La commission a procédé à l'audition de M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur la pêche.
Mes chers collègues, re-bonjour ! La commission des affaires économiques travaille fort ces temps-ci, puisque c'est notre deuxième réunion de la journée…
Nous recevons cet après-midi M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation que nous avions entendu il y a deux mois, presque jour pour jour, sur les enjeux de l'agriculture. Cette audition commencera par une introduction du ministre d'une dizaine de minutes essentiellement consacrée à la pêche, secteur qui intéresse tout particulièrement les élus de circonscriptions pour lesquelles c'est un enjeu important. C'est un enjeu d'actualité avec le Brexit et un enjeu économique important pour la France : notre pays importe beaucoup de poissons. C'est enfin un secteur d'avenir : la consommation de poisson explose à peu près partout dans le monde. La France a donc un vrai défi à relever en matière d'offre et d'adaptation aux grands enjeux de la globalisation.
Par ailleurs, sachant que nous avons entendu, il y a deux semaines, un certain nombre d'acteurs des États généraux de l'alimentation, je ne doute pas que vous poserez au ministre des questions sur d'autres sujets d'intérêt.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu parmi nous. Ma première question portera sur votre stratégie, votre ambition maritime pour faire face aux défis actuels du secteur, notamment dans le cadre des États généraux de l'alimentation qui, si je ne me trompe, sont censés traiter également des enjeux de la pêche.
Ma seconde question a trait au Brexit, enjeu majeur pour le secteur de la pêche. Comment envisagez-vous de défendre la pêche française sur deux aspects essentiels : les droits de pêche dans les eaux territoriales britanniques et les réglementations européennes en matière environnementale, de quotas et de protection des espèces, auxquelles les Britanniques pourraient vouloir se soustraire ?
Mesdames, Messieurs les députés, c'est à nouveau avec grand plaisir que je m'exprime devant la commission des affaires économiques pour vous présenter cette fois l'ambition que nous souhaitons défendre pour la pêche française dont je me réjouis qu'elle ait rejoint le champ des compétences du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, dans la mesure où il s'agit d'une filière tout à la fois économiquement dynamique et stratégique pour l'aménagement du territoire.
La pêche et l'aquaculture contribuent activement à l'économie de nos territoires et s'inscrivent parfaitement dans les objectifs que j'ai assignés à mon ministère, notamment la recherche de la « multiperformance » de nos secteurs d'activité, c'est-à-dire la performance économique, environnementale, sanitaire et sociale.
La filière pêche aquaculture conchyliculture est associée aux États généraux de l'alimentation. Elle doit y contribuer, mais aussi en bénéficier.
La filière pêche et aquaculture connaît aujourd'hui une conjoncture favorable. Ce n'est cependant pas une raison pour se laisser bercer passivement par une douce illusion. Au contraire, il nous faut profiter de cette situation pour anticiper dès à présent les évolutions et préparer le futur. Je considère que l'avenir passe par la réponse à trois enjeux clés : une Europe forte, la compétitivité de la filière et une politique maritime qui concilie les usages.
Premier enjeu stratégique de la filière, l'Europe, l'espace de croissance et de développement et la protection qu'elle apporte. Il nous faut en effet construire une Europe qui protège ses citoyens, qui sachent donc protéger le travail des pêcheurs, la diversité des modèles de pêche et le développement des littoraux. Cette Europe qui protège est un axe fort de la politique du Président de la République : il l'a d'ailleurs exprimé très clairement lors du discours sur l'Europe qu'il a prononcé hier, posant tout à la fois un diagnostic et une méthode qui guidera l'action du Gouvernement dans les prochains mois.
Les acquis européens apportés par la politique commune de la pêche (PCP) sont nombreux : l'accès aux eaux européennes, la préservation ou le rétablissement des stocks et l'harmonisation des règles applicables à tous les pêcheurs européens. Aussi avons-nous tous en tête les menaces que fait planer sur ce secteur le Brexit, soulignant ainsi en creux tous les avantages qui découlent de cette politique européenne.
Aujourd'hui, cela fait quatre mois que les discussions sont officiellement engagées entre le Royaume-Uni et l'Union européenne représentée par M. Michel Barnier et son équipe. Cela fait quatre mois que l'Europe défend son modèle sur des questions prioritaires que constituent la préservation de l'intégrité du marché unique, la défense des acquis et droits de ses citoyens ou encore le maintien de la paix que nous avons encore trop tendance à oublier dans une zone aussi délicate, par exemple, que la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord. Cependant, je mesure parfaitement l'anxiété que représente le Brexit pour nos pêcheurs, compte tenu des incertitudes nombreuses que fait peser cette négociation tout à la fois difficile et compliquée. Je sais que les Britanniques insistent beaucoup sur les avantages qu'ils pensent en tirer ; dans ce contexte, il est fondamental de prendre de la hauteur, de rappeler que la négociation sera globale et d'éviter que la pêche ne soit considérée comme l'une des variables d'ajustement. Je réaffirme aujourd'hui ma totale mobilisation pour anticiper au mieux des négociations qui, ne nous le cachons pas, s'annoncent très complexes.
Deuxième enjeu : la compétitivité de la filière. Pour moi, la compétitivité est d'abord un état d'esprit, celui de la libération de l'énergie d'entreprendre. Le patron pêcheur, le conchyliculteur ou le chef d'entreprise qui possède un armement en sont d'excellentes images.
La compétitivité c'est aussi pleinement l'exercice de responsabilités : je vois déjà une claire illustration de cet esprit de responsabilité de la filière dans les réflexions et les travaux engagés en matière de gestion de la ressource en prévision du conseil des ministres de la pêche de l'Union européenne du mois de décembre prochain. J'ai à l'esprit les règles de gestion que la filière a proposées pour le stock communautaire de la sole en Manche Est, qui vise à assurer la durabilité, l'amélioration de la situation du stock plutôt que la maximisation d'un bénéfice immédiat mais peut-être précaire. Je sais quels ont été les efforts des pêcheurs : on leur a demandé beaucoup durant ces dernières années au titre de la PCP sur le rendement maximum durable et la gestion de la ressource. Mais parce qu'ils ont réussi à préserver cette ressource, parce qu'ils ont eu cette gestion responsable et raisonnée, nous pouvons dire aujourd'hui que nous avons retrouvé de la ressource et du coup restauré le dynamisme de ce secteur.
Cet esprit de responsabilité se retrouve encore dans les règles techniques et le dispositif d'évaluation mis en oeuvre à l'initiative de la profession sur la langoustine du golfe de Gascogne : non seulement la profession s'est impliquée activement dans la définition et le financement d'un dispositif nouveau et reconnu du stock, mais aussi dans la définition et le financement de la généralisation du dispositif de protection et des rejets des juvéniles de langoustines dans les meilleures conditions.
Ces exemples mettent en évidence le souci de pérenniser l'équilibre, de donner de la visibilité et de stabiliser ainsi l'horizon de production des armements. J'ai fait part au commissaire européen à l'environnement, aux affaires maritimes et à la pêche, M. Karmenu Vella, lundi dernier à Bruxelles, de ma préoccupation concernant la façon de gérer les stocks sensibles, par exemple celui de l'anguille. Je lui ai expliqué que les annonces brutales, sans préavis et sans concertation préalable n'étaient pas une bonne méthode, car elle va à rebours des principes de la nouvelle PCP, de la responsabilisation régionale, de la concertation en amont des instances professionnelles ainsi que des États membres. Elle ne peut que décourager tous les efforts d'organisation et de gestion engagés par la profession avec de nombreux partenaires – les agences de l'eau, les hydro-électriciens, les pêcheurs fluviaux, l'Agence française pour la biodiversité, etc. – et qui portent leurs fruits.
Comme l'a rappelé le Président de la République, la politique européenne que nous avons voulue et que je souhaite défendre doit être protectrice, elle doit reconnaître et encourager les efforts. En effet, il est profondément artificiel d'opposer aujourd'hui la pêche professionnelle ou les activités aquacoles à la gestion des écosystèmes et des ressources marines. La nouvelle PCP a consacré l'implication active de la pêche professionnelle dans la gestion de la ressource halieutique et des milieux dont elle dépend. C'est donc sur la base de ce constat et de ces objectifs partagés que je souhaite que les organisations non gouvernementales (ONG) et les structures professionnelles puissent retisser de meilleures relations sur la base d'engagements réalistes mais aussi concrets.
Le renouvellement de la flottille est un sujet qui me tient particulièrement à coeur. La question de la compétitivité dans le secteur de la pêche ne se limite pas au seul renouvellement de la flotte, même s'il s'agit, j'en conviens, d'une question essentielle. Le cadre juridique européen, vous le savez, est devenu très contraignant puisqu'il interdit tout soutien public. Mais cela n'empêche pas un dynamisme certain, dont on peut se féliciter avec des mises en chantier et des lancements de bateaux neufs, comme cela a été le cas dernièrement à Boulogne-sur-Mer ou encore à Cherbourg, cas que je connais bien. Nous attendions depuis 1994 un chalutier neuf sur le port de Cherbourg. 1994-2017 : que de temps il nous a fallu pour récupérer un armement neuf sur ce port où transitent énormément de bateaux ! Mais cela ne saurait masquer le décalage entre les besoins très importants de capitaux qu'exige le renouvellement d'une flottille vieillissante, et la difficulté des professionnels d'y accéder. Le montant de l'investissement rend souvent inaccessible l'achat d'un navire neuf pour la majorité des entreprises, notamment pour la petite pêche artisanale. Le problème de la capitalisation des armements de pêche doit être traité en associant l'ensemble des acteurs concernés. Je sais que certaines régions ont mis en place des cadres juridiques pour pouvoir avancer et travailler sur le renouvellement des flottilles, ce qui va plutôt dans le bon sens.
Cela passe aussi par l'amélioration de l'attractivité du secteur pour les capitaux privés et l'accroissement des capacités de mutualisation de capitaux. La loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue qui ouvre le capital des sociétés de pêche artisanale est un premier pas dans ce sens pour parvenir à ce renouvellement.
La question du renouvellement de la flottille prend une dimension particulière dans les régions d'outre-mer, à travers la demande des acteurs locaux d'avoir à nouveau accès aux aides publiques. J'ai évidemment aujourd'hui une pensée pour l'ensemble des pêcheurs antillais qui n'ont pas été épargnés par le passage de l'ouragan Irma. Nous allons engager une discussion sur la capacité des outre-mer à financer des bateaux. Ce sera compliqué et nous aurons besoin du soutien de tous, et notamment de celui des parlementaires européens qui s'intéressent à ces questions.
La compétitivité, c'est également la capacité de la filière à valoriser des produits dont la disponibilité est par nature aléatoire, et de surcroît très divers, certains étant parfois qualifiés de moins nobles que les autres. Mais les débouchés pour la filière sont nombreux et nous pouvons compter sur la richesse de nos industries agroalimentaires et leur capacité d'innovation pour répondre à l'évolution des besoins des consommateurs et – pourquoi pas ? – en faire naître de nouveaux.
L'approche globale de la question de la compétitivité peut et doit s'appuyer sur le levier financier du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Ainsi, grâce aux efforts conjugués de l'État et des régions qui sont très impliquées, les mesures sont progressivement déployées avec tous les outils nécessaires et elles peuvent donc être utilisées.
Troisième enjeu : la formation. La compétitivité, c'est également pouvoir travailler sur l'attractivité des métiers, recruter des femmes et des hommes motivés et formés pour pouvoir exercer ces métiers, travailler dans les entreprises de nos filières et assurer le renouvellement des générations. Nous disposons, et c'est une chance, d'un réseau d'enseignement performant et dynamique, composé à la fois des lycées maritimes et des lycées d'enseignement agricole. Mais l'attractivité du secteur ne dépend pas que de la formation. Il faut renouveler l'image de ces établissements qui a trop longtemps véhiculé des clichés, notamment celui d'un secteur en crise et mal payé, alors que ce n'est plus vrai. La profession doit donc se mobiliser aux côtés des réseaux de formation. L'État et le ministère de la transition écologique et solidaire ont récemment créé une brochure ONISEP sur les métiers de la mer et l'ont diffusée dans les collèges et les centres d'orientation. Un site internet de la formation maritime, « Prométhée », sera mis en ligne à l'automne. Je vous invite bien évidemment à le promouvoir, comme à mettre en avant l'ensemble des métiers de la mer.
La question des risques et des conditions de travail est aussi cruciale. Qui souhaite aujourd'hui s'orienter dans une profession dangereuse ? Des progrès ont été réalisés, mais des marges de manoeuvre existent encore. Il s'agit là de la responsabilité de tous. Nous devons travailler sur la sécurité des marins, autrement dit sur la sécurité des navires, ce qui passe par le renouvellement de la flottille, mais également sur le bien-être des marins à bord, qui doivent pouvoir bénéficier d'équipements de protection individuelle suffisants afin de travailler dans de bonnes conditions et parfaitement protégés.
La compétitivité, on le voit à travers certains sujets que je viens d'évoquer, est une question à la fois complexe et multifactorielle. C'est surtout une question cruciale dont nous devons collectivement nous emparer rapidement. Pour ma part, j'y suis plutôt résolu.
L'autre enjeu du secteur, c'est celui de la place de la pêche et de l'aquaculture dans la politique maritime. Les conditions de l'intégration de la pêche et de l'aquaculture dans leur environnement sont déjà aujourd'hui déterminantes et ce phénomène ne fera que s'accroître. Les enjeux sont à cet égard multiples et complexes, avec notamment la question immédiate de la conciliation des usages et de l'accès à l'espace. Ces questions sont gérées de façon interministérielle, car c'est le rôle de l'État d'organiser la cohabitation de tous les usagers du milieu maritime. Elles sont également éminemment locales avec l'élaboration des documents stratégiques de façade et plus encore avec les éventuels conflits d'usage ou d'accès à l'espace dont je sais que pour les activités aquacoles elles peuvent constituer parfois un véritable frein à l'initiative et au développement. Dans ce domaine, la solution ne peut passer que par le dialogue, un dialogue construit, serein, entre les acteurs de la filière, les autres professionnels et les usagers du monde maritime, les organisations non gouvernementales (ONG) et les consommateurs. C'est la méthode de travail que je souhaite développer auprès de l'ensemble des acteurs, et c'est celle que nous développons dans le cadre des États généraux de l'alimentation.
Voilà, brossées en quelques traits, la vision et les orientations que j'ai pour notre filière pêche, aquaculture et conchyliculture.
La France doit avoir une ambition maritime. Comme je l'ai dit à Quimper lors des assises de la mer et de la pêche, la France a trop longtemps tourné le dos à la mer. Nous sommes un territoire peuplé de terriens, mais aussi tout autour de marins. Ces marins doivent constituer cette task force que nous devons promouvoir pour faire en sorte que la France retrouve cette ambition européenne et mondiale d'une grande nation maritime. Je sais que nous en avons la capacité. Nous sommes la deuxième façade maritime européenne : nous devons mesurer que c'est une chance et nous devons utiliser cet atout pour promouvoir ces filières de qualité.
Monsieur le président, je vous remercie pour les auditions que vous avez organisées au sein de cette commission en appui aux États généraux de l'alimentation et pour le travail que vous avez réalisé avec les députés. Vous me remettrez demain la synthèse des vingt-deux auditions que vous avez menées, et dont j'ai pu voir certaines en replay.
Je vais donner la parole pour commencer à M. Éric Bothorel, M. Daniel Fasquelle puis M. Sébastien Jumel qui a fait une offre publique d'achat (OPA) sur le temps de parole du groupe de la France insoumise et qui disposera donc de quatre minutes. (Sourires.)
Monsieur le ministre, je vais vous faire voyager du cap Fréhel à la baie de Lannion.
On parle beaucoup du port de Cherbourg et d'autres grands ports qui concentrent les grands armements de pêche. Pour ma part, j'insisterai plus particulièrement sur la pêche artisanale bretonne qui représente, dans les Côtes-d'Armor, environ 300 bateaux. Notre pêche est diverse, son revenu se concentre pour 50 % sur la coquille Saint-Jacques, et un peu sur les araignées et les poissons.
Je veux appeler votre attention sur l'inquiétude, par ricochet, des pêcheurs des Côtes-d'Armor qui ont déjà concédé une partie de leur terrain de jeu aux hydroliennes, aux éoliennes, et à l'extraction de sable. Leur terrain de chasse se réduit d'autant plus que les pêcheurs du Nord se voyant interdire les zones de pêche qu'ils ont l'habitude de fréquenter, viendraient volontiers pêcher dans les zones qui leur sont réservées.
Comment entendez-vous bâtir une stratégie pêche-aquaculture qui tienne compte des spécificités de toutes nos formes de pêche pour les cinq ans à venir ?
Monsieur le ministre, ma première question concerne les négociations de fin d'année. Nous nous retrouverons sans doute à Bruxelles avec les marins-pêcheurs au mois de décembre. Comment se présentent-elles ? Ne serait-il pas possible de plaider enfin pour une vision pluriannuelle et non annuelle ? Les marins-pêcheurs parlent de la « roulette bruxelloise » puisque chaque année leur activité et leur chiffre d'affaires dépendent des décisions prises au mois de décembre à Bruxelles. Ils réclament, à juste titre, des perspectives pluriannuelles pour ce qui concerne les totaux admissibles de capture (TAC).
Ma deuxième question a trait au renouvellement des navires. Je vous trouve très optimiste, sachant qu'avec cinquante navires par an, il va falloir au moins une centaine d'années pour renouveler la flotte de pêche française qui vieillit terriblement. Cela entraîne de mauvaises conditions de pêche pour les marins-pêcheurs à bord des navires qui consomment beaucoup trop de carburant. Il est donc urgent de donner un coup d'accélérateur pour que la flotte de pêche soit vraiment renouvelée.
Par ailleurs, je suis très inquiet par le rachat de permis d'exploiter et de bateaux par des flottes de pêche étrangères. On le voit partout sur le littoral français ; nous sommes en train de perdre une partie de notre capacité de pêcher. Quelles réponses pouvez-vous apporter à ces deux problèmes ?
Le programme du FEAMP est pratiquement à mi-parcours. Or on sait très bien que très peu de ses crédits ont été consommés.
Enfin, le Brexit inquiète fortement nos marins-pêcheurs. Il faut savoir que 85 % des zones de pêche des marins-pêcheurs de Boulogne-sur-Mer et d'Étaples-sur-Mer font partie des eaux britanniques. Pouvez-vous faire le point sur les négociations qui concernent le Brexit et la pêche ?
Monsieur le ministre vous semblez avoir entendu l'inquiétude des pêcheurs normands et des Hauts-de-France concernant le Brexit, sachant que 30 % des captures françaises sont réalisées dans les eaux territoriales britanniques. Plus on est situé au nord, et plus on pêche le long des côtes anglaises. Or, au mois de juillet dernier, le gouvernement britannique a annoncé sa sortie de l'accord de Londres afin de reprendre le contrôle exclusif des droits de pêche à proximité de ses côtes. Cette reprise de contrôle devrait intervenir dans les deux ans, ce qui suscite des inquiétudes. Vous avez dit ne pas vouloir que la pêche soit la cinquième roue du carrosse dans les négociations menées par le commissaire Michel Barnier. Mais que lui avez-vous demandé concrètement pour soutenir la pêche dans les discussions en cours ? Comment allez-vous associer les professionnels de la mer à ces négociations ?
Ma deuxième question concerne le dumping social et environnemental auquel la pêche artisanale est souvent confrontée. Chez nous, la pêche à la coquille Saint-Jacques, notre « or blanc », va ouvrir dimanche. C'est une activité déterminante pour l'équilibre des quais, de Dieppe au Tréport. Là aussi, nous assistons à un véritable dumping. Les Anglais commencent à pêcher la coquille Saint-Jacques avant nous et qui plus est dans des conditions de respect du droit du travail, de licences de pêche, de recours aux bases satellitaires, d'utilisation d'anneaux permettant l'échappement des juvéniles, de respect de l'environnement et de préservation de la ressource qui ne sont pas les mêmes que les nôtres. Vous avez eu raison de dire que nos pêcheurs ne sont plus comme avant : ils font attention à préserver leurs ressources dans la durée. Ces conditions de dumping nécessitent que des mesures soient prises afin que la campagne de pêche de la coquille Saint-Jacques, vitale pour nos territoires, se déroule dans de bonnes conditions. J'en profite pour vous inviter à venir sur nos quais – nous n'avons pas que des fermes : cela fait longtemps que nous n'avons pas vu de ministre chargé de la mer sur les quais de Dieppe et du Tréport…
En tant que Normand, vous connaissez le dispositif mis en place par M. Hervé Morin pour soutenir le renouvellement de la flottille. À ceci près qu'il se heurte, et vous le savez, à des blocages communautaires : les dispositifs de soutien aux entreprises artisanales de pêche sont jugés contraires au principe de la concurrence libre et non faussée. Les annonces de M. Hervé Morin tombent donc à l'eau, sans mauvais jeu de mot… « Homme libre, toujours tu chériras la mer », écrivait Beaudelaire : les relations des jeunes pêcheurs avec les banquiers – selon l'adage, on ne prête qu'aux riches – méritent d'être débloquées si l'on veut renouveler la flottille et conjuguer la pêche non seulement au présent, mais également au futur.
À propos de futur, je veux insister sur la question de la formation. Nos lycées maritimes n'irriguent pas assez nos territoires : il faut améliorer le maillage territorial et faire en sorte que des synergies s'établissent avec d'autres lycées professionnels. Le lycée Anita-Conti, à Fécamp, par exemple, pourrait utilement et intelligemment construire des partenariats avec le lycée du Bois à Envermeu dans le domaine de la réparation marine : un bateau de pêche, ça s'entretient, ça se répare, ça se modernise. Si l'on veut séduire les jeunes, encore faut-il leur offrir des métiers d'avenir.
Vous avez soulevé des sujets importants que j'ai déjà abordés dans mon propos liminaire et que je veux préciser.
Monsieur Éric Bothorel, vous avez fait allusion à Boulogne et à Cherbourg ; mais j'étais il y a peu à Quimper et je sais l'attachement des Bretons et de la Bretagne aux activités maritimes et à la mer en général. Vous êtes élu d'un territoire que je connais bien, où la pêche côtière et artisanale est fortement présente, comme sur les côtes normandes ; je sais quelles difficultés traversent les pêcheurs, notamment sur les conflits d'usage. L'hydrolien ne pose pas encore de gros problèmes : nous en sommes toujours à l'installation de fermes pilotes dans le raz Blanchard. Pour ce qui est de l'éolien, plusieurs projets sont en train de se constituer en baie de Seine, en baie de Saint-Brieuc et devant Le Tréport. Certains ont réussi à émerger grâce à la concertation. Mais c'est seulement lorsque la concertation a réussi, lorsque les pêcheurs et celles et ceux qui défendent les projets éoliens offshore ont « topé » que le projet a pu se concrétiser. Je suis, pour ma part, partisan de la plus large et fructueuse concertation possible.
Cela étant, et je tenais déjà ce discours lors j'étais vice-président de la région Basse-Normandie chargé de la pêche et il n'y a aucune raison que j'en change aujourd'hui au motif que je suis membre du Gouvernement, je suis soucieux de l'espace maritime laissé aux pêcheurs. La réduction des zones de pêche, du fait des conflits d'usage, de la multiplication des zones d'extraction de sable ou de granulats, ou de celles qui sont sanctuarisées pour diverses raisons, des projets d'éoliennes ou d'hydroliennes, peut poser de graves difficultés à nos pêcheurs, d'autant qu'ils travaillent dans un cadre concurrentiel plutôt ardu. Ainsi, l'ouverture de la pêche à la coquille Saint-Jacques qui va entraîner de sérieux conflits : les armements anglais, belges et hollandais vont commencer à pêcher avant les armements français ; du coup, lorsque les Français arriveront sur des zones de pêche, il risque de ne plus rester grand-chose. Pourtant, je veux saluer le travail réalisé par les pêcheurs en matière de gestion de la ressource, notamment sur la coquille Saint-Jacques, votre « or blanc ». La filière de la coquille Saint-Jacques française se porte plutôt bien, avec des labels rouges et des produits transformés ; mais cela a parfois exigé de financer des ensemencements de coquilles Saint-Jacques dans certaines zones pour préserver et mieux gérer la ressource. Et cela a donné des résultats ; il faut donc continuer à travailler dans ce sens.
J'en viens à la question posée par M. Daniel Fasquelle sur notre flotte de pêche. Nous devons, je l'ai dit, accompagner les flottilles artisanales pour leur permettre de pêcher en toute sécurité. Lundi dernier, à Bruxelles, j'ai de nouveau interrogé M. Karmenu Vela, commissaire européen à l'environnement, aux affaires maritimes et à la pêche, sur les conditions dans lesquelles la Commission européenne pourrait redonner aux pouvoirs publics l'autorisation de financer le renouvellement de la flotte. À ce jour, l'Union européenne refuse systématiquement tout accroissement du nombre de bateaux, au motif qu'il faut respecter le principe de la préservation du rendement maximal durable (RMD) et ne pas compromettre la gestion de la ressource. Pour ma part, je soutiens que pêcher avec des bateaux plus modernes ne signifie pas forcément pêcher davantage, mais s'engager dans une pêche plus sélective, plus durable, avec des bateaux moins énergivores consommant moins de gazole. Et quand bien même le gazole est moins cher en ce moment et la demande soutenue, il faut préparer l'avenir.
Des régions comme la Bretagne ont mis en place des cadres de financement qui se heurtent aux interdits communautaires. Je discute actuellement avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères des mécanismes qui pourraient permettre aux pêcheurs d'accéder aux capitaux privés pour acheter des bateaux neufs afin de mieux travailler et de faire reculer le nombre d'accidents en mer. Le président du comité régional des pêches de Bretagne m'a récemment indiqué que, dans sa région, seize personnes étaient mortes en travaillant en mer en 2016. Pendant ce temps, la région normande déplorait onze morts. C'est beaucoup trop !
Il nous faudra du temps pour négocier et résoudre ce problème. Il est indispensable d'aller discuter à Bruxelles, et nous avons besoin du soutien de tous. Lorsque j'étais parlementaire, je me suis rendu à plusieurs reprises à la direction générale des affaires maritimes et de la pêche (DG MARE) pour décrire la situation de la pêche française et expliquer qu'il était urgent de nous donner les moyens de mobiliser des capitaux pour moderniser notre flotte.
Vous avez raison, Monsieur le député, donner aux pêcheurs une perspective pluriannuelle en matière de quotas permet d'assurer la visibilité et la sécurité qui facilitent les investissements, que ce soit dans les ateliers de mareyage ou dans les outils de transformation. D'ici à la fin de l'année, le conseil des ministres européens de la pêche fixera les TAC et quotas, mais les plans de gestion en cours dépassent déjà le cadre annuel. Pour l'heure, l'essentiel est de maintenir l'activité et les emplois dans l'ensemble de la filière, et d'être capables de défendre les exigences de la pêche française. Et sur ce point, je suis plutôt favorable à la vision pluriannuelle que vous appelez de vos voeux.
J'en viens à la coquille Saint-Jacques en baie de Seine…
Les problèmes rencontrés sont similaires et je me garderai d'entrer dans une querelle de goût… Et puis vous n'avez pas essayé la coquille de Manche Ouest ! (Sourires.)
La gestion de la pêche au large des douze milles en baie de Seine constitue un sujet d'intérêt commun avec nos amis britanniques et irlandais. Des efforts de gestion ont eu lieu, et, dans ce cadre, des accords ont été négociés et reconduits entre le Royaume-Uni et la France sur la pêche de la coquille. Cette année, le calendrier des dates d'ouverture de la pêche par zone a été, d'un commun accord, anticipé compte tenu de l'activité et de l'état de la ressource. Le Gouvernement et l'administration mettent tout en oeuvre, au côté de la profession, pour parvenir, dans la concertation, à dessiner un cadre de gestion pérenne au niveau européen. Nous entretenons les meilleures relations avec nos collègues britanniques pour avancer dans ce sens. Nous voulons obtenir des accords qui instaurent une zone de pêche réglementée opposable à tous les pavillons de l'Union.
Sur le Brexit, Monsieur Sébastien Jumel, j'ai peu d'informations à vous communiquer…
Je sais les inquiétudes qu'il suscite, mais je n'ai pas d'informations particulières en la matière parce que M. Michel Barnier négocie actuellement de manière globale les conditions de sortie du Royaume-Uni. Nous sommes un « pack » de vingt-sept pays ; nous négocions ensemble et nous voulons d'abord savoir si le Royaume-Uni s'acquittera de ce qu'il doit à l'Union. Si nous parvenons à un accord sur ce point, une fois actées les conditions de sortie de l'Union, nous pourrons discuter filière par filière. Nous en serons à la troisième réunion de négociation entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, qui a été repoussée : tant que nous ne disposons pas de certitudes sur cette question préalable, nous ne pourrons guère avancer sur les autres sujets. Quoi qu'il en soit, il serait dangereux de chercher à engager des négociations bilatérales avec le Royaume-Uni sur la pêche : le fait de nous présenter groupés constitue aujourd'hui une véritable force pour notre pays.
S'agissant de la compétitivité et de la stratégie de la filière pêche, les cours du poisson se maintiennent et le prix du gazole reste bas. Reste que la filière rencontre des difficultés structurelles, auxquelles s'ajoutent de nouveaux problèmes comme les conflits d'usage ou le renouvellement de la flotte. La compétitivité de la filière repose sur le mareyage, maillon indispensable pour la valorisation de produits de plus en plus demandés. Les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) de ce secteur sont créatrices d'emploi et de valeur. Toutefois, les mareyeurs sont aujourd'hui confrontés à une difficulté puisqu'ils doivent importer leurs matières premières. Des problèmes se posent également pour l'aquaculture, notamment du fait de conflits d'usage sur l'espace littoral, et de la pression d'un certain nombre d'associations qui luttent pour l'adoption de bonnes pratiques. Nous devons travailler au développement de cette filière, mais nous avons besoin d'un peu de temps compte tenu de l'enchevêtrement des facteurs.
Enfin, Monsieur Sébastien Jumel, puisque vous m'y invitez, je me rendrai avec plaisir sur le joli port de pêche de Dieppe : c'est bien la place du ministre chargé de la pêche !
Monsieur le ministre, ma question portait sur les zones de pêche de la mer du Nord et de l'Écosse qui préoccupent l'armement lorientais, mais vous nous avez indiqué qu'elles ne faisaient pas l'objet de négociations en ce moment. Peut-être se dérouleront-elles bientôt avec une Écosse indépendante, membre de l'Union européenne ? Nous pouvons espérer nous retrouver entre Européens…
Notre commission entendra demain M. Jean Pisani-Ferry, chargé du rapport de préfiguration du « grand plan d'investissement de 50 milliards d'euros dans les domaines de la transition écologique, du développement, des compétences, de la santé, des transports, de l'agriculture et de la modernisation de l'État ». Existe-t-il un plan, explicite en termes de délais et de chiffrage, qui ciblerait toutes les actions à mener dans le secteur de la pêche ?
Interdite depuis 1998, la pêche électrique est actuellement autorisée par les instances européennes sur une base expérimentale dans une partie de la mer du Nord. Initialement, en 2007, la délivrance des autorisations ne devait pas concerner plus de 5 % de la flotte de chalutiers à perche pour chaque État membre. Pourtant, en 2014, les Pays-Bas ont obtenu une dérogation pour doubler le nombre de navires autorisés à pratiquer cette pêche, à raison de 10 % de leur flotte. Cependant, à ce jour, plus de cent navires hollandais, autrement dit 25 % de la flotte, utiliseraient cette méthode. Ce pourcentage est de nature à remettre en cause son caractère expérimental.
Les pêcheurs français et leurs représentants s'inquiètent du développement de cette technique qui provoque de nombreux dégâts sur la faune maritime.
Le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM), sollicité par la France sur cette pêcherie expérimentale, reconnaît que même si le chalut électrique peut constituer, en principe, une alternative au chalut de fond, le cadre réglementaire actuel ne permet pas son extension, et que l'utilisation d'engins de pêche électrique, potentiellement dommageable à l'environnement, nécessite de poursuivre les recherches touchant aux impacts sur les espèces cibles et non cibles, ainsi que sur l'écosystème associé. Il considère également que le nombre de licences actuellement accordées paraît largement supérieur aux niveaux habituellement associés aux recherches scientifiques.
Il ressort aussi des études du CIEM un manque certain de connaissance des impacts sur les espèces des fonds marins, comme celles de la liste Natura 2000, sur la dynamique des nutriments. Le CIEM relève par ailleurs un faible taux de survie des individus rejetés, ainsi que des impacts négatifs pour les oeufs, larves et juvéniles de poissons.
Il existe donc un risque de voir la pêche au chalut électrique influer significativement sur l'état des ressources exploitées en mer du Nord, plus particulièrement sur le site dit « des bancs de Flandre » de la sous-zone CIEM IVc, placé sous juridiction française, qui est par ailleurs déjà limité par des quotas rigoureux.
Monsieur le ministre, je souhaite connaître la position de la France sur ce sujet. Comment comptez-vous procéder face aux Pays-Bas qui se livrent, à Bruxelles, à un lobbying intense en faveur de la pêche électrique ? Quelles sont vos intentions pour interdire les eaux sous souveraineté ou juridiction françaises aux navires néerlandais utilisant cette technique de pêche afin que nous ne nous retrouvions pas pris en tenaille entre Brexit et pêche électrique ?
Bien que la Martinique soit une île, 80 % de la consommation locale de poissons est assurée par les importations – et le ratio est comparable en Guadeloupe. Nous nous heurtons au refus de l'Union européenne d'autoriser le financement du renouvellement de la flotte. Je vous ai entendu avec plaisir vous exprimer courageusement sur ce sujet, Monsieur le ministre, mais vous plaidiez principalement pour l'achat de bateaux plus modernes en métropole alors que nous souhaitons renouveler notre flotte traditionnelle. L'Union européenne considère que nous sommes en surpêche, comme dans l'Hexagone, alors que nous sommes dans un processus de développement durable.
Permettez-moi de vous fournir deux clés : d'une part, l'Europe et la France doivent respecter l'article 349 du traité de Lisbonne qui permet des adaptations, d'autre part, vous pouvez vous battre pour mettre en place un programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) pêche en Martinique.
Par ailleurs, que comptez-vous faire pour soutenir les agriculteurs martiniquais et guadeloupéens après la catastrophe causée par les ouragans Irma puis Maria ?
Je suis député de Brest, et les coquilles Saint-Jacques pêchées dans notre rade sont également excellentes. (Sourires.)
La profession, vous l'avez dit, est très désireuse de développer la formation et l'attractivité du métier, car les plus jeunes sont nombreux à vouloir embarquer. Disposez-vous d'éléments qui pourraient nous intéresser sur la réforme de la formation professionnelle et sur celle de l'apprentissage, qui doivent intervenir d'ici à la fin de l'année ? Aujourd'hui, les jeunes ne peuvent pas embarquer à bord des bateaux de pêche côtière en raison d'une réglementation terrienne totalement inadaptée – en matière d'amplitudes horaires ou de travail de nuit par exemple. Je compte sur vous, Monsieur le ministre, pour faire passer le message à vos collègues du Gouvernement en charge de cette réforme. Il serait dommage de louper le coche.
Monsieur Didier Le Gac, vous avez raison : si nous voulons donner le goût des métiers de la mer à nos jeunes, si nous voulons embarquer des jeunes marins – nombre d'armements sont contraints d'aller chercher des matelots à l'étranger –, nous devons renforcer l'attractivité de nos filières d'apprentissage. Rappelons qu'un jeune sortant d'un lycée maritime ou agricole a 98 % de chance de trouver un emploi ; c'est de ce point de vue une réussite totale.
Nous devons aussi travailler sur les conditions d'accueil des apprentis à bord des navires : lorsqu'un bateau part pour une marée durant quatre ou cinq jours, il n'est pas question de ramener le gamin à terre à cinq heures de l'après-midi ; mais il faut aussi que le jeune embarqué puisse bénéficier du même confort que les autres marins. Il faut également habituer les patrons pêcheurs à accepter les apprentis, et ne pas oublier qu'apprendre à apprendre, cela s'apprend… Nous devons donc former les futurs maîtres de stage.
Monsieur Serge Letchimy, les plans de compensation des surcoûts dans les régions ultrapériphériques (RUP) constituent une mesure prioritaire destinée à donner de la visibilité aux entreprises des filières pêche des départements d'outre-mer (DOM) et à soutenir leur développement. Cette disposition régionale, dont la mise en oeuvre est complexe, a été gérée au plus près des attentes du terrain, avec l'appui de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA), pour répondre à la fois aux exigences communautaires et aux besoins spécifiques des territoires concernés. Ces plans font partie des premières mesures ouvertes au paiement ; d'ores et déjà, les opérateurs de plusieurs régions ont pu percevoir les aides au titre des années 2014 et 2015, et du premier semestre de l'année 2016.
Lundi dernier, nous avons aussi évoqué la question du renouvellement de flotte en outre-mer avec le commissaire européen à l'environnement, aux affaires maritimes et à la pêche. Le cadre communautaire s'impose également outre-mer, mais les régions ultrapériphériques ont pu bénéficier à titre dérogatoire des aides publiques au renouvellement des navires jusqu'en 2008 alors qu'elles ont été supprimées dès le 1er janvier 2005 sur le continent. Je sais que vos territoires souhaitent vivement pouvoir bénéficier à nouveau de ce type d'aide. Un rapport du Parlement européen appelle à l'assouplissement de la procédure en vigueur.
Pour notre part, nous avons souhaité mettre en oeuvre un plan d'action de modernisation de la flotte dans les DOM. Nous avons rédigé une note à l'attention de la Commission européenne avant d'évoquer le sujet avec le commissaire Karmenu Vella. Aujourd'hui, les échanges sur ce sujet se poursuivent. Toute demande en faveur de l'évolution de la flottille devra être fondée sur des éléments précis sur l'état de la ressource et les quantités débarquées. Il faut que les professionnels fassent remonter les informations les plus précises possible afin que nous déterminions le cadre dans lequel la réglementation pourrait être assouplie. Ces données, paramétrées ou non, constituent un prérequis indispensable. Nous avons également besoin du soutien des parlementaires européens et français – en particulier ceux de l'outre-mer. La Commission est prête à travailler sur la situation des DOM : il reste à lui fournir des informations qui l'amèneront à changer de position.
Après les passages d'Irma et de Maria, nous travaillons avec Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer, en particulier sur l'état de catastrophe naturel. Nous savons que 80 % de la bananeraie est à terre en Martinique, et quasiment 100 % en Guadeloupe. La semaine dernière, au salon Tech & Bio, j'ai rencontré le président de la chambre régionale d'agriculture de Martinique ; nous devons poursuivre nos échanges. Nous travaillons actuellement avec la ministre et avec le délégué interministériel pour la reconstruction de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, nommé il y a deux semaines, afin de pouvoir assumer la prise en charge de la reconstruction des filières agricoles locales. Nous cherchons évidemment à aider les producteurs de bananes, qui ont tout perdu. Nous pourrions en profiter pour travailler sur la restructuration de la filière afin qu'elle puisse repartir du bon pied, avec toutes les chances de son côté en termes de compétitivité et d'innovation.
Monsieur Paul Molac, je n'entre pas dans le débat sur l'indépendance de l'Écosse… Nous avons suffisamment à faire ! Dans le cadre des négociations engagées avec le Royaume-Uni, la pêche ne doit pas être dissociée des autres sujets. Les Britanniques sont en position de force sur ce point alors que nous le sommes sur d'autres : c'est tout l'intérêt de discussions globales que de pouvoir trouver des équilibres.
Monsieur Paul Christophe, la position de la France sur la pêche électrique est claire. Un cadre permet de mener des expérimentations, mais, tant que nous n'aurons pas de certitudes sur l'absence d'impact négatif de cette technique sur l'environnement, il n'est pas question de la généraliser. Nous nous opposons aux Néerlandais sur ce point. Autrement dit, oui à l'expérimentation, mais tant que nous ne disposerons pas de données suffisamment stables et scientifiques – il faut toujours s'appuyer sur des données scientifiques –, nous n'autoriserons pas la généralisation de ces pêcheries.
Monsieur le ministre, je voulais vous interroger sur une filière bovine. L'aide en faveur du label « veau sous la mère » a été prévue dans la politique agricole commune (PAC), qui vise à valoriser les démarches qualité. Pour l'année 2016, ces aides identifiées et chiffrées sont entrées par anticipation dans les comptes d'exploitation des éleveurs. Ces derniers ont cependant pu constater une différence avec les subventions réellement versées, qui s'élève à vingt euros par veau labellisé et à dix euros par veau labellisable. Pour le seul département de l'Aveyron, le manque à percevoir pour les producteurs de veau d'Aveyron et du Segala atteint 400 000 euros.
Cette situation, qui étrangle la filière, est d'autant moins compréhensible que le nombre de veaux et le montant des enveloppes restent inchangés par rapport à ce qui a été acté et affiché au niveau de la PAC. Pouvez-vous me donner des arguments qui me permettraient de rassurer les producteurs ? En espérant que ce ne sera pas une réponse de Normand… (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous n'aviez malheureusement pas eu le temps de répondre à toutes mes questions lors de votre audition du 26 juillet dernier, je reviens donc à la charge.
Les taxes sur la transmission des exploitations sont une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos jeunes agriculteurs qui ont pourtant le courage de se s'engager dans une belle aventure entrepreneuriale. Des mesures sont-elles prévues pour alléger leur fardeau et leur permettre de se lancer plus sereinement dans la reprise d'une exploitation agricole ?
D'une façon plus générale, les taxes pénalisent lourdement nos agriculteurs ; elles sont au coeur de notre problème de compétitivité. La taxe sur le foncier non bâti notamment les inquiète, non seulement en raison de son niveau relativement élevé, mais aussi parce qu'elle pose des problèmes économiques aux exploitations. Peut-on craindre que la suppression très démagogique de la taxe d'habitation, annoncée par le Gouvernement, n'entraîne, par effet de ricochet, des hausses de la taxe sur le foncier non bâti, l'un des seuls leviers qui restera entre les mains des élus locaux ? Cela poserait un énorme et cruel problème à nos agriculteurs.
Il est très important que quelque chose de lisible sorte des États généraux de l'alimentation.
Les nombreux acteurs reçus par notre commission nous ont confié qu'ils avaient parfois davantage réussi à s'exprimer à l'Assemblée que dans les ateliers de ces États généraux. Pour ma part, je m'interroge : les parlementaires seront-ils vraiment associés à ce travail ? Ils n'en ont pas le sentiment aujourd'hui. Je suis contraint d'organiser mes propres états généraux : dans mon territoire, je n'ai été contacté ni par le préfet, ni par les services concernés. À l'Assemblée, les députés ont travaillé d'arrache-pied ; mais, dans mon département du Loiret, je n'ai pas été sollicité… Comptez-vous vous appuyer sur nous afin que nous produisions conjointement un discours lisible par tous ? Nous nous grandirions à travailler ensemble.
Monsieur le ministre, lors de votre dernière audition par la commission des affaires économiques, je vous avais demandé des précisions sur le calendrier de versement des aides de la PAC, notamment au titre des mesures agro-environnementales, car le reliquat de 2015 n'a toujours pas été versé. Pourrait-on avoir enfin l'agenda des versements pour les années 2015 à 2017 ?
Les exploitants en difficulté bénéficiant d'une procédure collective et qui ont droit à l'aide PAC pourront-ils espérer un apport de trésorerie remboursable (ATR), par le biais du système dérogatoire que votre prédécesseur avait mis en place en 2015 et 2016 pour les aider ? Allez-vous reconduire cette mesure pour 2017 ?
Enfin, je voudrais vous faire part d'une inquiétude, qui s'est trouvée confortée lors des dernières journées « Bienvenue à la ferme » en Bretagne, sous l'égide de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, auxquelles a d'ailleurs assisté le préfet de Bretagne, M. Christophe Mirmand. On sent se développer un climat hostile à l'endroit de l'agriculture et des agriculteurs, autour des questions environnementales et sanitaires, ou du bien-être animal – je pense entre autres aux actions de l'association L214 et des lobbies vegans. À chaque fois qu'ils se manifestent, les agriculteurs voient les ventes dans les filières animales chuter et, plus encore, leur angoisse grandir.
La taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) ne devrait pas subir d'augmentation, en tout cas pour ce qui relève de l'État. Mais nous ne sommes pas maîtres de ce que décident les collectivités, en raison du principe de la libre administration. Si l'une d'elles choisissait de l'augmenter, je ne vois pas en quoi je pourrais m'y opposer.
Je le comprends fort bien mais je ne vois pas pourquoi la suppression de la taxe d'habitation, qui sera intégralement compensée, amènerait les collectivités à exiger un effort supplémentaire sur la TFPNB. Je rappelle en outre que cette taxe fait souvent l'objet de dégrèvements pour les agriculteurs en difficulté : c'est ce qui s'est fait dans le secteur viticole en raison du gel, cela arrive également en cas d'accidents sanitaires. C'est un moyen de redonner un peu d'air aux agriculteurs et de restaurer la compétitivité de leurs exploitations.
Quoi qu'il en soit, c'est à vous, députés, qu'il incombe de surveiller les maires et les collectivités sur ce qu'ils comptent faire avec cette TFPNB.
En ce qui concerne l'octroi d'ATR pour les entreprises en difficulté sous le coup d'une action collective, j'ai fait une demande d'arbitrage budgétaire en ce sens. J'ai bon espoir d'obtenir gain de cause, car on sait qu'un agriculteur qui va voir son banquier pour obtenir une aide de trésorerie aura du mal à se faire entendre s'il ne peut fournir aucune garantie en échange. Il faut donc montrer clairement que l'État suit ces exploitations, de manière à ce que les agriculteurs ne soient pas entravés dans leurs projets.
Quant au calendrier des versements des aides PAC, il a été publié le 22 juin dernier, soit quelques jours à peine après votre élection. Dans la mesure où cela vous aura sans doute échappé, je vais faire en sorte que mes services le renvoient à chacun d'entre vous. Pour l'heure en tout cas, le calendrier est tenu et l'ensemble des aides agro-écologiques de 2015 seront réglées en novembre prochain. Ensuite, nous passerons à l'instruction des aides au titre de 2017, puis, dans la foulée, des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et des aides à l'agriculture biologique pour 2016, qui seront versées au plus tard en mars 2018, date à laquelle l'intégralité des aides 2015-2017 auront été payées. Nous reprendrons ensuite le calendrier vertueux de versement de ces aides, et il n'y aura donc plus d'ATR mais, comme à l'ordinaire, une avance en début d'année et le solde à la fin.
Le budget présenté ce matin par le Premier ministre témoigne d'un effort sans précédent, puisque nous déployons 300 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, qui s'ajoutent aux 350 ETP déjà prévus, non pour étoffer l'administration centrale mais pour grossir les rangs des directions départementales des territoires (DDT) et des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), où les fonctionnaires sont en première ligne pour répondre concrètement aux agriculteurs et les aider à résoudre avec eux leurs difficultés. On a donc remis des moyens supplémentaires pour faire en sorte que les engagements et le calendrier puissent être tenus.
En ce qui concerne les États généraux de l'alimentation, les parlementaires ont été sollicités dans leurs circonscriptions lorsque, dès la fin juillet, nous avons donné instruction aux préfets de les organiser. Certains préfets de région l'ont déjà fait.
Je sais que cela a également été le cas en Nouvelle-Aquitaine, et lundi prochain, ils débuteront à Caen, pour la Normandie.
Des préfets de département se sont aussi impliqués quand ils étaient sollicités par les chambres d'agriculture pour mettre en place des ateliers où les parlementaires que vous êtes ont toute leur place, même si ce n'est pas à vous de les organiser. Cela étant, je vais regarder où en est la région Centre-Val de Loire, Monsieur Richard Ramos, mais je puis vous assurer : au vu du nombre d'invitations que je reçois pour participer aux ateliers déconcentrés, que le processus est déjà engagé dans de nombreux territoires.
Par ailleurs, il est encore temps pour chacun de se mobiliser, car les États généraux se poursuivent jusqu'à la fin de l'année. À la mi-octobre, c'est-à-dire à la césure entre le premier et le second chantier, le Président de la République y fera une communication.
Je reçois demain M. Roland Lescure, votre président de commission, qui me remettra officiellement la synthèse des travaux et des auditions que vous avez menés. La contribution des parlementaires sera naturellement prise en compte lorsque nous aurons à restituer les travaux des ateliers, et nous saurons en tirer les idées les plus intéressantes.
Vous participez vous-même à l'atelier n° 9, ce qui veut dire que vous avez été mobilisé ; ce n'est pas le cas de tous vos collègues, pour la bonne et simple raison que nous avons été victimes de notre succès : nous aurions pu organiser des ateliers de deux cents personnes, mais je ne suis pas sûr qu'au bout du compte nous aurions eu un travail de la même qualité. Car il ne s'agit pas d'y raconter sa vie, mais de faire en sorte que chacun prenne ses responsabilités et fasse des propositions cohérentes. Je sais en tout cas, par les fonctionnaires du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) qui pilotent ces ateliers, que les parlementaires y sont très actifs… et proactifs.
Sur la question du veau sous la mer et du label rouge, j'ai signé un courrier à votre intention, Madame Anne Blanc, hier matin ; j'ai beau être fier d'être normand, je ne fais jamais de réponse de normand…
Tout à fait… Je conseille les races mixtes !
Je connais l'importance de l'aide couplée mise en place en 2015 pour soutenir la filière bovine et la production de veaux, notamment en Aveyron. Le paiement des aides s'est fait en deux vagues – juin et juillet. Nous rencontrons, compte tenu du nombre de bêtes éligibles, un problème de calibrage des deux enveloppes, du fait notamment du changement de la réglementation européenne. Nous en sommes donc à compter les veaux pour pouvoir ensuite établir des aides fongibles et les restituer aux éleveurs dans les meilleures conditions. Mais les engagements seront tenus, il n'y a aucune raison qu'ils ne le soient pas.
Le changement climatique nous impose de repenser nos modèles, notamment en matière de gestion de l'eau. Cette année encore, en août, quatre-vingt-deux départements ont pris des arrêtés préfectoraux de restriction d'eau, parmi lesquels trente arrêtés de crise. Le Gard est l'un de ces départements à la situation hydrologique préoccupante, voire inquiétante. Pourtant, le département pourrait compter sur plusieurs ressources en eau importantes : le Rhône, pour le couloir rhodanien et ses capacités d'irrigations, et des épisodes cévenols parfois difficiles à vivre. Si nous arrivions à tirer profit de ces orages ou de ces pluies intenses, ils constitueraient un formidable capital hydraulique, inexploité à ce jour car rien n'est prévu pour capter les eaux.
Des solutions non plus ponctuelles mais durables doivent émerger. Il y va de la survie de la viticulture locale. Monsieur le ministre, comment pouvez-vous aider la viticulture du sud de la France, et tout particulièrement la viticulture gardoise ?
Interrogé hier sur le glyphosate lors des questions au Gouvernement, le Premier ministre a donné une réponse un peu floue. Je voudrais savoir s'il est confirmé que, s'il n'y a pas de produit de substitution pour les agriculteurs, la France reviendra sur sa position ?
Ma seconde question porte sur l'Office national des forêts. L'ONF a en effet traversé par le passé une période sombre. Depuis 2000, il a perdu un quart de ses effectifs, et les tensions sociales ont conduit au suicide de plusieurs agents.
Alors que l'établissement avait retrouvé la paix sociale à la suite d'un audit socio-organisationnel en 2012, il semblerait que, depuis deux ans, le climat social soit de nouveau extrêmement tendu entre la direction générale et les agents. Le 18 septembre dernier, l'intersyndicale a démissionné des instances de l'ONF. C'est un appel au secours. Les agents s'inquiètent visiblement de certaines décisions prises par la direction. Le ministère a-t-il prévu un audit ou une mission d'information sur la situation ? Cela fait déjà plusieurs mois que j'ai été alertée, et j'aimerais que les choses avancent.
J'aurais aimé dire à M. Fabien de Filippo que le problème de l'agriculture dépasse de loin celui des taxes sur la transmission ; il est plutôt dans la faible rentabilité des exploitations agricoles aujourd'hui, au regard des capitaux qu'il faut mobiliser pour s'installer en agriculture.
L'un des buts des États généraux de l'alimentation est précisément d'améliorer la rentabilité de l'ensemble des exploitations agricoles françaises. Les ateliers organisés sur le plan national accomplissent un travail important qu'il faut saluer ici, car il débouchera certainement sur des actions concrètes, notamment l'instauration de contrats tripartites entre le producteur, le transformateur et le distributeur. Quelle est votre position sur ces contrats ? Sont-ils envisageables malgré les problèmes qu'ils posent vis-à-vis du droit européen de la concurrence ?
Je rebondis sur le glyphosate : ne pourrait-on pas appliquer une bonne fois pour toutes le principe de précaution à l'agriculture et cesser de supprimer des molécules de façon intempestive ? Le principe de précaution devrait en effet valoir non seulement pour l'introduction de nouvelles molécules mais aussi pour leur suppression, car une pandémie dans le règne végétal sera beaucoup plus difficile à enrayer que dans le règne animal.
Prévoyez-vous par ailleurs un moratoire sur les normes, qui gênent beaucoup les agriculteurs ?
En ce qui concerne l'agriculture connectée enfin, êtes-vous également décidé à vous battre pour raccorder aux réseaux l'ensemble du territoire, y compris dans les champs ?
Monsieur Anthony Cellier, il y a encore en effet beaucoup à faire sur la gestion de l'eau, et le Président de la République nous a demandé de travailler sur la gestion des risques et ce que l'on appelle les « pannes de précaution ». Nous oeuvrons à deux niveaux. D'abord au plan européen, car l'Union européenne a décidé de se saisir de cette problématique : c'était l'objet du conseil informel des ministres de l'agriculture, qui s'est tenu dans le courant du mois, à Tallinn en Estonie, et qui a mis en avant la nécessité de trouver de nouvelles techniques d'irrigation, moins consommatrices en eau, particulièrement dans les régions souffrant de sécheresse.
Sur le plan national, nous avons fait, avec mon collègue du ministère de la transition écologique et solidaire, une communication au Conseil des ministres sur la politique de l'eau et la manière dont nous pourrions débloquer certains projets destinés à mettre en place, à destination des agriculteurs, des systèmes d'irrigation ou de réserves d'eau pour faire face à la sécheresse, qui sévit désormais dans un grand nombre de départements.
Nos propositions trouveront leur traduction législative, notamment dans le projet de loi sur le droit à l'erreur qui sera soumis à votre examen en fin d'année ou en début d'année prochaine. Outre la simplification des procédures, il faut nous tourner vers l'innovation : l'irrigation peut, à ce titre, faire partie des techniques éligibles à notre grand plan d'investissements.
Vous avez évoqué la filière viticole face à la sécheresse. Nous disposons d'ores et déjà d'outils destinés à aider les viticulteurs à faire face aux aléas ; cela sera l'un des objets de la discussion que je dois avoir demain, avec les représentants de la filière. Parmi ces outils, je citerai l'aide à l'assurance récolte, dont bénéficient aujourd'hui 25 % des viticulteurs français et dont je souhaiterais qu'elle se diffuse plus largement ; ce dispositif de prise en charge partielle des cotisations payées par les exploitants peut couvrir jusqu'à 65 % des primes. Je sais que, dans certains cas, le delta reste important, mais c'est un premier pas vers la mise en place d'outils assurantiels forts.
Des discussions sont également en cours avec l'Union européenne pour abaisser à 20 % le seuil de déclenchement de l'assurance récolte. Je ne peux présager de ce que donneront ces discussions, mais c'est en tout cas la position que nous défendons.
Nous réfléchissons enfin à des contrats adaptables à chaque exploitant, car le secteur viticole est aussi divers que le sont les régions de France, et les enjeux ne sont pas les mêmes dans le Bordelais ou en Bourgogne.
J'en profite pour rassurer les viticulteurs de l'Aude, qui ont imaginé que j'avais considéré que les dégâts causés par le gel avaient été plus importants à Bordeaux que chez eux. Qu'ils ne s'inquiètent plus : je me suis en effet rendu dans le Bordelais pour constater les dommages, mais je sais que l'Aude a également été touchée, et le Gouvernement n'abandonne pas ses viticulteurs.
Sur le glyphosate, Madame Laure de La Raudière, le Président de la République a pris une décision que le Premier ministre a rappelée hier, et la position de la France ne changera pas lors du vote européen. Il est vrai que nous sommes face à des impasses techniques : il n'existe pas pour l'heure de produit de substitution. Le Premier ministre a donc souhaité que nous menions, avec le ministre de la transition écologique et solidaire, une mission conjointe, pour faire en sorte d'élaborer, en concertation avec les acteurs de la filière agricole, un calendrier qui nous permette de trouver la bonne trajectoire pour sortir progressivement et durablement des pesticides.
D'ici là, il faut revenir à une certaine sérénité dans le débat. Les agriculteurs ont déjà fait de gros efforts en faveur de la transition écologique, notamment au travers des dispositifs mis en place sous le quinquennat précédent, qu'il s'agisse du 4 pour 1 000 ou de l'agro-écologie. Reste qu'il faut aller plus loin encore, tout prenant le temps nécessaire pour accompagner les transitions. C'est le sens de la mission que nous a confiée le Premier ministre : nous rendrons nos propositions d'ici à la fin de l'année, mais il est évidemment hors de question d'engager les agriculteurs dans des impasses techniques. Mais l'objectif est bel et bien de sortir de l'usage de ces produits.
Pour ce qui est de l'ONF, des réunions ont lieu au ministère pour faire le point sur la situation de l'ONF et, plus globalement, sur la filière bois-forêt. J'ai déjà reçu les deux interprofessions et des rendez-vous sont en cours pour que je puisse rencontrer l'ensemble des acteurs de la filière. Il est effectivement urgent que la situation s'éclaircisse à l'ONF, qui s'est engagé dans la dans la mise en oeuvre de son contrat d'objectifs et de performances. C'est un contrat ambitieux, et la direction générale mobilise ses équipes. Sachez en tout cas que je suis très attaché au dialogue social et que je souhaite le retour rapide à un climat social apaisé dans le secteur. Si le sujet vous intéresse, Madame, je suis prêt à vous communiquer tous les éléments utiles et je suis prêt à vous associer à ces travaux.
En ce qui concerne les États généraux de l'alimentation (EGA), Monsieur Jean-Baptiste Moreau, l'objectif du contrat tripartite est de parvenir à la meilleure manière possible de créer de la valeur et de la répartir. C'est l'une des pistes qui ressort des ateliers, mais il faut attendre la fin des États généraux et aller jusqu'au bout de l'expertise pour vérifier si ce contrat est compatible avec le droit de la concurrence. Je considère en tout cas cette piste comme utile.
Nous avions dit avec le Président de la République que nous étions prêts à prendre une initiative européenne. Car si les EGA se tiennent aujourd'hui sur le territoire national, nous devons, comme je l'ai rappelé hier et avant-hier à Bruxelles, leur donner une dimension internationale et à tout le moins, européenne : l'alimentation concerne tous les États membres et tous nos concitoyens européens. Nous pourrons ainsi les faire profiter des travaux que nous allons faire sur la question de la traçabilité et de la qualité d'une alimentation saine, durable et accessible à tous, et essaimer dans les autres pays européens. Nous devons regarder comment faire évoluer le droit de la concurrence au niveau européen et comment accompagner cette évolution sur le plan législatif. En tout cas, c'est une idée qui doit faire son chemin.
L'agriculture numérique et connectée est également un sujet dont nous devons nous saisir. Je vous parlerai de ce que je connais le mieux, c'est-à-dire de mon territoire : j'habite une zone blanche et j'ai autour de chez moi des agriculteurs qui sont bien dans la peine quand ils doivent remplir leurs déclarations en vue de recevoir les aides de la PAC ou ne serait-ce que passer un coup de téléphone ou recevoir des informations sur leur téléphone portable pendant la saison des vêlages. C'est un problème que nous connaissons bien : vous vous souvenez que Président de la République s'est engagé à faire en sorte que la couverture numérique du territoire soit totale à l'horizon de 2022 et que l'État prenne le relais là où les opérateurs historiques n'iront pas. C'est tout le travail que mène M. Mounir Mahjoubi à la tête du secrétariat d'État au numérique, placé sous l'autorité du Premier ministre.
Il est évident que l'agriculture connectée est l'avenir. J'ai participé il y a quelque temps au salon national des CUMA (coopératives d'utilisation de matériel agricole) et au SPACE (Salon international de la production animale) à Rennes il y a quinze jours : on y voit des outils qui assistent les producteurs et les soulagent dans les travaux pénibles ; encore faut-il qu'ils soient reliés à des bornes. On doit aussi former leurs utilisateurs. Les questions de robotique, d'innovation et de nouvelles technologies sont donc essentielles et s'inscrivent dans la démarche du grand plan d'investissement présenté la semaine dernière par le Premier ministre. Notre ambition est de faire en sorte que l'agriculture puisse bénéficier d'un accompagnement dans ses investissements. Le plan d'investissement du Gouvernement pour ce secteur sera de 5 milliards d'euros pendant la durée du quinquennat et s'articulera autour de trois priorités : la transition écologique, la recherche et l'innovation, la compétitivité.
En ce qui concerne les normes, Monsieur Jean-Charles Taugourdeau, nous avons toujours dit que nous entendions veiller à éviter toute surtransposition inutile des directives européennes. C'est un travail de longue haleine et nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous allons nous attacher, dans nos propres textes comme dans les textes européens, à trouver le moyen de limiter ces normes qui freinent parfois le développement économique de nos territoires et de nos entreprises. Nous sommes tout à fait déterminés au ministère de l'agriculture et de l'alimentation à travailler sur ces questions et à trouver les outils de simplifications nécessaires.
En Isère en tout cas, les EGA ont été déclinés avec le concours des parlementaires : mes collègues députés et moi-même sommes en effet saisis de l'organisation de l'événement au niveau départemental. Ensuite, chacun dans sa circonscription a organisé des temps forts. Et je dois dire que des résultats concrets et rapides sont attendus des différents acteurs.
Les expériences de terrain montrent que les activités agricoles, quelles qu'elles soient, sont une source réelle d'emplois et de richesse pour nos territoires. Si nos entreprises agricoles savent se battre pour innover et garantir la qualité de leurs produits, elles évoluent dans un cadre concurrentiel où les pressions viennent de toutes parts : poids des normes, poids des coûts liés à l'emploi, surcoûts liés à la recherche de la qualité alimentaire. Notre agriculture ne se bat pas à armes égales avec nos concurrents européens, voire mondiaux. Quelles seraient les dispositions envisagées, aux niveaux national comme européen, pour que notre agriculture, nos agricultures puissent poursuivre leurs efforts dans un cadre concurrentiel équilibré ?
Je m'associe aux propos de mon collègue Richard Ramos et pour faire écho à la première partie de son intervention, car je suis vraiment sorti de mes gonds en découvrant dans la presse, alors que je suis moi-même agriculteur, que les présidents de Danone et de Système U allaient animer l'atelier des EGA sur la valeur ajoutée… Et la FNSEA n'a pas manqué de me le rappeler. Puis c'est la préfecture qui m'appelle pour savoir ce que nous organisions parce qu'elle ne savait pas ce qu'elle devait faire ! Je remercie le président de la commission des affaires économiques d'avoir organisé toutes ces auditions de grande valeur ; mais un des rôles des députés de la majorité, me semble-t-il, c'est de faire le service après-vente du Gouvernement. Encore faut-il savoir de quel produit il faut vanter les mérites… Je suis donc un peu remonté contre la méthode utilisée.
Il en va de même pour le glyphosate : on se doute bien que c'est surtout un symbole. Les agriculteurs m'interrogent à ce sujet ; et là encore, j'aimerais avoir les éléments de langage pour leur répondre. On peut discuter du principe général de transition mais nous aimerions savoir sur quelle voie on s'engage.
Je m'inscrirai dans la lignée de ce qui vient d'être dit par M. Nicolas Turquois. Au cours des auditions que nous avons menées ici même dans le cadre des États généraux, des agriculteurs sont venus nous dire : « Il nous faut un nouveau contrat social entre les agriculteurs et la société. Qu'attend-on de nous ? Vous voulez la compétition, le modèle néo-zélandais : on le fera ; une agriculture familiale de proximité qui intègre le bien-être animal : on le fera. Mais vous voulez tout à la fois. C'est aux Français et à vous les politiques de fixer un cap ».
Or, pour l'instant, je me demande toujours comment transformer l'agriculture française et vers quoi vous voulez la faire évoluer. Je vois les EGA comme une immense usine à gaz, avec ces quatorze ateliers, les auditions que nous menons ici et les nombreux événements qui se déroulent en région. Quel est le nouveau contrat social que vous voulez conclure ? Au-delà de l'agriculture, quelle est la doctrine alimentaire dans ce pays ? C'est à croire qu'il n'y a rien dans ce pays entre, d'un côté, la junk food, et de l'autre, la gastronomie… Sur toutes ces questions, on ne voit pas quel est l'objectif visé par le Gouvernement. Quand on voit l'atelier sur la répartition de la valeur ajoutée coprésidée par les dirigeants de Système U et de Danone, il y a effectivement de quoi se poser des questions. De même quand on choisit comme co-coordinateur M. Olivier Allain, qui, lorsqu'il était président de la chambre d'agriculture des Côtes d'Armor, avait envoyé un courrier aux agriculteurs leur recommandant de ne pas appliquer la loi en matière de contrôle des flux d'azote lors des épandages d'engrais et le lisier. Est-ce vers ce modèle d'agriculture, avec des ateliers de six mille poules pondeuses par ci, un plan porc par-là, qu'on souhaite aller ?
Je ne suis pas dans la pêche mais dans les vendanges… et le vin sera vite tiré pour être vendu. Le Président de la République doit intervenir le 11 octobre sur les sept premiers ateliers des États généraux de l'alimentation. Ne serait-il pas nécessaire d'agir rapidement pour ne pas perdre une année – autrement dit par voie réglementaire ou par ordonnance – du fait des négociations annuelles qui commencent déjà pour les contrats de 2018 ? Les avancées de la loi de modernisation de l'économie (LME) ont vite été détournées. Il est important de faire appliquer la loi et de la faire respecter avant qu'elle ne soit contournée. C'est un point capital pour la réussite des EGA. Quel est votre calendrier, Monsieur le ministre ?
Monsieur le ministre, vous avez annoncé il y a quelques jours que l'État cesserait, à partir de 2018, de verser les aides au maintien aux agriculteurs biologiques pour se recentrer sur les aides à la conversion. Les aides au maintien versées après les trois premières années d'activité sont destinées à stabiliser et à pérenniser les jeunes exploitations bio. Estimant qu'il revient au marché de soutenir le maintien de l'agriculture biologique, compte tenu de l'importance de la demande en bio, vous proposez de nouveaux mécanismes abondés par des fonds privés pour compenser la fin de l'attribution systématique de l'aide au maintien. Dans les territoires ruraux et de montagne, comme celui des Hautes-Pyrénées, de nombreux petits exploitants agricoles, certifiés en bio, craignent un désengagement des pouvoirs publics qui sont pourtant les seuls à pouvoir garantir une rémunération équitable entre les exploitants et ainsi éviter les éventuels effets d'aubaine qui pourraient bénéficier aux plus gros exploitants. Quelles garanties seront-elles apportées par les nouveaux mécanismes aux exploitants – déjà les plus fragiles – certifiés en bio ?
Monsieur le ministre, je vous avais interrogé il y a deux mois sur le solde du versement des aides de la PAC des années antérieures et la question vous a à nouveau été posée tout à l'heure. Pourriez-vous, en nous indiquant quelques grandes masses financières, informer les députés de la commission des affaires économiques sur le mode de fonctionnement du budget européen et la contribution de l'État français à ce budget ? Les prélèvements sur recettes fiscales alimentent le budget européen chaque année à hauteur de 20 milliards d'euros et l'agriculture reçoit à peu près 50 % de cette somme. N'y a-t-il pas un problème d'adéquation des mécanismes de financement, dans la mesure où cet argent part à Bruxelles pour revenir en France sous forme de redistribution ? Je rappelle que la France est contributrice nette au budget de l'Union européenne. Soyez clair, Monsieur le ministre, dans votre réponse : la communauté nationale vous regarde et cette question m'est particulièrement chère.
Par ailleurs, quelles seront les conséquences de la sortie du Royaume Uni de l'Union européenne sur le budget de la PAC ? Cela aura vraisemblablement pour effet, d'ici à 2020, de solliciter davantage la contribution française.
Force enfin est de constater que les fonctionnaires et les vacataires des directions départementales des territoires (DDT) passent leur temps à régler des questions qui relèvent plus de la tracasserie administrative qu'autre chose. Le traitement des surfaces non agricoles (SNA) en est un exemple proprement scandaleux : on fait perdre leur temps aux agents de l'administration pour traiter des questions qui relèvent de 2015-2016, retardant d'autant la liquidation d'autres dossiers. De grâce, Monsieur le ministre, faites du ménage dans ce domaine – si cela vous est possible et si l'Europe vous le permet.
Enfin, j'aimerais vous entendre sur la dimension sanitaire du glyphosate. Les services du ministère ont-ils un avis scientifique sur la nocivité de la molécule, oui ou non ? Mes questions sont précises, Monsieur le ministre : elles appellent donc des réponses tout aussi précises.
Je n'ai pas besoin de me cacher derrière mon petit doigt pour dire les choses. Une fois les règles posées, elles le sont définitivement.
Madame Monique Limon, nous n'entendons pas opposer les modèles agricoles les uns aux autres mais assurer la transition de ces modèles vers une agriculture plus vertueuse et moins dépendante des pesticides, tout à la fois innovante, compétitive, créatrice de richesse et capable de faire vivre dignement les producteurs du revenu de leur travail. Les agriculteurs, quand on les croise, n'ont d'autre ambition que de vivre de leur travail et non pas d'être dépendants des aides, même s'il importe de pouvoir les soutenir en cas de difficultés.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, dans la préparation du budget de mon ministère, préserver le budget de la PAC. D'abord parce qu'elle a une dimension symbolique : c'est la PAC qui a construit l'Union européenne ; mais aussi parce que c'est une politique totalement intégrée aujourd'hui et dont nous avons besoin. Partant de là, nous pourrions opposer les modèles les uns aux autres : nous aurions alors toutes les difficultés du monde à mettre les choses en place car nous nous heurterons toujours à des oppositions de toutes sortes. Ce n'est pas de cette manière-là que l'on redonne sa chance au pays. Il existe, je l'ai déjà dit, plusieurs modèles agricoles : l'agriculture biologique, les circuits courts, des circuits plus longs, la vente directe, la transformation dans les ateliers, directement chez les éleveurs, pour la viande ou le lait. Tout cela me convient très bien dès lors que ces modèles trouvent leur clientèle et permettent aux producteurs de vivre de leurs revenus. Et il y a aussi d'autres modèles d'agriculture, qui traitent les cultures de façon plus massive – je n'aime pas le mot « intensive », souvent très connoté alors que l'ambition reste de nourrir la planète –, ce qui ne les empêche pas de raisonner de la façon la plus vertueuse possible et d'apporter les meilleures réponses possibles aux enjeux environnementaux et de sécurité des agriculteurs.
Cela m'amène à revenir sur la question du glyphosate. Je répète ce que j'ai déjà dit : on nous a demandé un calendrier, nous allons donc y travailler avec les services du ministère de l'agriculture et ceux du ministère de la transition écologique et solidaire, pour ensuite trouver avec l'ensemble des acteurs qui participeront à cette réflexion les meilleures voies de progrès possible. Nous ferons en sorte de résoudre les problèmes techniques qui se posent en mobilisant la recherche et l'innovation, et de trouver rapidement des produits de substitution. Bien évidemment, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a remis au ministère de l'agriculture des avis sur le sujet. Mais cela ne saurait se traiter comme une question binaire où il suffit de répondre que l'on est pour ou contre ; il s'agit de savoir comment accompagner la mutation de nos différents modèles agricoles, comment, face au changement climatique, assurer la transition de ces modèles pour qu'ils soient toujours plus compétitifs et garants de la cohésion territoriale, capables de subvenir aux besoins des consommateurs et de garantir une alimentation saine, durable et de qualité. Et pour ce faire, il existe aussi des circuits d'agriculture dite « conventionnelle » qui produisent des aliments de qualité.
Notre souhait, dans le cadre des EGA, est donc de favoriser la montée en gamme des producteurs et de réfléchir à la restructuration des filières. L'idée est de favoriser la contractualisation au sein de ces filières et de faire en sorte que le triptyque producteurdistributeurtransformateur en sorte gagnant-gagnant. Dans ces négociations commerciales, chaque maillon de la chaîne a sa propre responsabilité : l'État n'est pas le seul responsable car nous ne sommes pas dans une économie administrée où l'on pourrait fixer le prix du beurre, du lait ou du kilo de porc. Le marché est là. Nous sommes dans une économie libre et non faussée, paraît-il ; je ne dis pas que ce soit forcément le meilleur modèle – en tout cas, ce n'est pas celui que je choisirais d'instinct – mais il nous est imposé et c'est dans le cadre de ce système qu'il nous faut avancer. Dans le cadre des prochaines négociations commerciales qui vont s'ouvrir, il faut que l'esprit des EGA perdure ; il s'agit de concilier le respect des règles, de permettre l'intensification des nouvelles techniques agricoles tout en préservant l'ensemble de nos modèles.
Vous m'avez posé une question précise sur le budget de la PAC, Monsieur André Villiers. Il s'élève à 55 milliards d'euros par an, dont 9 milliards pour la France qui ont un effet levier important sur le territoire. Dans le cadre de la préparation de la prochaine PAC, j'ai donc souhaité préserver notre budget national pour avoir une PAC forte et ambitieuse mais qui apporte des filets de sécurité à nos producteurs. Dans le même temps, je sais bien que le Brexit fera perdre 10 milliards d'euros au budget européen. Il va aussi falloir se poser la question de savoir ce que l'on fait de la PAC dans le cadre du changement climatique et de la transition des différents systèmes agricoles tout en faisant en sorte de rester à la sortie au niveau des 9 ou 10 milliards d'euros actuels… C'est tout l'enjeu de la négociation qui s'engage sur le Brexit.
Pour ce qui est des SNA – bâtiments, routes, etc. – qui sont déduites des surfaces éligibles aux aides de la PAC, les services instruisent en ce moment les dossiers, car c'est un préalable indispensable au paiement des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) de 2015. Je reconnais que les agriculteurs attendent depuis deux ans, mais le traitement est en cours et le calendrier dont j'ai parlé tout à l'heure sera tenu. Les difficultés de calendrier tiennent à des raisons non pas budgétaires mais purement techniques : vous vous en apercevrez si vous allez faire un tour dans vos DDT, comme je l'ai fait au mois de mai. C'est la raison pour laquelle nous faisons un effort budgétaire particulier pour renforcer l'effectif de vacataires des services de l'économie agricole, à hauteur de 650 équivalents temps plein (ETP) : nous en avons besoin pour traiter l'ensemble des dossiers en retard et ainsi tenir les engagements pris le 22 juin dernier.
Pour en revenir au glyphosate, je rappelle que le Premier ministre nous a demandé de tenir un calendrier. Aujourd'hui, il va falloir travailler et nous entendre. Il ne s'agit pas, là non plus, d'opposer les agriculteurs les uns aux autres. En tant que ministre de l'agriculture, je défends les agriculteurs – c'est bien normal. Mais je veux les défendre aussi de manière à assurer leur transition de la meilleure manière possible pour eux, sans que cela vienne briser leur compétitivité. Il nous faut nous donner du temps, tout en arrêtant des échéances suffisamment bornées pour faire en sorte que la recherche avance. Mais je ne saurai préjuger des résultats du travail que nous allons mener avec mon collègue.
Vous dites que vous êtes remonté contre les EGA, Monsieur Nicolas Turquois : eh bien, redescendez ! Vous êtes parlementaire. Vous n'avez pas de réponse sur votre territoire ? Appelez votre préfet !
Dans ce cas, où est le problème ?
Non, Monsieur, il n'y a pas de problème de méthode. Les EGA ont été enclenchés dès mon arrivée, à la fin du mois de juin, pour être lancés le 20 juillet. Ensuite, nous avons adressé des courriers à l'ensemble des parlementaires, à deux reprises, pour les prévenir de la manière dont nous allions travailler. Nous avons fait en sorte qu'un certain nombre d'entre eux puissent participer aux ateliers nationaux, sachant que nous ne pouvions accueillir tout le monde. Nous avons ensuite donné instruction aux préfets de région d'organiser des ateliers décentralisés dans les territoires, à charge pour eux de se tourner vers les préfets de département pour que ces derniers puissent organiser eux aussi des ateliers, en lien avec les chambres d'agriculture, véritables parties prenantes et parfois organisatrices de ces ateliers. Nous avons ainsi pu faire en sorte que les parlementaires – et les élus en général, conseillers régionaux et départementaux – puissent s'approprier le débat.
Vous dites regretter d'avoir eu certaines informations par voie de presse, je suis désolé de vous dire qu'il existe quelque chose que l'on appelle la séparation des pouvoirs… Lorsque nous organisons une conférence de presse pour présenter l'organisation des États généraux, cette conférence s'adresse, comme son nom l'indique, à la presse. Mais les parlementaires sont ensuite prévenus de la manière dont nous travaillons. Et comme je l'ai déjà expliqué, j'avais souhaité pouvoir venir devant vous pour parler de ces sujets, mais cela n'a pas toujours été possible en raison de contraintes de calendrier durant un été particulièrement chargé – certains râlaient même de ne pouvoir partir en vacances…
Tout le monde a bien travaillé. Quoi qu'il en soit, vous serez pleinement associés aux conclusions qui seront tirées de ces États généraux.
En ce qui concerne le choix des présidents d'ateliers, nous avons fait dans la dentelle. Le choix des patrons de Danone et de Système U pour piloter l'un des ateliers a été fait pour une simple et bonne raison : ce sont deux chefs d'entreprises importantes qui avaient contractualisé avec des producteurs et qui s'étaient engagés publiquement, contrairement à d'autres, à traiter la question du revenu des agriculteurs, notamment dans la filière laitière. Voilà pourquoi il nous a semblé intéressant qu'un distributeur et un transformateur qui sont des donneurs d'ordres importants dans notre secteur économique soient ainsi invités à animer un groupe de travail, non pour imposer un débat ou orienter des conclusions au mieux de leurs propres intérêts. Car personne ne nous imposera quoi que ce soit : lorsque les ateliers seront terminés, le choix appartiendra à ceux qui sont en responsabilité, c'est-à-dire au politique. Les discussions ont été très ouvertes et les ateliers se sont plutôt bien passés ; c'est en tout cas ce qui m'a été rapporté.
Pour ce qui est des modèles agricoles, je vous répète ce que j'ai dit tout à l'heure : je ne veux pas les opposer les uns aux autres. Ils sont complémentaires parce qu'ils correspondent à des philosophies et à des marchés spécifiques.
Monsieur Jean-Bernard Sempastous, nous n'avons pas interrompu les aides au maintien de l'agriculture biologique. J'entends bien cette petite musique qui circule : « l'État arrête de financer l'agriculture bio ». Nous sommes cohérents, d'autant plus que le Président de la République nous a assigné une série d'objectifs précis dans ce domaine, à commencer par celui d'atteindre 50 % de produits biologiques, écologiques ou locaux, autrement dit issus de filières courtes, dans la restauration collective à l'horizon 2022. Le deuxième : passer de 6 à 8 % du territoire cultivé en bio. Bel objectif !
Vous me répondrez que nous pourrions être un peu plus ambitieux – certains me l'ont dit. Mais faisons déjà les efforts et le nécessaire pour atteindre ces 8 % – je suis sûr que l'on y parviendra –, et s'il est possible d'aller plus loin, nous le ferons. Mieux vaut un objectif soutenable qu'un objectif de 15 %, dont nous serions loin dans trois ans : on ne manquerait pas de venir nous le reprocher. À l'inverse, je sais que nous serons capables d'atteindre ces 8 %.
Pour autant, l'État doit prendre ses responsabilités. Je me suis retrouvé devant une impasse budgétaire de 853 millions d'euros. Si j'avais pris une décision purement budgétaire, qu'aurais-je dû faire ? J'aurais tout simplement dû suspendre le financement de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), de l'assurance récolte et des aides à l'agriculture bio, car je n'avais plus les crédits nécessaires. Pourtant, j'ai choisi de faire un prélèvement de 4,2 % sur les crédits du premier pilier de la politique agricole commune (PAC) vers le deuxième pilier. Ce sont donc les agriculteurs qui dépendent des aides à l'hectare et du « Pilier 1 » qui ne sont pas contents. Ils me l'ont fait savoir, à raison, estimant qu'on a ponctionné leurs aides pour financer le deuxième pilier. Mais je n'avais pas d'autre choix que de le faire si je voulais assurer le financement de l'ICHN – et donc soutenir les zones en difficulté et les élevages de montagne notamment –, de l'assurance récolte, sur laquelle nous travaillons, puis de l'agriculture bio, et notamment de la conversion.
En effet, c'est sur la conversion que l'État doit être présent. Nous sommes parallèlement en cours de discussion avec les régions sur l'aide au maintien et la manière dont nous allons répartir ce surplus. Les régions ont ensuite le choix de financer – ou pas – l'aide au maintien. Certaines ont déjà pris leur décision ; plusieurs d'entre elles ont décidé de plafonner les aides, d'autres pas. C'est la liberté d'administration des collectivités territoriales : elles feront ce qu'elles voudront de cet argent.
Je voudrais rajouter que nous avons obtenu la prolongation en 2018 du crédit d'impôt qui devait s'arrêter au 31 décembre 2017. Ce crédit d'impôt ne représente certes pas une subvention, mais c'est de l'argent que les producteurs ne dépensent pas, ce qui leur redonne du pouvoir d'achat et de la compétitivité. Et cela peut représenter des sommes importantes.
Vous le voyez, sur l'agriculture bio, l'État ne renonce à aucun de ses engagements. Sur la période 2014-2020, les aides publiques nationales pour les agriculteurs bio sont trois fois plus importantes que sur la période 2006-2013 ; elles représentent 85 millions d'euros. On ne peut donc pas dire que nous n'aidons plus l'agriculture biologique : au contraire, nous investissons des sommes non négligeables ; le crédit d'impôt passera dans la loi de finances rectificative ; nous préservons l'aide au maintien. Autant de moyens qui permettront de répondre aux objectifs assignés par le Président de la République.
Les choses sont claires, cela fait cinq ou six fois que je le dis. Mais certains s'obstinent à soutenir que ce n'est pas vrai. Je vais employer la pédagogie du clou : il faut taper dessus pour que cela entre !
Effectivement, et je préfère cela… Nous soutenons l'agriculture biologique. Mais je ne souhaite pas opposer les modèles les uns aux autres.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 16 h 30
Présents. – M. Damien Adam, M. Patrice Anato, M. Thierry Benoit, Mme Anne Blanc, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Jean-Claude Bouchet, M. Sébastien Cazenove, M. Anthony Cellier, M. Paul Christophe, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Christelle Dubos, M. José Evrard, M. Daniel Fasquelle, M. Philippe Huppé, M. Sébastien Jumel, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Laure de La Raudière, Mme Marie Lebec, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Serge Letchimy, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Richard Ramos, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Bénédicte Taurine, M. Nicolas Turquois, M. André Villiers
Excusé. – M. Dominique Potier
Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Claude Leclabart, M. Didier Le Gac, M. Paul Molac