Monsieur le ministre vous semblez avoir entendu l'inquiétude des pêcheurs normands et des Hauts-de-France concernant le Brexit, sachant que 30 % des captures françaises sont réalisées dans les eaux territoriales britanniques. Plus on est situé au nord, et plus on pêche le long des côtes anglaises. Or, au mois de juillet dernier, le gouvernement britannique a annoncé sa sortie de l'accord de Londres afin de reprendre le contrôle exclusif des droits de pêche à proximité de ses côtes. Cette reprise de contrôle devrait intervenir dans les deux ans, ce qui suscite des inquiétudes. Vous avez dit ne pas vouloir que la pêche soit la cinquième roue du carrosse dans les négociations menées par le commissaire Michel Barnier. Mais que lui avez-vous demandé concrètement pour soutenir la pêche dans les discussions en cours ? Comment allez-vous associer les professionnels de la mer à ces négociations ?
Ma deuxième question concerne le dumping social et environnemental auquel la pêche artisanale est souvent confrontée. Chez nous, la pêche à la coquille Saint-Jacques, notre « or blanc », va ouvrir dimanche. C'est une activité déterminante pour l'équilibre des quais, de Dieppe au Tréport. Là aussi, nous assistons à un véritable dumping. Les Anglais commencent à pêcher la coquille Saint-Jacques avant nous et qui plus est dans des conditions de respect du droit du travail, de licences de pêche, de recours aux bases satellitaires, d'utilisation d'anneaux permettant l'échappement des juvéniles, de respect de l'environnement et de préservation de la ressource qui ne sont pas les mêmes que les nôtres. Vous avez eu raison de dire que nos pêcheurs ne sont plus comme avant : ils font attention à préserver leurs ressources dans la durée. Ces conditions de dumping nécessitent que des mesures soient prises afin que la campagne de pêche de la coquille Saint-Jacques, vitale pour nos territoires, se déroule dans de bonnes conditions. J'en profite pour vous inviter à venir sur nos quais – nous n'avons pas que des fermes : cela fait longtemps que nous n'avons pas vu de ministre chargé de la mer sur les quais de Dieppe et du Tréport…
En tant que Normand, vous connaissez le dispositif mis en place par M. Hervé Morin pour soutenir le renouvellement de la flottille. À ceci près qu'il se heurte, et vous le savez, à des blocages communautaires : les dispositifs de soutien aux entreprises artisanales de pêche sont jugés contraires au principe de la concurrence libre et non faussée. Les annonces de M. Hervé Morin tombent donc à l'eau, sans mauvais jeu de mot… « Homme libre, toujours tu chériras la mer », écrivait Beaudelaire : les relations des jeunes pêcheurs avec les banquiers – selon l'adage, on ne prête qu'aux riches – méritent d'être débloquées si l'on veut renouveler la flottille et conjuguer la pêche non seulement au présent, mais également au futur.
À propos de futur, je veux insister sur la question de la formation. Nos lycées maritimes n'irriguent pas assez nos territoires : il faut améliorer le maillage territorial et faire en sorte que des synergies s'établissent avec d'autres lycées professionnels. Le lycée Anita-Conti, à Fécamp, par exemple, pourrait utilement et intelligemment construire des partenariats avec le lycée du Bois à Envermeu dans le domaine de la réparation marine : un bateau de pêche, ça s'entretient, ça se répare, ça se modernise. Si l'on veut séduire les jeunes, encore faut-il leur offrir des métiers d'avenir.