Je vous remercie pour vos remarques et témoignages d'une grande importance. On a assisté au XXe siècle à une progression exceptionnelle de la notion de solidarité ; par le biais du don de sang, d'organes, de tissus, de cellules souches, on donne la vie et on fait renaître certains de nos proches ou d'autres humains, ce qui est merveilleux. Comme vous, monsieur Monsellier, nous sommes attachés au principe du don bénévole et non rémunéré, mais cette option est minoritaire dans le monde ; quels autres pays que la France et le Brésil ont exclusivement recours aux dons non rémunérés ? Il n'y a heureusement pas de pénurie de dons de sang en France, mais ce n'est pas le cas pour certains dérivés sanguins, ce qui nous conduit à importer du plasma, des immunoglobulines ou encore des facteurs de coagulation. Ces importations proviennent de pays qui rémunèrent des donneurs, en prélevant généralement le sang nécessaire chez des personnes pauvres. Ne nous exonérons-nous pas de la sorte un peu facilement de notre devoir de solidarité non marchande ? Quelle est, selon vous, l'évolution souhaitable ?
Pour les dons d'organes, pour lesquels l'insuffisance est avérée, on ne montre trop souvent que le point de vue du donneur ou celui du receveur alors qu'une transplantation est nécessairement l'addition des deux : on ne peut pas s'occuper de la psychologie des familles du donneur si on ne s'occupe pas de la psychologie de la famille qui attend un greffon et réciproquement, puisqu'il n'y a pas de transplantation sans don. Il est donc quelque peu dommageable que, trop souvent, on mette en lumière une émotion partielle ; il faudrait une vision plus complète. Vous indiquez dans la documentation que vous nous avez remise que la proportion de refus au prélèvement se maintient au-dessus de 30 % – et encore est-elle sous-estimée, car on ne devrait tenir compte que de ceux qui sont susceptibles d'être l'objet d'un prélèvement ; on se rend compte alors que plus de 40 % des organes ne sont pas collectés et utilisés. Cela accroît considérablement l'écart entre le nombre de gens qui attendent un greffon, nombre qui progresse chaque année, et celui de gens qui bénéficient du traitement. Comment progresser ?
Vous avez mentionné la loi de 2016 qui a permis de faire diminuer quelque peu le nombre de refus illégitimes – qui ne dépendaient pas de refus de la personne – mais le nombre de prélèvements destinés à faire des greffes ne progresse pas ; cette année, il y aura même probablement une régression du nombre de transplantations qui vont à nouveau tomber sous la barre des 6 000. C'est très inquiétant. Vous avez souligné à raison la nécessité de la pédagogie, mais la France n'a jamais été très bonne en ce domaine – voyez la médiocrité des campagnes de prévention ; si l'on ne sait pas vendre aux gens leur propre santé, on ne sait pas forcément mieux leur vendre la solidarité… Il faut progresser sans se décourager, mais que peut-on faire ?
Je souhaite aussi aborder la question de la formation de tous ceux qui sont impliqués – et ce disant, je parle aussi du directeur de l'hôpital ou de l'Agence régionale de santé comme de l'aide-soignante dans les services de transplantation...