Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du lundi 19 novembre 2018 à 16h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Ces phrases ont été prononcées par Rachida Dati en 2007, lors de l'examen à l'Assemblée nationale de la mission « Justice » du projet de loi de finances pour 2008.

Le titre du présent projet de loi organique fait référence, de façon bien mensongère, au « renforcement de l'organisation des juridictions ». Il forme, avec le projet de loi ordinaire de programmation et de réforme pour la justice, un ensemble cohérent, un bloc : vous le revendiquez, et nous vous en donnons acte. C'est à cet ensemble que les députés communistes s'opposent, respectueusement, mais catégoriquement, par cette motion de rejet préalable.

Nous dénonçons ce texte parce qu'il relève d'une logique bien connue, parce qu'il poursuit une histoire suffisamment ancienne pour que l'on puisse en dresser un bilan.

Nous dénonçons ce texte parce qu'il perpétue la situation de pénurie dans laquelle se trouve la justice française, particulièrement les services judiciaires. En effet, si l'augmentation des crédits de la justice est réelle, elle reste insuffisante ; vous reconnaissez vous-même, du reste, que les crédits supplémentaires seront largement absorbés par les prisons – ce qui est au demeurant légitime, compte tenu de la crise des établissements pénitentiaires.

La Commission européenne pour l'efficacité de la justice, la CEPEJ, a récemment publié un constat sans appel : la France consacre moins de 66 euros par an et par habitant à son système judiciaire, contre 122 euros par an et par habitant en Allemagne ; sur ces 66 euros, seuls 48 euros sont consacrés aux tribunaux.

La France compte aujourd'hui moins de juges qu'il y a deux ans : 10,4 contre 10,5 pour 100 000 habitants. Au cours de la même période, la moyenne européenne est passée de 20,9 à 21,5 pour 100 000 habitants. Nous avons deux fois moins de juges que la moyenne européenne !

L'austérité n'épargne pas les fonctions régaliennes de l'État. À l'échelle du territoire de la Seine-Maritime, dont je suis l'élu, le diagnostic parle de lui-même. En 2008, le gouvernement de droite a mené une réforme de la carte judiciaire qui a abouti à la suppression du tribunal d'instance de Neufchâtel-en-Bray et au regroupement des contentieux au tribunal d'instance de Dieppe. Avant cette réforme, la somme des contentieux représentait 1 500 dossiers par an. Après la réforme, les contentieux regroupés représentaient 1 200 dossiers. En clair, par un tour de passe-passe, par un tour de magie, 40 % des contentieux auparavant traités par le tribunal qui a été fermé ont disparu du champ du pouvoir judiciaire.

Il est possible d'en tirer un premier enseignement : tout regroupement des contentieux a pour conséquence mécanique une diminution de leur nombre. Cette diminution révèle que les plus fragiles de nos concitoyens renoncent de plus en plus à leurs droits. J'appelle toutefois votre attention sur le fait que le besoin de justice ne disparaît pas et ce que l'institution judiciaire ne traite plus risque de trouver des exutoires que le pouvoir d'État ne maîtrisera plus, car les citoyens justiciables auront le sentiment d'être abandonnés ou oubliés par la République.

C'est pourquoi notre groupe s'oppose aux fermetures de tribunaux de plein exercice qu'entraînera le regroupement des contentieux dits spécialisés. En dépit des propos rassurants que vous avez tenus ce soir encore, ces fermetures sont en effet larvées, voire programmées.

Parallèlement, en droit du travail, la rupture conventionnelle des contrats de travail a été instituée, sous le couvert de souplesse, de facilité, suivant le fameux refrain : « Libérée, délivrée… ».

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