Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du mardi 13 novembre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Le budget de l'enseignement supérieur s'inscrit cette année dans la trajectoire dessinée par la loi de finances pour 2018 puisqu'il affiche à nouveau une hausse, dans un contexte budgétaire qui demeure contraint. Cette hausse vise notamment à financer le plan licence, plan fondamental pour améliorer l'orientation et la réussite des étudiants de premier cycle, à créer une nouvelle bourse devant faciliter la mobilité des étudiants de première année et à revaloriser les carrières des agents.

Au-delà de l'examen des crédits consacrés à renseignement supérieur, j'ai souhaité m'intéresser cette année aux carrières des enseignants-chercheurs en recherchant les moyens de mieux valoriser leur accomplissement dans tout le spectre de leurs missions et de leur assurer un accompagnement professionnel plus personnalisé.

Les enseignants-chercheurs assument en effet des missions extrêmement variées : recherche, pédagogie, orientation des étudiants, mais aussi des responsabilités administratives, des activités de coopération internationale, de diffusion des savoirs, ou encore de valorisation de la recherche. C'est pourtant la qualité de la recherche qui demeure le premier, voire le seul critère d'évaluation et de promotion des enseignants-chercheurs.

Cette survalorisation de la recherche se double d'un accompagnement professionnel insuffisant. Il n'existe pas aujourd'hui de processus satisfaisant de reconnaissance et d'accompagnement de l'enseignant-chercheur dans sa réalisation professionnelle. Celui-ci n'est évalué que sur ses activités de recherche, et sur une base uniquement volontaire, à l'occasion d'une demande de promotion, d'avancement, de mutation, de prime ou de congé thématique. Les activités autres que la recherche font l'objet de peu voire d'aucun suivi.

Cette carence de l'accompagnement entraîne difficultés et inégalités dans le déroulement des carrières. Tout d'abord, la mobilité des enseignants-chercheurs est très faible, qu'il s'agisse de mobilité hiérarchique, géographique ou fonctionnelle. De plus, des inégalités dans le déroulement de carrière existent entre les enseignants-chercheurs titulaires dans de petits établissements, où l'activité de recherche est souvent plus modeste, et ceux affectés dans des établissements de plus grande taille, dans un environnement scientifique souvent plus prestigieux. Cette inégalité est renforcée par les procédures de promotion, puisque les enseignants-chercheurs des plus petits établissements ne peuvent être promus que par la voie nationale, la voie locale leur étant fermée. La faiblesse de l'accompagnement professionnel est aussi facteur d'immobilisme, mais aussi d'injustices.

Certes, un suivi de carrière a été mis en place en 2014 pour remédier à certaines de ces difficultés. Il permet d'introduire un regard extérieur régulier sur les carrières, mais il ne répond que très imparfaitement à la nécessité de mieux accompagner l'épanouissement professionnel des enseignants chercheurs et de prévoir des mécanismes de promotion correspondant à la réalité du métier.

L'évaluation doit répondre à des critères de transparence, de justesse et d'équité. Concernant les enseignants-chercheurs, elle doit être respectueuse de leurs qualifications et de leur indépendance, reconnue par le Conseil constitutionnel. Seule une évaluation formative peut donc être pertinente.

À cet égard, plusieurs pratiques vertueuses permettant de valoriser l'investissement pédagogique mériteraient d'être mieux connues et diffusées. C'est le cas de la rédaction de dossiers d'enseignement qui détaillent les modalités des enseignements dispensés au cours d'une période donnée, et de l'évaluation des enseignements par les étudiants, lorsqu'elle est menée de manière volontaire et que ses résultats restent confidentiels.

Ces mécanismes d'évaluation devraient s'accompagner d'un renforcement de l'accompagnement des enseignants-chercheurs au sein de leur établissement et de la mise en place d'outils dédiés à leur développement professionnel Ainsi, des points d'étapes périodiques et confidentiels avec le service des ressources humaines des établissements pourraient être prévus tous les deux ans et demi, afin de permettre la formulation de conseils personnalisés et la proposition d'outils et de formations appropriés.

Un renforcement des services de pédagogie universitaires et de la formation pédagogique des jeunes maîtres de conférences serait également utile, ainsi que le développement de pratiques d'observation par les pairs et de tiers temps pendant lesquels les enseignants-chercheurs pourraient échanger sur leurs choix et leurs difficultés d'enseignement.

De plus, un suivi de carrière plus régulier et plus complet devrait permettre d'aboutir à un système plus juste d'attribution des promotions, des congés et des primes. Il permettrait de lever l'autocensure de nombreux agents qui hésitent à solliciter une promotion et de mieux reconnaître les enseignants-chercheurs exerçant dans des établissements où l'activité de recherche est moindre.

Ces propositions pourraient trouver un terrain d'expérimentation adapté dans les établissements labellisés IDEX et I-SITE, dont les ressources humaines sont souvent plus structurées.

Madame la ministre, je souhaite que ces propositions puissent contribuer à la dynamique que vous avez lancée en faveur de la reconnaissance de l'investissement pédagogique des enseignants-chercheurs. Il en va de l'attractivité du métier d'enseignant-chercheur, de la place de l'université française dans le monde, comme de la réussite de nos étudiants.

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