Les orateurs précédents l'ont dit avant moi : aujourd'hui, on ne peut parler du logement sans penser à ce qui est arrivé à Marseille, sans avoir en tête ce décompte macabre égrené de demi-journée en demi-journée, et qui augmente chaque fois qu'on retrouve un mort sous les décombres d'un immeuble insalubre.
Je m'exprime avant d'autant plus de gravité que, pendant les vingt ans où j'ai été élu local, il m'est arrivé souvent de me rendre sur les lieux d'un drame comparable. En tant qu'élu, j'ai eu la responsabilité de constater, voire d'annoncer aux familles et aux voisins, la mort de pas moins de vingt-cinq personnes, dont douze enfants.
Notre émotion est donc immense. La loi SRU a été l'une des premières à traiter de l'insalubrité et à fournir des outils. Il y en a eu d'autres. Mais nous ne nous en sortirons pas avec des formules simplistes. Outre la question du budget du logement, sur laquelle je reviendrai, il existe un grave problème de procédure, qui, pour l'essentiel, dépend non du ministère de la ville et du logement, ni de celui de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, mais des ministères de la justice et de l'intérieur.
En 2012, quand, dans des circonstances comparables, il y avait eu trois morts à Saint-Denis, j'avais écrit à la garde des sceaux de l'époque, Mme Taubira, en formulant des propositions pour accélérer les procédures. Quand des gens sont en danger de mort, on ne peut pas attendre. Il faut les soustraire à ce danger.
Or aujourd'hui, même avec la meilleure volonté du monde – ce qui, j'espère, est toujours le cas – , un élu ou un maire est réduit à une totale impuissance. Demain, ma ville peut connaître un drame semblable à celui de Marseille. Toutes les procédures ayant été suivies, elle sera juridiquement irréprochable, mais les morts seront là, parce que les démarches seront bloquées dans un bureau. Quand le préfet engage des expropriations et qu'il est attaqué par un marchand de sommeil, l'État n'ayant plus les moyens humains d'envoyer des avocats défendre les procédures, on en reprend encore pour deux ans. J'ai en tête des exemples précis et très récents.
J'ai lu attentivement l'interview du ministre dans le Figaro de ce matin. J'entends son propos, mais le problème des copropriétés, que je ne minimise pas, est un autre sujet, très différent du drame survenu à Marseille.
Beaucoup de sujets méritent notre attention. Le PNR-QAD – programme national de requalification des quartiers anciens dégradés – a disparu ; on nous dit qu'il est désormais englobé dans le NPNRU, mais ce n'est pas tout à fait vrai, ce ne sont ni les mêmes procédures ni les mêmes financements, et ce nouveau programme n'est pas aussi efficace contre l'insalubrité – je viens encore de le vérifier dans ma circonscription.
Je demande à la majorité d'être un peu plus à l'écoute de ce qui lui est dit. Le 8 mars dernier, à l'occasion de la niche de notre groupe, nous avions déposé une proposition de loi contre l'insalubrité, qui a été rejetée par la majorité sans même avoir été discutée, amendée, ne serait-ce que regardée. Elle a été purement et simplement rejetée, même si certains articles ont ensuite été repris par voie d'amendement. Je vous propose que nous créions une mission d'information flash pour formuler très rapidement quelques propositions au ministère de la justice et au ministère de l'intérieur, afin d'accélérer les procédures. À défaut, on devra encore, hélas, constater des morts.
S'agissant du budget, il faut rappeler que l'insalubrité résulte avant tout de la crise et constitue la manifestation d'une pénurie de logements dans notre pays, de la cherté et de la rareté du logement. On doit répondre à cette situation par la fourniture massive de logements abordables. Or, vous avez fait exactement le contraire en affaiblissant le secteur HLM, ce qui se reflète déjà dans les premiers chiffres dont on a eu connaissance. C'est, à mes yeux, un contresens historique total. Je ne vais pas revenir sur les exemples étrangers, ni sur les recommandations de la Commission européenne, qui nous invite à réaliser de grands investissements publics dans le domaine du logement. Je ne souhaite pas l'échec de ce gouvernement en matière de logement, et en particulier de logement social, car je ne désire pas, pour notre pays, que la crise du logement s'aggrave. Aussi, j'espère que vous allez rapidement prendre conscience que vous faites fausse route. Nous devons d'urgence retravailler et définir de nouvelles orientations, pour que notre pays soit en mesure de faire face à la crise du logement dont il est victime, sous peine de devoir déplorer de plus en plus de morts.