Je souhaiterais vous expliquer un point technique. En France, et uniquement en France, la notion de résidus prête à confusion.
Je décrirai schématiquement le process d'extraction du sucre de la betterave. Il s'opère en trois cycles, appelés « jets ». La betterave passe à trois reprises par des machines. Une fois ces cycles achevés, tout le sucre extractible de la betterave est retiré. Il résulte de ce process un jus épais, appelé communément « mélasse », autrement dit le sucre non extractible. Ce liquide visqueux et noir contient 50 % de sucre et d'autres matières, dont des impuretés.
La mélasse a longtemps été confondue avec un déchet parce que l'on nous expliquait qu'un résidu était un déchet.
Dans la directive « Énergies renouvelables », on trouve les matières premières alimentaires – les plantes – et les déchets qui seront jetés. Les déchets répondent à des définitions précises. Il est préconisé de s'en débarrasser. Or, on ne se débarrasse pas de la mélasse, on la valorise. Il s'agit d'un résidu qui a des usages : elle est principalement distillée en alcool, mais elle participe à la production de la levure. Voilà ce qui a perturbé les esprits. Dans la mesure où elle est participe à produire de la levure qui sert à faire du pain, on a considéré qu'elle relevait du secteur alimentaire et on a assimilé en France la mélasse à la betterave.
La Commission et le commissaire européen à l'énergie, M. Miguel Arias Cañete, ont confirmé que notre analyse était juste, ce qui, toutefois, n'a pas permis, à ce jour, de faire changer d'avis – nous ne désespérons pas ! – certaines personnes de l'administration. M. Arias Cañete a confirmé le fait qu'un résidu est une production inévitable. En effet, fabriquer du sucre induit inévitablement une production de mélasse, à savoir des sucres non extractibles. L'alimentaire est au coeur de la production de sucre : pas de mélasse, pas de sucre !
Par ailleurs, on ne modifie pas le process pour faire de la mélasse. On en produit parce que l'on a mené le process d'extraction jusqu'à son terme. On peut modifier le processus. Le processus d'extraction du sucre nécessite deux ou trois cycles en fonction de la demande. On ne va pas au terme du cycle d'extraction faute de demande. En limitant à deux cycles, le jus contiendra du sucre non extractible de la mélasse et un peu de sucre extractible qui n'a pas été extrait, faute de demande, ou parce que les cours se sont effondrés.
Enfin, produire de la mélasse n'est jamais l'objectif. C'est ainsi qu'aucun planteur que je connaisse ne plante de betteraves pour produire un résidu.
Un résidu, au sens de la directive, n'est pas un déchet. La mélasse n'est pas jetée, elle est valorisée – pour autant que ce soit possible car si l'on retire les usages, les producteurs se retrouvent avec beaucoup de mélasse et aucun usage, ce qui contraint les producteurs à la jeter. C'est absurde. La pensée, dans sa logique, n'a pas été comprise.
La Commission a clarifié les différents points par courrier. Nous espérons pouvoir convaincre l'administration, car c'est vital. Il ne s'agit pas d'opposer des usages mais de diversifier et de maintenir la diversification des usages existants.
Il est important d'expliquer pourquoi l'on veut reconnaître la mélasse en tant que résidu. La directive adoptée en 2013 procède à un distinguo – sociétalement souhaité – entre les productions alimentaires – les productions d'alcool ou de biocarburants à base de plantes alimentaires – et celles qui ne le sont pas. Ce distinguo, en fixant un plafond à 7 %, limite une partie de la production afin d'éviter les problèmes liés à l'opinion publique. Nous avons accepté cette limite parce qu'elle était nécessaire sociétalement. Cela ne nous pose aucune difficulté. En revanche, la nature des produits qui entrent dans la limite de 7 % pose problème.
La réglementation est parfois très complexe. La directive européenne qui entrera en vigueur à partir de 2021 a clarifié ce point. Aujourd'hui, nous savons que les résidus en particulier et tous les autres déchets ne seront pas inclus ni comptabilisables dans le plafond de première génération. Si nous voulons maintenir des activités sucrières et amidonnières, nous devons pouvoir valoriser et maintenir la diversification, voire l'amplifier, surtout lorsque c'est nécessaire pour décarboner le transport. Cela s'appelle faire d'une pierre plusieurs coups sans porter aucun préjudice aux autres usages qui seront toujours approvisionnés. Personne n'a intérêt à n'avoir qu'un débouché. L'idée repose sur la diversification.