Merci d'avoir convié Cryo Pur à cette table ronde.
La société Cryo Pur compte une trentaine de personnes en Ile-de-France. Elle est porteuse d'une technologie innovante de séparation et de liquéfaction des gaz, en particulier appliqué au biogaz. Je suis également membre actif du syndicat des énergies renouvelables, du Club Biogaz et de l'Association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV).
Le travail que mène Cryo Pur s'inscrit dans le cadre de la filière biogaz et de la filière biométhane, en plein développement en France et en Europe. Je pense que France Gaz Renouvelables aura l'occasion d'évoquer la filière dans sa globalité.
Cryo Pur travaille sur un sujet de niche que nous sommes heureux d'aborder au cours de cette table ronde orientée sur les carburants. Nous travaillons sur le biométhane qui a vocation à décarboner le secteur des transports routiers, en particulier le segment des poids lourds qui nécessite des solutions de transition énergétique et des solutions « bas carbone ».
Un frein pèse sur la transition énergétique du secteur routier poids lourds. Il n'existe pas de dispositif de soutien à la liquéfaction du biogaz pour alimenter directement des stations carburants. C'est le constat de la société Cryo Pur, qui est née d'un projet de démonstration technologique qu'elle a menée avec Suez et le soutien du Commissariat général à l'investissement (CGI) sur une première unité, un pilote de liquéfaction de biogaz à la station d'épuration de Valenton.
Dans le cadre de ce projet suivi par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), nous avons validé la technologie. Nous avons ensuite constitué une société qui a été financée par des investisseurs. Il se trouve que si nous avons trouvé notre marché en Europe – au Royaume-Uni, en Scandinavie, en Italie –, nous ne l'avons pas trouvé en France. Nous constatons donc « un trou dans la raquette » sur le plan réglementaire. Autant un soutien financier est apporté lorsque l'on injecte du biométhane dans le réseau de gaz naturel, ce qui est excellent dans la mesure où cela permet de décarboner les réseaux et l'usage du gaz naturel, autant ce n'est pas le cas lorsque l'on ravitaille directement une station de gaz naturel liquéfié (GNL). Le gaz naturel pour véhicules (GNV) compte deux branches : gaz naturel comprimé (GNC) et gaz naturel liquéfié.
Le groupe de travail sur la méthanisation mis sur pied par le secrétaire d'État Sébastien Lecornu a donné lieu à la publication, à la fin du mois de mars 2018, de quinze orientations sur différents thèmes. J'ai suivi en particulier la mise en place d'un dispositif de soutien financier au biométhane carburant alimentant directement des stations-service, en particulier lorsque les sites sont éloignés des réseaux de gaz naturel. Cette orientation trouve corps dans un article du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) qui en reprend le principe. Ce frein ou ce manque d'ordre réglementaire est en cours d'être comblé puisque nous avons une accroche législative pour avancer sur ce dispositif de soutien visant à verdir le biométhane carburant, notamment sous sa forme liquide de GNL.
À cet égard, Cryo Pur s'est mobilisé avec le fournisseur d'énergie Primagaz et le groupement coopératif agricole français Invivo pour former un groupement et mener une étude indépendante. Elle a pour objet d'apporter à l'administration des éléments chiffrés sur le coût de la mesure, les impacts en termes de réduction d'effet de serre, de pollution atmosphérique et de création d'emplois.
Nous sommes en lien avec les services de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Les précisions que nous leur apportons visent à créer un dispositif de soutien financier, pour une mise en place idéalement dans la loi de finances 2020, sachant que le projet de loi d'orientation des mobilités devrait être voté au cours du premier semestre 2019. De la modélisation macro réalisée par le cabinet Enea Consulting, il ressort quelques chiffres et des ordres de grandeur.
La projection de gaz naturel pour véhicules s'est fondée sur le scénario de l'Association française du gaz naturel pour véhicules qui prévoit, dans le cadre d'un déploiement massif du gaz naturel pour véhicules (AFGNV) pour le segment poids lourds, à l'horizon 2030, 67 térawattheures d'énergie pour alimenter les flottes de véhicules au GNV. Sur ces 67 térawattheures d'énergie, entre 9 et 18 seraient dédiés à la demande de GNL telle que nous l'avons planifiée à l'horizon 2030. À noter que le GNL est en très forte croissance, ce qui n'est pas le cas du gaz naturel sous forme gazeuse.
Pour que le GNL puisse avoir une trajectoire de bas carbone et de transition énergétique, se pose la question de l'incorporation de GNL biosourcé à partir de déchets. L'incorporation de 40 % de bio à l'horizon 2030 représente un objectif assez ambitieux porté par la filière et par l'AFGNV. On suppose un potentiel de demande de bio GNL de 5 à 8 térawattheures. Ce potentiel est en phase avec les potentiels de production de gaz qui sont éloignés des réseaux de gaz naturel. C'est là une filière que l'on peut constituer et qui présente plusieurs intérêts.
Par exemple, flécher la production de biogaz directement vers la mobilité. Il s'agit d'un usage à haute valeur ajoutée en termes de réduction de pollution atmosphérique, d'impact carbone, de relatif manque d'alternatives aux fossiles sur le segment du transport, en particulier poids lourds.
Nous avons également modélisé les coûts relatifs à cette filière qui sont légèrement supérieurs au coût de l'injection du biométhane mais qui aboutissent, en termes d'abattement de CO2 à des coûts entre 100 et 200 euros par tonne de CO2 évitée. Cette fourchette semble présenter un intérêt économique pour la société.
Nous allons publier une synthèse de cette étude d'ici à la fin du mois, sous réserve de la validation des parties prenantes.
Je suis heureux d'avoir pu mentionner l'essor du GNV et du GNL au sein du GNB et le fait que nous trouvons des solutions pour permettre une transition énergétique via le segment GNL carburant. Il n'en demeure pas moins que cela doit se matérialiser par des décrets et des arrêtés. Un travail réglementaire reste à effectuer à partir de 2019. Nous préparons ce travail.