Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mercredi 7 novembre 2018 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Permettez-moi en préambule d'adresser mes remerciements à Laurent Saint-Martin, qui s'est élevé contre la forme d'inélégance dont ont fait preuve à mon endroit certains de ceux qui viennent de quitter la salle. Il se trouve que je n'y suis pas habitué, sans doute, précisément, parce que je ne suis pas assez souvent devant votre commission.

Il se trouve également – et je le mentionne au moins pour le compte rendu – que l'organisation du Gouvernement fait que je suis secrétaire d'État auprès de Gérald Darmanin et que j'ai à connaître, sous son autorité, de l'ensemble des sujets sur lesquels il a compétence, ce qui inclut le budget.

J'aurais enfin voulu rappeler, non sans sourire, à M. de Courson, qui regrette peut-être de n'avoir jamais été secrétaire d'État, que de Gaulle, en 1940, était, quant à lui, sous-secrétaire d'État. Comme quoi, une position au Gouvernement, ne fait pas la grandeur d'un destin, même si je ne saurais ébaucher la moindre comparaison entre ce personnage illustre et votre serviteur.

J'ai le plaisir de vous présenter un collectif budgétaire inédit, dans son format comme dans son contenu. C'est d'abord un texte court, qui ne comporte que quatre articles techniques : l'ajustement des recettes du compte d'affectation spéciale Transition énergétique ; l'ajustement des recettes du compte d'affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ; la ratification de décrets relatifs à la rémunération de services rendus ; un article enfin, prévoyant, conformément à l'article 11 de la loi de programmation des finances publique adoptée l'an dernier à l'initiative de la commission des finances du Sénat, de modifier les plafonds d'emplois des ministères et des budgets annexes, afin de ramener, dès 2018, l'écart entre les plafonds votés par le Parlement et la consommation effective des emplois, à un niveau proche de 1 %.

Nous rompons ainsi avec une mauvaise pratique consistant à ce que les lois de finances rectificatives de fin de gestion contiennent majoritairement des dispositions fiscales sans incidence sur l'équilibre de l'année en cours.

Au-delà d'un choix technique, nous faisons donc aussi un choix politique, puisque, comme nous nous y étions engagés, nous n'aurons pas recours à un décret d'avance de crédits. Puisque nous n'avons pas soumis au vote du Parlement des enveloppes dont nous savions qu'elles deviendraient caduques dès les premiers mois, voire – comme ce fut parfois le cas par le passé – dès les premières semaines de l'année à venir, nous n'avons pas besoin de recourir à un décret d'avance en cours d'année, qui revient à fausser la portée de l'autorisation parlementaire. Nous revenons là à une gestion budgétaire plus saine et plus respectueuse du vote du Parlement, comme en témoigne la baisse du taux de mise en réserve des crédits de 8 à 3 %, par ailleurs reconduite au titre de 2019.

En eux-mêmes, ces outils, prévus par la LOLF, sont des instruments utiles pour faire face à des urgences imprévisibles. En revanche, ils ne doivent pas être utilisés pour masquer l'insincérité initiale des budgets. À ce titre, et pour l'avenir, le Gouvernement entend donc les réserver à des situations réellement imprévisibles, et je me félicite que nous ayons collectivement mis en oeuvre pour 2018 un budget mettant fin aux sous-budgétisations récurrentes, et qui, pour la première fois depuis plus de trente ans, ne nécessiterait pas de recourir à un décret d'avance en cours de gestion.

Je tiens d'ailleurs à rappeler ici que, le 20 décembre 2016, M. de Courson avait introduit un recours devant le Conseil d'État contre un décret d'avance, considérant que les décrets d'avance relevaient de la manipulation budgétaire ; que le 22 décembre 2016, peut-être en appui à ce même recours, Mme Dalloz déclarait ici même qu'il s'agissait d'une pratique totalement dérogatoire au principe de l'autorisation parlementaire des dépenses. Peut-être cet outil connaît-il aujourd'hui, à leurs yeux, un retour en grâce, mais nous avons pris l'engagement de ne pas prendre de décret d'avance et de procéder dans le respect des autorisations parlementaires, telle que définies à l'occasion du débat budgétaire.

Sur le fond, ce PLFR s'inscrit dans la stricte continuité des hypothèses et des prévisions affirmées à l'occasion du vote de la loi de finances pour 2018. Je prendrai ici, pour vous en convaincre, quatre grands agrégats.

S'agissant, tout d'abord, du scénario macroéconomique attaché à ce PLFR, il est identique à celui prévu par le PLF 2019, qui retient une croissance du PIB de 1,7 % pour l'année 2018. En effet, les informations conjoncturelles publiées depuis la finalisation du PLF 2019 confortent les prévisions – celles publiées notamment par des organismes extérieurs depuis la finalisation du PLF, qui sont proches de celles du Gouvernement : la prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques la plus récente pour 2018 s'établit ainsi à + 1,7 %.

S'agissant de la prévision de solde public pour 2018 ensuite, elle est maintenue à – 2,6 % du PIB, soit le niveau du déficit de 2018 retenu dans le projet de loi de finances pour 2019. Le solde structurel resterait lui aussi inchangé, à – 2,2 % du PIB en 2018, tout comme l'ajustement structurel qui s'établirait à 0,1 point.

Plus encore, le redressement de nos comptes se poursuit, puisque, par rapport au solde budgétaire révisé dans le PLF 2019, soit un déficit de 81,3 milliards d'euros, le solde présenté dans le projet de loi de finances rectificative 2018 est de – 79,9 milliards d'euros, soit une amélioration de 1,4 milliard d'euros, qui s'explique principalement par les éléments suivants.

En premier lieu, le schéma retenu par le Gouvernement pour la fin de gestion permet de confirmer que la norme de dépenses pilotables sera sous-exécutée d'environ 600 millions d'euros par rapport à l'objectif fixé en loi de finances initiale.

En deuxième lieu, la cession de participations augmente à due concurrence les recettes du compte retraçant les participations financières de l'État.

En troisième lieu, les recettes non fiscales sont révisées à la hausse, à hauteur de 200 millions d'euros.

En quatrième lieu, la contribution au budget européen augmente de 100 millions d'euros suite au dernier budget rectificatif présenté par la Commission européenne.

En ce qui concerne à présent l'évolution des recettes, dans le détail, elle a un effet globalement neutre, si bien que le taux de prélèvements obligatoires s'établirait à 45 % en 2018, en ligne avec la prévision sous-jacente au PLF pour 2019.

En revanche, les recettes non fiscales sont, quant à elles, revues à la hausse de 200 millions d'euros en raison de la hausse du dividende versé par la Caisse des dépôts et consignations, pour 100 millions d'euros, et de la révision à la hausse des remboursements d'avances au secteur aéronautique pour, là encore, 100 millions d'euros.

Concernant ensuite l'évolution des dépenses, de la même manière, le ratio de dépense publique resterait inchangé à 54,6 % du PIB. Cette stabilité résulterait de prévisions conformes sur les trois sphères de la dépense publique : premièrement, comme anticipé dans le PLF pour 2019, la norme de dépense pilotable « État » devrait être sous-exécutée de 600 millions d'euros par rapport à l'objectif fixé en loi de finances initiale ; deuxièmement, concernant les administrations de sécurité sociale, l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie, devrait, selon l'avis du comité d'alerte du 15 octobre 2019, être respecté ; enfin, les informations disponibles sur les dépenses des administrations publiques locales – chiffres encore fragiles à ce stade de l'année – confortent les prévisions retenues dans le PLF.

J'en viens pour finir au schéma de fin de gestion, qui permettra précisément la sous-exécution de 600 millions d'euros sur la norme de dépenses pilotables 2018, annoncée lors de la présentation du PLF pour 2019 et ce, tout en finançant les ouvertures de crédits indispensables pour assurer le règlement des dépenses obligatoires.

Parmi les ouvertures de crédits rendues indispensables par leur caractère d'urgence et qui seront intégralement gagées par des annulations à due concurrence, on notera la couverture des opérations extérieures (OPEX) et intérieures (OPINT) du ministère des armées pour 400 millions d'euros, les dépassements prévus pour les dépenses de personnel de certains ministères – à hauteur de 300 millions d'euros –, pour la prime d'activité – à hauteur de 200 millions d'euros –, pour l'allocation pour demandeur d'asile – à hauteur de 100 millions d'euros –, pour les aides personnelles au logement – à hauteur de 100 millions d'euros –, ainsi que pour les exonérations sur le périmètre de l'outre-mer – à hauteur de 100 millions d'euros.

Ces ouvertures seront intégralement gagées par des annulations à due concurrence, dans le respect du principe de responsabilité des gestionnaires que nous avons affirmé dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2018. Celles-ci concernent pour l'essentiel des crédits préalablement mis en réserve ou sont rendues possibles par la réalisation d'économies au-delà de ce qui était initialement prévu.

Mesdames et messieurs les députés, face au constat de débats devenus inintelligibles à l'occasion des collectifs de fin d'année, le Gouvernement a décidé de restreindre le champ de ce texte aux seules mesures ayant une incidence sur l'équilibre budgétaire de l'exercice en cours.

Si une telle évolution permet de revenir à l'essence des collectifs de fin d'année, elle est également faite pour renforcer la portée de l'autorisation parlementaire, et donc le contrôle des membres du Parlement sur les choix budgétaires réalisés.

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