Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous remercie d'avoir fait figurer dans le rapport ma contribution personnelle. Je vais tâcher d'être aussi brève que concise dans mes propos, et je ne reviendrai pas ce soir sur les observations que j'ai faites et que mes collègues pourront découvrir à la lecture du rapport.
Certaines des propositions me paraissent aller dans le bon sens. Je parle ainsi de l'effort de pédagogie pour renforcer chez nos concitoyens la culture du risque, d'une meilleure implication des professionnels de l'immobilier dans leur devoir d'information, du renfort de l'implication du Parlement en amont de toute réforme du régime de catastrophe naturelle, ou, pour ce qui relève plus spécifiquement de Saint-Martin, des renforts de moyens humains, que ce soit du côté de l'État ou du côté de la collectivité...
Je me félicite même que certaines recommandations, pertinentes, soient d'ores et déjà appliquées à Saint-Martin : je pense par exemple à la publication d'un « guide des pratiques de construction », qui est ici proposée et qui est entré en vigueur le 1er juin dernier sur le territoire de la collectivité, ou encore à la proposition d'enfouissement des réseaux, actuellement en cours, notamment dans le village de Grand-Case.
D'autres propositions ciblant Saint-Martin me paraissent en revanche totalement hors de propos, par exemple cet audit « indépendant » de la fonction publique locale, voire hors champ du cadre même de cette mission d'information parlementaire : je pense ici à la conclusion du rapport qui soutient qu'élaborer pour Saint-Martin un code général des impôts de la même « épaisseur » que celui de Saint-Barthélemy viendrait régler d'un coup de baguette magique les problématiques fiscales que connaît la collectivité. Je rappelle, en outre, que la collectivité, qui a la compétence fiscale, est en train d'élaborer, avec l'aide du cabinet Fidal, une réforme complète de sa fiscalité. Je ne m'attarderai pas non plus sur les recommandations en matière d'urbanisme pour Saint-Martin : un PPRN verra le jour en 2019, au plus tard en 2020, la collectivité travaille à un document stratégique de type PLU et a déjà pris, en attendant, des décisions assurant la protection de la population, par exemple l'obligation de création d'une safe room à l'intérieur de toute nouvelle construction...
Néanmoins, sur ce sujet crucial de l'urbanisme, je tiens à rappeler quelques données essentielles : la compétence en la matière n'a été transférée à Saint-Martin – collectivité d'outre-mer depuis 2007 – qu'en 2012, et ce, il faut également le souligner, sans aucun dédommagement.
De plus, Saint-Martin est un territoire qui vit du tourisme. Or, interdire toute construction sur les rivages, comme le recommande le présent rapport, c'est purement et simplement couler l'industrie du tourisme. C'est rayer de la carte Saint-Martin comme destination touristique et ajouter, donc, une crise sociale et sociétale à une crise écologique et climatique. C'est donc dans une démarche de pragmatisme que je vous propose, comme l'entend d'ailleurs la collectivité, de limiter cette interdiction à l'habitat et non aux activités commerciales à vocation touristique. Je déplore de n'avoir pas été entendue sur ce sujet.
Je voudrais enfin rappeler certaines choses, qui semblent à la lecture du rapport, ne pas aller de soi. L'État assure localement le contrôle de légalité. La lutte contre l'immigration clandestine et son lot de constructions miséreuses et illégales, sur les littoraux notamment, est aussi une compétence régalienne, le recouvrement des taxes et impôts également... Donc, plus de contentieux, plus de forces de l'ordre, plus de procès-verbaux, plus de contrôles, comme le recommande le rapport, oui ! C'est d'ailleurs ce que souhaite la collectivité : un Etat fort, une collectivité d'outre-mer forte. Mais on ne construit pas sa maison en commençant par le toit : les fondations doivent être solides et elles sont loin de l'être à Saint-Martin.
Le rapport se félicite à chaque page de l'« implication constante de l'État à Saint-Martin », comme si la solidarité nationale n'allait pas de soi pour nos territoires ultramarins, et affirme se refuser à une approche simplificatrice qui viendrait pointer des responsabilités. C'est pourtant ce qui transparaît à sa lecture : les retards structurels de Saint-Martin sont rapidement abordés, mais quels remèdes sont proposés à ces maux ?
Ainsi, le rapport souligne, et je suis entièrement d'accord avec cette affirmation, que « les risques climatiques doivent être mieux appréhendés dans les politiques publiques » ; or, pour penser et piloter des politiques publiques, encore faut-il des données. Et, vous le savez, monsieur le rapporteur, puisque j'ai dû vous faire parvenir des chiffres et données actualisés sur Saint-Martin la semaine dernière, la collectivité est sortie des paramètres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) depuis le 1er janvier 2008 et se trouve donc, depuis plus de dix ans, dans un angle mort des politiques publiques, faute de statistiques. Pas de statistiques, pas de politique publique. Pas de fondations, pas de toit ! L'équation est douloureusement simplissime.
Je n'ai rien lu non plus sur la nécessité de donner du sens à la coopération entre Saint-Martin et Sint Maarten : les rapports entre les deux parties de l'île ne sont envisagés que sous l'angle de la concurrence déloyale ou de l'évasion fiscale, alors qu'à mon sens, et pour nombre de Saint-Martinois, la coopération est l'une des clés majeures du développement de l'île, et ce d'autant plus que nos enjeux, tant en termes économiques ou sociaux qu'écologiques ou énergétiques, sont nécessairement partagés.
Le rapport parle de « résilience » et de « culture du risque », rappelle qu'un tiers des actifs de Saint-Martin sont au chômage, et plus encore parmi nos jeunes ; il aurait été ambitieux de proposer une diversification de l'économie de l'île, en développant à Saint-Martin le secteur d'avenir de la recherche sur les matériaux anticycloniques et parasismiques, et de viser ainsi l'excellence environnementale et énergétique.
Mais parler d'ambition, c'est aussi parler d'argent. Et je regrette que votre rapport souligne le fait, je cite, que « la question du financement n'est pas un problème » à Saint-Martin. Au contraire, la question est majeure. « Reconstruire n'est pas recommencer » : ce n'est pas de moi, monsieur le rapporteur, c'est l'un de vos sous-titres. Reconstruire le Saint-Martin de demain, qui garantisse la protection des populations et la reprise du développement économique, requiert des investissements massifs. Faire de Saint-Martin un modèle de résilience et d'adaptation au changement climatique a un prix.
Telles sont quelques-unes des raisons, mes chers collègues, pour lesquelles je ne peux légitimement pas émettre un vote favorable sur le rapport de notre mission d'information parlementaire. Croyez bien que je le regrette.