Dans un premier temps, je présenterai la nouvelle filière France gaz renouvelables. L'ensemble des partenaires concernés a eu l'idée d'installer la filière dans le paysage, ce qui n'est pas toujours chose aisée, surtout dans le secteur de l'énergie.
France gaz renouvelables est constituée des producteurs du monde agricole – je suis moi-même agriculteur, adhérent à la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) –, ainsi que de la distribution, représentée par GRDF, GRTgaz et Illico. Nous comptons également les réseaux, des personnes de la filière, de la production à la distribution, pour rendre très lisible le potentiel de cette filière, notamment sur la place du gaz et demain, avec la sortie des énergies fossiles, du gaz renouvelable.
Le monde agricole est très présent aujourd'hui, car il est en mesure de répondre aux enjeux du climat. L'agriculture est victime et cause, mais elle est surtout solution aux problèmes climatiques actuels. Grâce à la photosynthèse, l'agriculture participe à l'augmentation de la production de la biomasse. Avec la forêt et les sols, l'agriculture est le seul secteur de puits de carbone, ce qui nous permettra sans doute à l'avenir de parvenir à la neutralité des émissions de gaz à effet de serre. Pour y parvenir, il convient d'utiliser au mieux ce puits de carbone.
La production d'énergie en agriculture n'est pas non plus un gros mot ! En effet, avant l'ère du pétrole, l'agriculture produisait de l'énergie. Par photosynthèse, l'agriculture produit de l'énergie, qu'elle soit ou non alimentaire. L'enjeu, très clair, y compris pour les professionnels, ne consiste pas à empiéter sur la partie alimentaire mais à valoriser davantage la partie non alimentaire, notamment les couverts végétaux, les cultures intermédiaires à valorisation énergétique. À l'avenir, nous serons amenés à couvrir plus largement les sols pour capter plus, pour améliorer la biodiversité et la matière organique. Il convient de réfléchir à ce que nous ferons de cette nouvelle biomasse, notamment de l'énergie qu'elle contient.
Il faut également évoquer les effluents et leur gestion pour un impact le plus faible possible sur l'environnement tout en poursuivant les activités d'élevage qui sont nécessaires, car le meilleur schéma d'exploitation est théoriquement celui de la polyculture-élevage. Il faut donc conserver la pratique de l'élevage, il faut simplement limiter son impact sur l'environnement et le climat. La méthanisation est une solution qui s'offre à nous. C'est la raison pour laquelle l'agriculture est fortement concernée. Je ne parle pas de l'ensemble de la bioéconomie, mais nous le pourrions.
Le gaz est une énergie aux multiples externalités positives. En premier lieu, elle est modulable et stockable. En France, nous disposons du réseau de gaz pour stocker et utiliser cette énergie à un coût raisonnable parce que les réseaux existent et que la technique est très complémentaire, dans le mix énergétique, avec les énergies électriques, à un coût raisonnable.
L'ADEME l'a rappelé, l'objectif consiste à remplacer le gaz naturel par du gaz vert. L'ADEME confirme que le potentiel existe et que l'on peut atteindre 100 % de gaz vert tout en conservant une consommation de gaz importante. Les agriculteurs valoriseraient une partie de ce qu'ils ne valorisaient plus. Cela participerait à l'augmentation des revenus et serait un plus pour le développement des exploitations. En augmentant la biomasse, on capte plus de gaz à effet de serre. On participe ainsi à l'enjeu du climat tout en produisant de l'énergie. C'est une équation globale qu'il convient d'avoir toujours à l'esprit.
Les freins sont nombreux parce que la filière est nouvelle. Au surplus, qui dit transition énergétique dit quitter les énergies fossiles, baisser la part du nucléaire et multiplier les sources d'énergie. On ne répond pas au même logiciel. Une telle approche n'est pas toujours aisée à développer dans certains ministères qui sont restés avec un vieux logiciel pour une transition énergétique ce qui constitue une petite révolution. Elle est nécessaire. Elle suppose une période d'explications et d'adaptation. Le groupe de travail créé par M. Lecornu a été positif. Nous regrettons que, sur plusieurs points, les mesures concrètes tardent à venir, mais sans doute est-ce la résultante du temps d'adaptation habituel.
Je souligne qu'il n'y a pas deux méthaniseurs identiques. On peut comparer un méthaniseur à une panse de vache dans laquelle on introduirait des rations, des effluents, de la biomasse... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le monde agricole comprend si bien le système de méthaniseur ! Cela signifie également que les recettes sont toutes différentes. On ne peut cadrer les choses de façon binaire en termes de contrôles, de taxation, etc., parce que les intrants et les digestats sont différents et induisent de la complexité. Je me mets volontiers à la place de l'administration : ce schéma est moins simple que celui d'usines qui seraient toutes identiques, clonées un peu partout sur le territoire.
La complexité réglementaire française est réelle. En Belgique, un projet met un an avant de voir le jour. Après avoir été de quatre ou cinq ans en France, les délais ont été ramenés à trois ou quatre ans, mais ils n'en demeurent pas moins trop longs. Ces délais influent sur l'acceptabilité sociétale. Si nous sommes conscients de la nécessité d'entreprendre un travail sociétal, les délais sont des freins. Un projet qui met cinq ans à sortir de terre suscite inévitablement des interrogations. Créer une dynamique, donner un peu de vitesse, sans pour autant détourner les questions, permet de montrer que le développement de la filière et la mise en place d'un méthaniseur ne sont que des projets très normaux.
Nous tenons compte de l'acceptabilité sociétale qui modifie parfois le paysage. Je pense aux éoliennes qui posent des difficultés sur le terrain. Bien évidemment, les méthaniseurs méritent attention. Mais il faut expliquer à la société civile tous les aspects positifs. Malheureusement, les externalités positives ne peuvent être incorporées dans les prix. Je pense aux effets sur le territoire, à l'économie circulaire, à l'emploi, à la gestion des effluents, à la baisse des gaz à effet de serre et à l'intérêt que cette énergie offrira demain en termes d'autonomie.
Nous disposons d'une énergie en France qui permettra, si nous procédons de façon intelligente, de conserver une agriculture diversifiée telle que nous la connaissons à l'heure actuelle. Bien évidemment, quand on se place sous l'angle du registre des tarifs ou des appels d'offres, les avantages que nous offrons n'apparaissent pas ; ils n'en demeurent pas moins très intéressants sur le terrain.
La massification est nécessaire. On nous demande de baisser les tarifs et d'y réfléchir. Cela fait quatre ans que nous parlons de méthanisation alors qu'il n'existe que 400 méthaniseurs en France et 10 000 en Allemagne. Je ne dis pas pour autant qu'il faille copier l'Allemagne. Si à l'étranger, on commence à percevoir sur le terrain une forte dynamique et à voir émerger des projets que l'on doit impérativement accompagner, en France, malheureusement, depuis quatre ans, dans les nombreuses réunions sur la méthanisation, on parle davantage de réglementations, de normes et de fiscalité que d'aide à la filière. Cela fait partie des blocages. Dans un premier temps, il convient de fixer le cap de la méthanisation à 100 % de gaz vert, tout en lui accordant des moyens. Nous avons déjà la chance de disposer d'une infrastructure gazière solide sur l'ensemble du territoire – ou presque. N'oublions pas la cogénération, qui allie production d'électricité et de chaleur. Dans certaines zones qui ne disposent pas de réseaux ou dans des zones où les réseaux sont moins importants, des projets très intéressants sont présentés, par exemple de valorisation de la chaleur, tels que son emploi dans des serres. Mais la nécessité s'impose d'adapter les réseaux qui importent et diffusent du gaz. Il faudra chercher le gaz sur le terrain pour le rediffuser. Cela dit, le gaz se stocke, contrairement à l'électricité.
Autre point central, le financement et la confiance des financeurs qui participent du dynamisme de la filière.
Les financeurs sont aujourd'hui assez frileux et demandent jusqu'à 30 % d'apport. Faites le calcul sur un projet de 5 millions d'euros ! Un agriculteur, voire trois ou quatre agriculteurs réunis, peut difficilement se procurer un ou deux millions.
Un grand plan d'investissement est en cours. Sans dire qu'il n'est pas à la hauteur, il reste insuffisant. Nous sommes quelque peu surpris des prêts proposés à des taux affichés à 4 %. Comparé aux taux actuels, c'est pour le moins étonnant ! Plutôt que d'accorder de petits prêts à des taux élevés, il serait préférable que l'État accorde sa caution ou participe pour partie à la caution.
Pour la cogénération, la méthanisation présente l'avantage d'une stabilité tarifaire sur quinze ou vingt ans. Contrairement aux produits alimentaires, le risque financier est quasiment nul. Bien sûr, il convient d'être techniquement à la hauteur, mais le risque est faible économiquement. L'État ne prendrait pas trop de risques à accorder son soutien.
Je terminerai sur la nécessité d'une stabilité réglementaire et tarifaire sur le long terme. Encore récemment, on se demandait si l'État allait imposer la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux méthaniseurs de cogénération ; le lendemain, on se demandait si l'État allait imposer l'hygiénisation de tous les intrants dans un méthaniseur. Rajouter sans cesse des règles a pour première conséquence d'augmenter les coûts ; par ailleurs, les règles fluctuent, complexifiant les projets qui sont de gros projets. Une vision à dix ou quinze ans s'impose afin de faire naître les projets, d'obtenir la confiance des financiers et surtout d'assurer le coût.
Je laisse la parole à M. Lemaistre pour la partie relative aux réseaux.