévoyez 100 000 l'année prochaine.
Le système des emplois aidés a effectivement un aspect pervers, il ne faut pas le nier. J'ai rencontré, dans les cantines des collèges et des lycées, dans les blanchisseries des hôpitaux, dans les services de jardinage des communes, des gens qui ont enchaîné des contrats aidés pendant des décennies ; c'était devenu leur carrière. Un certain nombre d'institutions s'étaient effectivement mises à fonctionner avec ce système.
Toutefois, j'ai aussi en tête le visage et le prénom de plein de gens à qui ces contrats aidés ont servi de béquille.
Il y a des accidentés de la vie qui ont retrouvé, par ce biais, le chemin de l'emploi – certes, pas nécessairement de l'emploi normal – et de la socialisation. Ce n'est sûrement pas en supprimant ces béquilles que l'on arrange les choses ! Or c'est ce qui s'est passé, dans de nombreux cas. Je me suis bagarré avec le préfet à ce sujet.
Pour votre part, vous deviez trouver un moyen pour que « emploi aidé » ne soit pas synonyme de « précarité ». Or, en prétendant lutter contre la précarité, vous supprimez les emplois aidés. Il y a pourtant, dans notre pays, des gens qui ont besoin d'être aidés pour retrouver le chemin de l'emploi et de la socialisation.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Madame la ministre, même si vous mettez en doute ma sincérité, je voudrais dire très sincèrement, devant mes collègues socialistes qui, je le pense, ne me démentiront pas, que je n'ai pas vraiment été en son temps un soutien du gouvernement socialiste !
Le chômage de longue durée continue hélas d'augmenter, en particulier chez les seniors. Ce qui nous est proposé ici, c'est un premier pas pour aider les personnes concernées à retourner vers l'emploi et, ainsi, à retrouver une dignité. C'est pourquoi je pense que nous devons soutenir ces amendements et que le groupe Les Républicains les votera.
Je reviens, madame la ministre, sur le taux de prise en charge par l'État des PEC qui varie entre 30 et 60 % selon les régions et les profils des bénéficiaires. En tout état de cause, ces taux sont très inférieurs aux taux de prise en charge qui prévalaient antérieurement – 72,5 % en 2017 et près de 76 % en 2016. Ce très faible taux de prise en charge constitue à mon sens le principal frein au recours à ce dispositif d'insertion. Il y a manifestement une inquiétude de tous les employeurs potentiels qui, à mes yeux, explique ce moindre recours, ce qui m'a d'ailleurs été très largement confirmé lors de mes auditions.
Je l'ai dit, prendre en charge une personne qui a été durablement éloignée de l'emploi exige du temps, de l'investissement de la part de l'employeur et souvent une incitation financière est nécessaire en contrepartie. Ce taux de participation n'est pas une faveur consentie à l'employeur, c'est simplement la juste reconnaissance de ce qu'il apporte à la nation en s'occupant d'hommes et de femmes ayant été longtemps éloignés de l'emploi.
C'est la raison pour laquelle je vous propose, par cet amendement, de réévaluer l'hypothèse de taux de prise en charge des PEC à 72 % au lieu de 50 %.
Je ne reviendrai pas sur le débat à propos des PEC et des contrats aidés. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j'y donne un avis défavorable.
Je me réjouis que M. Cherpion et M. Viry qui, pendant la dernière campagne présidentielle, proposaient de les supprimer, soient désormais comme moi convaincus de la nécessité de contrats aidés et de parcours emploi compétences. Beaucoup sur ces bancs ont dit l'année dernière qu'on les supprimait, ce qui a suscité une véritable angoisse alors qu'il n'a jamais – je dis bien jamais – été question de les supprimer, seulement de les calibrer, de façon qu'ils soient bien au service des demandeurs d'emploi, et non des employeurs. Ces contrats visent à accompagner les demandeurs d'emploi ; leur objectif ne peut être d'aider les collectivités locales, les associations ou les structures privées – c'est d'ailleurs pourquoi nous les avons totalement supprimés dans le secteur marchand.
Aujourd'hui, notre priorité est l'accès qualitatif, la formation, l'accompagnement social et c'est bien parti en ce sens. On a prévu un rythme de croisière qui correspond à la réalité. Si la réalité avait été différente, si des employeurs nous avaient dit qu'ils étaient capables en qualité d'en accompagner davantage, je vous en aurais proposé davantage dans le budget. Je ne veux pas aujourd'hui pousser à nouveau la machine pour refaire du chiffre, comme à une époque on a poussé les associations, les collectivités, les préfets à faire du chiffre, eux-mêmes le reconnaissent. Je peux vous dire qu'à cette époque on ne se souciait guère du résultat pour les demandeurs d'emploi.
Aujourd'hui je refuse de pousser les feux. Je préfère privilégier l'aspect qualitatif. Évidemment si, en plus de tout ce qui est fait dans les quartiers prioritaires de la ville, on savait faire tout en ne perdant pas de vue cette préoccupation qualitative, on regarderait s'il existe des marges en gestion, mais je ne prendrai pas le risque d'augmenter un chiffre qui redonnerait le signal que tout est ouvert sans accompagnement qualitatif. C'est notre responsabilité collective de faire de ce dispositif qu'il marche et qu'il aide à retrouver durablement un emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Dans un monde idéal, madame la ministre, il n'y aurait pas de contrats aidés, nous sommes à peu près tous d'accord sur ce point même si nos avis divergent sur l'utilité et la manière de faire.
Il est quand même compliqué de réduire drastiquement le nombre de ces contrats – lesquels, quel que soit le nom qui leur ait été donné, ont toujours comporté un objectif de formation, plus ou moins atteint selon les périodes – dans une France qui conserve un chômage de masse extrêmement important.
Je sais bien que certains préfets, comme probablement certains ministres, poussaient à recourir aux contrats aidés, qu'il y avait beaucoup de laxisme dans le recrutement et peu de sérieux dans les formations qui étaient proposées – quand elles l'étaient. Mais cette « politique du chiffre » était liée à une situation économique très différente.
La situation actuelle est bien meilleure même si le chômage reste extrêmement élevé. Que vous recentriez les contrats aidés sur un parcours vers l'emploi et l'acquisition de compétences, soit mais il faut quand même aider un certain nombre d'employeurs à recourir à ce type de contrats. L'intérêt de la personne employée est évidemment prioritaire mais il faut aussi aider les employeurs. Améliorer la prise en charge de cet emplois est à mon avis absolument nécessaire.
On pourrait discuter longtemps de l'objectif chiffré mais ce que critiquaient essentiellement Les Républicains, c'était la brutalité et la violence de la réduction du nombre de ces contrats aidés alors que le chômage ne baissait pas à la même vitesse.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 33
Nombre de suffrages exprimés 31
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 10
Contre 21
L'amendement no 1439 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous affichons la volonté d'aller encore plus loin, mais de façon raisonnée et rationnelle, en faveur de l'insertion par l'activité économique puisqu'il vise à augmenter de 20 % le nombre de postes ouverts en 2019.
Madame la ministre, vous ouvrez 76 000 ETP dans ce PLF pour le secteur de l'IAE. Ce sont en effet 5 000 postes supplémentaires, je vous en ai donné acte dans mon propos introductif. Je considère toutefois que cette augmentation est encore très insuffisante par rapport au potentiel du secteur de l'IAE, et surtout par rapport aux besoins. La fongibilité a effectivement profité à l'IAE au détriment du PEC mais cette fongibilité même prouve qu'il y a une aptitude à faire dans le secteur de l'IAE, ce qui traduit une sous-budgétisation par ailleurs.
Pour information, 28 000 PEC sont devenus fongibles en IAE, soit à peu près 3 600 ETP en termes d'IAE. Je vous demande simplement d'aller où M. Borello vous proposait d'aller dans la recommandation no 10 de son rapport : une augmentation de 20 % par an du nombre d'emplois aidés jusqu'à la fin du quinquennat. Tel est l'objet de cet amendement qui va un peu au-delà de ce que vous proposez, dans des proportions qui me paraissent compatibles avec les capacités de notre budget.
Les crédits de l'insertion par l'activité économique progressent de façon marquée dans le PLF pour 2019, avec près de 50 millions d'euros d'augmentation pour financer 5 000 aides au poste supplémentaires. L'enveloppe globale se montera ainsi à 889 millions d'euros pour 134 000 personnes aidées.
Je le dis et le redis : l'objectif fixé par le plan de lutte contre la pauvreté est de 230 000 personnes pour un total de 1,17 milliard d'euros. Nous pouvons tous nous féliciter de cet investissement inédit dans ce secteur au service des plus précaires. On peut certes toujours espérer aller plus vite et plus loin mais il faut aussi laisser le temps à la réforme de se déployer et sur un sujet aussi crucial que l'insertion par l'activité économique, l'essentiel est quand même bien d'arriver au but fixé avec des résultats réels.
Je vous rappelle aussi que les fonds destinés respectivement aux contrats aidés et à l'IAE sont désormais fusionnés au sein du fonds d'inclusion dans l'emploi, qui permet une fongibilité des crédits entre les deux dispositifs, de façon à mieux s'adapter aux spécificités territoriales.
Cet amendement n'ayant pas été examiné par la commission, c'est à titre personnel que j'y donne un avis défavorable.
Je pense que nous partageons la même conviction. Je crois beaucoup à l'insertion par l'économique ainsi qu'aux entreprises adaptées comme marchepied permettant de reprendre confiance en soi, d'être placé en situation de travail, d'acquérir une formation et de bénéficier d'un accompagnement vers l'emploi. Nous avons, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, annoncé très clairement que nous voulions passer de 134 000 à 230 000 bénéficiaires par an à l'horizon du quinquennat. Nous partageons donc le même objectif. La question est de savoir à quelle vitesse le dispositif peut évoluer.
Pour les entreprises adaptées, j'ai signé un accord en juillet dernier. Nous avons déjà discuté des moyens à la fois d'être plus productif, de flécher davantage vers l'emploi ordinaire et d'augmenter le nombre d'aides au poste. En ce qui concerne l'IAE, nous commençons cette discussion mais nous n'avons pas encore le plan d'action qui permettra d'atteindre les 230 000 bénéficiaires. Nous avons prévu 5 000 ETP de plus, ce qui signifie 10 000 bénéficiaires dès cette année. Les échanges que j'ai avec les représentants de ce secteur me conduisent à penser qu'il ne peut aller plus vite en conduisant en même temps la réforme visant à l'amplification du dispositif. Ce que nous recherchons, c'est un accord à long terme avec le secteur.
Je rappelle par ailleurs que la progression du nombre de bénéficiaires n'est pas directement corrélée au nombre d'aides au poste en raison des effets d'échelle.
C'est un plan sur quatre ans que je veux signer avec le secteur pour assurer ce développement. C'est un élément essentiel de notre lutte contre le chômage et pour l'accès des plus vulnérables à l'emploi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 34
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 13
Contre 21
L'amendement no 1441 n'est pas adopté.
Etant donné que je suis saisi sur un mode pavlovien d'une série de demandes de scrutin public, je vous engage toutes et tous à rester à votre place. On gagnera du temps.
Rappel au règlement
Monsieur le président, vous ne pouvez pas qualifier de pavlovien le choix de demander des scrutins publics. C'est un droit du parlementaire que de demander un scrutin public. On sait que les députés ne votent pas forcément de la même manière lorsqu'ils lèvent la main que lorsque, de manière anonyme, ils appuient sur un bouton.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Merci, monsieur Ruffin, pour le rappel au règlement mais on ne va pas ouvrir un débat sur ce thème.
Premièrement, je ne m'oppose évidemment pas au scrutin public mais j'ai le droit de le qualifier comme je l'entends : c'est aussi ma liberté de parole. Prenez-en note.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je trouve par ailleurs que vous faites preuve de bien peu d'estime à l'égard de nos collègues si vous pensez qu'ils changent d'avis selon le mode de scrutin.
Mission « Travail et emploi » (état B) (suite)
Cet amendement vise, dans le cadre d'un mode de financement expliqué dans l'exposé sommaire, à redonner des moyens à Pôle emploi et à remédier à la baisse de subvention pour missions de service public que l'État lui accorde.
En effet, nous considérons que la situation de l'emploi et du chômage dans notre pays ne nous autorise pas à baisser cette subvention, ce qui se traduira par la suppression de 800 postes. Le chômage, l'emploi n'évoluent pas dans un sens si positif qu'une telle saignée soit envisageable !
Il importe donc de rétablir Pôle emploi dans ses missions au moment où le chômage augmente et l'accès à l'emploi, malheureusement, devient de plus en plus difficile.
Cet amendement vise également à rétablir les crédits de Pôle emploi.
La possibilité d'une baisse concomitante des effectifs de Pôle emploi et du nombre de chômeurs avait été évoquée. Or, le chômage augmentant, on voit mal pourquoi les effectifs de Pôle emploi diminueraient.
C'est d'autant plus vrai qu'ils ont déjà diminué dans des proportions importantes l'année dernière puisque 600 postes ont été supprimés, à quoi s'ajoute la suppression de 1 350 contrats aidés. La charge par agent est aujourd'hui considérable et l'accompagnement ne peut pas se faire dans de bonnes conditions.
De surcroît, vous avez renforcé les moyens du contrôle à Pôle emploi. Quels sont donc ceux que vous consacrerez à l'accompagnement, dont vous dites régulièrement que c'est une priorité ?
Tel est le sens de notre amendement.
S'agissant des moyens financiers, je vous rappelle que les ressources de Pôle emploi sont constituées d'une subvention de l'État pour charges de service public et d'une contribution de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, l'UNEDIC.
Si l'on tient compte de ces paramètres, la hausse pour 2019 s'élève à 20 millions d'euros.
Pour ce qui est des effectifs, je me dois tout d'abord de rectifier vos chiffres. Ce sont 400 ETP qu'il est prévu de supprimer et non 800 comme l'indiquent vos amendements – ce qui n'est pas du tout pareil – et il convient en outre d'apprécier cette diminution par rapport à un effort de 297 ETP réalisé en 2018 et à un plafond total de 46 045 ETP.
Je vous rappelle que nous travaillons dans le cadre de l'effort budgétaire demandé aux opérateurs de l'État, dans un objectif de maîtrise des finances publiques.
De plus, en 2018 et 2019, de nouvelles ressources s'ajoutent à ce budget, notamment celles issues du plan d'investissement dans les compétences, ce qui représente 365 millions d'euros en deux ans. Ces crédits permettront de financer les OPCA – les organismes paritaires collecteurs agréés – , le plan d'amorçage pour la formation professionnelle ou, encore, le service « Valoriser son image pro » destiné à appréhender les différentes dimensions du savoir-être professionnel.
Pôle emploi, dont j'ai auditionné le directeur, Jean Bassères, n'est donc pas inquiet concernant l'évolution de sa dotation, d'autant plus qu'en 2017, sur les quatorze indicateurs de performance de la convention tripartite, tous les objectifs fixés ont été atteints...
… notamment le plus connu : le nombre de demandeurs d'emploi suivis par conseiller, dont la moyenne est aujourd'hui de 46 – certes, avec des disparités territoriales, mais c'est en dessous du volume maximal du portefeuille, qui s'établit à 70.
Je me suis rendue dans les agences Pôle emploi de ma circonscription, où j'ai rencontré l'ensemble des acteurs : tous sont conscients de la nécessaire modernisation de leur métier comme de la possibilité d'optimiser de leur portefeuille. Ils m'ont démontré qu'il était possible de demander aux chefs d'entreprise de leur faire confiance et d'embaucher des personnes sans curriculum vitae…
… fondé sur les compétences. C'est bien la preuve que nous assistons aujourd'hui à un recentrage sur ces activités et que la modernisation du métier que nous demandons à Pôle emploi est effective.
Pour toutes ces raisons, ces deux amendements ont été rejetés en commission. Avis défavorable.
En complément des éléments de réponse que j'ai déjà donnés à M. Corbière, j'ajoute qu'en dynamique, le la dotation de l'UNEDIC augmente de 100 millions d'euros l'année prochaine.
Par ailleurs, l'optimisation des plateformes de support et la digitalisation de l'accompagnement des demandeurs d'emploi permettent de repositionner plus de 3 000 agents pour l'accompagnement, ce qui représente un effort de 30 % supplémentaires.
Les 800 ETP en question doivent être mis en perspective avec les 56 000 autres – ils n'en représentent donc que 1,4 % – et leur perte sera plus que compensée : l'année prochaine, l'accompagnement des demandeurs d'emploi qui en ont le plus besoin sera renforcé.
Je note que la ministre confirme le chiffre de 800 ETP, que venait de démentir la rapporteure.
Le taux d'emploi public, en France, est de 126 pour 1 000 habitants, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni. Le mythe selon lequel les agents publics seraient trop nombreux me semble donc assez peu fondé. La bataille pour l'emploi ne devrait pas conduire à faire des économies sur le principal opérateur chargé d'accompagner ceux qui en cherchent un.
Le chômage continue en effet de progresser, les demandeurs d'emploi sont de plus en plus nombreux et on supprime 800 ETP ! À un moment donné, il faut mener une politique cohérente : vous demandez plus à Pôle emploi dans de très nombreux domaines, en particulier sur le plan administratif, et vous pensez que les agents pourront réaliser plus d'accompagnement ! Il faut ajouter que les conseillers devront traiter 70 dossiers liés au plan pauvreté. Ce n'est pas possible ! Nous voterons donc ces amendements de bon sens.
À nouveau, droite et gauche sont d'accord pour convenir qu'il y a un problème. Le chômage augmente, toutes catégories confondues, mais vous décidez de supprimer 800 postes à Pôle emploi ! Vous invoquez la digitalisation, les gains de productivité, mais quelle sera la conséquence de tout cela ? La déshumanisation.
J'ai reçu des agents de l'agence Pôle emploi de Berck. Ils m'ont expliqué qu'il y a deux ans, un allocataire attendait trente minutes pour que son dossier soit traité, puis cela a été une demi-journée, puis il a dû remplir une fiche contact transmise à des gens à un autre étage, puis cela n'a même plus été possible : il doit maintenant envoyer un courriel, qui de surcroît ne sera pas adressé à un spécialiste des allocations.
Je vous renvoie au film de Ken Loach, Moi, Daniel Blake, où ce n'est pas seulement la pauvreté qui est mise en évidence, mais un système inhumain : on cherche à rencontrer un être humain et que voit-on, des ordinateurs, des machines, des téléphones pour joindre une personne, puis une autre, on passe son temps à passer à être renvoyé d'un service à un autre dans des centres d'appel…
Le système tend à l'inhumanité et c'est pourquoi nous souhaitons, a minima, le maintien du même nombre d'agents à Pôle emploi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 37
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 10
Contre 23
L'amendement no 1355 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 9
Contre 23
L'amendement no 1388 n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1479 et 1440 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement no 1479 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement no 1440 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 1479 .
Les crédits prévus dans le PLF pour 2019 pour les nouvelles entrées en Parcours emploi compétences se fondent sur une hypothèse d'une durée moyenne des contrats de 10,2 mois. Or, les acteurs de terrain, que ce soient les employeurs ou les bénéficiaires, s'accordent sur le fait qu'une durée de douze mois est nécessaire et bien plus efficace pour la mise en place d'un accompagnement personnalisé de qualité. En commission, madame la ministre, vous avez également indiqué que cette durée vous semblait la plus appropriée.
Il semble donc nécessaire que les crédits soient suffisants pour pouvoir financer des parcours sur une période minimale de douze mois et éviter toute sous-budgétisation.
Le présent amendement vise donc à revoir les crédits de la sous-action « Insertion dans l'emploi au moyen des emplois aidés » du programme 102 afin de pouvoir financer les contrats sur une durée de douze mois.
Mon analyse et mon avis sont semblables et c'est pourquoi j'ai déposé cet amendement visant à relever l'hypothèse de durée moyenne des PEC à 10,9 mois.
Votre hypothèse de 10,2 mois, madame la ministre, soulève deux difficultés.
La première, c'est que l'expérience de 2018 montre que la durée moyenne ne s'établit pas à 10,2 mais à 10,9 mois. Je ne comprends pas donc pas une telle reculade, sauf à penser que l'on se dirige là encore vers une sous-budgétisation de l'enveloppe dédiée aux PEC.
La seconde, c'est que, je le répète, les PEC exigent du temps pour parvenir à une sortie durable du chômage. Plus le salarié est accompagné, plus il a de chances de s'insérer durablement dans le monde du travail.
C'est pourquoi cet amendement vise à rectifier votre position initiale.
Les PEC peuvent bénéficier à des personnes en difficulté d'insertion, pour une aide de douze mois au maximum. Vous l'avez dit, la durée des anciens contrats est de 10,9 mois mais depuis le début de l'année, l'hypothèse retenue est de 10,2 mois, ce qui est la durée moyenne constatée.
Ces amendements n'ont pas été examinés par la commission mais j'y suis, à titre personnel, défavorable.
Nous faisons tous le même constat : une durée de douze mois est la plus efficace pour nombre de demandeurs d'emploi – j'ai d'ailleurs adressé une circulaire en ce sens aux préfets. Néanmoins, il ne faut pas en faire quelque chose de rigide. Nous avons prévu une durée moyenne de 12 mois mais, très souvent, le premier contrat dure moins longtemps – d'où la moyenne à laquelle nous sommes aujourd'hui, qui est inférieure – mais celui-ci est en revanche souvent renouvelé – d'où une moyenne de neuf mois, dont nous voudrions qu'elle soit portée à l'avenir à 10,2 mois.
Dans la pratique, il n'y a aucune limitation à douze mois : il est possible d'aller jusqu'à vingt-quatre mois dans le cadre des renouvellements.
La moyenne dont nous discutons, de 9 ou 10,2 mois, n'exprime pas la durée effective pour la personne mais celle du contrat. Dans nombre de cas, les renouvellements feront que les douze mois seront dépassés. C'est pourquoi nous avons souhaité une certaine souplesse : pour certains, le contrat sera de neuf mois, pour d'autres, de vingt-quatre mois avec deux contrats successifs. C'est très bien ainsi car tous les demandeurs d'emploi n'ont pas les mêmes difficultés ni les mêmes besoins.
Vos amendements me semblent en quelque sorte superfétatoires et je ne suis pas favorable à leur adoption.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 14
Contre 22
L'amendement no 1479 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 33
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 12
Contre 21
L'amendement no 1440 n'est pas adopté.
En commission des affaires sociales, vous nous avez dit, madame la ministre, que vous étiez très sensible à toutes les expérimentations. Comme vous, et comme un certain nombre de mes collègues, je considère que l'innovation économique et sociale est l'une des clés pour gagner la bataille du chômage.
Cet amendement propose tout simplement une nouvelle expérimentation, qui doit permettre la création et le financement de structures d'insertion professionnelle des jeunes par l'activité sportive ou culturelle. L'idée est d'aller chercher les jeunes qui sont « hors radar », ceux qui ne sont pas pris en charge par les structures habituelles de l'emploi, comme la mission locale, qui est destinée aux jeunes.
Il me semble que la culture et le sport sont des outils qui doivent nous permettre de toucher et de mobiliser ces jeunes autour d'une passion. L'idée est de les emporter, de les embarquer dans un parcours individualisé qui va leur faire prendre conscience d'un certain nombre de choses, puis de les faire entrer dans un parcours individuel d'accès à l'emploi. Sur ce sujet, de nombreuses initiatives locales ont été lancées, un peu partout sur le territoire national, avec le soutien d'associations, de collectivités territoriales ou d'entreprises.
Cet amendement propose d'apporter le concours financier de l'État à toutes les initiatives locales qui existent déjà dans nos territoires, grâce à la création d'un fonds d'expérimentation. Il permettrait à des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans de s'engager dans une démarche sincère d'insertion professionnelle, pour une durée oscillant entre trois et douze mois. Ils y développeraient leurs compétences et leur savoir-être socio-professionnel.
Je considère qu'en ce domaine, nous n'avons pas tout essayé, et que toutes les initiatives locales doivent être encouragées et structurées. Je vous invite donc à voter cet amendement, pour que cette expérimentation soit lancée en France dès 2019.
Nous sommes évidemment tous sensibles à la réinsertion des jeunes en situation d'exclusion. On compte 1,3 million de jeunes sans emploi et sans diplôme et tous les dispositifs qui permettent de les ramener à l'emploi sont les bienvenus. Cela étant, il existe déjà plusieurs types de contrats, et notre but n'est pas d'en créer de nouveau. Ce que nous voulons, c'est accompagner les jeunes en utilisant tous les outils à notre disposition, quitte à les améliorer.
C'est pour cette raison que nous augmentons les crédits de la garantie jeunes, dont le taux de sortie est très positif. Le choix du Gouvernement et du Président de la République de conforter ce dispositif est tout à fait légitime. En matière d'accompagnement, les missions locales peuvent décider, en fonction du profil du candidat et des structures présentes sur place, comment l'orienter au mieux. Cela peut se faire à travers des associations sportives ou culturelles, mais il ne semble pas nécessaire d'individualiser une ligne budgétaire spécifique pour cela.
J'ai toutefois une information qui peut vous faire plaisir : le plan 100 % inclusion comprend un programme de formation de coachs d'insertion professionnelle par le sport, porté par le programme Fais-nous rêver. Ce programme, qui sera bientôt lancé, répond à votre préoccupation, puisque son objectif est de former à l'accompagnement vers l'emploi des coachs sportifs. Ils encadreront des jeunes issus des quartiers prioritaires des politiques de la ville éloignés de l'emploi. Il s'agira, pour les 3 000 bénéficiaires de ce programme, de tirer profit du sport pour développer des savoir-être professionnels, se préparer au monde de l'entreprise et se tourner vers l'emploi.
Cet amendement n'ayant pas été examiné par la commission des finances, je lui donnerai, à titre personnel, un avis défavorable.
Nous partageons votre point de vue, monsieur le rapporteur pour avis. Premièrement, il est vrai qu'on n'a jamais tout essayé, quand il s'agit d'aider les jeunes. Deuxièmement, le sport et la culture peuvent effectivement être des leviers très importants pour aller chercher les jeunes là où ils sont, plutôt que de leur demander de se présenter à des guichets qui leur sont dédiés.
Dans ce but, nous avons déjà lancé plusieurs expérimentations. D'abord, dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, 5 millions d'euros seront utilisés pour financer des formes innovantes d'insertion par l'activité économique. Par ailleurs, l'expérimentation Tapage, à destination des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans, est déjà lancée et nous allons l'amplifier.
Ensuite, dans le cadre de l'appel à projets « 100 % inclusion », nous avons explicitement mis l'accent sur le sport et la culture – vous aviez d'ailleurs été invité à venir voir les projets déposés, qui sont tout à fait intéressants. Comme l'a dit la rapporteure spéciale, l'un des six premiers projets retenus est soutenu par l'Agence pour l'éducation par le sport et rejoint exactement votre préoccupation.
Vous le voyez, nous avons déjà des outils à notre disposition, avec l'appel à projets « 100 % inclusion » du plan d'investissement dans les compétences et l'expérimentation de l'insertion par l'activité économique. Je vous invite donc à retirer votre amendement, dans la mesure où nous avons déjà un cadre et où nous sommes d'accord sur le projet.
Je le retire, compte tenu de ces explications, et parce que j'ai appris que l'Agence pour l'éducation par le sport avait été labellisée, ce qui est un premier galop d'essai. Mais je resterai très vigilant et je continuerai d'avoir l'oeil sur tout cela, madame la ministre.
L'amendement no 1426 est retiré.
Cet amendement de mon collègue Francis Vercamer vise à mobiliser les crédits nécessaires au lancement d'une seconde phase d'expérimentation territoriale ayant pour but de résorber le chômage de longue durée. Vous le savez, cette expérimentation instaurée sur dix territoires pour une durée de cinq ans a pour objet de favoriser l'embauche en CDI de personnes privées d'emploi depuis plus d'un an. Cette expérimentation, qui privilégie des créations d'emplois répondant à des besoins non satisfaits, montre des résultats particulièrement encourageants dans les territoires où elle est menée.
Alors que de nombreux territoires ont manifesté leur intérêt pour intégrer cette démarche, il y a lieu de confirmer l'engagement de l'État sur cette expérimentation, au-delà de la seule montée en charge de l'action actuellement menée dans les territoires sélectionnés en 2016. Mais, afin de garder au dispositif son caractère expérimental, l'ouverture de la démarche pourrait être circonscrite à de nouveaux territoires, où la situation significativement dégradée de l'emploi le justifie, par exemple les bassins d'emploi sinistrés, les territoires ruraux ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
C'est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, de mobiliser les crédits nécessaires pour amorcer le financement de cette nouvelle phase d'expérimentation, à hauteur de 20 millions d'euros.
Je ne reviens pas sur le dispositif, que vous avez bien décrit. Nous sommes tous sensibles à cette expérimentation, qui obtient effectivement des résultats. Nous avons auditionné Laurent Grandguillaume, qui est à l'origine de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur longue durée ». Nous avons apprécié son engouement pour ce dispositif et ses résultats concrets. Dans mon département, un conseil municipal a voté à l'unanimité le lancement de l'étude de ce projet sur sa commune et j'ai personnellement interpellé tous les présidents des communautés de communes sur l'opportunité de lancer cette expérimentation. Cela étant, les résultats de l'évaluation du comité scientifique, prévue par la loi portant expérimentation, doivent être consolidés à la fin de l'année 2019.
Il paraît donc opportun, avant d'étendre cette expérimentation, d'avoir un bilan complet des résultats obtenus depuis son lancement. Le rapport final devrait être remis en 2019 : si les résultats positifs sont confirmés, nous pourrons demander l'extension de l'expérimentation, au-delà des dix territoires aujourd'hui concernés. Je vous invite donc, pour l'heure, à retirer cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable, à titre personnel, puisque cet amendement n'a pas été examiné par la commission.
Nous partageons tous votre intérêt pour cette expérimentation et nous continuons d'accompagner sa montée en charge. En effet, sa réalisation représentait 650 ETP en 2018 et nous en avons prévu 1270 dans le budget pour 2019. Il y aura donc bien une montée en puissance en 2019, avec 4 millions d'euros supplémentaires. J'ai reçu de nouveau hier les initiateurs de cette action, que je suis allée voir sur le terrain. Ils m'ont demandé si nous pouvions avancer l'évaluation de quelques mois, pour que nous l'ayons à l'automne prochain, et non en fin d'année. Nous allons faire en sorte de disposer de ces travaux à temps pour éclairer l'examen du projet de loi de finances pour 2020. En tout cas, je vous confirme que le dispositif montera en puissance en 2019.
L'élargissement de cette expérimentation faisait partie du plan pauvreté : c'est donc que vous avez jugé ses résultats concluants. Si tel est le cas, pourquoi attendre autant pour étendre l'expérimentation ?
Pourriez-vous tout de même nous donner des éléments de calendrier, étant entendu que le plus tôt sera le mieux ? Pouvez-vous par ailleurs nous indiquer le nombre de territoires supplémentaires qui pourraient bénéficier de ce dispositif ?
L'amendement no 1407 n'est pas adopté.
Cet amendement, madame la ministre, vise à vous interpeller sur la situation de l'Agence pour la formation professionnelle des adultes – AFPA – et je sais bien la réponse que vous allez faire à la représentation nationale. Il nous paraît pour le moins coupable de prendre acte de ce plan de sauvegarde de l'emploi, qui est extrêmement important, puisque 1 541 postes en CDI, sur un effectif de 6 480 personnes, vont être supprimés, et 38 sites fermés sur 206.
Nous sommes inquiets du sort d'un certain nombre de salariés. Nous sommes également inquiets du retrait d'un opérateur historique et important de la formation professionnelle, au moment où vous faites de cette question l'une de vos priorités. Nous ne sommes d'ailleurs pas certains que l'initiative privée soit, à elle seule, capable de reprendre la main. Dans les territoires ruraux se posent des questions de mobilité et de proximité. On sait que le marché de la formation a évolué ces dernières années, mais nous savons aussi que l'État, en 2013, a consenti un effort financier important et nous aurions souhaité que le gouvernement actuel poursuive cet effort.
Cet amendement consiste donc à abonder le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », dans le but de soutenir les personnels qui seront vraisemblablement licenciés.
L'AFPA se trouve, depuis l'ouverture à la concurrence de son activité, dans une situation financière fortement dégradée, que les subventions financières ne peuvent résoudre. L'année dernière, à la même époque, la ministre du travail avait indiqué la nécessité d'un plan de transformation à même de garantir la pérennité de l'AFPA. Il n'est pas question de laisser mourir cette agence.
L'AFPA doit évoluer dans un nouvel environnement, et avec de nouveaux concurrents. C'est tout l'objet du plan de transformation qui est engagé. La procédure de réorganisation doit suivre son cours, dans le respect des modalités de consultation des instances représentatives du personnel. Cet amendement n'a pas été examiné en commission. À titre personnel, j'y suis défavorable.
Avis défavorable. Je dois dire, monsieur Vallaud, que je trouve vos propos un peu cyniques. Vous avez été aux responsabilités pendant cinq ans et vous avez laissé l'AFPA dégringoler année après année, sans agir structurellement. Entre 2012 et 2016, l'AFPA a connu 720 millions de pertes cumulées, qu'il a fallu éponger année après année, et on compte 70 millions de pertes cette année encore.
L'AFPA a proposé une réforme structurelle, que nous soutenons, car elle va permettre de donner un avenir à l'agence. Nous pensons en effet qu'il faut un service public de formation, recentré sur les missions d'intérêt général. Par exemple, dans le plan d'investissement dans les compétences, les « Prépa compétences » sont largement confiées à l'AFPA et, dans le cadre du programme Hope, la formation des réfugiés.
Cela étant, la décentralisation a également conduit à mettre l'AFPA en concurrence et il est vrai que dans certaines régions, le chiffre d'affaires des agences de l'AFPA a baissé d'une manière dramatique, ce qui a conduit à la fermeture de certains sites. Il existe même des endroits, aujourd'hui, où l'on compte plus de formateurs que de stagiaires, et d'autres où l'AFPA a été déréférencée, parce qu'elle n'a pas réussi à répondre aux appels d'offres des régions.
L'AFPA propose un plan qui permet de lui redonner un avenir stratégique. Ce plan prévoit certes 1 541 suppressions de postes, mais je rappelle qu'il y a 600 départs à la retraite, et aussi 600 créations de postes. Il y aura donc une forte reconversion interne. Notre rôle est d'accompagner cette transition, et c'est ce que l'État fera, dans le dialogue social et en assurant des conditions dignes aux salariés. Nous voulons donner un avenir à l'AFPA, pour l'intérêt du service public des formations. Pour ce faire, nous devons avoir le courage de faire ce qui va lui permettre de dessiner son avenir.
Madame la ministre, votre réponse est un peu facile. Vous savez ce qui a été fait au cours des dernières années, et depuis 2012, pour l'AFPA. À l'époque, c'est toute l'AFPA, avec ses plus de 6 000 salariés, qui était menacée. Vous n'avez pas répondu à ma question, qui portait sur la prise en charge des salariés qui seront licenciés.
L'amendement no 1379 n'est pas adopté.
Pour la première fois, le projet de loi de finances pour 2019 ne prévoit aucun crédit au titre du financement des maisons de l'emploi, ce qui acte le désengagement total de l'État qui ne souhaite plus soutenir cet outil au service des territoires et de l'emploi.
Certes, l'arrêt du financement des maisons de l'emploi par l'État a été amorcé il y a plusieurs années mais vous prenez votre décision sans avoir engagé de concertation approfondie avec les collectivités territoriales ni réfléchi à l'avenir des 114 maisons de l'emploi encore dénombrées au 1er janvier 2018. Ce couperet tombe sans que vous ayez mesuré l'utilité de certaines maisons de l'emploi. Or, l'année dernière, madame la ministre, si vous aviez évoqué l'hypothèse de mettre fin à ces crédits, vous aviez pris soin de préciser que cette décision n'interviendrait qu'après un audit qui aurait permis à l'État de savoir s'il était encore nécessaire qu'il investisse dans ces structures.
Les maisons de l'emploi jouent un rôle essentiel sur le terrain, en particulier pour la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences. En supprimant totalement les crédits, vous en condamnez un certain nombre, si ce n'est la plupart, à une disparition inéluctable à terme.
Certes, vous avez répondu en commission que les maisons de l'emploi pourraient trouver des financements auprès des collectivités territoriales, des fonds européens ou bien encore lancer des appels à projets. Nous savons toutefois que les maisons de l'emploi des territoires les plus favorisés trouveront des financements, contrairement à celles établies dans des bassins d'emploi plus en difficulté et qui pourraient être menacées à terme.
Le MODEM avait déposé l'an dernier un amendement visant à abonder de 1,5 million les crédits ouverts à hauteur de 10,5 millions d'euros. Le mien, dans le même esprit, tend à reconduire les crédits tels qu'ils avaient été votés en loi de finances initiale, majorés en 2018. Ces 12 millions d'euros ne représentent qu'une goutte d'eau au sein de la mission « Travail et emploi » mais ils seraient essentiels pour mobiliser et coordonner les compétences présentes sur le territoire, au service de la croissance économique et de l'emploi.
J'avais déposé, l'année dernière, avec M. Viry, un amendement pour attester du rôle essentiel des maisons de l'emploi qui travaillent au plus près du terrain, obtenant des résultats qu'aucune autre structure n'a jamais atteints.
Le plan pluriannuel d'investissement pour le développement des compétences est désormais lancé. Pas moins de 2 millions de jeunes et de chômeurs pourront ainsi être mieux formés et armés pour répondre aux nouvelles exigences du monde du travail et trouver ou retrouver un emploi.
C'est au plus près de ces personnes, des acteurs économiques, au contact de l'appareil de formation que l'essentiel de l'effort doit être consenti. Ce ne sont pas des crédits que nous proposons de conserver par rapport à l'année dernière, mais le développement de missions uniques et indispensables au développement de l'emploi, des missions efficaces qu'aucun autre acteur, sur le terrain, ne réalise à ce niveau de réussite – accompagnement renforcé de personnes très éloignées de l'emploi, développement, comme dans ma circonscription, d'expertises dans le secteur des emplois transfrontaliers, lancement du programme « Mon métier de demain », qui cartographie les besoins d'emplois sur le territoire à court et moyen terme, et beaucoup d'autres missions que je détaillerai tout à l'heure à l'occasion de la présentation d'autres amendements.
C'est pourquoi il convient, pas nécessairement d'augmenter les moyens des maisons de l'emploi, mais au moins de les maintenir pour qu'elles puissent développer leurs activités et leurs missions.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement identique no 1225 .
Mon collègue a raison, vous prenez cette mesure sans beaucoup de concertation puisque vous vous êtes contentés de recevoir, hier, les têtes de réseau Alliance Villes Emploi. Vous cessez de financer les maisons de l'emploi que vous confiez aux collectivités territoriales.
Or, les audits auxquels il a été procédé ont révélé que les maisons de l'emploi fonctionnent bien en certains endroits, moins ailleurs. En tous les cas, les territoires les plus en difficulté ont besoin de ces structures. Vos décisions nous laissent perplexes, qu'il s'agisse de la rationalisation du réseau des chambres de commerce et d'industrie, dont le rôle est important auprès des territoires qu'elles soutiennent et accompagnent, ou de la fusion des missions locales avec Pôle emploi.
En deux mots, vous supprimez toutes les structures d'accompagnement vers l'emploi et de développement de l'emploi dans nos territoires. Ces décisions arrivent au moment où vous lancez le plan d'investissement dans les compétences dont vous espérez qu'il n'armera pas moins de 2 millions de jeunes et de chômeurs pour affronter les nouvelles exigences du monde du travail. Or, ces plateformes territoriales pour l'emploi sont utiles pour mieux gérer l'emploi et les compétences, mener à bien l'ingénierie de projets.
Dans mon territoire, la maison de l'emploi nous a accompagnés pour réaliser des projets dans le cadre de la transition énergétique ou du développement durable. Nous en aurons peut-être besoin pour mener à bien des projets comme « Territoires zéro chômeur de longue durée ». Nous avons besoin de ces structures pour développer l'emploi dans nos territoires. C'est pourquoi nous demandons le rétablissement des crédits.
Ces amendements tendent vers le même objectif. Seul le montant de crédits prévu dans chacun varie. Il faut maintenir les moyens des maisons de l'emploi pour leur permettre d'accomplir leurs missions.
Prenons l'exemple de l'accompagnement renforcé des personnes très éloignées de l'emploi. Chaque année, 100 000 personnes bénéficient de ce programme développé par les maisons de l'emploi. Dans la Manche, 600 personnes ont retrouvé un emploi, soit 600 familles concernées ! Le bénéfice d'une telle mesure est bien supérieur à celui que vous pourriez retirer d'une réduction des crédits.
Le développement des clauses sociales d'insertion dans les marchés publics est une autre mission, tout aussi essentielle. Ainsi, la maison de l'emploi de Mulhouse a permis, en dix ans, que près d'un million d'heures d'insertion soient effectuées dans le cadre de marchés publics.
Cette approche économique des emplois aidés est très efficace mais ces missions se trouvent aujourd'hui menacées.
L'emploi transfrontalier est une autre mission menacée. Un salon d'information sur l'emploi, Warum nicht ? , qui s'est tenu dans ma circonscription, a permis d'identifier 5 000 offres d'emploi, jusque sur le territoire allemand. Des études ont été engagées entre la France et l'Allemagne autour de l'apprentissage.
Pour ce qui est de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, permettez-moi de vous mettre face à vos contradictions. En quatre ans, nous avons financé la formation de 150 chargés de mission GPTEC. Que décider aujourd'hui ? Faut-il les licencier après les avoir formés ?
En dix ans, les crédits des maisons de l'emploi ont baissé de 85,9 % et la moitié des maisons de l'emploi ont été fermées. Seules les plus performantes ont aujourd'hui survécu. Nous devons les défendre en leur permettant de poursuivre leurs missions.
J'ai ainsi présenté ces trois amendements qui tendent à maintenir les crédits, mais à des montants différents – 11,5 millions, 10 millions, 8 millions, voire 7 millions, si on ne peut vraiment pas faire mieux.
La parole est à Mme la rapporteur spéciale, pour soutenir l'amendement no 1727 et donner l'avis de la commission.
Certaines maisons de l'emploi obtiennent des résultats, d'autres non. Chez moi, c'est un échec. Celles qui fonctionnent devraient être rattachées à des structures régionales ou locales quand les élus locaux, qui sont les mieux placés pour en juger, estiment qu'elles sont utiles.
La suppression des dotations de l'État avait été annoncée l'année dernière. Pour autant, à la suite des auditions qui ont été menées mais aussi à la demande de mes collègues de la majorité, en particulier Mme Dominique David qui compte dans son territoire une maison de l'emploi qui joue un rôle majeur dans le portage territorial de certaines politiques de l'emploi et le développement des compétences, cet amendement tend à conserver des crédits pour les maisons de l'emploi, tout en continuant le mouvement de réduction progressive engagé dès 2018.
Je vous propose ainsi, au nom du groupe, d'abonder de 5 millions d'euros les crédits prévus pour les maisons de l'emploi.
Par conséquent, j'invite tous les auteurs des autres amendements à les retirer au profit de celui-ci.
Nous vous remercions, madame la rapporteure spéciale, mais vous ne pouvez pas dire que vous abondez la ligne par rapport à l'année dernière puisque vous diminuez de moitié ses crédits.
Mon collègue a raison. Reprenons l'exemple des clauses sociales d'insertion : qui connaît le mieux les entreprises, les collectivités, le monde de la formation que les maisons de l'emploi pour accompagner vers l'emploi sur nos territoires ? Nous avons besoin de structures de proximité et les maisons de l'emploi jouent un rôle essentiel.
J'accepte de retirer mon amendement mais nous soutiendrons celui qui tend à accorder 8 millions d'euros de crédits, ce qui est sans doute le bon niveau. C'est en tout cas celui qui a été demandé par les têtes de réseau.
L'amendement no 1225 est retiré.
Je suis prêt à retirer mes amendements pour ne conserver que celui qui tend à abonder la ligne de 8 millions d'euros. Vous proposez, madame la rapporteure spéciale, de limiter ces crédits à 5 millions, mais que représentent 3 millions au regard des bénéfices sociaux et économiques qui en découleraient ? Ce n'est pas 3 millions, mais beaucoup plus, que vous feriez gagner à la collectivité en soutenant mon amendement. Je serais très fier que cet amendement soit adopté.
Sourires
J'avais annoncé, l'an dernier, la suppression de la subvention de fonctionnement mais pas de l'aide aux maisons de l'emploi. Aujourd'hui, ces dernières peuvent concourir, dans le cadre du plan d'investissement compétences à toutes les aides relatives à la gestion prévisionnelle des emplois ou au fonds d'inclusion dans l'emploi au titre des initiatives territoriales pour celles qui mènent plutôt des actions en direction des publics les plus en difficulté.
Cela étant, nous avons reçu le réseau Alliance Villes Emploi et je comprends que beaucoup de collectivités locales souhaitent évoluer, certaines allant jusqu'à proposer, à juste titre, de rapprocher les missions de l'emploi des PLIE – plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi – , des missions locales et de Pôle emploi, ce qui leur permettrait d'avoir une vision commune.
Afin de faciliter cette transition, que nous avions déjà souhaitée l'année dernière, je vous invite à retirer vos amendements au profit de l'amendement no 1727 , auquel le Gouvernement est favorable, afin d'accompagner la transition au profit des demandeurs d'emploi.
L'amendement de Mme la rapporteure spéciale sauve quelque peu la parole présidentielle, puisque le président Macron, visitant au mois d'avril une maison de l'emploi située dans une zone très rurale et en difficulté des Vosges, avait publiquement annoncé qu'il convenait de maintenir le soutien de l'État à ces structures, qui ont fait leurs preuves.
Notre discussion me paraît surréaliste, compte tenu du volume budgétaire en jeu. Alors même qu'on connaît l'utilité des maisons de l'emploi, est-il convenable de se lancer dans des négociations de boutiquiers pour déterminer si on maintient leurs crédits au niveau de celui de 2018, à savoir 12 millions d'euros, ou si on les abaisse à 8 millions, voire à 5 millions ? De telles négociations me paraissent indignes. C'est pourquoi, monsieur le président, je ne retirerai pas mon amendement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le Sénat, en 2018, a créé une mission d'information sur les maisons de l'emploi, dont le rapport a établi l'existence d'un risque de fracture territoriale accru, du fait que certains territoires auront les moyens de financer une maison de l'emploi, et d'autres non, ce qui privera le public des services qu'elles offrent en termes d'emploi et de formation. Le Sénat a également montré qu'il est ubuesque, pour ne pas dire inique, d'inciter l'État à demeurer titulaire des maisons de l'emploi sans leur assurer un financement adéquat.
C'est la raison pour laquelle, je le répète, je maintiens mon amendement qui rétablit les crédits à hauteur de 12 millions d'euros. Sans être déraisonnable ni inflationniste, il vise simplement à maintenir l'existant.
L'amendement no 1727 est adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 : Suite de l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi » ;
Examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra