Intervention de Nicolas Rialland

Réunion du jeudi 11 octobre 2018 à 13h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Nicolas Rialland, directeur des affaires publiques de la Confédération générale des planteurs de betteraves :

Je reviens sur deux questions.

S'agissant de l'acceptation par le milieu agricole, je voudrais livrer un témoignage sur la production betteravière. Pendant cinquante ans, la production sucrière était sous quota, et ce jusqu'en 2017-2018. Au cours de cette période, les contractualisations de betteraves en fonction du débouché étaient habituelles. Elles aboutissaient aux prix différenciés des betteraves : les betteraves blanches du quota utilisées à faire le sucre et les betteraves sucrières blanches, hors quota qui avaient plusieurs utilisations. On en tirait le sucre dit « industriel » qui n'avait pas de vocation alimentaire, de l'alcool pour différents usages dans le secteur de la parfumerie, des spiritueux, etc., et de l'éthanol carburant.

La culture du prix différencié des betteraves en fonction du débouché était très ancrée. Grâce à ces prix différenciés, les agriculteurs ont toujours très bien vécu. Ils ont été habitués à percevoir des rémunérations différentes pour chacune des catégories de betteraves indexées sur les différents débouchés. Les quotas ayant été supprimés, il ne reste, depuis 2018, qu'une seule catégorie de betteraves.

Après la libéralisation du secteur, la filière traverse une période de grosses turbulences à un moment où la production sucrière mondiale est fortement excédentaire. Depuis dix-huit mois, les prix se sont effondrés, la production européenne a augmenté, ce qui suppose que nous devons exporter plus de sucre. Dans ce contexte, le sucre exporté sur le marché mondial est très peu rémunérateur. A contrario, le débouché éthanol carburant est relativement plus attractif aujourd'hui. En ne mettant pas tous ses oeufs dans le même panier, la diversification des débouchés participe très concrètement à la résilience des exploitations. Je ne dis pas que ce sera rémunérateur mais la diversification, y compris vers des débouchés énergétiques, contribue sans conteste à la résilience des exploitations.

Je veux, par ailleurs, évoquer les freins législatifs. Je vais retourner le propos : si nous n'identifions pas toujours de freins législatifs, en revanche, il peut y avoir des opportunités. Périodiquement, dans le cadre du projet de loi de finances, est débattue l'évolution du taux d'incorporation des biocarburants dans les carburants. Nous avons un point d'intersection très concret avec la politique pluriannuelle de l'énergie. Il se trouve que lors de l'examen du projet de loi de finances de l'année 2019, à l'article 60, la représentation nationale sera appelée à se prononcer sur l'évolution des taux d'incorporation de biocarburants dans les carburants. C'est une très bonne chose. L'opportunité se présente, peut-être en s'appuyant sur les filières existantes, de redonner une ambition à la trajectoire qui est proposée et de participer à une accélération de la décarbonation des transports. Pour autant, le domaine réglementaire demeure important.

Je conclurai mon propos par deux exemples. Le premier concerne le décret relatif aux véhicules à faibles émissions, en particulier les véhicules lourds.

Il existe une classification des technologies. Nous préférerions une approche technologiquement neutre. Dès lors que nous avons de mêmes avantages écologiques ou en termes de qualité de l'air, nous souhaiterions bénéficier du même classement. La neutralité technologique est essentielle.

Les tests disponibles d'émission des véhicules lourds fonctionnant à l'ED95 révèlent des niveaux très bons, comparables à ceux du gaz. Pour autant, cette solution est un peu déclassée : elle se situe en classe 2 et non en classe 1, ce que nous déplorons.

L'autre aspect concerne un dispositif qui est la prime à la conversion dont l'objectif est de moderniser le parc automobile français. Il permet aux foyers français qui changent de véhicules légers de bénéficier de 1 000 euros s'ils sont imposables ou de 2 000 euros s'ils ne le sont pas, l'idée étant de passer à une autre génération de voitures.

Curieusement, les carburants alternatifs sont totalement exclus de ce dispositif. On pourrait imaginer une prime symbolique à la conversion des véhicules existants, que ce soit pour l'E 85 avec les boîtiers, pour le GPL ou le GNV. Cette prime concernerait les personnes qui ne changeraient pas de voiture, mais installeraient un boîtier E85 ou qui la convertirait au GPL avec un ticket peut-être être plus modeste. Le coût moyen du boîtier s'élève à environ 1 000 euros. Une aide de 200 ou 300 euros serait intéressante. La conversion au GPL est plus coûteuse, de l'ordre de 2 000 euros. Une aide de 500 euros pourrait être accordée. Le signal donné serait plus intéressant, me semble-t-il, que de se limiter à l'alternative essence ou diesel.

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