Madame la ministre, par ces premiers amendements qui reviennent sur les améliorations opportunes apportées par le Sénat, vous enlevez toute ambition à ce texte et par là même vous dévoilez toutes les arrière-pensées qui le sous-tendent.
La justice est dans une situation catastrophique, toutes les comparaisons avec les grands pays européens le démontrent. Votre prédécesseur parlait de « clochardisation » de l'institution judiciaire et récemment des magistrats du tribunal de Bobigny alertaient l'opinion dans une tribune sur le fait qu'ils étaient devenus les « juges de mesures fictives ». Tous les indicateurs confirment la gravité de la situation à laquelle contribue pour une large part le manque de places de prison.
Ce manque de place pèse sur toute la chaîne pénale et sur les conditions d'exécution des peines. L'administration de la justice est conduite à recourir à des subterfuges pour éviter l'incarcération. Vous le dites même dans votre amendement.
Je déplore profondément ce manque d'ambition. Les 15 000 places de prison annoncées par le Président de la République étaient encore un objectif trop faible. Je vous rappelle qu'en 2012, la loi de programmation relative à l'exécution des peines, issue du rapport que j'avais remis en 2011 au président Nicolas Sarkozy, prévoyait la construction de 24 000 places de prison à l'horizon de 2017 : il s'agissait de passer de 56 000 places à 80 000 places en cinq ans. Aujourd'hui, il y a plus de 70 000 détenus pour 59 000 places : l'encellulement individuel ne peut être respecté. Au regard de l'explosion de la violence dans notre pays, le recours aux peines d'emprisonnement serait pourtant nécessaire.
À travers ce repli par rapport aux propositions du Sénat, vous dévoilez vos ambitions, qui sont finalement les mêmes que celles de Mme Taubira : éviter l'incarcération et privilégier de manière systématique les aménagements de peine.