Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, si le Gouvernement ne cesse d'insister sur le fait qu'il jette toutes ses forces dans la bataille de l'emploi, le taux de chômage demeure dramatiquement élevé en France : 9,3 % de chômeurs, 1 million de travailleurs pauvres, 23 % des jeunes actifs âgés de moins de vingt-cinq ans au chômage – avec un taux qui s'envole à 45 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville – et 2 millions de jeunes sans diplôme. Cette situation grave, qui semble s'être durablement installée, ne peut satisfaire personne.
Derrière ces chiffres, n'oublions pas qu'il y a des visages, ceux de femmes et d'hommes dont la vie s'arrête lorsqu'ils perdent leur emploi, parce qu'ils ne peuvent plus payer leur crédit, que leur famille explose ou qu'ils désespèrent qu'une seconde chance leur soit donnée. Derrière ces chiffres, il y a l'exigence de cohésion sociale à laquelle notre groupe est viscéralement attaché.
Il était, par conséquent, absolument essentiel pour nous que la mission « Travail et emploi » traduise une forte mobilisation de l'ensemble des acteurs pour faire reculer le chômage, qui est la première des inégalités. Or force est de constater que ce n'est pas le cas. Je voudrais, au nom de mon groupe, vous faire partager une conviction simple : nous avons la certitude que les emplois de demain seront en grande partie créés dans nos territoires et par nos territoires. Car nos territoires sont riches d'ambitions, de courage et de savoir-faire, qu'ils soient industriels, agricoles ou artisanaux. Ils regorgent d'intelligences et de talents qui, malgré les obstacles, entreprennent, innovent et réussissent. En outre, ils jouent, par leur travail de proximité en faveur des chômeurs les plus en difficulté, leur connaissance des besoins économiques locaux et leur capacité à fédérer tous les acteurs d'un bassin d'emploi, un rôle incontournable en matière d'accès et de retour à l'emploi.
Or vos choix budgétaires vont à l'exact opposé de cette conviction que nous défendons. Tout d'abord, parce que les crédits de la mission baissent de 2 milliards d'euros, ce qui peut paraître paradoxal, puisque vous nous présentez la lutte contre le chômage comme votre priorité – je ne reviens pas sur ce qui a été dit sur les contrats aidés. Ensuite, parce que ces choix traduisent une forme de défiance à l'égard des acteurs locaux. J'en veux pour preuve l'inquiétude sur l'avenir des maisons de l'emploi, que vous n'arrivez pas à dissiper, ma collègue Jeanine Dubié vous ayant interpellée sur ce sujet en commission. La mutualisation, via une expérimentation, qui pourrait être un premier pas vers une absorption par Pôle Emploi, est une faute : nous avons besoin de ces acteurs de terrain qui sont en prise directe avec les réalités locales et qui réalisent un travail indispensable pour le retour à l'emploi des jeunes.
Nous nous inquiétons également de la suppression de 1 000 à 1 500 ETP à l'AFPA, qui pourrait entraîner la fermeture de 38 des 206 sites existants, et ce dans des territoires ruraux qui sont déjà pénalisés par votre réforme sur la formation professionnelle, les centres de formation d'apprentis se trouvant en sous-effectif. Il s'agit d'une double peine pour ces territoires pour lesquels l'accès à l'apprentissage et à la formation professionnelle sera de plus en plus difficile.
Enfin, au fur et à mesure de l'examen de ce projet de loi de finances, nous voyons de nombreux dispositifs de proximité disparaître ou subir de profonds bouleversements. II en est ainsi des chambres de commerce et d'industrie, du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, et des contrats de ruralité, qui sont pourtant essentiels pour revitaliser les centres-villes et dynamiser l'activité économique des territoires ruraux.
Notre groupe voudrait toutefois saluer deux avancées : nous nous félicitons tout d'abord que 400 millions d'euros soient prévus en 2019 pour atteindre l'objectif d'accompagnement de l'insertion de 40 000 personnes supplémentaires en situation de handicap à l'horizon de 2022. Cet effort témoigne d'une volonté d'éliminer progressivement les barrières entravant l'accomplissement professionnel des personnes en situation de handicap, et nous vous soutiendrons dans cette voie chaque fois que vous l'emprunterez. Ensuite, l'attention portée à l'amélioration des conditions de travail, traduite dans le programme 111, ne peut que rejoindre nos préoccupations.
Pour autant, madame la ministre, ces avancées ne suffisent pas à faire oublier que vos choix ne sont pas à la hauteur des enjeux liés à l'emploi, qui est une priorité absolue pour les Français. Aussi, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission.