Intervention de Guillaume Gouffier-Cha

Séance en hémicycle du lundi 19 novembre 2018 à 16h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Gouffier-Cha, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Au coeur de notre société, il y a une inégalité structurelle contre laquelle il nous faut toutes et tous nous engager si nous voulons que la société de demain soit meilleure et plus juste. Cette inégalité est celle qui existe entre les femmes et les hommes. Je tiens à le dire ici de manière claire, en réponse aux mots que je peux entendre ou lire, ici et là – bien souvent d'ailleurs sur les réseaux sociaux – , qui nient ou minimisent cette réalité, voire la justifient et la défendent. Ces propos, nous devons les combattre.

La réalité de notre société, c'est que les femmes, à poste égal, gagnent en moyenne 25 % de moins que les hommes. La réalité, c'est que la séparation du couple accélère les inégalités et entraîne une perte de pouvoir d'achat de 20 % pour les femmes, contre 3 % pour les hommes – les conséquences s'en font par ailleurs grandement ressentir au moment de la retraite. La réalité, c'est que plus de 75 % des familles monoparentales ont des femmes à leur tête, qu'une famille monoparentale sur cinq est pauvre et que, dans 82 % des cas, il s'agit de femmes avec enfants, ce qui représente 1 million d'individus. La réalité, c'est que, dans notre pays, en 2018, plus de 280 000 femmes sont victimes chaque année de violences sexuelles et sexistes, et plus de 80 000 sont victimes d'un viol, seulement 1 % des viols étant condamnés, d'après les associations. Cet après-midi encore, Le Monde, se fondant sur des travaux effectués par la Fondation Jean-Jaurès, rappelait en outre que 86 % des Françaises sont concernées par le harcèlement de rue.

Cette réalité, celle de la société française de 2018, est insupportable. Nous ne la taisons plus et nous voulons tout mettre en oeuvre pour la changer. Derrières ces chiffres, ce sont des millions d'histoires de femmes, des vies et des expériences bien réelles. Si nous voulons mettre fin à ces inégalités, nous ne devons jamais le perdre de vue dans les projets de réformes que nous menons, tout particulièrement dans la réforme de notre système judiciaire.

C'est en ayant à l'esprit ces réalités que la délégation aux droits des femmes : plusieurs articles du texte concernent directement la question des inégalités entre les femmes et les hommes. Je tiens ici à saluer la qualité d'écoute et la mobilisation de la garde des sceaux, Mme Nicole Belloubet, sur ce sujet, ainsi que celles de mes collègues rapporteurs, Mme Laetitia Avia et M. Didier Paris.

Ce texte propose une réforme ambitieuse de modernisation de notre système judiciaire. Je m'en félicite. Nous allons notamment simplifier la vie de nos concitoyennes et concitoyens, en réduisant les délais des procédures. C'est ce que nous allons faire dans le domaine des affaires familiales avec la réduction du délai de la procédure de divorce, en confiant aux CAF une expérimentation sur la définition de l'évolution des montants des contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants, et en développant le recours à la médiation.

Je tiens à saluer ces nouvelles procédures tout en appelant votre attention sur le fait que nous devrons tout de même rester particulièrement vigilants sur les inégalités économiques entre les femmes et les hommes au sein du couple ainsi que sur les violences conjugales et intrafamiliales. Nous devrions notamment pouvoir garantir la tenue dans un délai d'un mois de l'audience de fixation des mesures provisoires dans le cadre de divorces contentieux, exclure les cas de désaccords entre ex-conjoints de l'expérimentation menée avec la CAF et exclure tout recours à une procédure de médiation en cas de violences.

Par ailleurs, la réforme permettra de faciliter l'accès à la justice pour les femmes victimes de violences sexuelles grâce à la possibilité de dépôt de plainte en ligne. Nous allons créer de moyens supplémentaires pour lutter contre le phénomène de correctionnalisation des viols en les sanctionnant pour ce qu'ils sont : des crimes. Tel est l'objectif de l'expérimentation de la cour criminelle départementale, qui s'inspire directement des procédures en matière terroriste, et qui devrait être saisie de plus de 60 % des affaires sexuelles.

Parallèlement à la mise en place de ces nouveaux outils, nous devrons poursuivre nos efforts pour améliorer les conditions d'accueil physique des femmes victimes de violences et accélérer la formation de l'ensemble des personnels judiciaires sur les questions de violences sexuelles et sexistes.

Mes chers collègues, derrière les procédures juridiques que nous nous apprêtons à réformer après en avoir débattu, se trouvent des situations bien réelles. Nos décisions auront des conséquences importantes sur la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Nous allons simplifier notre justice, faciliter son accès et rendre plus compréhensibles ses décisions. Cela va dans le bon sens. Mais, dans nos débats, ne perdons à aucun moment de vue l'inégalité structurelle de notre pays qui est la grande cause du quinquennat. C'est une condition sine qua non si nous voulons mettre fin aux inégalités entre les femmes et les hommes dans notre société.

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