Je n'ai pas besoin de me cacher derrière mon petit doigt pour dire les choses. Une fois les règles posées, elles le sont définitivement.
Madame Monique Limon, nous n'entendons pas opposer les modèles agricoles les uns aux autres mais assurer la transition de ces modèles vers une agriculture plus vertueuse et moins dépendante des pesticides, tout à la fois innovante, compétitive, créatrice de richesse et capable de faire vivre dignement les producteurs du revenu de leur travail. Les agriculteurs, quand on les croise, n'ont d'autre ambition que de vivre de leur travail et non pas d'être dépendants des aides, même s'il importe de pouvoir les soutenir en cas de difficultés.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, dans la préparation du budget de mon ministère, préserver le budget de la PAC. D'abord parce qu'elle a une dimension symbolique : c'est la PAC qui a construit l'Union européenne ; mais aussi parce que c'est une politique totalement intégrée aujourd'hui et dont nous avons besoin. Partant de là, nous pourrions opposer les modèles les uns aux autres : nous aurions alors toutes les difficultés du monde à mettre les choses en place car nous nous heurterons toujours à des oppositions de toutes sortes. Ce n'est pas de cette manière-là que l'on redonne sa chance au pays. Il existe, je l'ai déjà dit, plusieurs modèles agricoles : l'agriculture biologique, les circuits courts, des circuits plus longs, la vente directe, la transformation dans les ateliers, directement chez les éleveurs, pour la viande ou le lait. Tout cela me convient très bien dès lors que ces modèles trouvent leur clientèle et permettent aux producteurs de vivre de leurs revenus. Et il y a aussi d'autres modèles d'agriculture, qui traitent les cultures de façon plus massive – je n'aime pas le mot « intensive », souvent très connoté alors que l'ambition reste de nourrir la planète –, ce qui ne les empêche pas de raisonner de la façon la plus vertueuse possible et d'apporter les meilleures réponses possibles aux enjeux environnementaux et de sécurité des agriculteurs.
Cela m'amène à revenir sur la question du glyphosate. Je répète ce que j'ai déjà dit : on nous a demandé un calendrier, nous allons donc y travailler avec les services du ministère de l'agriculture et ceux du ministère de la transition écologique et solidaire, pour ensuite trouver avec l'ensemble des acteurs qui participeront à cette réflexion les meilleures voies de progrès possible. Nous ferons en sorte de résoudre les problèmes techniques qui se posent en mobilisant la recherche et l'innovation, et de trouver rapidement des produits de substitution. Bien évidemment, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a remis au ministère de l'agriculture des avis sur le sujet. Mais cela ne saurait se traiter comme une question binaire où il suffit de répondre que l'on est pour ou contre ; il s'agit de savoir comment accompagner la mutation de nos différents modèles agricoles, comment, face au changement climatique, assurer la transition de ces modèles pour qu'ils soient toujours plus compétitifs et garants de la cohésion territoriale, capables de subvenir aux besoins des consommateurs et de garantir une alimentation saine, durable et de qualité. Et pour ce faire, il existe aussi des circuits d'agriculture dite « conventionnelle » qui produisent des aliments de qualité.
Notre souhait, dans le cadre des EGA, est donc de favoriser la montée en gamme des producteurs et de réfléchir à la restructuration des filières. L'idée est de favoriser la contractualisation au sein de ces filières et de faire en sorte que le triptyque producteurdistributeurtransformateur en sorte gagnant-gagnant. Dans ces négociations commerciales, chaque maillon de la chaîne a sa propre responsabilité : l'État n'est pas le seul responsable car nous ne sommes pas dans une économie administrée où l'on pourrait fixer le prix du beurre, du lait ou du kilo de porc. Le marché est là. Nous sommes dans une économie libre et non faussée, paraît-il ; je ne dis pas que ce soit forcément le meilleur modèle – en tout cas, ce n'est pas celui que je choisirais d'instinct – mais il nous est imposé et c'est dans le cadre de ce système qu'il nous faut avancer. Dans le cadre des prochaines négociations commerciales qui vont s'ouvrir, il faut que l'esprit des EGA perdure ; il s'agit de concilier le respect des règles, de permettre l'intensification des nouvelles techniques agricoles tout en préservant l'ensemble de nos modèles.
Vous m'avez posé une question précise sur le budget de la PAC, Monsieur André Villiers. Il s'élève à 55 milliards d'euros par an, dont 9 milliards pour la France qui ont un effet levier important sur le territoire. Dans le cadre de la préparation de la prochaine PAC, j'ai donc souhaité préserver notre budget national pour avoir une PAC forte et ambitieuse mais qui apporte des filets de sécurité à nos producteurs. Dans le même temps, je sais bien que le Brexit fera perdre 10 milliards d'euros au budget européen. Il va aussi falloir se poser la question de savoir ce que l'on fait de la PAC dans le cadre du changement climatique et de la transition des différents systèmes agricoles tout en faisant en sorte de rester à la sortie au niveau des 9 ou 10 milliards d'euros actuels… C'est tout l'enjeu de la négociation qui s'engage sur le Brexit.
Pour ce qui est des SNA – bâtiments, routes, etc. – qui sont déduites des surfaces éligibles aux aides de la PAC, les services instruisent en ce moment les dossiers, car c'est un préalable indispensable au paiement des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) de 2015. Je reconnais que les agriculteurs attendent depuis deux ans, mais le traitement est en cours et le calendrier dont j'ai parlé tout à l'heure sera tenu. Les difficultés de calendrier tiennent à des raisons non pas budgétaires mais purement techniques : vous vous en apercevrez si vous allez faire un tour dans vos DDT, comme je l'ai fait au mois de mai. C'est la raison pour laquelle nous faisons un effort budgétaire particulier pour renforcer l'effectif de vacataires des services de l'économie agricole, à hauteur de 650 équivalents temps plein (ETP) : nous en avons besoin pour traiter l'ensemble des dossiers en retard et ainsi tenir les engagements pris le 22 juin dernier.
Pour en revenir au glyphosate, je rappelle que le Premier ministre nous a demandé de tenir un calendrier. Aujourd'hui, il va falloir travailler et nous entendre. Il ne s'agit pas, là non plus, d'opposer les agriculteurs les uns aux autres. En tant que ministre de l'agriculture, je défends les agriculteurs – c'est bien normal. Mais je veux les défendre aussi de manière à assurer leur transition de la meilleure manière possible pour eux, sans que cela vienne briser leur compétitivité. Il nous faut nous donner du temps, tout en arrêtant des échéances suffisamment bornées pour faire en sorte que la recherche avance. Mais je ne saurai préjuger des résultats du travail que nous allons mener avec mon collègue.
Vous dites que vous êtes remonté contre les EGA, Monsieur Nicolas Turquois : eh bien, redescendez ! Vous êtes parlementaire. Vous n'avez pas de réponse sur votre territoire ? Appelez votre préfet !