L'audition débute à quatorze heures quarante.
Mesdames, messieurs, la mission d'information relative aux freins à la transition énergétique a décidé de mener des travaux jusqu'au mois de juin prochain, date à laquelle le rapport sera publié.
Cet après-midi d'audition prendra fin vers seize heures trente. Je regrette que certains groupes comme Total n'aient pas répondu présents. Ses représentants ne nous ont d'ailleurs pas fourni de motifs à leur absence, mais je ne doute pas que les travaux que nous allons mener leur donneront envie de revenir vers nous.
Je rappelle que cette audition est publique et qu'elle sera disponible en replay sur le site de l'Assemblée nationale ; elle fera également l'objet d'un compte rendu écrit.
Nous accueillons cet après-midi un grand nombre d'invités :
M. Simon Clodic, directeur commercial et chargé des affaires publiques de Cryo Pur, est également membre actif de nombreuses associations comme le Syndicat des énergies renouvelables, France Biométhane, Club Biogaz, l'association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV). Je le remercie d'avoir accepté la formule de table ronde qui permettra un débat interactif et direct.
Mme Valérie Corre est vice-présidente du Syndicat national des producteurs d'alcool agricole (SNPAA), dont M. Jérôme Bignon est également vice-président, et M. Sylvain Demoures, secrétaire général.
M. Nicolas Rialland est directeur des affaires publiques de la Confédération générale des planteurs de betteraves.
M. Nicolas Kurtsoglou est responsable carburants au SNPAA, M. Aymeric Audenis, consultant.
M. Olivier Dauger est co-président de France Gaz Renouvelables, dont M. Jean Lemaistre est secrétaire général.
M. Arnaud Rondeau est président de la commission « bioressources et bioéconomie » de l'Association générale des producteurs de maïs et de l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPM-AGPB), au sein de laquelle M. Gildas Cotten est responsable des nouveaux débouchés, et Mme Alix d'Armaillé responsable des actions institutionnelles et régionales.
Mme Laure Courselaud est adjointe au chef du bureau F1 de la sous-direction des droits indirects de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).
Mesdames, messieurs, vous disposez d'un temps de quinze minutes de présentation par organisation. Suivra un moment d'échanges avec les parlementaires.
Au préalable, je cède la parole à M. Bruno Duvergé, rapporteur de la mission d'information.
Nous nous sommes fixé un cadre de travail qui nous sert de grille de lecture afin de nous assurer d'atteindre les objectifs de la mission d'information, qui consistent à identifier les freins à la transition énergétique et à en accélérer le processus.
Nous voulons élever notre niveau de compréhension de tout ce qui se fait dans le domaine de la production énergétique, de la consommation et des économies d'énergie.
En vous écoutant, nous conserverons en tête cette grille de lecture. Il convient que vous définissiez votre filière de production, que vous nous disiez à quels profils de consommateurs elle s'adresse, si des économies d'énergie sont réalisées dans les domaines que vous connaissez et de pointer les freins au développement de votre secteur : sont-ils d'ordre fiscal, législatif, réglementaire, sociétal, technologique etou financiers ?
Merci d'avoir convié Cryo Pur à cette table ronde.
La société Cryo Pur compte une trentaine de personnes en Ile-de-France. Elle est porteuse d'une technologie innovante de séparation et de liquéfaction des gaz, en particulier appliqué au biogaz. Je suis également membre actif du syndicat des énergies renouvelables, du Club Biogaz et de l'Association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV).
Le travail que mène Cryo Pur s'inscrit dans le cadre de la filière biogaz et de la filière biométhane, en plein développement en France et en Europe. Je pense que France Gaz Renouvelables aura l'occasion d'évoquer la filière dans sa globalité.
Cryo Pur travaille sur un sujet de niche que nous sommes heureux d'aborder au cours de cette table ronde orientée sur les carburants. Nous travaillons sur le biométhane qui a vocation à décarboner le secteur des transports routiers, en particulier le segment des poids lourds qui nécessite des solutions de transition énergétique et des solutions « bas carbone ».
Un frein pèse sur la transition énergétique du secteur routier poids lourds. Il n'existe pas de dispositif de soutien à la liquéfaction du biogaz pour alimenter directement des stations carburants. C'est le constat de la société Cryo Pur, qui est née d'un projet de démonstration technologique qu'elle a menée avec Suez et le soutien du Commissariat général à l'investissement (CGI) sur une première unité, un pilote de liquéfaction de biogaz à la station d'épuration de Valenton.
Dans le cadre de ce projet suivi par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), nous avons validé la technologie. Nous avons ensuite constitué une société qui a été financée par des investisseurs. Il se trouve que si nous avons trouvé notre marché en Europe – au Royaume-Uni, en Scandinavie, en Italie –, nous ne l'avons pas trouvé en France. Nous constatons donc « un trou dans la raquette » sur le plan réglementaire. Autant un soutien financier est apporté lorsque l'on injecte du biométhane dans le réseau de gaz naturel, ce qui est excellent dans la mesure où cela permet de décarboner les réseaux et l'usage du gaz naturel, autant ce n'est pas le cas lorsque l'on ravitaille directement une station de gaz naturel liquéfié (GNL). Le gaz naturel pour véhicules (GNV) compte deux branches : gaz naturel comprimé (GNC) et gaz naturel liquéfié.
Le groupe de travail sur la méthanisation mis sur pied par le secrétaire d'État Sébastien Lecornu a donné lieu à la publication, à la fin du mois de mars 2018, de quinze orientations sur différents thèmes. J'ai suivi en particulier la mise en place d'un dispositif de soutien financier au biométhane carburant alimentant directement des stations-service, en particulier lorsque les sites sont éloignés des réseaux de gaz naturel. Cette orientation trouve corps dans un article du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) qui en reprend le principe. Ce frein ou ce manque d'ordre réglementaire est en cours d'être comblé puisque nous avons une accroche législative pour avancer sur ce dispositif de soutien visant à verdir le biométhane carburant, notamment sous sa forme liquide de GNL.
À cet égard, Cryo Pur s'est mobilisé avec le fournisseur d'énergie Primagaz et le groupement coopératif agricole français Invivo pour former un groupement et mener une étude indépendante. Elle a pour objet d'apporter à l'administration des éléments chiffrés sur le coût de la mesure, les impacts en termes de réduction d'effet de serre, de pollution atmosphérique et de création d'emplois.
Nous sommes en lien avec les services de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Les précisions que nous leur apportons visent à créer un dispositif de soutien financier, pour une mise en place idéalement dans la loi de finances 2020, sachant que le projet de loi d'orientation des mobilités devrait être voté au cours du premier semestre 2019. De la modélisation macro réalisée par le cabinet Enea Consulting, il ressort quelques chiffres et des ordres de grandeur.
La projection de gaz naturel pour véhicules s'est fondée sur le scénario de l'Association française du gaz naturel pour véhicules qui prévoit, dans le cadre d'un déploiement massif du gaz naturel pour véhicules (AFGNV) pour le segment poids lourds, à l'horizon 2030, 67 térawattheures d'énergie pour alimenter les flottes de véhicules au GNV. Sur ces 67 térawattheures d'énergie, entre 9 et 18 seraient dédiés à la demande de GNL telle que nous l'avons planifiée à l'horizon 2030. À noter que le GNL est en très forte croissance, ce qui n'est pas le cas du gaz naturel sous forme gazeuse.
Pour que le GNL puisse avoir une trajectoire de bas carbone et de transition énergétique, se pose la question de l'incorporation de GNL biosourcé à partir de déchets. L'incorporation de 40 % de bio à l'horizon 2030 représente un objectif assez ambitieux porté par la filière et par l'AFGNV. On suppose un potentiel de demande de bio GNL de 5 à 8 térawattheures. Ce potentiel est en phase avec les potentiels de production de gaz qui sont éloignés des réseaux de gaz naturel. C'est là une filière que l'on peut constituer et qui présente plusieurs intérêts.
Par exemple, flécher la production de biogaz directement vers la mobilité. Il s'agit d'un usage à haute valeur ajoutée en termes de réduction de pollution atmosphérique, d'impact carbone, de relatif manque d'alternatives aux fossiles sur le segment du transport, en particulier poids lourds.
Nous avons également modélisé les coûts relatifs à cette filière qui sont légèrement supérieurs au coût de l'injection du biométhane mais qui aboutissent, en termes d'abattement de CO2 à des coûts entre 100 et 200 euros par tonne de CO2 évitée. Cette fourchette semble présenter un intérêt économique pour la société.
Nous allons publier une synthèse de cette étude d'ici à la fin du mois, sous réserve de la validation des parties prenantes.
Je suis heureux d'avoir pu mentionner l'essor du GNV et du GNL au sein du GNB et le fait que nous trouvons des solutions pour permettre une transition énergétique via le segment GNL carburant. Il n'en demeure pas moins que cela doit se matérialiser par des décrets et des arrêtés. Un travail réglementaire reste à effectuer à partir de 2019. Nous préparons ce travail.
Je rappelle qu'il existe deux filières : celle qui s'adresse au diesel et qui repose essentiellement sur des plantes oléagineuses et celle qui s'adresse à la filière essence. Je concentrerai mon propos sur la production de biocarburants de cette dernière.
Notre industrie est liée au secteur sucrier et amidonnier et fonctionne en synergie avec ces industries. Les principaux groupes sont le groupe Tereos, représenté aujourd'hui par Mme Valérie Corre, Cristal Union que je représente, et le leader de l'amidon, l'entreprise Roquette.
Notre industrie est implantée en zone rurale et est souvent la seule source d'emploi sur son lieu d'implantation.
Nous travaillons des matières premières telles que les betteraves, le blé, le maïs, issus de la production de 50 000 agriculteurs. Notre industrie représente pour la partie « alcool-éthanol » un équivalent temps plein emploi de 12 000 personnes. Une filière, séparée de notre organisation, travaille également sur les résidus viniques.
En fournissant 25 % de la production, la France est le premier producteur européen d'éthanol, loin devant l'Allemagne qui en produit 15 %. La France est également le premier producteur sucrier en Europe et le principal producteur amidonnier.
Quels sont les enjeux ?
Tout d'abord, le parc de véhicules thermiques actuels. Les biocarburants et l'éthanol dans le secteur des essences en particulier sont l'une des rares solutions immédiates de décarbonation des transports. Elles sont rares et les biocarburants en est une. Le récent rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) rappelle l'intérêt à agir immédiatement.
En France, les biocarburants de la filière essence représentent un pourcentage relativement important de 7,5 % base énergie de l'ensemble des essences ; 85 % sont de l'éthanol issu de productions locales et 15 % des essences appelées Hydrotreated Vegetable Oils (HVO), issues de l'huile de palme. Ce niveau d'incorporation non négligeable a été rendu possible grâce au développement du carburant le super 95E10 à partir de 2009, devenu aujourd'hui le principal carburant vendu dans le pool des essences, au-delà du SP98 et du SP95E5.
Au-delà du SP 95E10, on relève également une forte progression de l'E85 qui contient plus d'éthanol, à hauteur de 85 %. Même si son usage reste marginal aujourd'hui, à hauteur d'environ 1,7 % du marché, sa progression annuelle est très forte, de l'ordre de 40 %. Sa progression se poursuivra à un rythme soutenu parce qu'un frein à la transition énergétique dans le secteur des transports a été récemment levé par l'homologation de boîtiers qui permettent au parc existant de véhicules essence d'utiliser l'E85. Voilà donc une solution qui peut être mise en oeuvre immédiatement. Dans la mesure où l'on utilisera plus d'éthanol et que l'éthanol émet en moyenne 70 % d'émission de CO2 de moins que l'essence, l'impact est significatif. La possibilité de poser des boîtiers sur un parc existant permettra donc de consommer plus d'éthanol, qui émet moins d'émissions de CO2.
Quelles sont nos ambitions ?
Nous voulons atteindre une part de marché supérieure à 7,5 %, mais nous sommes freinés parce que les résidus des filières sucrières et amidonnières, ce que l'on appelle « les sucres non extractibles » dans la filière sucrière et « les amidons résiduels » dans la filière amidonnière, sont considérés à tort comme des plantes alimentaires. Or, l'incorporation de l'éthanol issu de plantes alimentaires est plafonnée à 7 % en France. Vous avez certainement entendu parler du débat « food vs fuel ». Pour ce qui concerne les plantes alimentaires, autant nous acceptons le plafond de 7 % puisque c'est un choix politique décidé au niveau de l'Union européenne, autant nous ne comprenons pas pourquoi la production d'éthanol issue de résidus est plafonnée en France, alors que c'est contraire au règlement de l'Union européenne en matière d'énergies renouvelables et que le plafond sera retiré de la directive qui entrera en vigueur en 2021.
Vous débattez actuellement du projet de loi finances. Nous en profitons pour demander une augmentation du taux de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dans la filière essence. De 7,5 % aujourd'hui, nous demandons qu'il passe à 8,3 % en 2019, ce qui pourrait inciter à la prise en compte de l'éthanol issu de nos résidus de production au-delà de 7 %. Aujourd'hui, le projet de loi de finances ne le prévoit pas.
Nos productions actuelles en France permettraient de répondre à cette demande nouvelle si elle était mise en oeuvre par le cadre législatif. Nous exportons hors de nos frontières à peu près 30 % de nos productions. À l'instar d'une économie circulaire, il s'agit de proposer ces productions au plus près des consommateurs. Sans augmenter nos productions, nous pourrions répondre à cette demande supplémentaire, sachant que les principales entreprises ont investi afin de répondre à un objectif de 10 %.
Il convient de rappeler que l'architecture fiscale actuelle, notamment de la TGAP, qui devrait changer de nom au cours du débat parlementaire sur la loi de finances, est un instrument fondamental et efficient pour encourager le consommateur à utiliser des carburants moins polluants. Il est, bien sûr, essentiel de le préserver.
De même, il convient de veiller à la cohérence entre les mesures fiscales à l'encouragement de type TGAP, à la stratégie bas carbone et surtout aux éléments de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Sans cohérence entre la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et l'aspect fiscal, nous serons confrontés à des contradictions.
Pour conclure, dans le cadre de la transition énergétique dans le secteur des transports et face à l'urgence à agir, nous sommes favorables à une politique qui additionne les solutions. Pour ce qui concerne en particulier le secteur de l'éthanol, il faut additionner les carburants de première génération et les biocarburants issus de nos résidus de production qui sont immédiatement disponibles. Dans un avenir proche, nous espérons également pouvoir additionner les biocarburants de seconde génération, dont la mise sur le marché devrait intervenir à partir de 2013.
Je suis agriculteur dans l'Yonne et dans le Loiret, responsable de la commission « bioressources et bioéconomies » de Céréaliers de France.
Notre activité se situe en amont de celle évoquée par les représentants du SNPAA. En effet, nous sommes producteurs de matières biomasse, grains et autres. Moi-même je suis producteur de maïs, de blé, de betteraves, les débouchés principaux étant l'éthanol, la meunerie, mais il existe d'autres débouchés, alimentaires ou non.
Quels sont nos enjeux ? Travailler à la neutralité carbone de nos productions mais également à la neutralité carbone de la France. Nous avons la capacité de fournir des productions renouvelables à la différence de l'énergie fossile et de séquestrer des taux élevés de carbone dans la biomasse, mais également dans les sols. Grâce à la photosynthèse, nos grandes cultures sont une formidable pompe à carbone.
Un rapport du GIEC, paru il y a quelques jours, rappelait l'atout que représente la biomasse agricole et forestière pour absorber le CO2 atmosphérique. Il est important de le souligner. De par nos productions et nos cultures, nous sommes en mesure de résoudre les problématiques de gaz à effet de serre et de changement climatique.
La notion de pompe à carbone nous est chère. L'agriculture est comptée pour environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. Malheureusement, il n'en va pas de même de notre apport aux transports qui n'est pas comptabilisé dans le volet agricole.
J'en viens aux freins relatifs au développement de nos productions à des fins énergétiques. Des problématiques réglementaires d'installation et d'autre nature font blocage. Je pense à la méthanisation, à la place des cultures énergétiques, aux cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) et leur acceptabilité dans les projets de méthanisation agricole. La difficulté d'acceptation est liée à l'utilisation des cultures alimentaires par le domaine énergétique.
Nous rencontrons parfois des difficultés de concordance entre les réglementations française et européenne. Je pense à la politique agricole commune, à des réglementations environnementales européennes qui nous sont imposées et qui entrent parfois en opposition un peu frontale avec des réglementations nationales.
Autre préoccupation : l'acceptabilité de la comptabilité entre cultures alimentaires et non alimentaires que l'on nous oppose souvent. Pour des filières matures comme celles des biocarburants, nous avons pu produire la preuve que ces deux types de cultures ne sont pas forcément incompatibles, notamment pour nos productions nationales. Ce sujet se profile alors que la filière de méthanisation est émergente en France et encore peu développée. Des contradicteurs viennent parfois gêner l'émergence de projets.
Autre élément important : nous parlons de « productivité » et j'ai bien l'impression que ce terme est parfois considéré comme un gros mot. Plus on produit sur une surface donnée, plus on produit de biomasse, plus on stocke de carbone. Le productivisme est alors mis en avant, on parle de productivité. Il faut que nous échangions sur ce thème pour faire progresser l'acceptation de la productivité telle qu'elle est pratiquée en France.
Sur le plan économique, nous sommes confrontés à des difficultés sur nos exploitations avec des coûts de revient franco-français. Je pense à de nouvelles installations de méthanisation. Il s'agit d'une filière émergente, non encore dominée par nos interlocuteurs nationaux qui ne maîtrisent pas encore la totalité des process. Les études, l'ingénierie et les matériaux induisent un enchérissement assez élevé des projets comparé à ce que l'on observe chez nos voisins allemands dont la filière est plus mature, plus ancienne. Les surcoûts freinent grandement l'émergence de nouveaux projets, en tout cas ils freinent les porteurs de projets et les financeurs.
On rencontre également, ponctuellement, des problèmes logistiques sur des filières émergentes : l'éloignement des réseaux, par exemple gaziers, crée un frein logistique et influe sur les coûts de revient d'un projet.
Sur le plan technique, nous travaillons avec nos instituts techniques à l'émergence de systèmes de cultures adaptés à ces nouvelles productions. Ils reposent sur l'addition de plusieurs cultures la même année, sur des cycles de culture un peu différents et sur de nouvelles cultures. Il s'agit des recherches et de l'application des travaux des instituts sur le terrain.
Les acquisitions de données sont parfois longues. Le syndicat des producteurs de maïs est propriétaire d'un méthaniseur très ancien implanté sur une station située à Montardon, à proximité de Pau, que nous transformons avec l'institut Arvalis en un outil d'expérimentation multifactorielle pour acquérir des données que nous pourrons partager au niveau national. Nous disposerons d'un outil d'expérimentation de microméthanisation et apporterons ainsi des garanties aux porteurs de projet. Cela fait partie des travaux que nous menons.
M. Bignon a évoqué un marché à destination du bioéthanol qui intéresse les céréaliers. Nous sommes satisfaits que le projet de directive A2, assez mortifère à l'origine, ait évolué pour se traduire par une forme acceptable. En termes d'objectifs, toutefois, nous regrettons que les ambitions soient limitées.
D'un autre côté, nous nous inquiétons de certaines visions franco-françaises portées sur l'éthanol et sa production. Certains rendez-vous furent douloureux. Une incompréhension porte sur la taxation du carbone qui n'est pas différenciée entre le carbone biogénique et le carbone fossile. Le carbone renouvelable est taxé de la même façon que celui extrait du sous-sol. Nous ne parvenons pas à comprendre la gymnastique ! Aussi, nous aimerions que la situation évolue rapidement. Tous les ans, nous proposons des amendements dans les projets de loi de finances pour améliorer la donne, sans obtenir gain de cause jusqu'à présent.
J'apporterai quelques éléments complémentaires pour répondre au cadre que vous avez fixé.
Il y a une dizaine d'années, la filière française de bioéthanol a investi un milliard d'euros dans un outil industriel extrêmement moderne et aux performances élevées. Cet outil n'est pas totalement amorti aujourd'hui. Je rappelle que nous avons dû faire face à des débats, en particulier au niveau européen qui ont abouti au plafonnement du taux d'incorporation des biocarburants de première génération à 7 %. La directive « Énergies renouvelables II », qui vient d'être adoptée, confirme ce pourcentage pour la décennie à venir. Il s'agit d'une très bonne nouvelle.
Il convient de noter que pour faire fonctionner les usines en synergie avec la production alimentaire, environ 250 000 hectares sont mobilisés, soit moins de 1 % des surfaces cultivées en France. L'ensemble de ces hectares n'est pas uniquement consacré à la production de biocarburants puisque, de façon indissociable à la production de biocarburants de première génération, on assiste à des coproductions destinées à l'alimentation animale, et ce pour toutes les filières. C'est vrai aussi de la filière du biodiesel. Pour ce qui concerne la filière du bioéthanol, quand on transforme des céréales en éthanol, il reste des drêches, un résidu de la graine, une fois utilisé l'amidon en fermentation. Très riches en protéines, les drêches sont utilisées pour l'alimentation animale.
Quant à la betterave, une fois extrait le sucre, la pulpe sera utilisée à l'alimentation animale. Un hectare de betteraves produit en pulpe l'équivalent d'un tiers d'hectare de céréales. Quand on parle de surfaces consacrées au biocarburant, il convient de toujours distinguer les surfaces brutes et faciales des surfaces nettes que l'on obtient une fois déduite la quote-part consacrée aux produits.
Dans un premier temps, je présenterai la nouvelle filière France gaz renouvelables. L'ensemble des partenaires concernés a eu l'idée d'installer la filière dans le paysage, ce qui n'est pas toujours chose aisée, surtout dans le secteur de l'énergie.
France gaz renouvelables est constituée des producteurs du monde agricole – je suis moi-même agriculteur, adhérent à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) –, ainsi que de la distribution, représentée par GRDF, GRTgaz et Illico. Nous comptons également les réseaux, des personnes de la filière, de la production à la distribution, pour rendre très lisible le potentiel de cette filière, notamment sur la place du gaz et demain, avec la sortie des énergies fossiles, du gaz renouvelable.
Le monde agricole est très présent aujourd'hui, car il est en mesure de répondre aux enjeux du climat. L'agriculture est victime et cause, mais elle est surtout solution aux problèmes climatiques actuels. Grâce à la photosynthèse, l'agriculture participe à l'augmentation de la production de la biomasse. Avec la forêt et les sols, l'agriculture est le seul secteur de puits de carbone, ce qui nous permettra sans doute à l'avenir de parvenir à la neutralité des émissions de gaz à effet de serre. Pour y parvenir, il convient d'utiliser au mieux ce puits de carbone.
La production d'énergie en agriculture n'est pas non plus un gros mot ! En effet, avant l'ère du pétrole, l'agriculture produisait de l'énergie. Par photosynthèse, l'agriculture produit de l'énergie, qu'elle soit ou non alimentaire. L'enjeu, très clair, y compris pour les professionnels, ne consiste pas à empiéter sur la partie alimentaire mais à valoriser davantage la partie non alimentaire, notamment les couverts végétaux, les cultures intermédiaires à valorisation énergétique. À l'avenir, nous serons amenés à couvrir plus largement les sols pour capter plus, pour améliorer la biodiversité et la matière organique. Il convient de réfléchir à ce que nous ferons de cette nouvelle biomasse, notamment de l'énergie qu'elle contient.
Il faut également évoquer les effluents et leur gestion pour un impact le plus faible possible sur l'environnement tout en poursuivant les activités d'élevage qui sont nécessaires, car le meilleur schéma d'exploitation est théoriquement celui de la polyculture-élevage. Il faut donc conserver la pratique de l'élevage, il faut simplement limiter son impact sur l'environnement et le climat. La méthanisation est une solution qui s'offre à nous. C'est la raison pour laquelle l'agriculture est fortement concernée. Je ne parle pas de l'ensemble de la bioéconomie, mais nous le pourrions.
Le gaz est une énergie aux multiples externalités positives. En premier lieu, elle est modulable et stockable. En France, nous disposons du réseau de gaz pour stocker et utiliser cette énergie à un coût raisonnable parce que les réseaux existent et que la technique est très complémentaire, dans le mix énergétique, avec les énergies électriques, à un coût raisonnable.
L'ADEME l'a rappelé, l'objectif consiste à remplacer le gaz naturel par du gaz vert. L'ADEME confirme que le potentiel existe et que l'on peut atteindre 100 % de gaz vert tout en conservant une consommation de gaz importante. Les agriculteurs valoriseraient une partie de ce qu'ils ne valorisaient plus. Cela participerait à l'augmentation des revenus et serait un plus pour le développement des exploitations. En augmentant la biomasse, on capte plus de gaz à effet de serre. On participe ainsi à l'enjeu du climat tout en produisant de l'énergie. C'est une équation globale qu'il convient d'avoir toujours à l'esprit.
Les freins sont nombreux parce que la filière est nouvelle. Au surplus, qui dit transition énergétique dit quitter les énergies fossiles, baisser la part du nucléaire et multiplier les sources d'énergie. On ne répond pas au même logiciel. Une telle approche n'est pas toujours aisée à développer dans certains ministères qui sont restés avec un vieux logiciel pour une transition énergétique ce qui constitue une petite révolution. Elle est nécessaire. Elle suppose une période d'explications et d'adaptation. Le groupe de travail créé par M. Lecornu a été positif. Nous regrettons que, sur plusieurs points, les mesures concrètes tardent à venir, mais sans doute est-ce la résultante du temps d'adaptation habituel.
Je souligne qu'il n'y a pas deux méthaniseurs identiques. On peut comparer un méthaniseur à une panse de vache dans laquelle on introduirait des rations, des effluents, de la biomasse... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le monde agricole comprend si bien le système de méthaniseur ! Cela signifie également que les recettes sont toutes différentes. On ne peut cadrer les choses de façon binaire en termes de contrôles, de taxation, etc., parce que les intrants et les digestats sont différents et induisent de la complexité. Je me mets volontiers à la place de l'administration : ce schéma est moins simple que celui d'usines qui seraient toutes identiques, clonées un peu partout sur le territoire.
La complexité réglementaire française est réelle. En Belgique, un projet met un an avant de voir le jour. Après avoir été de quatre ou cinq ans en France, les délais ont été ramenés à trois ou quatre ans, mais ils n'en demeurent pas moins trop longs. Ces délais influent sur l'acceptabilité sociétale. Si nous sommes conscients de la nécessité d'entreprendre un travail sociétal, les délais sont des freins. Un projet qui met cinq ans à sortir de terre suscite inévitablement des interrogations. Créer une dynamique, donner un peu de vitesse, sans pour autant détourner les questions, permet de montrer que le développement de la filière et la mise en place d'un méthaniseur ne sont que des projets très normaux.
Nous tenons compte de l'acceptabilité sociétale qui modifie parfois le paysage. Je pense aux éoliennes qui posent des difficultés sur le terrain. Bien évidemment, les méthaniseurs méritent attention. Mais il faut expliquer à la société civile tous les aspects positifs. Malheureusement, les externalités positives ne peuvent être incorporées dans les prix. Je pense aux effets sur le territoire, à l'économie circulaire, à l'emploi, à la gestion des effluents, à la baisse des gaz à effet de serre et à l'intérêt que cette énergie offrira demain en termes d'autonomie.
Nous disposons d'une énergie en France qui permettra, si nous procédons de façon intelligente, de conserver une agriculture diversifiée telle que nous la connaissons à l'heure actuelle. Bien évidemment, quand on se place sous l'angle du registre des tarifs ou des appels d'offres, les avantages que nous offrons n'apparaissent pas ; ils n'en demeurent pas moins très intéressants sur le terrain.
La massification est nécessaire. On nous demande de baisser les tarifs et d'y réfléchir. Cela fait quatre ans que nous parlons de méthanisation alors qu'il n'existe que 400 méthaniseurs en France et 10 000 en Allemagne. Je ne dis pas pour autant qu'il faille copier l'Allemagne. Si à l'étranger, on commence à percevoir sur le terrain une forte dynamique et à voir émerger des projets que l'on doit impérativement accompagner, en France, malheureusement, depuis quatre ans, dans les nombreuses réunions sur la méthanisation, on parle davantage de réglementations, de normes et de fiscalité que d'aide à la filière. Cela fait partie des blocages. Dans un premier temps, il convient de fixer le cap de la méthanisation à 100 % de gaz vert, tout en lui accordant des moyens. Nous avons déjà la chance de disposer d'une infrastructure gazière solide sur l'ensemble du territoire – ou presque. N'oublions pas la cogénération, qui allie production d'électricité et de chaleur. Dans certaines zones qui ne disposent pas de réseaux ou dans des zones où les réseaux sont moins importants, des projets très intéressants sont présentés, par exemple de valorisation de la chaleur, tels que son emploi dans des serres. Mais la nécessité s'impose d'adapter les réseaux qui importent et diffusent du gaz. Il faudra chercher le gaz sur le terrain pour le rediffuser. Cela dit, le gaz se stocke, contrairement à l'électricité.
Autre point central, le financement et la confiance des financeurs qui participent du dynamisme de la filière.
Les financeurs sont aujourd'hui assez frileux et demandent jusqu'à 30 % d'apport. Faites le calcul sur un projet de 5 millions d'euros ! Un agriculteur, voire trois ou quatre agriculteurs réunis, peut difficilement se procurer un ou deux millions.
Un grand plan d'investissement est en cours. Sans dire qu'il n'est pas à la hauteur, il reste insuffisant. Nous sommes quelque peu surpris des prêts proposés à des taux affichés à 4 %. Comparé aux taux actuels, c'est pour le moins étonnant ! Plutôt que d'accorder de petits prêts à des taux élevés, il serait préférable que l'État accorde sa caution ou participe pour partie à la caution.
Pour la cogénération, la méthanisation présente l'avantage d'une stabilité tarifaire sur quinze ou vingt ans. Contrairement aux produits alimentaires, le risque financier est quasiment nul. Bien sûr, il convient d'être techniquement à la hauteur, mais le risque est faible économiquement. L'État ne prendrait pas trop de risques à accorder son soutien.
Je terminerai sur la nécessité d'une stabilité réglementaire et tarifaire sur le long terme. Encore récemment, on se demandait si l'État allait imposer la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux méthaniseurs de cogénération ; le lendemain, on se demandait si l'État allait imposer l'hygiénisation de tous les intrants dans un méthaniseur. Rajouter sans cesse des règles a pour première conséquence d'augmenter les coûts ; par ailleurs, les règles fluctuent, complexifiant les projets qui sont de gros projets. Une vision à dix ou quinze ans s'impose afin de faire naître les projets, d'obtenir la confiance des financiers et surtout d'assurer le coût.
Je laisse la parole à M. Lemaistre pour la partie relative aux réseaux.
Merci de nous avoir invités à cette audition.
Je limiterai mon intervention à un focus sur les carburants, et plus spécifiquement sur l'usage du biométhane comme carburant, dans l'esprit développé par le représentant de Cryo Pur.
Le biométhane a différentes utilisations possibles. Le biogaz permet de produire de la chaleur, de l'électricité, il permet la cogénération et l'injection dans le réseau.
Quand on injecte du gaz dans le réseau ou qu'on le liquéfie, il est intéressant d'obtenir un usage carburant. Il peut s'agir de gaz compressé ou de gaz liquéfié, celui-ci présentant un intérêt tout particulier pour les poids lourds qui parcourent de très longues distances. Pour les petits véhicules parcourant des distances moyennes, le gaz comprimé est préférable.
Bien que des progrès d'industrialisation restent à réaliser, le bio-GNV est un carburant mature et une technologie performante, ainsi que nous le constatons en Allemagne. Il s'agit d'un carburant de deuxième génération, avancé et reconnu comme tel. Dans notre filière, la reconnaissance s'est faite à partir du traitement des effluents, car notre filière présente le mérite d'éliminer des déchets. Quand le carburant est produit à partir de cultures intermédiaires à valeur environnementale, le rendement de la biomasse est performant. Un tel processus s'inscrit en complémentarité des carburants liquides, quels qu'ils soient, car il n'est nullement question d'opposer les carburants entre eux. Je le dis car, même liquéfié, il sera difficile de faire voler des avions avec du gaz ! Une fois injecté dans le réseau, le produit peut être liquéfié et transporté dans une station pour alimenter des véhicules.
La production actuelle fournie par des installations procédant à l'injection représente à peu près 1 térawattheure. C'est un bon début, même si ce n'est pas considérable. Le chiffre avoisine les consommations de gaz naturel de véhicules en France.
Le GNV est développé partout dans le monde. Dix-sept millions de véhicules roulent au GNV, aussi bien dans des pays développés, comme les États-Unis où la moitié des poids lourds achetés roulent au gaz, si ce n'est pas au bio-GNV, que dans des pays émergents.
Aujourd'hui, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit de fournir à 25 000 térawattheures en 2030. Ainsi que l'a souligné M. Clodic, nous souhaiterions un objectif plus ambitieux. De même, si la loi prévoit à l'heure actuelle 10 % de gaz renouvelable en 2030, l'objectif figurant dans les propositions au titre de la PPE et de la future loi est un peu plus ambitieux.
Je cite ces ordres de grandeur pour démontrer qu'une large part du biométhane pourrait être utilisée comme carburant, dans la mesure où il s'agit de l'un des seuls carburants de deuxième génération existant aujourd'hui, même si d'autres sont en préparation, qui s'avéreront très utiles et complémentaires. Y parvenir suppose de développer le nombre de véhicules roulant au gaz et le réseau des stations publiques. C'est le point clé. Les stations-service doivent pouvoir être utilisées pour s'alimenter aussi bien en gaz conventionnel qu'en biométhane.
Les véhicules roulant au GNV permettent une réduction du bruit de 50 % et une baisse de 80 % du niveau des émissions de carbone. Même quand il s'agit de carburant classique, les véhicules produisent 20 % de moins de carbone.
La réglementation contient d'ores et déjà des points positifs, tels que la fiscalité des véhicules et des carburants ou le suramortissement. Nous souhaiterions toutefois plus de visibilité dans le temps et une stabilité de la réglementation qui ne cesse de fluctuer, ce dont a besoin la filière industrielle.
Afin de lever les freins, nous souhaitons que les appels à projets lancés par l'ADEME et les régions se poursuivent, voire soient renforcés pour atteindre les objectifs fixés. Ces appels à projets sont positifs, mais sans doute l'effort doit-il être un peu plus soutenu. Dans la mesure où un surcoût touche les véhicules, il est essentiel que les dispositions sur le suramortissement soient maintenues pour permettre aux transporteurs de trouver un équilibre et tirer un véritable gain lorsqu'il passe au GNV ou au bio-GNV.
Autre point encore plus fondamental : en matière de carburants, de biocarburants et de carburants de mobilité propre, la réglementation relève d'une approche tank to wheel, autrement dit portant sur les émissions finales et non sur un cycle complet qui répondrait à une approche well to wheel. Un des points clés, aussi bien au niveau européen qu'au niveau français, serait d'avoir une vision portant non pas uniquement sur l'évolution locale comme c'est le cas aujourd'hui, mais sur le cycle global, depuis la production du carburant en cycle de vie complet jusqu'à la consommation, en intégrant l'évolution locale et globale.
Je vous remercie de donner la parole à la Douane. Je rappellerai en premier lieu le rôle de la Douane en matière de transition énergétique.
La Douane perçoit les taxes environnementales. La taxe générale sur les activités polluantes sur les carburants (TGAP), qui deviendra prochainement la taxe incitative à l'incorporation de biocarburant aux termes de l'article 60 du projet de loi de finances, est la seule taxe environnementale qui existe en matière de carburants et de biocarburants.
En matière de carburants, la Douane perçoit une seconde taxe : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui est une accise relevant de la directive européenne 2003-96 relative au régime des accises. En tant qu'accise, la TICPE a pour finalité principale le rendement.
En matière d'application de la perception de la TICPE et de la TGAP carburant, notre principal souci est de nous assurer du bon contrôle des taux réduits, des exonérations ou des réductions de taxes.
La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) fixe les orientations en matière énergétique ; elle est amenée, dans ce cadre, à nous consulter.
Il s'agit d'une taxe sur le poids. La directive européenne 2008-118 encadre les marchandises sensibles de l'Union européenne. Si la libre circulation des marchandises est de droit dans l'Union européenne, les marchandises qui relèvent d'une accise font l'objet d'une forme de restriction en étant soumises à des formalités de contrôle et de circulation.
Il existe à l'heure actuelle trois types d'accise, qui portent sur le tabac, les alcools et les produits énergétiques.
Je formulerai quelques remarques.
Monsieur Clodic, vous avez évoqué le manque de moyens dans l'accompagnement à l'installation des stations. Il est vrai que la France n'est pas pionnière en matière de développement de stations GNV-GNL. Mais j'ai à l'esprit des projets locaux qui sont lancés par des transporteurs. Je pourrai en citer au moins deux implantés sur mon territoire : à Saint-Quentin, le transporteur Hutch installe une station GNV ouverte au public et le transporteur Blondel travaille avec Air liquide à l'installation d'une station GNL dans les Hauts-de-France.
Vous relevez l'absence d'appui financier public au déploiement des méthaniseurs. Quelles seraient vos préconisations pour un appui financier public ? Quelle forme pourrait-il prendre ? Je relie ce propos avec celui sur les méthaniseurs, évoqués par M. Dauger. A également été évoqué, la surenchère des moyens nécessaires à l'installation, en tout cas l'enrichissement du coût des matières premières ou des matériaux pour installer ces méthaniseurs.
Je voudrais interroger l'ensemble de la filière carburant-éthanol, afin de nous expliquer plus en détail l'enjeu que constitue le plafond de la TGAP pour la filière éthanol au regard de l'incorporation de produits importés comme l'huile de palme.
L'article 60 du PLF contient les indicateurs destinés éventuellement à faire évoluer la TGAP. Le débat sera abordé dans l'hémicycle à partir du 30 octobre. Quel est l'enjeu de ce plafonnement et des différentes ressources ?
Venant d'une terre betteravière, je connais le process de fabrication du sucre. Mais pourriez-vous expliquer à un public non averti les différentes étapes de fabrication de l'éthanol à partir d'un résidu et non d'une matière première ?
Il est très intéressant que des représentants de plusieurs filières de biocarburant soient réunis même si les représentants du biodiesel, de l'hydrogène et de l'électricité ne sont pas présents aujourd'hui.
Je place le débat sous cet angle, car vous vous situez en tant que producteurs qui visez tous, me semble-t-il, les mêmes consommateurs. Si je vous entends, demain, les stations-service proposeront à la pompe du biodiesel, le B100, l'E85, le GNG, le GNL, l'hydrogène et le chargeur électrique. Cela fait beaucoup pour un seul véhicule !
À l'occasion du Salon de l'automobile, nous avons rencontré les constructeurs et les fédérations de véhicules. La priorité à court terme est le véhicule électrique. Je n'ai pas vu de véhicule léger circulant uniquement au méthane, à l'éthanol, etc.
J'en viens aux véhicules industriels : les véhicules agricoles, les tracteurs, les bateaux…. À cet égard, des débouchés existent certainement. Un effort ne doit-il pas être fait pour clarifier les perspectives futures ? Une multitude d'énergies est nécessaire, qu'il faut sans doute spécialiser en fonction des véhicules.
J'interroge également sur la quantification globale de la biomasse disponible produite sans réduire les surfaces alimentaires.
Hier, au Salon de l'automobile, j'ai visité le stand d'un fabricant de boîtiers homologués pour l'éthanol. En échangeant avec les professionnels, j'ai compris qu'un propriétaire d'un véhicule essence classique qui installerait ce type de boîtier perdrait la garantie « constructeur ». Il s'agit d'une forme de frein à la transition énergétique. Je m'interroge : pourquoi ces boîtiers ne sont-ils pas standardisés par les constructeurs ? J'imagine qu'un frein industriel fort les en empêche. Peut-être ce frein a-t-il pour vocation à tester le boîtier. J'interrogerai d'ailleurs la filière car je voudrais avoir votre avis sur les points bloquants à l'installation en série de ce type de boîtiers.
Peut-être serait-il intéressant d'auditionner les constructeurs automobiles.
Nous sommes également sensibles aux freins sociétaux. Suite aux propos de M. Duvergé, comment êtes-vous perçus aujourd'hui par la profession agricole plutôt tournée vers la production alimentaire ?
Je reviens sur les freins réglementaires, fiscaux et le manque de visibilité pluriannuelle. Dans le cadre du PLF, vos demandes sont plutôt d'ordre fiscal. Pourriez-vous évoquer des questions plus techniques en lien avec l'aspect législatif ?
Je ne parlerai pas des biocarburants.
Nous avons centré notre propos sur le transport, mais le gaz ne concerne pas uniquement le transport : il convient de le remplacer dans tous les domaines, le chauffage par exemple. Complémentaire à l'électricité, le gaz permet, entre les pics de consommation et les soubresauts de production, de jouer un rôle tampon dans la production d'électricité. Le gaz peut jouer le rôle de complément d'autres énergies ou pallier les besoins dans de nombreux domaines.
Nous nous sommes focalisés sur le transport poids lourds, c'est vrai. Je rappelle que des normes relatives aux tracteurs gaz sont précisées à l'échelle européenne. Massey Ferguson dans les Hauts-de-France ou New Holland travaillent sur les tracteurs à gaz. Les pistes existent également pour le chauffage, pour produire de l'énergie quand les éoliennes sont à l'arrêt, la nuit, quand il fait très froid ou très chaud s'agissant des climatiseurs. Nous changeons de logiciel ! Nous sortons de la production de trois énergies ; nous allons connaître prochainement un panel de productions et d'utilisation d'énergies aux entrecroisements multiples. Il faut, à cet égard analyser le mix énergétique sous une approche différente.
Produire sans empiéter sur l'alimentaire fait partie de nos enjeux. L'ADEME affirme que le potentiel français de biomasse, d'effluents, de déchets pour produire du gaz renouvelable nécessaire est présent. On ne parle pas de la partie alimentaire.
Je reviens à l'évolution de l'agriculture, qui d'ailleurs rejoint la question que vous avez posée sur la perception de la profession. La profession est la première à ne pas remettre en doute le dérèglement climatique, car cela fait plusieurs années qu'elle y est brutalement confrontée. Cela fait cinq ou six ans que la production agricole subit des soubresauts économiques, mais également climatiques. Il convient de rechercher des systèmes plus résilients pour faire face à la dureté du climat et à l'absence d'eau. La vie du sol évolue, et capter le carbone représente un enjeu.
Sur le plan alimentaire, la situation des revenus agricoles n'est pas simple. Si donc de nouvelles sources de revenus amélioraient tout à la fois la résilience des exploitations et permettaient aux agriculteurs d'être mieux perçus par la société, à tout le moins qu'il était démontré que l'agriculture dans sa diversité est une chance plutôt qu'un problème, le cap pourrait être passé. Chez les agriculteurs, il est en passe de l'être. La profession n'est pas opposée à réfléchir à l'ensemble de ces sujets. Si, demain, nous devions couvrir les sols, garder des prairies en pratiquant l'extensification de l'élevage pour des raisons sociétales, nous pourrions utiliser l'herbe des prairies pour faire de la méthanisation. Il est possible d'utiliser la biomasse, de capter le CO2 et de produire de l'énergie dans le même temps. Nous sommes face à une équation composée de multiples entrées et sorties.
L'acceptabilité sera possible si nous expliquons bien les choses, si nous intégrons, dès le début des projets de méthanisation, l'enjeu, essentiel, de la biodiversité. Ce n'est pas impossible, il faut qu'il soit intégré au même titre que l'enjeu économique ou l'enjeu de l'exploitation.
Monsieur le président, vous nous avez interrogés sur l'impact et les enjeux liés à l'huile de palme.
L'huile de palme occupe 15 % de l'objectif d'énergie renouvelable de l'essence depuis 2014 et a connu une forte croissance en 2017. Ce n'était ni souhaité, ni désiré, ni attendu par notre filière.
Il est intégré indirectement. À l'heure actuelle, la production n'est pas celle attendu de la raffinerie de La Mède, il s'agit d'une production importée, dont une partie prépare le démarrage de l'outil. Il existe donc un lien à travers la commercialisation des produits.
Nous pensons que nous assisterons à une stabilisation, voire à une légère croissance, plutôt qu'à progression forte.
La perte a été importante puisque 15 % des volumes ne sont pas accessibles à notre filière. C'est l'une des raisons qui incite à dire que les objectifs peuvent être revus à la hausse de 15 %, au-delà de 7 % pour atteindre 8,9 %. Cela permet d'accéder plus rapidement à l'objectif fixé pour 2020 de 10 % d'énergies renouvelables dans les transports. Si elle le souhaite, la France a la possibilité d'augmenter aujourd'hui même l'incorporation d'énergies renouvelables dans l'essence.
La question de l'huile de palme fera l'objet d'un travail de la Commission européenne dans le courant de l'année prochaine. Elle est identifiée dans la nouvelle directive Énergies renouvelables qui couvrira la période 2021-2030. Le gouvernement français sera attentif aux conditions du plafonnement prévu par la directive, à la baisse éventuelle qui suivra pour certaines matières à risques, telles que l'huile de palme, et à leur mise en oeuvre.
Vous avez interrogé sur les consommateurs visés. S'agissant de l'éthanol, l'utilisation est intense pour les véhicules légers et les véhicules à essence qui sont les véhicules vers lesquels se tournent de plus en plus les consommateurs français.
Nous sommes également présents dans l'alimentation des poids lourds et des bus avec l'ED95, un carburant qui ne contient aucune énergie fossile, uniquement de l'éthanol, un additif dilué dans de l'eau. Les camions qui roulent ainsi sont produits par la société suédoise Scania qui les commercialise en Suède depuis de nombreuses années. La technologique est donc émergente en France et en cours de commercialisation.
Vous nous interrogez sur les boîtiers installés sur des véhicules récents ou des véhicules plus anciens. La question de la garantie du constructeur a été traitée dans l'arrêté d'homologation de décembre dernier. Nous comprenons les constructeurs qui estiment ne pas être responsables en cas de problèmes dès lors que l'on modifie un élément lié à l'utilisation du carburant de leur véhicule et qu'ils renvoient la responsabilité sur le fabriquant des boîtiers. Ce dernier prend une assurance qui remplace celle du constructeur dans le cas où cette dernière ne s'appliquerait pas. Bien entendu, l'assurance ne fonctionne que si le problème est lié à la chaîne de carburant et non au volant qui se détacherait ! Les garanties constructeurs sont maintenues dans tous les autres cas, quelle que soit la situation.
Les constructeurs ont été actifs sur ce créneau et ils le sont sur des marchés très demandeurs comme le Brésil. Au Brésil, tous les véhicules vendus sont flex fuel. L'ensemble des constructeurs européens sont actifs au Brésil, ils maîtrisent donc tous la technologie. La question de la technologie ne se pose donc pas, il s'agit plutôt d'une question industrielle. La France est en avance sur l'E85, mais les constructeurs ne peuvent pas, pour des raisons industrielles, multiplier les gammes si davantage de pays ne font pas plus largement la promotion de l'E85. Dont acte !
Les boîtiers homologués permettent aux constructeurs de préparer d'autres modèles. Ils auraient tout intérêt, selon nous, à envisager le flex fuel pour les nouveaux véhicules hybrides rechargeables que Peugeot et Renault vont mettre sur le marché dans l'année ou les deux années qui viennent. Pour des raisons techniques sur lesquelles je ne m'étendrai pas, le rendement de l'éthanol E85 dans les moteurs hybrides est encore plus performant que dans les moteurs à essence : on fait de l'efficacité énergétique. Une étude sera lancée prochainement sur le sujet avec l'ADEME afin de quantifier précisément cet avantage. Il existe, nous le savons, et les constructeurs ont tout intérêt à le prendre en compte pour l'avenir.
S'agissant de la quantification de la biomasse, notre filière est dimensionnée pour atteindre environ 10 % d'énergies renouvelables dans l'essence, un objectif qui peut être atteint en trois ou quatre ans. La deuxième génération d'énergies renouvelables pourrait arriver dans les années 2023. Rappelons que l'éthanol de première génération de résidus ou de deuxième génération est le même. Tout ce que nous ferons pour développer l'utilisation de carburants et la motorisation acceptant l'éthanol sera utile, quelles que soient les matières premières qui se développeront à l'avenir.
En termes d'enjeu pour les filières agricoles, en particulier céréalières, la production céréalière française annuelle avoisine, bon an, mal an, les 70 millions de tonnes. 2018 n'est pas forcément la meilleure année de référence. La filière « éthanol » utilise 2,1 millions de tonnes de céréales à mettre en rapport à la production de 70 millions de tonnes.
Pour les producteurs que nous sommes, l'intérêt réside dans la diversité des débouchés. L'éthanol est un débouché parmi d'autres. Une bonne part de la matière entrante dans l'industrie éthanolaire ressort en alimentation du bétail. Des 2,1 millions de tonnes, on peut retrancher la partie qui retourne à l'animal et par conséquent à l'alimentaire, non-OGM en France et certifié durable. Toutes les productions de biocarburants, quels qu'ils soient, qui entrent dans le schéma, sont certifiées durables.
Je souhaiterais vous expliquer un point technique. En France, et uniquement en France, la notion de résidus prête à confusion.
Je décrirai schématiquement le process d'extraction du sucre de la betterave. Il s'opère en trois cycles, appelés « jets ». La betterave passe à trois reprises par des machines. Une fois ces cycles achevés, tout le sucre extractible de la betterave est retiré. Il résulte de ce process un jus épais, appelé communément « mélasse », autrement dit le sucre non extractible. Ce liquide visqueux et noir contient 50 % de sucre et d'autres matières, dont des impuretés.
La mélasse a longtemps été confondue avec un déchet parce que l'on nous expliquait qu'un résidu était un déchet.
Dans la directive « Énergies renouvelables », on trouve les matières premières alimentaires – les plantes – et les déchets qui seront jetés. Les déchets répondent à des définitions précises. Il est préconisé de s'en débarrasser. Or, on ne se débarrasse pas de la mélasse, on la valorise. Il s'agit d'un résidu qui a des usages : elle est principalement distillée en alcool, mais elle participe à la production de la levure. Voilà ce qui a perturbé les esprits. Dans la mesure où elle est participe à produire de la levure qui sert à faire du pain, on a considéré qu'elle relevait du secteur alimentaire et on a assimilé en France la mélasse à la betterave.
La Commission et le commissaire européen à l'énergie, M. Miguel Arias Cañete, ont confirmé que notre analyse était juste, ce qui, toutefois, n'a pas permis, à ce jour, de faire changer d'avis – nous ne désespérons pas ! – certaines personnes de l'administration. M. Arias Cañete a confirmé le fait qu'un résidu est une production inévitable. En effet, fabriquer du sucre induit inévitablement une production de mélasse, à savoir des sucres non extractibles. L'alimentaire est au coeur de la production de sucre : pas de mélasse, pas de sucre !
Par ailleurs, on ne modifie pas le process pour faire de la mélasse. On en produit parce que l'on a mené le process d'extraction jusqu'à son terme. On peut modifier le processus. Le processus d'extraction du sucre nécessite deux ou trois cycles en fonction de la demande. On ne va pas au terme du cycle d'extraction faute de demande. En limitant à deux cycles, le jus contiendra du sucre non extractible de la mélasse et un peu de sucre extractible qui n'a pas été extrait, faute de demande, ou parce que les cours se sont effondrés.
Enfin, produire de la mélasse n'est jamais l'objectif. C'est ainsi qu'aucun planteur que je connaisse ne plante de betteraves pour produire un résidu.
Un résidu, au sens de la directive, n'est pas un déchet. La mélasse n'est pas jetée, elle est valorisée – pour autant que ce soit possible car si l'on retire les usages, les producteurs se retrouvent avec beaucoup de mélasse et aucun usage, ce qui contraint les producteurs à la jeter. C'est absurde. La pensée, dans sa logique, n'a pas été comprise.
La Commission a clarifié les différents points par courrier. Nous espérons pouvoir convaincre l'administration, car c'est vital. Il ne s'agit pas d'opposer des usages mais de diversifier et de maintenir la diversification des usages existants.
Il est important d'expliquer pourquoi l'on veut reconnaître la mélasse en tant que résidu. La directive adoptée en 2013 procède à un distinguo – sociétalement souhaité – entre les productions alimentaires – les productions d'alcool ou de biocarburants à base de plantes alimentaires – et celles qui ne le sont pas. Ce distinguo, en fixant un plafond à 7 %, limite une partie de la production afin d'éviter les problèmes liés à l'opinion publique. Nous avons accepté cette limite parce qu'elle était nécessaire sociétalement. Cela ne nous pose aucune difficulté. En revanche, la nature des produits qui entrent dans la limite de 7 % pose problème.
La réglementation est parfois très complexe. La directive européenne qui entrera en vigueur à partir de 2021 a clarifié ce point. Aujourd'hui, nous savons que les résidus en particulier et tous les autres déchets ne seront pas inclus ni comptabilisables dans le plafond de première génération. Si nous voulons maintenir des activités sucrières et amidonnières, nous devons pouvoir valoriser et maintenir la diversification, voire l'amplifier, surtout lorsque c'est nécessaire pour décarboner le transport. Cela s'appelle faire d'une pierre plusieurs coups sans porter aucun préjudice aux autres usages qui seront toujours approvisionnés. Personne n'a intérêt à n'avoir qu'un débouché. L'idée repose sur la diversification.
Monsieur Clodic, Cryo Pur a levé six millions d'euros de fonds. Quel est votre avis sur le crowfunding ? Votre retour d'expérience pourrait être intéressant. Nous avons évoqué, en effet, des difficultés de financement de certains projets.
Quelles sont les problématiques du bio-GNL dans les navires ?
Je laisserai France Gaz Renouvelables traiter du potentiel de production de biométhane et de gaz vert aux horizons 2030-2050 car elle est la plus légitime pour ce faire.
Pour information, la société Seat a lancé un véhicule roulant au gaz naturel comprimé. En termes de force de frappe commerciale ou de marketing, la société n'est peut-être pas aussi forte que d'autres acteurs plus intéressés par l'électromobilité, mais sachez que des véhicules au gaz sont lancés par les constructeurs Seat et Fiat. Peut-être les constructeurs français doivent-ils suivre cette voie. Sachez, en tout cas, qu'une offre existe déjà et que les performances s'améliorent.
Vous me tendez la perche. Il y a vingt ans, Daewoo lançait en Europe le véhicule GPL. Il n'était pas le seul ; d'autres constructeurs, avec lui, ont parié sur le GPL. Or, en l'espace de vingt ans, le GPL a connu un recul considérable.
Je ne parlais pas du GPL. Vous nous avez dit ne pas connaître de constructeurs ; je voulais simplement observer qu'il en existe.
Le crowdfunding et le financement participatif peuvent avoir un impact très positif sur le financement et les tours de table des projets, en particulier sur la méthanisation, car ils améliorent la compréhension et l'acceptation des habitants du territoire et des riverains en les faisant participer au financement des projets. C'est une formule qui commence à prouver son efficacité.
La mesure manquante que j'ai évoquée a fait l'objet d'une incompréhension. On parle de faits assez récents. En effet, la première immatriculation de camions GNL date de 2014. Aujourd'hui, 20 % du gaz naturel arrivent en France sous forme de GNL. On s'est aperçu que l'on pouvait l'utiliser directement dans les camions et qu'il avait des impacts très favorables sur le plan de la réduction de la pollution atmosphérique mais également des émissions de gaz à effet de serre.
On assiste à un véritable essor de la mobilité GNL et GNV, laquelle se matérialise par la construction de stations sur le territoire. Le recensement sur le portail Mobilité Gaz Open Data fait état d'environ 140 stations publiques de gaz naturel comprimé à la fin de 2018 et de 30 stations de gaz naturel liquéfié. Plus globalement, la France a l'ambition de promouvoir l'usage du gaz naturel pour véhicules, en particulier sur le segment des poids lourds. Cela pourrait se matérialiser par un parc public GNV d'environ 2 000 stations à l'horizon 2030. Des ambitions fortes portent sur ce terrain. Il me semble que l'essor de la mobilité GNV est tiré notamment par le delta de TICPE entre le GNV et le diesel et par d'autres mesures fiscales, dont le suramortissement.
Pour répondre à votre question, la mesure manquante ne concerne pas les stations GNV, qui se déploient dans de bonnes conditions ; il s'agit simplement d'attribuer un soutien financier à des projets de méthanisation trop éloignés des réseaux de gaz naturel mais qui peuvent néanmoins alimenter directement des stations GNV. Ce manque législatif et réglementaire est en cours d'être comblé. Je voulais simplement préciser ce point. C'est pourquoi j'ai indiqué que nous évoquions une niche un peu particulière.
Vous m'avez interrogé sur une station proposant différentes formes d'énergie. Il convient de déterminer le carburant, aujourd'hui disponible, qui soit susceptible de décarboner le mix des transports. Les représentants des deux principaux types de carburants que sont les agrobiocarburants et le biométhane sont présents dans la salle. Il est important de préciser que le biométhane et les biocarburants sont disponibles immédiatement. Nous n'avons pas encore parlé du bio-hydrogène. L'hydrogène qui a des vertus est essentiellement produit à partir de méthane, qui n'est pas du biométhane.
Pour décarboner maintenant, il faut recourir à des produits disponibles. La multiplicité des énergies suppose de hiérarchiser entre celles qui sont présentes sur le marché aujourd'hui et celles qui le seront demain ou après-demain et de mesurer leurs performances et les usages possibles. On perçoit une forte volonté d'électrifier et de passer à l'électromobilité pour les véhicules légers. La tendance est forte, mondiale, européenne et française. Pour les poids lourds, il est plus compliqué de fournir la puissance électrique nécessaire. Le bio-GNV a un rôle fondamental à jouer d'autant qu'il s'agit d'une énergie produite localement dans le cadre de circuits courts de l'économie circulaire. Qu'il soit injecté dans les réseaux ou liquéfié, le biométhane répond haut la main aux critères de durabilité les plus stricts édictés, y compris au niveau européen. On parle, en effet, d'une réduction de 80 à 90 % de réduction des gaz à effet de serre. Le bio-GNV présente une solution de premier choix disponible, que l'on peut déployer au moyen de l'injection et de la nouvelle filière de liquéfaction à mettre en place.
Mme Anne-France Brunet remplace M. Julien Dive à la présidence
Oui, il existe une diversité de solutions, oui c'est compliqué ! À terme, des solutions seront privilégiées par rapport à d'autres, mais l'on voit d'ores et déjà se dessiner ce qui vient d'être dit. Pour les petits véhicules, notamment destinés au centre-ville, les solutions électriques sont intéressantes. Pour les gros véhicules et surtout sur les longues distances, les biocarburants, notamment le biométhane, présentent un grand intérêt. Ajoutons les biocarburants liquides. Il existe une vraie complémentarité entre ces différentes solutions. Bien sûr, des évolutions technologies aboutiront, je l'espère, à une simplification pour le consommateur. Mais, en cette période encore incertaine, il est important que ces différentes possibilités soient ouvertes.
Mon deuxième point concerne directement France Gaz Renouvelables. La méthanisation, qui a vu le jour en France, ne procède pas de l'agriculture, elle a répondu au tri sélectif des déchets urbains à Lille et à Forbach. Précurseurs, les communautés urbaines ont connu les deux premières opérations d'injection. Le process a ensuite été utilisé par les éleveurs.
M. Dauger, co-président de France gaz renouvelables, est céréalier grandes cultures ; notre autre co-président, Jacques-Pierre Quaak, est éleveur de bovins. Si vous le souhaitez, vous pourrez visiter sa ferme en Ile-de-France. Il sera ravi de vous accueillir ! Les éleveurs sont davantage représentés dans notre association France Gaz Renouvelables. Nous sommes focalisés aujourd'hui sur la question de l'énergie, mais notre objectif principal vise l'agro-écologie et le traitement des effluents agricoles, notamment les déjections animales. En Bretagne, le bureau de l'association compte un éleveur breton particulièrement actif qui s'est lancé dans la cogénération. Dans le domaine de la méthanisation, nous recevons un très fort soutien du monde de l'élevage qui est en pointe.
L'électrique est, selon moi, plutôt destiné à l'urbain et le gaz aux zones rurales. Des stations commencent à être installées par les transporteurs ou par les méthaniseurs qui créent ou fournissent localement des stations de gaz vert renouvelables dans le monde rural. Il y a là un usage pour les tracteurs et les camions. Le problème de la massification pour les véhicules légers tient dans l'absence de stations. Le jour où l'on comptera une vingtaine ou une trentaine de stations par département, des opportunités s'ouvriront aux conducteurs. En revanche, l'électrique est plus adapté au milieu urbain.
Je reviens à la difficulté soulevée par M. le rapporteur d'avoir plusieurs sources d'énergie dans une station.
La transition énergétique permettra une moindre dépendance énergétique ; c'est l'un des effets bénéfiques indirects de la diversification, au-delà du fait que cela soutient l'agriculture et par conséquent le secteur alimentaire ; au surplus, cela allège la facture énergétique de la France auprès de pays qui ne sont pas forcément amis et l'exonère de cette dépendance, pas seulement géographique, mais à un produit.
Dans une station-service, il y a deux pompes qui proposent du pétrole craqué différemment. Nous sommes dépendants d'une molécule, que l'on finira par épuiser. La diversification est une manière bénéfique de juguler la dépendance.
Selon moi, il serait logique que l'on débouche à court terme sur des véhicules légers et des véhicules hybrides fonctionnant à l'E85. Les véhicules lourds ou agricoles et les bateaux se déplaceraient au GNV liquide ou gazeux. Si nous aboutissions à une telle configuration, nous pourrions progresser. À ce jour, quels sont les freins à l'utilisation, émanant soit des consommateurs, soit des constructeurs ? Je pose la question car cette solution n'est jamais évoquée. En effet, en discutant avec les constructeurs automobiles, personne ne m'a parlé d'hybride fonctionnant à l'E85. Quels sont donc les freins qui aujourd'hui nous empêchent rapidement d'accéder à cette solution immédiatement disponible ?
Aujourd'hui, il est possible d'équiper un véhicule hybride d'un boîtier homologué pour lui permettre de rouler à l'E85. Mille cinquante stations sont ouvertes. Nous appelons les constructeurs français, dans le cadre des futurs développements de l'hybride, à installer des flex fuel d'origine à l'E85. Ils prendront le temps qu'il convient pour procéder aux développements. En attendant, la solution de l'E85 fonctionne déjà, et bien. Certains constructeurs, nous dit-on, commencent à réfléchir à des partenariats avec les fabricants de boîtiers. Cela figure parmi les solutions devenues possibles. Les fabricants de boîtiers étaient présents au Mondial de l'Automobile. Nous constatons un très fort engouement des Français pour utiliser un carburant plus économique, plus écologique et plus local.
Pour résumer, les solutions existent, les consommateurs la réclament, mais les constructeurs automobiles ne proposent pas de modèle.
Laissons du crédit aux industriels, ils ont besoin d'avoir une visibilité des marchés. Au vu de la situation un peu particulière en France, on comprend que l'adaptation intervienne après la fabrication du véhicule. Nous souhaitons que cette solution se développe partout en Europe et que les constructeurs français, après des développements sur l'hybride notamment, se lancent sur le marché, et pas seulement en France. En tout cas, nous allons oeuvrer dans cette direction.
Le mouvement est impulsé par le politique. Il convient de mener une politique à très long terme.
Pourquoi les constructeurs commencent-ils à parler de l'électrique ? Simplement parce que l'on a annoncé la disparition des véhicules thermiques en 2050. À la place de Peugeot, de Citroën ou d'autres constructeurs, j'imaginerais faire autre chose. Cette attitude vient en réaction. Comme tout le monde, les constructeurs sont tributaires de la politique.
L'un des freins majeurs auquel sont confrontés les secteurs représentés ici aujourd'hui et l'industrie automobile qui est tributaire des filières de biocarburant tient dans la vision à long terme. Il suffit de regarder ce qui se passe au Brésil ou aux États-Unis qui mènent des politiques cohérentes, surtout sur le très long terme, qui n'ont jamais failli ou quasiment jamais. Ils ont réussi à développer une industrie et à décarboner. Nous nous adapterons au biogaz, au bioéthanol, à l'électricité, mais auparavant il faut un cadre. À la suite, les opérateurs industriels y répondront de façon adaptée.
Je reviens sur deux questions.
S'agissant de l'acceptation par le milieu agricole, je voudrais livrer un témoignage sur la production betteravière. Pendant cinquante ans, la production sucrière était sous quota, et ce jusqu'en 2017-2018. Au cours de cette période, les contractualisations de betteraves en fonction du débouché étaient habituelles. Elles aboutissaient aux prix différenciés des betteraves : les betteraves blanches du quota utilisées à faire le sucre et les betteraves sucrières blanches, hors quota qui avaient plusieurs utilisations. On en tirait le sucre dit « industriel » qui n'avait pas de vocation alimentaire, de l'alcool pour différents usages dans le secteur de la parfumerie, des spiritueux, etc., et de l'éthanol carburant.
La culture du prix différencié des betteraves en fonction du débouché était très ancrée. Grâce à ces prix différenciés, les agriculteurs ont toujours très bien vécu. Ils ont été habitués à percevoir des rémunérations différentes pour chacune des catégories de betteraves indexées sur les différents débouchés. Les quotas ayant été supprimés, il ne reste, depuis 2018, qu'une seule catégorie de betteraves.
Après la libéralisation du secteur, la filière traverse une période de grosses turbulences à un moment où la production sucrière mondiale est fortement excédentaire. Depuis dix-huit mois, les prix se sont effondrés, la production européenne a augmenté, ce qui suppose que nous devons exporter plus de sucre. Dans ce contexte, le sucre exporté sur le marché mondial est très peu rémunérateur. A contrario, le débouché éthanol carburant est relativement plus attractif aujourd'hui. En ne mettant pas tous ses oeufs dans le même panier, la diversification des débouchés participe très concrètement à la résilience des exploitations. Je ne dis pas que ce sera rémunérateur mais la diversification, y compris vers des débouchés énergétiques, contribue sans conteste à la résilience des exploitations.
Je veux, par ailleurs, évoquer les freins législatifs. Je vais retourner le propos : si nous n'identifions pas toujours de freins législatifs, en revanche, il peut y avoir des opportunités. Périodiquement, dans le cadre du projet de loi de finances, est débattue l'évolution du taux d'incorporation des biocarburants dans les carburants. Nous avons un point d'intersection très concret avec la politique pluriannuelle de l'énergie. Il se trouve que lors de l'examen du projet de loi de finances de l'année 2019, à l'article 60, la représentation nationale sera appelée à se prononcer sur l'évolution des taux d'incorporation de biocarburants dans les carburants. C'est une très bonne chose. L'opportunité se présente, peut-être en s'appuyant sur les filières existantes, de redonner une ambition à la trajectoire qui est proposée et de participer à une accélération de la décarbonation des transports. Pour autant, le domaine réglementaire demeure important.
Je conclurai mon propos par deux exemples. Le premier concerne le décret relatif aux véhicules à faibles émissions, en particulier les véhicules lourds.
Il existe une classification des technologies. Nous préférerions une approche technologiquement neutre. Dès lors que nous avons de mêmes avantages écologiques ou en termes de qualité de l'air, nous souhaiterions bénéficier du même classement. La neutralité technologique est essentielle.
Les tests disponibles d'émission des véhicules lourds fonctionnant à l'ED95 révèlent des niveaux très bons, comparables à ceux du gaz. Pour autant, cette solution est un peu déclassée : elle se situe en classe 2 et non en classe 1, ce que nous déplorons.
L'autre aspect concerne un dispositif qui est la prime à la conversion dont l'objectif est de moderniser le parc automobile français. Il permet aux foyers français qui changent de véhicules légers de bénéficier de 1 000 euros s'ils sont imposables ou de 2 000 euros s'ils ne le sont pas, l'idée étant de passer à une autre génération de voitures.
Curieusement, les carburants alternatifs sont totalement exclus de ce dispositif. On pourrait imaginer une prime symbolique à la conversion des véhicules existants, que ce soit pour l'E 85 avec les boîtiers, pour le GPL ou le GNV. Cette prime concernerait les personnes qui ne changeraient pas de voiture, mais installeraient un boîtier E85 ou qui la convertirait au GPL avec un ticket peut-être être plus modeste. Le coût moyen du boîtier s'élève à environ 1 000 euros. Une aide de 200 ou 300 euros serait intéressante. La conversion au GPL est plus coûteuse, de l'ordre de 2 000 euros. Une aide de 500 euros pourrait être accordée. Le signal donné serait plus intéressant, me semble-t-il, que de se limiter à l'alternative essence ou diesel.
Sur le thème de la diversification de l'usage des betteraves, j'ai l'impression que vous allez à l'encontre du propos de Mme Corre. Vous dites que les quotas sucriers ayant été supprimés, l'éthanol est une façon pour les producteurs de se diversifier et d'accéder à d'autres débouchés. C'est dire que des surfaces qui étaient destinées à l'alimentaire deviendraient des surfaces productrices d'éthanol.
Le changement véritable est intervenu entre 2005 et 2009. C'était l'époque où l'on investissait dans des outils industriels de grande dimension. À cette époque, il a fallu augmenter l'approvisionnement des usines pour produire de l'éthanol, en plus de sucre déjà produit.
Une partie de l'éthanol dérive de la transformation de betteraves en sucre, pour la part des résidus ; parallèlement, une partie découle directement de la transformation des betteraves. Je ne pense pas qu'il y ait de contradiction entre nos propos. À l'époque du changement, effectivement, les surfaces consacrées à la production de betteraves ont augmenté pour alimenter les usines afin qu'elles tournent à pleine capacité. Depuis le démarrage des usines, cela remonte à une dizaine d'années, les surfaces de betteraves destinées à la production d'éthanol sont restées stables, elles ont même plutôt diminué, puisque cette culture améliore ses rendements de 1 % à 1,5 % par an, en tendance sur le long terme. Parallèlement, elle oeuvre en faveur du changement climatique.
Dorénavant, les surfaces restent stables. Les betteraves éthanol n'ont jamais phagocyté les betteraves produisant du sucre.
Je livrerai le point de vue des transformateurs qui ne vient pas en contradiction avec le propos de M. Rialland. Je veux préciser un fait prégnant dans toutes nos usines. La fin des quotas a sonné la fin d'un monde, un monde où tout était prévu et où tout se passait bien. Aujourd'hui, rien ne peut être prévu – pas même le climat. Et cela ne va pas aller en s'améliorant. Aujourd'hui, plus que jamais, un agriculteur qui nourrit ou un agriculteur qui nourrit et qui produit de l'énergie ou encore un agriculteur qui nourrit et qui au surplus produit de l'alimentation animale sera soumis à des aléas et à des questions d'ordre quasi existentielles. Entre le moment où l'on sème et le moment où l'on récolte, des événements que l'on ne peut anticiper se produisent. On ne peut non plus anticiper le climat à l'autre bout du monde parce que l'on est, changement de réglementation oblige, en concurrence avec d'autres pays. S'il y a trop de sucre sur le marché mondial, les cours s'effondrent. Que fait alors l'agriculteur de ses betteraves ? Les transformer en sucre nécessite de dépenser de l'argent et de l'énergie alors que le produit serait vendu à perte. La seule alternative que nous connaissons passe par l'éthanol. C'est ce que font nos amis brésiliens : ils récoltent la canne et, en fonction de la demande du marché, allouent une partie au sucre et une autre à l'éthanol. Ils font d'une pierre deux coups.
On soutient l'agriculture, on préserve une activité, on évite des perturbations majeures, des effondrements de cours qui seraient catastrophiques, ce que l'on peut faire une année mais pas tous les ans. Nous donnons, en outre, la possibilité de valoriser ces matières auxquelles il faut retrouver une valeur puisqu'elles n'en ont pas sur le marché alimentaire. Nous en faisons des énergies renouvelables grâce auxquelles on décarbone. Il est vital aujourd'hui que l'Europe le comprenne. Nous avons été étonnés du débat sur le thème « alimentationnon alimentation ». Certes, il fallait en discuter. De notre point de vue comme de celui des agriculteurs, il n'y a pas de contradiction, mais il existe une véritable synergie d'utilisation. Je dirai même que sans valorisation non alimentaire, les utilisations alimentaires sont menacées. Un agriculteur ne travaillera pas toute sa vie pour ne rien gagner ! Il faut assurer au monde agricole une garantie de rémunération.
Si une transition énergétique française doit avoir lieu, autant que la biomasse soit française. Notre savoir-faire et la qualité de nos terres nous donnent toute latitude pour faire quelque chose de positif. Je vous renvoie à ce qui a pu être dit sur l'huile de palme et sur la question brûlante, si importante à nos yeux, des importations.
Je reviens d'un mot sur la fiscalité. Les biocarburants ont fait l'objet d'un accompagnement depuis leur début, mais cette fiscalité est-elle encore adaptée aujourd'hui ? Les taxes carbone sur la biomasse me paraissent inadaptées.
Un milliard d'euros a été investi en France en faveur des usines de biocarburant, une grosse partie de cet investissement a été supportée par les agriculteurs via leurs coopératives. Personne n'investit ainsi en pure perte, ni pour être soumis à des revirements tous les deux ans. C'est pourtant ce que nous vivons depuis cet investissement. À l'instar de tout investissement que nous faisons à titre privé sur nos exploitations, nous voulons une visibilité, car investir de telles sommes nous engage sur le long terme. Subir les conséquences de revirements politiques réguliers met à mal les exploitants, leur volonté et leur capacité à investir demain. Les coopératives qui ont investi à une époque sont celles qui seront susceptibles d'investir demain dans de nouveaux projets pour améliorer les process, pour toujours gagner en performance énergétique. Casser aujourd'hui l'élan, et c'est tout un secteur qui s'écroulera et qui ne se projettera pas vers l'avenir.
Bientôt, nous utiliserons la plante entière pour engendrer plusieurs produits et pas seulement du gaz. Le fait de couvrir les sols est meilleur pour leur résilience. On réintroduit même des plantes qui avaient été abandonnées. Parce qu'il fallait nourrir le monde, on s'est concentré sur les plantes de productions alimentaires. Nous revenons ainsi à des plantes utilisées jadis, des plantes de biomasse pure pour faire de la biomasse. Cela permet d'allonger les assolements, de multiplier les cultures et d'éviter la monoculture, même si elle est quasi inexistante en France. Cela améliore la biodiversité et n'offre que des aspects positifs. Nous ne sommes pas dans la concurrence, mais dans une complémentarité et une valorisation de l'ensemble de la photosynthèse, dans l'intérêt des sols.
Je reviens aux constructeurs. Il est vrai que nous sommes aujourd'hui dans une dynamique réactive. Nous étions dans le « tout pétrole », qui comprenait une grosse partie de diesel. Du jour au lendemain, il faut tout arrêter pour passer à l'électrique. Les grands groupes s'interrogent sur la façon de prendre les parts de marché futures, sur les investissements à réaliser et sur les opérations marketing pour afficher qu'ils se lancent dans l'électrique. Nous savons les contraintes liées à l'électrique tant il est vrai qu'il n'y a pas d'énergie parfaite.
À l'heure actuelle, le problème tient dans l'absence de vision globale et d'analyse du cycle de vie des produits. L'analyse du cycle de vie d'un véhicule électrique montre qu'il ne s'agit pas d'une énergie parfaite. Voulons-nous la généraliser et en faire une énergie unique ?
La sortie du diesel en est un autre exemple. Sa sortie est positive sur le plan des microparticules, bien moins pour les gaz à effet de serre parce que le diesel en émet moins que le moteur à essence. D'où l'intérêt de l'E85. Je pense que l'hybride est une solution efficace parallèlement à l'utilisation des véhicules électriques en centre-ville. Certes, nous produirons peut-être moins de microparticules, mais nous émettrons plus de gaz à effet de serre. Les mouvements sont un peu trop brutaux et ne font pas l'objet d'une vision globale. Demain sera multiple et ne reposera pas sur une seule molécule. Nous disposerons d'une diversité de solutions.
Pour les gros véhicules –autocars, bennes à ordures ménagères, poids lourds –, les biocarburants et le gaz représentent une bonne solution. Que faire concrètement pour mettre les mettre en place, surtout le bio-GNV et ses solutions agro-écologiques ?
On a beaucoup parlé des constructeurs. En France, l'usine Iveco de construction de moteurs exporte dans le monde entier. La technologie existe. Des efforts de développement considérables ne sont donc pas nécessaires et il n'existe pas de freins technologiques insurmontables. Je pense qu'un petit signe politique permettrait de résoudre la question facilement.
En revanche, dans le domaine des carburants, il existe deux difficultés. La première est celle des stations. Au titre du gaz naturel pour véhicules, les appels à projets passeront de 140 à la fin de l'année à 250 dans deux ans. Il ne faut surtout pas passer à côté de ces appels à projets. Aujourd'hui, ils sont essentiellement tirés par l'ADEME. J'exprime le voeu qu'ils puissent l'être par les régions. Dans le cadre d'un dialogue État-Régions, les Régions doivent s'impliquer dans ces appels à projets de stations de GNV.
Par ailleurs, en raison des garanties d'origine, le bio-GNV est un peu plus cher que le GNV. Alors que le GNV est plutôt bien positionné par rapport au diesel, pour les gros transporteurs, ce n'est pas simple. Un programme de certificat d'énergie permettrait de valoriser le fait de passer au bio-GNV qui réduirait le handicap d'un léger surcoût. C'est un levier concret à actionner si nous voulons aller dans le sens souhaité, avec des mesures concrètes.
Je voudrais apporter un éclairage sur la fiscalité écologique et l'intégration de l'externalité carbone renouvelable dans la transition énergétique.
Des taxes intérieures s'appliquent à la consommation d'énergie. Depuis 2014, la taxation des énergies intègre leur contenu carbone et un taux de carbone. Le débat a été clarifié dans le cadre de la loi de transition énergétique. La trajectoire d'augmentation de la fiscalité carbone devrait progresser très rapidement. L'année dernière, la représentation parlementaire a établi une trajectoire jusqu'en 2022. Ce point est important, car il touche toute la bioéconomie. C'est l'économie de la photosynthèse, du carbone renouvelable, un carbone recyclé. Il est pris dans l'air, transformé, utilisé, il va dans le sol ou dans des produits stockés, le bois par exemple. Dans le cadre de la fiscalité énergétique, ce carbone est traité au même titre que le carbone fossile. Aujourd'hui, la directive traitant de la fiscalité des énergies date de 2003. À cette époque, on ne savait pas bien ce qu'était une énergie renouvelable carbonée.
Si la taxation carbone devait passer de 86 euros en 2022 à 150 euros en 2030, elle aura une incidence. Nous devons nous poser la question de savoir si cette fiscalité, complémentaire à d'autres outils comme la TGAP, ne doit pas différencier le carbone renouvelable et le carbone fossile. Je sais que c'est compliqué, dans la mesure où la taxation des énergies revêt une dimension européenne qui n'est pas prise en compte aujourd'hui. Peut-être faudra-t-il remettre le dossier sur l'ouvrage.
En 2011, la Commission européenne a tenté de réviser la directive de taxation des produits énergétiques qui date de 2003. Le projet fut un échec cuisant pour la Commission européenne, aucun accord n'ayant été trouvé entre les États membres. La Commission européenne cherche désormais à réviser cette directive, non dans sa globalité, mais par chapitre. Elle a interrogé les États membres sur les lacunes actuelles de la directive. Selon eux, la directive n'intègre pas de dimension écologique.
Au-delà des questions sur les taxes, la fiscalité et le court terme, avez-vous identifié des freins législatifs sur lesquels nous aiguiller ? Nous allons travailler sur le sujet pendant plusieurs mois.
L'article 60 du projet de loi de finances pour 2019 offrira la possibilité de statuer sur le taux d'incorporation de biocarburants dans les carburants pour les années 2019 et 2020. C'est une bonne chose que l'Assemblée nationale puisse s'emparer du débat, se documenter et décider, sur la base des connaissances qui auront été recueillies et débattues, d'adopter une trajectoire plus ambitieuse que celle qui, à ce stade, est proposée.
L'année prochaine, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sera-t-elle étudiée par l'Assemblée ? J'ai entendu dire qu'elle devait revenir en discussion.
Si cette demande, à laquelle notre association est favorable, devait être exaucée, ce serait une bonne occasion de lancer un signal clair en y associant des dispositions législatives de soutien aux biocarburants de première et de deuxième génération et de prendre en compte tous les problèmes qui ont été évoqués autour de cette table. Si vous avez besoin de propositions concrètes, nous sommes prêts à en formuler.
De nombreux leviers sont susceptibles d'être actionnés par la voie législative.
La loi d'orientation sur la mobilité sera débattue en début d'année 2019. Le plan « Climat » de M. Hulot contenait l'idée d'interdire la vente de voitures d'un certain âge roulant à l'essence ou au gazole.
M. de Rugy a réitéré cet objectif. Une clarification sera à entreprendre entre le moteur thermique que l'on veut éliminer ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre issues d'énergies fossiles. Il se trouve que des véhicules à moteur thermique utiliseront des biocarburants. À terme, des voitures utilisant un moteur thermique pouvant utiliser de l'essence rouleront à 100 % de biocarburants et les camions rouleront au bio GNV. Une clarification des définitions devra être faite.
Un grand merci à tous pour ces échanges riches et variés.
J'ai apprécié que vous exprimiez des points de vue très concrets sur la transition énergétique, j'ai apprécié les alertes formulées, points sur lesquels nous pourrons tous travailler ensemble.
Madame Courselaud, souhaitez-vous dire deux mots pour conclure ?
Merci d'avoir invité la Douane à cette audition. Il est important pour nous d'être entendus. Nous travaillons en parfaite collaboration avec les autres administrations concernées.
L'audition s'achève à seize heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 11 octobre 2018 à 14 h 30
Présents. - Mme Anne-France Brunet, M. Michel Castellani, Mme Jennifer De Temmerman, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé, Mme Véronique Riotton, Mme Nathalie Sarles
Excusés. - M. Christophe Bouillon, M. Guy Bricout, M. Stéphane Buchou, M. Jean-Luc Fugit, M. Christophe Jerretie, M. Adrien Morenas