La réunion débute à dix-sept heures cinq.
Monsieur le rapporteur, chers collègues, que je remercie d'avoir été nombreux à participer activement à nos travaux, madame la présidente de la commission durable, que je remercie de nous honorer de sa présence, le rapport sur la publication duquel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui a déjà fait l'objet d'une présentation et d'une synthèse au cours de notre séance du 24 octobre, lors de laquelle j'ai demandé de différer le vote, afin que le rapporteur puisse intégrer divers apports et contributions de nos collègues, qui figureront en annexe.
Si j'adhère personnellement à un grand nombre de préconisations, notamment ce qui concerne le nécessaire développement de la culture du risque, l'amélioration des alertes, le passage obligatoire devant le Parlement pour toute modification du régime de catastrophe naturelle, la nécessité de prévoir une réglementation adaptée en matière de recul du trait de côte, j'aurais souhaité que le rapport prenne davantage en compte les spécificités des territoires d'outremer, à commencer par Saint-Martin où la situation a été traumatisante et demeure difficile.
Je regrette que le présent rapport semble parfois être à charge vis-à-vis de cette jeune collectivité, de ses gestionnaires actuels, voire, plus généralement, des populations ou les élus ultramarins, en ne donnant qu'une vision partielle des choses, sans préciser que les responsabilités sont largement partagées avec l'État, ce dernier s'étant trop souvent ou trop longtemps défaussé sur les structures locales et n'ayant pas accompagné le transfert de compétences – celle de l'urbanisme n'a été transférée à Saint-Martin qu'en 2012 – des moyens correspondants. L'ouragan Irma a sans doute agi comme révélateur de certaines carences, mais celles-ci doivent être replacées dans le contexte particulier d'une collectivité récemment créée et faiblement accompagnée jusqu'à ces événements climatiques dévastateurs et inattendus.
Des marges de progression existent à l'évidence, notamment en ce qui concerne les moyens de prévention, de surveillance et d'alerte relevant, matériellement ou budgétairement, de l'État. Ces critiques rejoignent d'ailleurs les préconisations du rapport.
Enfin, nous n'avons pas eu le temps de creuser suffisamment la question de la reconstruction. Il nous faudra poursuivre et porter une attention soutenue aux techniques innovantes les plus appropriées au milieu insulaire, compte tenu de ses problématiques foncières et environnementales particulières. Cette étude pourrait être menée en partenariat avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, la délégation aux outre-mer, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), ainsi qu'avec les groupes d'études qu'animent nos collègues Sandrine Josso, Sophie Panonacle et Lionel Causse.
Ma fonction, en tant que présidente, a été de conduire les travaux et de mettre aux voix la publication du rapport. Elle ne s'étend donc pas à l'approbation de la totalité de son contenu, et en particulier des propositions relatives aux outremers et à la reconstruction de Saint-Martin.
Pour ouvrir le débat, à l'issue duquel nous voterons sur la publication du rapport, je donne la parole à notre rapporteur.
J'ai été heureux de rapporter au nom de la mission créée par la Conférence des présidents cet important travail, et je veux en préambule vous remercier, madame la présidente, de votre constante attention. Au cours de notre réunion du 24 octobre, vous avez cependant différé la mise aux voix de la publication, pour laisser à chacun le soin éventuel de contribuer personnellement au rapport, ce qui a été fait. Si le rapporteur assume, ainsi qu'il est normal, son contenu, j'ai largement pris en compte les observations et modifié plusieurs points. Comme chacun, je partage l'intention de ne pas désigner des coupables ni des responsables. Comme chacun, je souhaite que cesse la fragilisation des côtes et que le recul du trait de côte fasse enfin l'objet d'une réglementation. Comme chacun, je constate la dégradation du climat et les conséquences amplifiées des catastrophes.
Face à la violence d'un cyclone, à la marge d'indétermination de sa puissance, les réponses humaines semblent toujours dérisoires. Pour autant, la nécessaire faiblesse de cette conclusion ne saurait empêcher que l'évaluation parlementaire menée au sein de cette mission d'information débouche sur des suggestions concrètes.
Une fois le constat fait d'une insuffisance prise de conscience du risque en amont, une fois l'amplification des phénomènes intégrée comme une évidence – à Madagascar, avec 300 000 sinistrés ; à la Dominique, à Porto Rico en septembre 2017, avec près de 5 000 victimes ; en Caroline du Nord en septembre 2018 – ; une fois analysées la phase des premiers secours et les chaînes de commandement, l'attention se porte naturellement sur les lenteurs de la reconstruction à Saint-Martin. Il ne s'agit pas, je le redis, de pointer quiconque du doigt mais de proposer des pistes d'amélioration. Tel est l'enjeu de l'évaluation parlementaire. Si l'objet même de la mission était doublement limité, géographiquement aux seuls risques littoraux, ponctuellement aux seuls évènements climatiques majeurs et non aux changements climatiques à long terme ou à d'autres enjeux liés au développement durable, ses conclusions ne se cantonnent pas à un seul secteur, mais cherchent bien à appréhender toutes les incidences de ces évènements – cyclones, tempêtes ou submersions – dans leurs diversités, humaines, économiques et juridiques, en métropole comme outre-mer.
Pour ce faire, la mission a adopté successivement trois approches : scientifique, à la fois dans les aspects climatiques et démographiques – la concentration de près de 9 millions de nos concitoyens sur les zones littorales fragilisées accroissant évidemment les risques ; évaluative s'agissant de la prévention, de l'information des populations, des alertes et de la gestion de crise ; prospective en ce qui concerne les conditions de la reconstruction, mais aussi sur la manière d'appréhender au mieux, à l'avenir, les risques.
La mission a appliqué ces approches aux diverses problématiques qu'elle a rencontrées : la phase d'anticipation du risque et plus précisément celle de l'alerte ; la gestion in situ des cyclones et des phénomènes climatiques ; enfin, toutes les questions liées à la reconstruction.
Nous avons naturellement pris en compte la grande complexité du réel, liée à la partition de l'île, à l'ampleur des dégâts provoqués par cet ouragan d'une violence sans précédent à Saint-Martin, avec des rafales dépassant les 400 kilomètres par heure alors que le seuil de résistance du béton est de 250 kilomètres par heure, provoquant plus de 25 000 sinistres, dont une part importante, qui plus est, concerne des biens non indemnisés, dont au moins 750 habitations.
J'assume donc totalement les propositions de ce rapport et souhaite insister sur trois sujets.
La première nécessité est l'amélioration de la culture du risque : créer un système d'« alerte cyclone » à l'instar du système « alerte enlèvements », qui serait déclenché par le préfet et diffusé non seulement par les médias de la zone mais également par les opérateurs de téléphonie mobile ou les sites internet partenaires ; former les populations par des exercices cycloniques outre-mer et dans l'hexagone ; obliger les professionnels de l'immobilier à informer leurs clients ; étendre l'édiction des plans de protection des risques naturels (PPRN) ; adapter les documents d'urbanisme ; lutter contre l'information disséminée et les fausses nouvelles ; enfin, s'intéresser au recul du trait de côte en adoptant une législation adaptée. La préparation des populations doit être assurée sur le long terme.
La seconde nécessité a trait aux aspects juridiques : il faut, en matière environnementale, une programmation à moyen terme, globale et cohérente. L'action par à-coups ou par réponse immédiate aux catastrophes est insuffisante. Une vraie planification fait défaut : la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ne saurait en tenir lieu. Il faut un débat et un vote parlementaire sur les orientations environnementales à moyen terme pour éviter les à-coups, politiquement lourds à assumer, qui démobilisent les acteurs, freinent les investisseurs et révoltent les contribuables. Les effets d'annonce sont en eux-mêmes dommageables. Je plaide donc pour des lois quinquennales de transition énergétique, régulièrement soumises au vote parlementaire, qui assurent une planification et fixent des objectifs. Je propose aussi qu'un débat parlementaire ait lieu après les grands évènements climatiques, comme cela se passe en matière d'opérations militaires.
Enfin, si elle est perfectible, l'organisation immédiate des secours appelle un jugement positif. Le rapport détaille les chaînes de commandement, et s'il suggère des améliorations ponctuelles, des moyens renforcés, votre rapporteur a trouvé, en général, des personnes particulièrement impliquées mobilisées, attentives aux retours d'expérience. Peut-être faut-il améliorer la synergie entre les commandements militaires et les préfectures. Sans doute convient-il de désigner un interlocuteur unique des médias pour ne pas encombrer physiquement météo France, dont les moyens budgétaires, comme ceux du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), doivent faire l'objet de toute notre attention. Assurément est-il nécessaire de mieux sécuriser les zones touchées par un cyclone. Après réflexion, je suggère que les préfets puissent soit faire évacuer les populations en cas de nécessité, soit mieux assurer leur confinement. Xynthia, comme les inondations récentes, a démontré que des accidents auraient pu être évités si les victimes avaient suivi les indications, ce qu'elles auraient été obligées de faire si celles-ci avaient été plus impératives. Sans doute aussi les pillages auxquels on a assisté à Saint-Martin auraient-ils pu être sinon évités, du moins limités, si l'on avait pu anticiper ce phénomène, qui a ajouté à l'inquiétude des populations.
Les normes de construction et les implantations urbaines, dans les outre-mer comme dans les zones littorales de l'hexagone, doivent être pensées en fonction de la probabilité d'évènements climatiques violents. Nous ne pouvons-nous en remettre à une croyance en la technique salvatrice, qui prévoirait tout, sécuriserait tout, mais à agir dans un monde incertain en fonction de l'aléa. Le rapport fait plusieurs suggestions, y compris pratiques, mais la question de l'élimination des déchets est cruciale, et il faut ici souligner la bonne organisation à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui hélas ne suffit pas à résoudre l'ampleur des quantités à éliminer.
Il faut désormais reconstruire, ce qui passe sans doute par une adaptation des structures administratives, des systèmes d'assurance, des normes, par la mise en place d'un plan local d'urbanisme (PLU). Ces remarques s'appliquent aussi bien à la métropole – j'ai vu en Méditerranée des implantations sur le domaine public, en baie de Somme des constructions qui fatalement doivent être abandonnées du fait de l'évolution du trait de côte, des habitations en zone inondable, problème que la révision, par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), de la notion de construction en discontinuité devrait contribuer à résoudre etc. – qu'aux outre-mer.
Si les victimes sont souvent traumatisées, ou ressentent les manques immédiats que provoquent les évènements, il n'est pas aisé pour autant de conclure de ces constats où se situent les insuffisances de la prévention et de dégager les moyens d'y remédier. Si l'on ne peut, par exemple, que regretter que la reconstruction de Saint-Martin n'avance pas plus rapidement, on doit constater que cette situation est due à de multiples causes.
Il ne s'agit pas de mettre en cause des responsabilités ; au demeurant, la mission a rencontré beaucoup plus d'acteurs mobilisés et impliqués, y compris personnellement, que de carences ou de découragements. Il s'agit d'analyser dans tous les secteurs, des secours d'urgence au droit de l'urbanisme, ce qui, face à des évènements violents et incontournables, permettra d'améliorer la gestion des situations. Font encore défaut une véritable culture du risque, un cadre juridique adapté aux ouvrages de protection, une adéquation de règles d'urbanisme aux évènements et une meilleure programmation, à long terme, des risques climatiques.
Paul Valéry a écrit « Le vent se lève… » mais pour ajouter aussitôt après : « Il faut tenter de vivre ! ». C'est bien au défi d'un aléa aux effets de plus en plus dévastateurs lorsqu'il se produit qu'il faut en permanence se préparer. Nos concitoyens, qui ne voient souvent dans le littoral qu'un espace de liberté, de loisirs, de bien-être ou parfois de luxe, doivent aussi savoir que la fragilisation des côtes amplifie les conséquences des évènements climatiques. On ne peut empêcher les évènements, leur intensité est de plus en plus violente, mais on peut mieux ajuster les politiques publiques et la prévention. Le rapport se termine par une photo qui résume ce paradoxe en Loire-Atlantique. La digue – et j'incite à un travail parlementaire sur le thème des ouvrages de protection tant la réglementation est inadaptée, comme l'a révélé par ailleurs l'affaire de l'immeuble Le Signal à Soulac-sur-mer – est consacrée à la « Loire à vélo », donc au tourisme, mais elle ne protège pas, comme l'a montré Xynthia, contre le risque de submersion de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) situé en contrebas ! La protection paraît souvent secondaire, sauf lorsqu'elle ne remplit pas son rôle suite à une catastrophe.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous remercie d'avoir fait figurer dans le rapport ma contribution personnelle. Je vais tâcher d'être aussi brève que concise dans mes propos, et je ne reviendrai pas ce soir sur les observations que j'ai faites et que mes collègues pourront découvrir à la lecture du rapport.
Certaines des propositions me paraissent aller dans le bon sens. Je parle ainsi de l'effort de pédagogie pour renforcer chez nos concitoyens la culture du risque, d'une meilleure implication des professionnels de l'immobilier dans leur devoir d'information, du renfort de l'implication du Parlement en amont de toute réforme du régime de catastrophe naturelle, ou, pour ce qui relève plus spécifiquement de Saint-Martin, des renforts de moyens humains, que ce soit du côté de l'État ou du côté de la collectivité...
Je me félicite même que certaines recommandations, pertinentes, soient d'ores et déjà appliquées à Saint-Martin : je pense par exemple à la publication d'un « guide des pratiques de construction », qui est ici proposée et qui est entré en vigueur le 1er juin dernier sur le territoire de la collectivité, ou encore à la proposition d'enfouissement des réseaux, actuellement en cours, notamment dans le village de Grand-Case.
D'autres propositions ciblant Saint-Martin me paraissent en revanche totalement hors de propos, par exemple cet audit « indépendant » de la fonction publique locale, voire hors champ du cadre même de cette mission d'information parlementaire : je pense ici à la conclusion du rapport qui soutient qu'élaborer pour Saint-Martin un code général des impôts de la même « épaisseur » que celui de Saint-Barthélemy viendrait régler d'un coup de baguette magique les problématiques fiscales que connaît la collectivité. Je rappelle, en outre, que la collectivité, qui a la compétence fiscale, est en train d'élaborer, avec l'aide du cabinet Fidal, une réforme complète de sa fiscalité. Je ne m'attarderai pas non plus sur les recommandations en matière d'urbanisme pour Saint-Martin : un PPRN verra le jour en 2019, au plus tard en 2020, la collectivité travaille à un document stratégique de type PLU et a déjà pris, en attendant, des décisions assurant la protection de la population, par exemple l'obligation de création d'une safe room à l'intérieur de toute nouvelle construction...
Néanmoins, sur ce sujet crucial de l'urbanisme, je tiens à rappeler quelques données essentielles : la compétence en la matière n'a été transférée à Saint-Martin – collectivité d'outre-mer depuis 2007 – qu'en 2012, et ce, il faut également le souligner, sans aucun dédommagement.
De plus, Saint-Martin est un territoire qui vit du tourisme. Or, interdire toute construction sur les rivages, comme le recommande le présent rapport, c'est purement et simplement couler l'industrie du tourisme. C'est rayer de la carte Saint-Martin comme destination touristique et ajouter, donc, une crise sociale et sociétale à une crise écologique et climatique. C'est donc dans une démarche de pragmatisme que je vous propose, comme l'entend d'ailleurs la collectivité, de limiter cette interdiction à l'habitat et non aux activités commerciales à vocation touristique. Je déplore de n'avoir pas été entendue sur ce sujet.
Je voudrais enfin rappeler certaines choses, qui semblent à la lecture du rapport, ne pas aller de soi. L'État assure localement le contrôle de légalité. La lutte contre l'immigration clandestine et son lot de constructions miséreuses et illégales, sur les littoraux notamment, est aussi une compétence régalienne, le recouvrement des taxes et impôts également... Donc, plus de contentieux, plus de forces de l'ordre, plus de procès-verbaux, plus de contrôles, comme le recommande le rapport, oui ! C'est d'ailleurs ce que souhaite la collectivité : un Etat fort, une collectivité d'outre-mer forte. Mais on ne construit pas sa maison en commençant par le toit : les fondations doivent être solides et elles sont loin de l'être à Saint-Martin.
Le rapport se félicite à chaque page de l'« implication constante de l'État à Saint-Martin », comme si la solidarité nationale n'allait pas de soi pour nos territoires ultramarins, et affirme se refuser à une approche simplificatrice qui viendrait pointer des responsabilités. C'est pourtant ce qui transparaît à sa lecture : les retards structurels de Saint-Martin sont rapidement abordés, mais quels remèdes sont proposés à ces maux ?
Ainsi, le rapport souligne, et je suis entièrement d'accord avec cette affirmation, que « les risques climatiques doivent être mieux appréhendés dans les politiques publiques » ; or, pour penser et piloter des politiques publiques, encore faut-il des données. Et, vous le savez, monsieur le rapporteur, puisque j'ai dû vous faire parvenir des chiffres et données actualisés sur Saint-Martin la semaine dernière, la collectivité est sortie des paramètres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) depuis le 1er janvier 2008 et se trouve donc, depuis plus de dix ans, dans un angle mort des politiques publiques, faute de statistiques. Pas de statistiques, pas de politique publique. Pas de fondations, pas de toit ! L'équation est douloureusement simplissime.
Je n'ai rien lu non plus sur la nécessité de donner du sens à la coopération entre Saint-Martin et Sint Maarten : les rapports entre les deux parties de l'île ne sont envisagés que sous l'angle de la concurrence déloyale ou de l'évasion fiscale, alors qu'à mon sens, et pour nombre de Saint-Martinois, la coopération est l'une des clés majeures du développement de l'île, et ce d'autant plus que nos enjeux, tant en termes économiques ou sociaux qu'écologiques ou énergétiques, sont nécessairement partagés.
Le rapport parle de « résilience » et de « culture du risque », rappelle qu'un tiers des actifs de Saint-Martin sont au chômage, et plus encore parmi nos jeunes ; il aurait été ambitieux de proposer une diversification de l'économie de l'île, en développant à Saint-Martin le secteur d'avenir de la recherche sur les matériaux anticycloniques et parasismiques, et de viser ainsi l'excellence environnementale et énergétique.
Mais parler d'ambition, c'est aussi parler d'argent. Et je regrette que votre rapport souligne le fait, je cite, que « la question du financement n'est pas un problème » à Saint-Martin. Au contraire, la question est majeure. « Reconstruire n'est pas recommencer » : ce n'est pas de moi, monsieur le rapporteur, c'est l'un de vos sous-titres. Reconstruire le Saint-Martin de demain, qui garantisse la protection des populations et la reprise du développement économique, requiert des investissements massifs. Faire de Saint-Martin un modèle de résilience et d'adaptation au changement climatique a un prix.
Telles sont quelques-unes des raisons, mes chers collègues, pour lesquelles je ne peux légitimement pas émettre un vote favorable sur le rapport de notre mission d'information parlementaire. Croyez bien que je le regrette.
Je ne reprendrai pas chacun des points qui viennent d'être évoqués. En matière d'urbanisme, par exemple, nous recommandons l'interdiction de nouvelles constructions individuelles en bord de mer, les hôtels ne sont donc pas concernés – vous dénoncez la proposition, tout en faisant la même. Je préconise aussi l'adoption de plans locaux d'urbanisme et le renforcement non seulement des services instructeurs des collectivités mais aussi de ceux de l'État, notamment en matière de contrôle de légalité. De fait, très peu de constructions respectent les règles habituellement applicables aux permis de construire. Nous ne faisons qu'en dresser l'incontournable constat. Encore une fois, il s'agit de relever les domaines dans lesquels des ajustements ou des modifications semblent nécessaires en prenant en compte toute la complexité de certaines situations locales.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, je tiens tout d'abord à vous féliciter pour le travail considérable que vous avez accompli. Il aboutit à de nombreuses propositions très intéressantes sur des sujets essentiels. Je pense en particulier à la culture du risque, aux précautions que, dans le cadre des politiques publiques, nous devons prendre à court, moyen et long terme face aux risques climatiques et à la nécessaire adaptation aux spécificités des différents territoires. Nos travaux suscitent des débats, et c'est tout leur intérêt : ils nous permettront d'avancer.
J'entends votre frustration, madame la présidente, et je vais étudier la manière dont votre réflexion peut se poursuivre au sein de la commission du développement durable. Je me souviens d'une conversation lors de laquelle vous aviez évoqué les modes de construction traditionnels en Polynésie, notamment l'habitat sur pilotis. Si nous devons innover dans ce domaine, peut-être devons-nous également nous inspirer de nos ancêtres, qui avaient l'humilité de considérer que nous ne sommes qu'une partie de la nature et que, si nous n'y sommes pas attentifs, celle-ci se venge – on a vu, ces derniers temps, combien sa vengeance pouvait être terrible.
Les travaux sont enthousiasmants et, encore une fois, s'ils suscitent le débat, c'est très positif. Je suis donc heureuse d'être présente parmi vous pour soutenir la publication du rapport.
Il est vrai que nous avons beaucoup réfléchi à la culture du risque. Quant à la question des constructions traditionnelles, elle est évoquée dans le rapport, car on s'est aperçu, après le passage d'Irma aux Antilles, que ces constructions avaient mieux résisté que d'autres. Il faut comprendre que nos territoires sont des territoires d'innovation, dont la force réside aussi dans le lien qu'ils ont conservé avec leurs traditions et leur patrimoine, notamment dans ce domaine. La société polynésienne s'est réapproprié ces traditions après les onze cyclones dévastateurs qu'elle a connus en deux ans – 1982 et 1983 – et qui l'ont profondément transformée en lui inculquant la culture du risque.
C'est pourquoi il doit y avoir un « après Irma », comme il y a eu un « après Xynthia ». Il faut réagir à cet événement de manière à en faire, demain, une force, en améliorant les politiques publiques et en s'inspirant des techniques de construction traditionnelles. Sachez, du reste, que les territoires d'outre-mer sont très en avance dans ces domaines. Je pense notamment aux recherches menées à l'université de La Réunion.
Je tiens à vous féliciter à mon tour pour vos travaux ; le rapport est très intéressant. Puisque vous avez évoqué le cadre législatif, je rappelle que de nombreux députés travaillent, à mes côtés, à une proposition de loi relative au recul du trait de côte. Plusieurs préconisations contenues dans le rapport sont intéressantes à cet égard. Ainsi, vous avez raison d'indiquer que les ouvrages de défense sont insuffisants pour lutter contre le recul du trait de côte et d'insister sur le fait que les locataires et les propriétaires qui sont le plus proches des côtes doivent être informés par les professionnels du risque, voire du danger, auxquels ils sont exposés.
Par ailleurs, je comprends que la disponibilité du foncier pose problème dans les territoires insulaires, mais nous ne pourrons pas continuer à construire en première ligne, c'est-à-dire sur le littoral, comme on le fait depuis des années. La solution se trouve non seulement dans la relocalisation, mais aussi, peut-être, dans le choix de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques de construction. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, des constructions plus légères qui puissent être démontées lorsque le danger approche ? En tout état de cause, je suis ravie que nos travaux convergent.
Je veux, moi aussi, vous féliciter, pour votre constance et ce rapport, qui comporte de nombreuses propositions. Certes, il existe des angles morts, mais le travail n'est pas achevé ; d'autres parlementaires doivent le poursuivre en suivant d'autres axes. Il constitue, en effet, une excellente base de réflexion pour la commission du développement durable et devrait aboutir, grâce au concours des différents groupes de travail consacrés à ces sujets, à des projets intéressants. Merci à tous, pour cet excellent travail !
Pour ma part, j'insisterai sur deux points : la culture du risque, qui doit être développée à tous les échelons, et l'urbanisme. Ma circonscription, qui était auparavant touchée par les incendies, est désormais frappée par les inondations : le mois dernier, deux événements majeurs y ont fait des victimes. Après ces catastrophes, l'urbanisme est souvent mis en cause. Je ne citerai qu'un exemple. On estime, traditionnellement, qu'il faut attendre dix années avant de reconstruire sur un terrain touché par un incendie. Or, dans ma ville, on a reconstruit dans les trois à cinq années qui ont suivi. On a été laxiste, comme trop souvent en la matière. Il faudra donc être intransigeant et faire preuve de force de caractère. Je me félicite que ces questions aient été prises en compte dans nos travaux.
Je remercie Mme Guion-Firmin de nous avoir permis d'actualiser un certain nombre de données. Il faut poursuivre la réflexion sur les ouvrages de défense. Il s'agit, pour les collectivités, d'un véritable enjeu, tant en matière de responsabilité qu'en matière financière.
Enfin, je veux remercier les administrateurs ainsi que le service des comptes rendus.
Mes chers collègues, je vous remercie pour vos contributions respectives et votre participation aux auditions. Je remercie également les administrateurs qui ont contribué à nos travaux.
De cette mission d'information, je retiens que, si nous devons mener des politiques ambitieuses et courageuses, celles-ci doivent néanmoins rester réalistes et surtout, être acceptées par les populations. Grâce à nos travaux, nous apportons une pierre à l'édifice. J'espère qu'un grand nombre d'entre nous fera en sorte que nos préconisations aient des suites. Certaines mesures sont d'ordre législatif, mais d'autres peuvent être promues par chacun d'entre nous dans nos territoires.
Vous comprendrez qu'en tant qu'élue de l'outre-mer, j'aie une sensibilité particulière sur ces sujets. Par solidarité avec Saint-Martin et compte tenu du fait que nous n'avons pas pu, à mon sens, réellement aboutir, je m'abstiendrai lors du vote sur la publication du rapport. Toutefois, je m'associe aux autres grandes orientations qui y sont définies. J'espère poursuivre cette réflexion avec la commission du développement durable et les groupes de travail d'ores et déjà à l'oeuvre.
La mission d'information décide d'autoriser la publication du rapport.
La réunion s'achève à dix-sept heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 13 novembre 2018 à 17 heures
Présents. - M. Bertrand Bouyx, M. Lionel Causse, M. Christophe Euzet, Mme Claire Guion-Firmin, M. Yannick Haury, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Sophie Panonacle, Mme Barbara Pompili, Mme Maina Sage
Excusés. - M. Stéphane Buchou, M. Stéphane Claireaux