Par cet amendement de suppression, nous souhaitons prévenir l'élargissement considérable des possibilités, pour le procureur, de recourir à des techniques d'enquête, ce qui constitue une remise en cause de la place du juge d'instruction.
Certes, le Sénat a amendé cet article, notamment en en restreignant le champ aux infractions punies de cinq ans d'emprisonnement et en encadrant davantage les interceptions de communication et la géolocalisation.
Mais c'est la philosophie générale de cet article que nous rejetons. Lorsque les techniques spéciales d'enquête ont été mises à la disposition du juge d'instruction, on a tenté de nous rassurer en nous expliquant qu'elles seraient réservées aux enquêtes portant sur des infractions relevant de la criminalité organisée ou du terrorisme, car attentatoires aux libertés individuelles. Mais, c'est le sens de l'histoire, quand le pied a été mis dans la porte, elle finit par s'ouvrir en grand : les atteintes aux libertés individuelles vont se multiplier.
Pourquoi ? Parce que lors de l'enquête préliminaire, vous n'avez pas les moyens de vous défendre. Vous êtes surveillés sans en être informé, d'une part, et sans pouvoir vous en défendre ensuite. Cela ne va pas sans poser problème, puisque l'on sait que le procureur de la République peut ouvrir des enquêtes sur un faisceau finalement assez faible d'éléments.
Vous me parlerez sans doute du juge des libertés et de la détention (JLD), mais le JLD ne juge pas à charge ou à décharge – c'est plutôt un juge de l'évidence. Il se contentera de vérifier que le procureur motive suffisamment sa demande. On sait que les rejets par le JLD de ce genre de demandes sont fort peu nombreux ; c'est surtout en matière d'immigration que le JLD rend le plus souvent son office, pour éviter un éloignement ou un maintien en centre de rétention administrative. Nous ne pensons donc pas que la présence du JLD soit une garantie suffisante et nous ne souhaitons pas voir le procureur de la République doté de pouvoirs aussi considérables.