Intervention de Ludovine de la Rochère

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 9h40
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Ludovine de la Rochère, présidente de La Manif Pour Tous :

Monsieur le rapporteur, j'aborderai la question de la croyance par la suite.

En ce qui concerne la promesse de campagne d'Emmanuel Macron, je parlais bien de sa promesse personnelle. Les médias disent régulièrement qu'il s'agit d'une promesse du Président de la République, or ce n'est pas le cas. Voilà ce dont je parlais très précisément. Cela n'a rien à voir avec le fameux engagement no 31 de François Hollande sur le mariage et l'adoption pour deux hommes ou deux femmes. Rien de tel n'existe sur la PMA dans le programme d'Emmanuel Macron.

Vous me demandez si nous sommes pour ou contre la PMA. Ce n'est pas le sujet. Le débat ne porte que sur la PMA en l'absence de père pour l'enfant. Je pense que le sujet est assez important pour m'abstenir d'aborder d'autres sujets.

Vous évoquez le fait que des couples homme-femme auraient recours à la PMA en l'absence de stérilité, ou en l'absence d'une maladie d'une particulière gravité susceptible d'être transmise à l'enfant ou au conjoint. Je suis extrêmement étonnée que vous disiez que les médecins recourent à une pratique médicale dans un cadre illégal. D'autre part, nous parlons ici de la loi, de ce qui sera une éventuelle loi, et donc de la décision du législateur.

Vous nous interrogez aussi sur la loi Taubira. Ce n'est pas le sujet, même si l'AMP pour deux femmes ou une femme seule n'est pas sans lien avec cette loi. Il ne s'agit pas, pour nous, de « rejouer le match ou non ». Ce ne sont que des postures. La question qui importe est humaine : pour l'enfant, pour les générations à venir, pour la non-marchandisation de l'humain, pour la finalité de la médecine. Nous abordons des questions de fond, et c'est la seule chose qui compte. Il ne s'agit pas de La Manif Pour Tous, de vous, de moi, mais du monde que nous voulons pour demain.

L'adoption et l'AMP sont tout à fait différentes. Dans le cas de l'adoption, un enfant a perdu ses parents, à la suite d'un accident ou d'un aléa de la vie. Nous lui retrouvons ensuite un foyer. L'adoption est au service de l'enfant que la vie a malmené. Ce point est essentiel. Avec l'AMP, nous organisons un système qui prive sciemment un enfant d'un parent.

Vous employez les termes « utiliser l'utérus » à propos des couples de femmes. Je m'en étonne. Mais passons.

Vous me dites que j'ai le droit de dire qu'un enfant pourrait souffrir de l'absence de père. Je vous remercie de m'autoriser à le penser et à le dire. De fait, je n'ai pas dit qu'il rencontrerait des difficultés, mais qu'il connaîtrait une souffrance. Je me fonde dans mon exposé sur des faits connus et identifiés. La littérature nous présente des enfants orphelins. Écoutez Johnny Hallyday, écoutez Stromae, ce sont des faits que nous constatons tous autour de nous. Cette souffrance s'est exprimée, tout comme chez les enfants nés d'un don anonyme. Nous la connaissons et ne pouvons pas la nier. Pourquoi une souffrance plutôt qu'une autre ? Ne devons-nous pas donner la priorité au plus vulnérable, à l'enfant ?

Venons-en aux études scientifiques. Le CCNE explique lui-même que les études ne sont pas fiables. Toutes les études parues ont été contestées, pour diverses raisons. Je ne m'étendrai pas là-dessus. C'est un fait de notoriété publique.

Vous dites que d'autres pays ont résolu les problèmes. Justement, ils ne les ont pas résolus ! Seule une toute petite minorité de pays ont légalisé cette pratique, et vous dites que puisque qu'ils l'ont fait, nous devrions le faire aussi. Tirons plutôt parti de l'expérience et des exemples qu'ils présentent. Légaliser cette pratique les a conduits au commerce des gamètes et à la marchandisation de l'humain ! C'est également cela qui est en jeu.

Je vous cite. Vous dites : « Pour vous, le père est important. » Je souhaite vous renvoyer la balle, monsieur le rapporteur. Pensez-vous qu'un père n'a pas d'importance ? Ceux qui sont ici présents, qui sont pères, pensent-ils que leurs enfants n'ont pas besoin d'eux ? Ceux qui nous écoutent pensent-ils la même chose ? Voilà la question qui nous est posée à tous. En principe nous avons tous eu un père, nous avons eu cette chance, et nous pouvons donc penser à ce qu'il représente pour nous. Quant au référent masculin, si nous étendons la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes il n'y aura plus de grands-pères, dans quelques années. Votre vue est à court terme. Quant à un oncle ou un ami, quelle légitimité auront-ils auprès d'un adolescent ? Pourront-ils remplacer un père ? Vous parlez du référent masculin, ce qui montre que nous sommes d'accord, il est essentiel que l'enfant ait la proximité la plus grande possible avec les deux sexes, et le père et la mère ont une légitimité spécifique pour cela.

Les hasards et les aléas de la vie existent. C'est certain. Pouvons-nous et devons-nous pour autant volontairement priver l'enfant de père ? Constater les aléas de la vie et créer sciemment une absence de père, voilà qui est tout à fait différent.

Vous dites que nous pouvons compter sur la résilience de l'enfant. Nous agirions en disant que l'enfant pourra se débrouiller. Dans tous les cas, l'enfant n'aura pas le choix. Heureusement, il est vrai, certains enfants ne souffriront pas. Cependant, l'expérience humaine montre qu'un certain nombre en souffriront.

Je reviens à votre terme de croyance. J'y vois une réduction de ce que nous exprimons à la seule position des religions. Nous sommes absolument tous concernés, le sujet n'est pas religieux. Tout mon exposé comme toutes les réflexions que nous avons menées ont toujours porté sur des faits, des constats objectifs, relevant de sources fiables. Tous les faits que j'ai cités sont constatés par toutes les institutions, sans exception, qui ont travaillé sur le sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.