Vous avez soulevé des sujets importants que j'ai déjà abordés dans mon propos liminaire et que je veux préciser.
Monsieur Éric Bothorel, vous avez fait allusion à Boulogne et à Cherbourg ; mais j'étais il y a peu à Quimper et je sais l'attachement des Bretons et de la Bretagne aux activités maritimes et à la mer en général. Vous êtes élu d'un territoire que je connais bien, où la pêche côtière et artisanale est fortement présente, comme sur les côtes normandes ; je sais quelles difficultés traversent les pêcheurs, notamment sur les conflits d'usage. L'hydrolien ne pose pas encore de gros problèmes : nous en sommes toujours à l'installation de fermes pilotes dans le raz Blanchard. Pour ce qui est de l'éolien, plusieurs projets sont en train de se constituer en baie de Seine, en baie de Saint-Brieuc et devant Le Tréport. Certains ont réussi à émerger grâce à la concertation. Mais c'est seulement lorsque la concertation a réussi, lorsque les pêcheurs et celles et ceux qui défendent les projets éoliens offshore ont « topé » que le projet a pu se concrétiser. Je suis, pour ma part, partisan de la plus large et fructueuse concertation possible.
Cela étant, et je tenais déjà ce discours lors j'étais vice-président de la région Basse-Normandie chargé de la pêche et il n'y a aucune raison que j'en change aujourd'hui au motif que je suis membre du Gouvernement, je suis soucieux de l'espace maritime laissé aux pêcheurs. La réduction des zones de pêche, du fait des conflits d'usage, de la multiplication des zones d'extraction de sable ou de granulats, ou de celles qui sont sanctuarisées pour diverses raisons, des projets d'éoliennes ou d'hydroliennes, peut poser de graves difficultés à nos pêcheurs, d'autant qu'ils travaillent dans un cadre concurrentiel plutôt ardu. Ainsi, l'ouverture de la pêche à la coquille Saint-Jacques qui va entraîner de sérieux conflits : les armements anglais, belges et hollandais vont commencer à pêcher avant les armements français ; du coup, lorsque les Français arriveront sur des zones de pêche, il risque de ne plus rester grand-chose. Pourtant, je veux saluer le travail réalisé par les pêcheurs en matière de gestion de la ressource, notamment sur la coquille Saint-Jacques, votre « or blanc ». La filière de la coquille Saint-Jacques française se porte plutôt bien, avec des labels rouges et des produits transformés ; mais cela a parfois exigé de financer des ensemencements de coquilles Saint-Jacques dans certaines zones pour préserver et mieux gérer la ressource. Et cela a donné des résultats ; il faut donc continuer à travailler dans ce sens.
J'en viens à la question posée par M. Daniel Fasquelle sur notre flotte de pêche. Nous devons, je l'ai dit, accompagner les flottilles artisanales pour leur permettre de pêcher en toute sécurité. Lundi dernier, à Bruxelles, j'ai de nouveau interrogé M. Karmenu Vela, commissaire européen à l'environnement, aux affaires maritimes et à la pêche, sur les conditions dans lesquelles la Commission européenne pourrait redonner aux pouvoirs publics l'autorisation de financer le renouvellement de la flotte. À ce jour, l'Union européenne refuse systématiquement tout accroissement du nombre de bateaux, au motif qu'il faut respecter le principe de la préservation du rendement maximal durable (RMD) et ne pas compromettre la gestion de la ressource. Pour ma part, je soutiens que pêcher avec des bateaux plus modernes ne signifie pas forcément pêcher davantage, mais s'engager dans une pêche plus sélective, plus durable, avec des bateaux moins énergivores consommant moins de gazole. Et quand bien même le gazole est moins cher en ce moment et la demande soutenue, il faut préparer l'avenir.
Des régions comme la Bretagne ont mis en place des cadres de financement qui se heurtent aux interdits communautaires. Je discute actuellement avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères des mécanismes qui pourraient permettre aux pêcheurs d'accéder aux capitaux privés pour acheter des bateaux neufs afin de mieux travailler et de faire reculer le nombre d'accidents en mer. Le président du comité régional des pêches de Bretagne m'a récemment indiqué que, dans sa région, seize personnes étaient mortes en travaillant en mer en 2016. Pendant ce temps, la région normande déplorait onze morts. C'est beaucoup trop !
Il nous faudra du temps pour négocier et résoudre ce problème. Il est indispensable d'aller discuter à Bruxelles, et nous avons besoin du soutien de tous. Lorsque j'étais parlementaire, je me suis rendu à plusieurs reprises à la direction générale des affaires maritimes et de la pêche (DG MARE) pour décrire la situation de la pêche française et expliquer qu'il était urgent de nous donner les moyens de mobiliser des capitaux pour moderniser notre flotte.
Vous avez raison, Monsieur le député, donner aux pêcheurs une perspective pluriannuelle en matière de quotas permet d'assurer la visibilité et la sécurité qui facilitent les investissements, que ce soit dans les ateliers de mareyage ou dans les outils de transformation. D'ici à la fin de l'année, le conseil des ministres européens de la pêche fixera les TAC et quotas, mais les plans de gestion en cours dépassent déjà le cadre annuel. Pour l'heure, l'essentiel est de maintenir l'activité et les emplois dans l'ensemble de la filière, et d'être capables de défendre les exigences de la pêche française. Et sur ce point, je suis plutôt favorable à la vision pluriannuelle que vous appelez de vos voeux.
J'en viens à la coquille Saint-Jacques en baie de Seine…